animals we've become

D'abord un câlin, ensuite il lui avait servi d'épaule sur laquelle pleurer, puis les rôles s'étaient inversés... Dernièrement, il lui avait tapé sur la figure et maintenant, il se retrouvait sur un lit d'hôpital ! Pandora se frotta nerveusement les yeux. Ca faisait maintenant près d'une semaine qu'elle ne dormait quasiment plus la nuit. Comme Tyson était plongé dans un coma léger depuis son passage à tabac plutôt sérieux, la jeune femme avait récupéré Eileen chez elle et la petite avait tendance à faire des cauchemars toute la nuit. Elle passait donc la majeure partie de ses nuits debout, à rester au chevet de la petite jusqu'à être sûre qu'elle dorme bien. Quand ce n'était pas Dora, c'était Adélaïde. Sans compter qu'elle passait la majeure partie de ses journées à faire des allers-retours constants entre sa morgue et la chambre du mastodonte. Mine de rien, elle s'inquiétait beaucoup pour lui, et ce en dépit des coups qu'il avait pu porter sur elle...

Bref, notre Dora avait une tête de zombie pas très frais, avec son teint crayeux et ses cernes qui n'étaient plus violettes, mais d'un terrifiant noir d'encre. Sans compter ses yeux, injectés de sang à force de rester ouverts trop longtemps. N'importe quel patient qui passerait à ce moment là pourrait sans doute la prendre pour une malade. Un long bâillement lui échappa, et elle se traîna lamentablement à l'extérieur de la chambre pour aller se chercher un café. « Woah ! Resident Evil, Rosebury ! Ta Belle au Bois Dormant personnelle ne s'est toujours pas réveillée ? » La nécromancienne renvoya un regard particulièrement noir à l'interne qui venait de faire cette remarque pas très fine. « En parlant de Resident Evil, ça fait des jours que je n'ai pas mangé correctement et je meurs de faim, alors dégage avant que je te saute dessus pour te bouffer vivant, pigé ? » D'accord, pas plus fin non plus.

Elle n'avait pas mangé correctement depuis des jours... C'était vrai. Le midi, elle se contentait d'un sandwich ou d'une salade avalés à la va-vite. Le soir, elle faisait manger Eileen, et elle picorait vaguement dans les restes, à la façon d'un oiseau. Pas vraiment le meilleur rythme, hm ? Que les nutritionnistes aillent se faire foutre ! Elle avait perdu l'appétit, tout comme la petite qui se faisait énormément de souci pour son père, d'ailleurs. Nouveau bâillement sonore. Pandora se laissa lourdement tomber dans son fauteuil, son gobelet de café à la main. Et le moniteur cardiaque qui émettait toujours ces bips incessants... agaçants... incroyablement réguliers...

« ... dora... dora !... PANDORA ! » Cette dernière se réveilla en sursaut, bascula de sa chaise et se vianda royalement par terre en renversant les trois quarts de son café, froid heureusement, sur son pull noir. Un juron étouffé lui échappa et elle accepta avec plaisir la main du médecin qui venait examiner Tyson. « Merci, Janice... J'me suis endormie, je suis complètement crevée avec toute cette histoire... » Janice lui renvoya un sourire amusé derrière ses longues mèches blond cendré, avant de poser la main sur son épaule. « Il est réveillé. » Les yeux bleu glace de la jeune femme se portent directement sur le lit à sa droite et elle vint immédiatement s'allonger au bord du matelas, en s'emparant délicatement d'une des pattes d'ours du bodyguard. « Hé, Tyson... C'est Dora, tu te souviens ? » Elle eut un petit sourire piteux, le soulagement serrant déjà sa gorge, pendant qu'elle passait doucement le dos de sa main libre sur une de ses joues. « Comment tu te sens ? »

« Hé, Tyson... C'est Dora, tu te souviens ? » Avec une légère pression sur la main, la voix résonna dans le crâne du garde du corps. Dora... Pandora. Oui. C'était vrai. Ils ne s'étaient pourtant pas quittés sur des bons termes. Il se souvenait des coups donnés, puis de s'être réveillé dans son canapé. Et ils ne s'étaient pas parlés depuis. Étrange, d'ailleurs. Il fronça les sourcils. « Comment tu te sens ? » Il tourna doucement la tête pour observer la légiste. Un bruit agaçant lui irritait les oreilles, régulier, posé. Un bruit qu'il ne connaissait trop bien. Celui d'un moniteur cardiaque. Il inspira profondément, et sentit une douleur dans le bas de l'abdomen. Il fronça les sourcils. Il ne s'en souvenait pas, de cette douleur. Ni même de ce qu'il faisait là. N'était-ce pas un hôpital ? Qu'est-ce qu'il faisait là ? Il se racla la gorge, mais lorsqu'il sentit une main sur sa joue, il se souvint. Puis les flashs.

C'avait été violent. Il avait été dans une bagarre de rue, en rentrant du travail. Avec des adolescents. Ils avaient été trois, s'il se rappelait bien. Trois, c'était rien pour un mec de son gabarit. Des flashs... Des coups de poing. Et puis cette douleur à l'abdomen, et puis plus rien. Pendant combien de temps ? Il tenta de se rajuster sur le lit, mais la douleur le cloua contre le matelas. Il ne comprenait pas. La question de Pandora résonna. Comment se sentait-il ? Bonne question. Un peu ballotté, à vrai dire. Il se sentait faible. Puis, Eileen ! EILEEN ?! Il tenta de se relever complètement, en luttant contre la douleur. « Eileen ? Elle est où, Eileen? » Mais son abdomen le cloua au sol et il lança un coup d'oeil à son environnement. Qu'est-ce qu'il foutait dans une chambre d'hôpital ? Dieu, il était là depuis quand ?! Il passa une main au visage et sentit les cathéters plantés dans sa main.

« Il s'est passé quoi? » Il ne se souvenait plus trop. Des coups, certes. A trois contre un, d'habitude, il gérait... Mais cette fois ci, il y avait eu un facteur différent. Il tilta doucement lorsqu'il se rendit compte que l'un des trois – voire les trois – avait dû le poignarder. Mais comment ? Ils n'avaient rien dans les mains lorsqu'ils lui étaient tombés dessus ! Bande d'ignares, à traiter les vampires de monstres et à demander à les envoyer chier. Lorsque les trois mecs avaient accosté Tyson en le reconnaissant comme le chien de garde d'Eric et qu'ils s'étaient mis à le provoquer, il n'avait pas réellement su se maîtriser – la mauvaise journée, entre autres, avait été un facteur clé.

Tyson referma les yeux. Il avait mal un peu partout. Et il voyait double d'un œil, il avait dû prendre un coup de poing dans l’œil aussi. Ces idiots de jeunes. Ils se pensent capables de tout, ils se croient capables de tout. Et le voilà maintenant ici. Il lança un coup d’œil à Pandora, avant de porter une main à la mâchoire. Il ouvrit la bouche puis la referma, sentant la douleur du bleu. « Ca fait combien de temps que je suis là ? 1, 2 jours? » Pas plus. Nah, ça ne pouvait pas être plus. Il ne croyait pas être resté plus longtemps que ça.

Le bruit du moniteur cardiaque l'irritait déjà à vrai dire. Il lança un coup d'oeil au médecin qui semblait être celui qui s'occupait de lui. Pour une fois, se disait-il, il n'avait pas été à l'origine de la bagarre. Pour une fois, il avait tenté de défendre une chose qu'il croyait. Mais non. Il avait fini poignardé. Ca ne l'aurait pas étonné que l'un, voire les trois, adolescents aient été imbibés de Vi. Sinon comment expliquer le fait qu'il se soit fait maîtriser ? D'habitude, le coup de poing semblait suffisant pour les mettre hors d'état de nuire, et là, il n'avait rien pu faire. Il s'était senti comme un vieux lion chassé de son territoire par la nouvelle génération. Et cette douleur à l'abdomen... Dieu qu'il avait mal. Il serra la mâchoire, et porta instinctivement la main à son poitrail pour sentir si son collier s'y trouvait toujours. Rassuré de sentir la plaquette militaire avec sa date de mariage avec son ex-femme gravée dessus ainsi que leurs noms entrelacés, il se calma légèrement. Mais où était Eileen ? Pourquoi est-ce que Dora avait l'air aussi fatiguée ? Et quel jour était-ce ? Nom d'un chien. Dieu que le bruit du moniteur était agaçant !

Il referma doucement les yeux. La lumière du soleil qui tombait dans la chambre par la fenêtre lui irritait les yeux. Il respira quelques secondes, serein, avant de tenter de se redresser encore une fois, mais il se sentit vaincu par la douleur encore une fois...

« Eileen ? Elle est où, Eileen ? » Pandora leva sagement les mains pour temporiser le géant, un léger sourire amusé – et vaguement amer, il fallait le dire – sur son visage. Toujours à s'inquiéter de sa fille... Elle posa ensuite les mains sur ses épaules, plus pour le calmer que pour l'empêcher de se relever – elle se doutait bien que la blessure qu'il avait reçue à l'abdomen devait toujours faire mal. « Tout doux, cowboy. Il est quatorze heures passées, elle est à l'école, comme tous les jours de la semaine ! » Et comme tous les jours, d'ici deux petites heures, elle partirait de l'hôpital pour aller la chercher à la sortie. Mais au moins cette fois, elle aurait une bonne nouvelle à lui annoncer...

Tyson semblait complètement perdu, et n'avait apparemment que peu de souvenirs de ce qui s'était passé la semaine précédente. « Il s'est passé quoi? » Elle se mordilla nerveusement la lèvre. « Un trio de jeunes, complètement défoncés au V. Ils ont réussi à te coincer dans une ruelle. Tu leur as balancé quelques bons coups qui suffiraient à mettre un viking KO mais... L'un d'entre eux avait un couteau de chasse... Il t'a poignardé, avant qu'ils ne se mettent tous à te taper dessus. Parce que tu bosses pour Collins. » Elle se réinstalla un peu plus confortablement sur le bord du matelas, les jambes croisées, un pli soucieux au front. « C'est une prostituée du coin qui a appelé le 911. Elle a vu une bonne partie de la scène. Moi, j'étais là seulement pour constater les dégâts, permanence aux urgences, comme souvent... »

Dora pencha légèrement la tête, sans quitter Tyson du regard. C'était juste... terriblement bon de pouvoir lui parler, après avoir passé près d'une semaine à essayer de secouer un corps inerte. A juste attendre une réponse. De nouveau, elle se mordilla la lèvre, encore plus quand la dernière question du bodyguard brisa le silence qui s'était installé. « Ca fait combien de temps que je suis là ? 1, 2 jours? » Elle fit non de la tête, l'air un eu coupable. « Tu t'es fait agresser samedi soir... On est jeudi, Tyson. Ca fait presque une semaine que tu étais dans le coma. » Et pressentant déjà les prochaines questions, elle leva immédiatement les mains, prête à parler à toute vitesse. Ce fut d'ailleurs ce qu'elle vit.

« C'est moi qui garde Eileen ! Quand j'ai appris que tu étais admis aux urgences, je suis directement allée chez toi pour m'occuper d'elle. Je l'ai ramenée chez moi. Elle va parfaitement bien, elle mange à sa faim, Adélaïde prend le relais quand je suis trop crevée... Le seul truc... Elle fait des cauchemars depuis que tu as été admis ici. J'ai été obligée de lui dire, elle trouvait bizarre que tu sois pas rentré de la nuit et que ce soit moi qui la surveille... » Pandora haussa légèrement les épaules et coinça une mèche de cheveux bruns derrière son oreille, le regard fuyant. Les paroles de la dernière fois avaient beau être lointaines, elle résonnaient toujours à ses oreilles. « Je suis pas un monstre. J'ai certains pouvoirs, mais j'ai été élevée d'une façon normale. Je suis aussi capable de compassion et d'amour. Je suis pas juste une autre saloperie surnaturelle qui pourrait essayer de te retirer ta gosse pour en faire son dîner. »

Le contact des mains de Pandora sur les épaules de Tyson le calmèrent légèrement et lui permirent de se rajuster sur le lit d'hôpital. Eileen était à l'école ? Donc ils étaient au moins lundi, non ? Fronçant les sourcils, le bodyguard resta calmement allongé sur le lit d'hôpital. Lorsqu'elle lui répondit en se mordillant la langue, il serra les mâchoires. « Un trio de jeunes, complètement défoncés au V. Ils ont réussi à te coincer dans une ruelle. Tu leur as balancé quelques bons coups qui suffiraient à mettre un viking KO mais... L'un d'entre eux avait un couteau de chasse... Il t'a poignardé, avant qu'ils ne se mettent tous à te taper dessus. Parce que tu bosses pour Collins. […] C'est une prostituée du coin qui a appelé le 911. Elle a vu une bonne partie de la scène. Moi, j'étais là seulement pour constater les dégâts, permanence aux urgences, comme souvent... » Défoncés au Vi. Les connards. Les enculés. Déjà Tyson voyait sa vengeance se mettre en place : il allait les prendre un par un et il allait leur briser les os et les foutre dans le canal et les noyer puis les forcer à survivre, … Le fait que Pandora ait été là lorsqu'il a été ramené à l'hôpital le fit baisser les yeux. Il ne voulait pas qu'elle l'ait vu comme ça. Il se sentait vulnérable.

Et, lorsqu'elle répondit à son autre question. QUOI ?! Il avait dormi depuis 5 jours ?! Mais non bordel ! Il se redressa légèrement en poussant sur ses bras et posa sa main sur l'endroit où l'abdomen le faisait souffrir. Décidément. Elle enchaîna sur Eileen. Le regard de Tyson s'attendrit légèrement. Il écouta attentivement ce qu'elle avait à dire. Lorsqu'elle termina de parler, il fronça les sourcils, ne comprenant pas trop sa justification. Il se souvenait vaguement de leur dispute et des coups portés, mais de ce qu'il avait bien pu raconter de vive voix... Non, il ne voyait pas. Il secoua la tête. « Je suis désolé pour ce que j'ai pu te dire, l'autre fois, Dora. Merci pour Eileen. »

Il baissa le regard vers son bas ventre, avant de soulever la couverture d'hôpital qui recouvrait son torse. Il lança un coup d'oeil sur les bandages avant de froncer les sourcils. « Combien de points ? » Il ne comprenait vraiment pas. Bon, d'accord, il n'avait jamais pris de Vi, donc il ne pouvait pas comprendre ce que faisait le sang de vampire. Pourtant, il arrivait bien à tenir avec un loup-garou, alors trois gamins shootés à la drogue, il devait forcément être capable de les retenir, non ? Mais non, il avait fallu que l'un d'entre eux s'en prenne à lui avec un couteau de chasse. Espèce de lâche. Le seul moment de sa vie où Tyson avait craint ce genre de choses avait été en prison où le verre brisé, les vis volées et les bouts de ceci ou de cela devenaient des armes blanches possibles. Il secoua la tête avant de fermer les yeux et avoir un rire blasé et déçu de lui même. « J'me suis fait avoir comme un amateur... » Il laissa sa tête tomber sur l'oreiller, avant de refermer les yeux et respirer doucement.

Franchement, le bip incessant du moniteur cardiaque commençait à lui taper sur le système. Et, de toute façon, il ne comprenait toujours pas comment il avait fait pour se laisser prendre au piège comme ça. A la limite, ça aurait été des vampires ou des loups ou … tout ce qu'il voulait. Mais alors, franchement, des gamins shootés au Vi, qui s'en prenaient à lui. Il s'en foutait un peu de lui, en tant que tel. Mais putain, depuis qu'il était papa il y avait d'autres priorités. S'il crevait, Eileen retournerait dans la garde de Daisy et il voulait l'éviter à tout prix : ce qu'il voulait, mais pas Daisy. L'espèce d'incapable accro au sang de vampire. N'importe quoi. Il secoua la tête et rouvrit les yeux pour regarder Pandora. Elle avait l'air d'un zombie. Il pinça les lèvres en respirant doucement, l'inspiration sifflant légèrement. Il se sentait crevé.

« Tu as l'air crevée, Dora. T'aurais pas dû rester ici..  » Il secoua la tête. Il savait très bien qu'à sa place il aurait fait pareil, rester à l'hosto pour veiller sur elle. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Il était grand et fort, il allait bien survivre, non ? Il lui adressa un timide sourire avant de refermer les yeux. Ouais, il se sentait terriblement fatigué...

« Je suis désolé pour ce que j'ai pu te dire, l'autre fois, Dora. Merci pour Eileen. » La jeune femme haussa les épaules. Plus facile à dire après coup, mais bon, n'allons pas chercher la petite bête. Tyson était à ce moment là rien de plus qu'un père mort d'inquiétude et, même si elle lui en voulait encore pour les insultes, mieux valait tourner la page. Ses blessures guérissaient doucement mais sûrement, son œil au beurre noir n'était plus qu'une vague trace un peu bleue sur sa paupière et sa lèvre s'était refermée. Ne restaient plus que sa tempe qui arborait fièrement douze points de suture et sa pommette toujours couverte d'un pansement blanc. Elle se contenta donc de lui adresser un petit sourire. Ne jamais rien laisser paraître.

Tyson releva ensuite ses couvertures pour jeter un coup d'œil au bas de son ventre. « Combien de points ? » Elle fronça un sourcil, fouillant dans sa mémoire. « Si je me souviens bien... Cinq points intérieurs et dix-neuf points extérieurs, ce qui nous amène à un total de vingt-quatre. Ils t'ont pas loupé. » Elle n'avait pas pu rester lorsqu'il était passé au bloc, Eileen passant avant toute chose – on ne laisse pas une gosse de trois ans toute seule – mais elle avait largement eu le temps de lire le dossier médical du mastodonte en cinq jours. Pour tout dire, elle ne faisait quasiment que ça. Elle eut un léger sursaut en entendant son rire amer. « J'me suis fait avoir comme un amateur... » Pandora se pencha légèrement pour poser de nouveau sa main sur sa joue et la frotter tout doucement du pouce. « Ca arrive à tout le monde. Faut pas t'en vouloir pour ça. Le plus important, c'est que tu sois en vie. » Il y eut un moment de flottement, puis la nécromancienne se redressa, sa main quittant la joue mal rasée du bodyguard. Les siennes arboraient une légère teinte rose.

« Tu as l'air crevée, Dora. T'aurais pas dû rester ici.. » La demoiselle laissa échapper un éclat de rire sincère. « C'est délicat de ta part ! Je sais que je tiens plus du zombie fraîchement déterré que de l'humaine, pas la peine de prendre des gants. » Elle avait d'ailleurs fait peur à Eileen pas plus tard que le matin même : la petite l'avait prise pour un fantôme en la voyant entrer dans sa chambre, le teint cadavérique et les yeux cernés. « Entre ta fille qui cauchemarde toutes les nuits et qui me ressort les yeux du Chat Potté pour que je dorme avec elle et mes supérieurs qui m'appellent n'importe quand pour que je vienne à l'hôpital, j'ai pas beaucoup d'occasions de dormir. Et puis... J'étais inquiète. Je tiens à toi. » Et ce n'était pas peu dire.

Mais déjà, Janice revenait. « C'est l'heure de changer les pansements ! Allez, coco, on m'enlève tout ça. » Pandora sursauta et adressa un sourire à sa collègue, qui ressemblait toutefois plus à une grimace, pendant que ses joues se coloraient d'un beau pivoine. « Je vais vous laisser dans ce cas. Je serai dans le couloir, je reviens après. » Oui parce que bon, certaines des blessures de Tyson étaient VRAIMENT mal placées et nécessitaient qu'il se déshabille complètement. Dora avait essayé de faire ses soins une seule fois, elle n'avait pas pu finir. Trop chamboulée, la pauvre petite. Pas tous les jours qu'on voit à poil le mec sur lequel on flashe, après tout !

Vingt-quatre points ? Rien que ça. Tyson fronça les sourcils. Cinq intérieurs. Dix-neuf extérieurs. Ca en faisait, en effet. Il soupira longuement en refermant les yeux, sentant la fatigue. Probablement la morphine qui faisait effet. Il écouta le bip du moniteur. Se demandant ce que la fillette pouvait imaginer sur son père, pourquoi il ne se réveillait pas. Le pire, c'est qu'il ne se souvenait même pas de ces 5 jours. Rien. Nada. Niet. Quand Pandora lui répondit pour le rassurer que ça arrivait tout le monde, Tyson eut un rire guttural. Rauque. Il fit la grimace en reprenant la parole : « Bah, non. Entre les baby-vampires qui ont l'air de ne vouloir que de moi comme déjeuner et maintenant les adolescents drogués.. Ca fait beaucoup, à force, tu sais. » Il adressa un léger sourire à la légiste. Bah, non, il n'avait pas dit à celle ci pour ses petites aventures nocturnes avec Erin, avec Grace. Grace qui avait fait plus que simplement le dévorer, d'ailleurs. Enfin, bref, c'était un souvenir qu'il préférait oublier. Longuement oublier et le planter dans le fin fond de sa mémoire.

Puis, Pandora lui expliqua les raisons de sa mauvaise mine. Eileen. Les yeux du chat poté ? Il haussa les sourcils, faussement surpris. « Ouais, je sais. Eileen fait craquer tout le monde. C'est un ange, cette gamine. » Et le sourire qui revenait sur son visage. Il sentit les doigts de Pandora contre sa joue, en refermant doucement les yeux. Le moniteur cardiaque l'irritait sincèrement. D'autant plus que le pouls accéléra légèrement lorsqu'une nouvelle voix pénétra dans la pièce et indiqua à Tyson qu'il était temps de changer les pansements. Fronçant les sourcils en voyant Pandora se lever, ne comprenant pas pourquoi, il finit éventuellement par avoir le déclic lorsque la doctoresse vint l'aider à se débarrasser des couvertures pour l'aider à se redresser.

Concentré sur la douleur pour ne pas la laisser l'atteindre, il aida du mieux qu'il le put la doctoresse, oubliant un peu Pandora qui attendait dans le couloir. Il fronça les sourcils en découvrant l'horrible blessure recousue par les 19 points, puis il se retint de vouloir y passer un doigt. La doctoresse lava le visage de Tyson également, et nettoya les points sur son arcade sourcilière. Après avoir posé les bandages sur les côtes fêlées et brisées, Tyson aida la doctoresse à le déshabiller et la laissa faire. Puis, lorsque ce fut bon, il se rhabilla, insistant pour rester simplement en pantalon, souhaitant laisser son torse respirer. Puis il alla se placer face à la fenêtre. Janice quitta la chambre un sourire aux lèvres, et, peu après il entendit Pandora revenir. Gardant sa large main posée sur ses côtes, il laissa sa tête reposer contre la vitre fraîche de la chambre.

« ... » Il soupira longuement, en serrant la mâchoire. Ca faisait mal. Il avait l'habitude de la douleur, mais à ce point là... Il rouvrit les yeux pour fixer la Cour intérieure de l'hôpital, et de voir les autres patients se balader. 5 jours qu'il était là déjà. Bon, à la limite, ce n'était que 5 jours. Ca aurait pu être plus. Qu'est-ce qui avait bien pu se passer pendant 5 jours ? Comment allait Eileen ? Il voulait voir sa fille. Mais en même temps... Il était content qu'elle ne soit pas là, parce que dans ces cas là, il n'aurait jamais pu se trouver seul à seul avec la légiste. La belle légiste. Il se doutait bien qu'elle avait dû se faire un sang d'encre à son sujet. Il fronça les sourcils en se demandant si Eric était passé. Probablement, probablement pas. Tant pis. Son employeur avait d'autres chats à fouetter avec les rumeurs de potions magique tuant les vampires et les loups, et Dieu sait quoi d'autre. En tout cas, Tyson se sentait serein. Étrangement. Il venait de se réveiller d'une espèce de coma transitionnel, et il se sentait serein.

Cependant, il dû froncer les sourcils lorsqu'une douleur lui traversa le haut du corps, et il retint un léger gémissement. Il revit flasher sous ses yeux le couteau de chasse, puis le coup violent à l'abdomen. Puis la douleur se répandit le long de ses veines, comme un écho de la violence de quelques jours plus tôt. Il laissa sa tête revenir se poser contre la vitre de la fenêtre, et referma les yeux. Il sentait une légère couche humide se forger sur son dos bandé. Ouais, la douleur le réchauffait. Dans le sens négatif de la chose. Il devrait probablement se recoucher, mais le contact froid avec la vitre lui faisait du bien...

Le rire de Tyson la rassura. Juste un peu. « Bah, non. Entre les baby-vampires qui ont l'air de ne vouloir que de moi comme déjeuner et maintenant les adolescents drogués.. Ca fait beaucoup, à force, tu sais. » Dora hocha doucement la tête. C'était vrai que ça faisait beaucoup. Elle-même ne saurait pas vraiment comment réagir, après s'être fait bouffer par des vampires puis tabassée par une bande de jeunes... Sûrement un ras le bol général. Mais déjà, le sujet revenait à Eileen. Adorable blondinette. « Ouais, je sais. Eileen fait craquer tout le monde. C'est un ange, cette gamine. » Elle ne put que hocher la tête de nouveau, parfaitement d'accord à ce sujet. Même si pour le moment, elle n'était pas vraiment intéressée par le caractère adorable d'Eileen, mais plutôt par le visage de son père, et ce sourire doux qu'il arborait...

Et Janice débarqua. Pandora quitta bien vite la pièce, les joues aussi rouges que des tomates, complètement chamboulée. Non, non, non. Vraiment pas le moment de penser à des choses aussi futiles que le flirt ! Tyson se remettait tout juste d'un passage à tabac en règle et d'un coma, même léger. Allez, du calme ma belle... Un café te fera du bien. Elle alla donc s'en rechercher un autre, qu'elle sirota doucement pendant le quart d'heure que passa sa collègue dans la pièce. Les personnes qui passaient dans le couloir lui jetaient des coups d'œil étranges. Les rares amis qu'elle avait lui demandaient de ses nouvelles, un peu de Tyson et de l'adorable gosse blonde que t'amènes ici parfois, comme Heath, son assistant aussi gay que pouvait l'être Elton John et simplement génial. Elle avait envie de retourner à la morgue... De simplement retrouver son attitude d'avant, quand Tyson n'était à ses yeux qu'un bon ami avec qui rigoler...

La porte en face d'elle s'ouvrit, laissant passer Janice qui lui adressa un petit signe d'adieu de la main. Pandora prit le temps de finir son café avant de balancer son gobelet vide dans une poubelle et de passer le seuil à son tour, refermant la porte derrière elle. Un moment, elle resta adossée contre le panneau de bois, la tête légèrement penchée sur le côté. « Je me demande comment tu fais pour tenir sur tes jambes... » Un simple murmure, qui était pourtant parfaitement audible dans le silence de la pièce. Le moniteur cardiaque était débranché. Ne restait plus que le goutte à goutte discret de la perfusion. Un silence apaisant.

La jeune légiste finit par se rapprocher tranquillement de la fenêtre pour poser sa main sur le large dos du bodyguard, légèrement penchée en avant pour pouvoir apercevoir son visage. « Viens... On va m'engueuler si tu retournes pas dans ton lit. » Une petite plaisanterie... Comme avant. Elle finit tout de même par s'emparer de sa main pour le reconduire à son lit, l'aidant à s'y réinstaller après avoir correctement arrangé les coussins afin qu'il soit en position semi-assise. Enfin, seulement, elle se jucha une nouvelle fois au bord du matelas, et ce sans lâcher sa main qui reposait désormais sur les cuisses de la jeune femme. « Je peux te confier quelque chose ? » Elle se pencha vers lui, son visage à quelques centimètres du sien seulement, les yeux dans les yeux. « Quand je t'ai vu arriver aux urgences... dans cet état, couvert de sang... » A chaque mot murmuré, elle se rapprochait encore, millimètre par millimètre. « ... J'ai eu la peur de ma vie. » Et voilà. Elle avait franchi la distance qui les séparait encore, et ses lèvres étaient posées sur les siennes, tout doucement. Comme dans une bulle.

Comment il faisait pour tenir sur les jambes ? Ah, mais Tyson était un costaud. Même s'il était vrai qu'il se sentait plus ou moins vulnérable. Ne lui demandez pas de marcher ou de courir un marathon. Sortir de la chambre d'hôpital ? Encore moins. Impossible. 5 jours à ne pas bouger... Ce n'était même pas la peine d'y penser. Il sentit la main de la légiste dans son dos et il ferma les yeux, laissant simplement le contact frais de la vitre contre son front le rafraîchir. Il avait chaud. Le reconduire à son lit ? Il se laissa guider, doucement, à petits pas jusqu'à son lit, sur lequel il se plaça plus ou moins facilement, grâce à l'aide de Pandora. Elle l'aida à s'asseoir. Il sentait la courbature des muscles, inutilisés depuis plusieurs jours. Il se demandait réellement s'il avait vraiment passé 5 jours dans une espèce de sommeil...

Une fois allongé, il laissa sa main dans celles de Pandora, qui lui demanda ensuite si elle pouvait se confier. Il serra la mâchoire, sans trop réellement savoir à quoi s'attendre. Ca pouvait être n'importe quoi. Elle se pencha, puis il vit ses yeux... Ces magnifiques yeux... s'approcher doucement des siens. Les paroles s'effacèrent doucement, délicatement. Comme si les choses n'étaient qu'un rêve, un large et grand rêve. Puis, enfin, la voix cessa, et le contact se fit. Comme une électrocution à travers son corps, le contact sembla faire réagir Tyson. Un baiser, timide, en premier lieu. Puis, il étendit sa mâchoire, et offrit sa bouche à Pandora, lui autorisant son exploration, délicatement. Il répondit à l'appel de ses lèvres, en lui mordant l'inférieure. Inspirant par le nez, il se redressa légèrement, ignorant la douleur qui semblait le retenir en arrière, et il releva sa main libre pour flatter la mâchoire de la légiste. Le goût du café sur ses lèvres, sur sa langue. Pandora sentait bon aussi. Leurs nez se flattant doucement. Puis, enfin, l'électrocution fit place à la foudre, et Tyson se força à se reculer, à rompre le contact.

Il ferma les yeux, lorsqu'il se laissa aller contre les oreillers. Il arracha sa main à celles de Pandora pour les poser sur ses côtes, qui lui faisaient mal, et il serra les dents, tentant de repousser la douleur. Une fois qu'elle sembla légèrement passée, il rouvrit les yeux et regarda Pandora. Et là, il remarqua le pansement blanc sur sa joue. Puis les points. Et cette vision le frappa : c'étaient ses poings qui avaient frappé le visage de la légiste. Est-ce que les autres étaient au courant ? Honteux de ne pas avoir su se maîtriser, il baissa le regard vers ses mains, posées sur ses côtes. Il les serra, recréant les poings, puis les desserra. Honteux, c'était le mot. Il avait frappé Pandora. Il n'aurait probablement pas dû. Non, il n'aurait pas dû.

C'était probablement la morphine qui parlait, mais il ne put s'empêcher de prendre la parole. « Je suis désolé, Pandora. » Il leva le bras pour flatter le sparadrap blanc sur la pommette de la jeune femme, puis passer le pouce sur les points. Il laissa sa main tomber. Ca ne se faisait pas de frapper les femmes. Et pourtant, Dieu sait qu'il avait fait du mal à Daisy du temps de leur mariage. Un mariage amoureux, un mariage coup de tête, un mariage qui avait résulté en une fillette magnifique, mais un mariage chamboulé, un mariage difficile, un mariage tumultueux. Pourquoi le divorce alors ? Pour diverses raisons.

Le garde du corps referma les yeux et se mordit la lèvre. Non, il ne devait pas comparer Daisy et Pandora, ce n'étaient pas du tout les mêmes femmes. Daisy était une belle mexicaine, forte, strip teaseuse, aimante. Pandora était une femme belle, simple et compliquée à la fois... Pâlotte, comparée à la Daisy. Non. Et pourtant, il revoyait les marques sur le visage de Daisy, des fois où il perdait le contrôle. Où, soudainement, tout devenait noir, tout se fondait dans un mélange de couleurs. Pandora devait connaître en tant que doctoresse. Les troubles explosifs intermittents. Oui, non, Tyson n'était pas de tout blanc fait. Et ça, elle en avait fait les frais.

Pandora frémit et l'une de ses mains vint se perdre sur le torse de Tyson, dans la région du cœur. Elle le sentait battre sous ses doigts, un rythme légèrement trop rapide, à l'image du sien. La courbure du muscle. La peau sèche et chaude. Et ces lèvres qui partaient à l'assaut des siennes, pressées, dures et tendres à la fois... Mais le charme se rompit trop vite au goût de la jeune femme quand le bodyguard se recula pour se laisser retomber sur ses oreillers, les mains posées sur ses côtes douloureuses. Sans rouvrir les yeux, elle baissa la tête, ses cheveux formant un rideau autour de son visage. Bon sang. Elle avait vu le collier de Tyson, la date et les deux noms gravés dessus – pas difficile de deviner ce qu'elle représentait. Peut-être même qu'il tenait toujours à son ex-femme. Qu'il l'aimait toujours ? Et tout ce que Dora trouvait à faire, c'était l'embrasser. Elle en aurait pleuré si elle avait été seule.

Elle releva la tête. Hors de question de montrer quoi que ce soit. Elle se contenta d'observer Tyson, silencieuse, les mains serrées sur ses cuisses. Seul un œil très averti aurait pu voir le léger tremblement qui les agitait. Et soudain... « Je suis désolé, Pandora. » Elle fronça les sourcils, intriguée et légèrement inquiète. Désolé. D'accord. Elle le pardonnait. Mais de quoi ? Elle ne comprit que lorsqu'il leva la main pour passer les doigts sur ses blessures, tout doucement, comme s'il avait peur qu'elle se brise entre ses doigts. « Ce n'est rien. J'ai vu pire. » Et ce n'était pas peu dire. Le propre de l'humain est toujours de dénigrer et faire disparaître tout ce qui ne lui ressemble pas. Une haine basée sur la peur dont elle avait fait les frais dans son adolescence. Elle haussa distraitement les épaules, le regard perdu dans le vague.

« Je devais avoir quinze ans... Je ne maîtrisais pas encore mes pouvoirs et je préférais rester à l'écart des autres pour ne pas faire de bourdes. Une bande de mecs plus vieux que moi m'ont prise en grippe à cause de ça. Un soir, ils m'ont coincée derrière le lycée et... 'fin, ils m'auraient sûrement tuée si le concierge était pas arrivé. » Nouveau haussement d'épaules. A cette époque, cet épisode l'avait complètement traumatisée. Aujourd'hui, elle n'en avait plus grand chose à faire. « Je suis restée quatre semaines à l'hôpital et j'ai dû me déplacer en fauteuil roulant pendant presque six mois, alors ça... C'est vraiment du pipi de chat à côté, si je puis dire. » Elle lui adressa un sourire qui se voulait rassurant en posant une de ses mains sur la sienne.

« Ne te sens pas coupable. Quelques coups dans la figure, c'est rien... C'est pas non plus comme si tu m'avais clouée sur un lit d'hôpital ou dans un fauteuil roulant pour la fin de mes jours. » Il aurait sans doute pu, Dora en était consciente, mais là n'était pas la question. Ce qui était fait était fait, point à la ligne. Ne jamais essayer de changer le passé. De nouveau, elle se pencha, mais cette fois pour poser un léger baiser sur sa joue. « Je ramènerai Eileen ce soir, si tu veux. Tu ferais mieux de dormir pour le moment. »

La main reposant sur son torse, Tyson laissa son regard vagabonder sur le traits de la légiste. Doucement, délicatement. Il l'admirait, la trouvait belle. Lorsqu'elle baissa le regard afin de lui expliquer qu'elle avait vu pire, il baissa le regard. Elle avait été l'une de celles que les gros et les méchants défonçaient pour la simple raison d'être différente. Tyson avait été le gros et le méchant. De ces années passées à l'école à voler le repas des petits fragiles, puis, de son adolescence où il agressait dans la rue, où il faisait peur, où... Où il se transformait en ces hommes qui avaient tabassé Pandora et mise dans un fauteuil roulant. Non, Tyson n'était pas un des faibles à survivre, toujours à prendre sur soi et planifier sa vengeance. Il avait fait partie de ceux qui étaient crains dans le quartier, qu'on n'osait regarder dans les yeux. Alors, quand Pandora raconta l'histoire, il eut un rire caverneux. Parce qu'il se voyait bien, quelques années plus tôt, avant l'arrivée d'Eileen, prendre quelqu'un en grippe, comme le disait la légiste, pour sa différence.

Arrogance accompagnant la puissance de son corps, Tyson avait été dans les rangs du drug lord pour sa brutalité et sa violence. Le genre de mec que, même les petites vieilles qui n'avaient rien à voir, ignoraient ou évitaient en changeant de trottoir. Le genre de mec, qui se croit tout permis et qui ne paye pas le train, le bus, le métro, et qui fait instinctivement chier le monde parce qu'il se croit au dessus de tout ça. Peut-être avait-ce été de la fierté apeurée, que peut-être, dans un tel monde de violence où enfin, Tyson avait une place, il avait créé cette armure. Oui, non. Tyson ne pouvait que se mettre à la place des agresseurs de Pandora, et ça le mettait mal à l'aise. Combien de visages effrayés avait-il croisé, bon sang... ? Il l'ignorait. Il releva le regard vers la fenêtre pour regarder le ciel, morne, puis il ferma les yeux.

Pas comme s'il l'avait clouée dans un lit d'hôpital. Pas, mais presque. Heureusement qu'il avait pris un coup de poêle dans l'arrière du crâne, d'ailleurs, mais cette blessure ne représentait rien par rapport aux nouvelles reçues 5 jours plus tôt. Les yeux clos, il laissa sa main glisser de son torse sur les draps. Il se sentait en train de s'endormir, tout doucement, délicatement. Puis, la voix de la légiste le ramena à la réalité et il ouvrit légèrement les yeux, fixant le vide plus qu'autre chose. Amener Eileen ? Entendre le son de la voix de la petite ? Tyson esquissa un petit sourire en serrant le poing. Il avait mal, il ferait mieux de dormir. La morphine prendrait bientôt effet.

« Tu ne peux pas rester? » Pas qu'il ait peur – il en fallait plus – mais simplement... Oh, non. Elle avait dû passer suffisamment de temps à son chevet, sauf qu'il ne s'en souvenait probablement pas. Il secoua la tête, pour se corriger : « Non, non. Va, va te reposer.. »

Il adressa un sourire à la légiste, avant de re-fermer les yeux, ne réfléchissant plus trop. Il sentait les griffes du sommeil s'enfoncer dans son bras, et il sentait sa conscience filer petit à petit, oubliant la douleur, doucement... Oubliant le parfum de l'hôpital, des couvertures aseptisées. Non, il ne voulait pas que Pandora reste, elle devait rentrer se reposer. Ca ne lui apporterait rien de rester ici. Puis, le parfum mielleux de ses lèvres couvertes de café revint à celles de Tyson, et un mince sourire s'étira sur son visage, perçant au travers de ses yeux clos. Peut être que Tyson avait vraiment changé depuis qu'il était père. Peut-être que oui, il n'avait plus qu'à se faire une nouvelle vie en oubliant celle qu'il avait passée et qui s'était terminée en prison. Un an et demi derrière les barreaux. Perdus. Que de jours perdus... Il perdit le sourire, petit à petit, en sombrant dans le sommeil...