Discussion amicale (ou serait-ce le contraire ? è.é)

Lorsque la nuit tombe, Fangtasia se réveille...

J'avais besoin d'avancer dans mes recherches. J'étais presque à cours d'article sur le trafic de VI et mon patron espérait à tout prix que JE découvre qui était caché derrière tout ça. Je n'étais pas flic, ni enquêteur, je travaillais pour un journal et j'avais mérité mon rang.J'avais gravi les échelles de la hiérarchie journalistique. J'y étais arrivée par mes propres moyens. Alors, maintenant que tout le monde attendait le meilleur de moi-même, je ne pouvais pas lâcher l'affaire. Il me FALLAIT recueillir des informations si minimalistes soient-elle. Je n'avais pas le droit à l'erreur et sur ce point mon patron avait été clair.

Aussi, il me fallait suivre une piste. L'idée de trouver en personne le responsable du trafic ne m'intéressait guère. Je voulais juste avoir un indice, un signe pour pouvoir écrire un super article dessus (enfin, superbe était un grand mot. Il me manquait du chemin vers la perfection). Il fallait bien commencer par quelque chose et le Fangtasia me parut LA destination à prendre. Autant chercher là où se trouvait la source du problème : le sang de vampire.

Le pub n'était pas loin de chez moi. A deux avenues peut-être. Bref, je m'y rendis, l'oeil aux aguets, prête à déceler le moindre détail suspect. Mes yeux d'humaine pouvait certes me trahirent, mais j'avais un avantage : j'étais journaliste. Hyperactive, mes yeux transperçaient tout ce qui bougeait. Lorsqu'on a du métier, on est habitué à ce genre de regards.

Ca y est. J'y étais... Le silence régnait sur le parking à l'exception de jeunes qui s'amusaient à picoler le plus.

- Et, toi ! Viens boire un coup avec nous, ma belle.

Je ne me retournais pas et continuais d'errer sur la place. Mon index se leva ostensiblement vers les abrutis de première.

- Allez vous faire foutre.

Voilà, c'était dit. Et à moins qu'ils ne veuillent prolonger la discussion, ils allaient regretter d'être nés. Mes talons aiguilles s'occuperaient volontiers de leur cas. Bref, l'incident passé, je décidais de me poser dans ma voiture (pour ne pas être trop remarqué. Oui, je sais, c'est pas écolo de venir en voiture, mais là je n'avais pas le choix. C'était ça ou se faire griller). Une fois à l'aise sur un des fauteuils, je prenais mon calepin et je notais toutes les caractéristiques des gens qui entraient dans le Fangtasia. C'es bizarre parce que je ne pensais pas du tout aux Vampires. J'aurais du. Bah, Sin' ? Pourquoi ce ton amer ? Ça, vous le saurez bientôt...

Cette nuit s’annonçait bien plus calme que la précédente. Il faut dire que ce n’est pas tous les soirs qu’une demoiselle qui arrive à lire dans les pensées des gens décide d’accepter votre offre d’être votre humaine. Ce n’est pas non plus tous les soirs que cette même télépathe vous accompagne dans une chasse au dealer de jus de vampires. Et ce n’est assurément pas tous les soirs que la demoiselle se fait tirée dessus par un calibre 22. Rassurez-vous, Eden n’avait rien. Bon, elle avait souffert le martyre une minute ou deux, perdu du sang, pâlie à frôler la mort, mais la barmaid se portait très bien maintenant! Et maintenant, Eric pouvait ressentir la moindre de ses émotions sans compter qu’il sentait sa présence où qu’elle était. Le sang de vampire avait des facultés guérisseuses extraordinaires, mais c’était sans compter les autres effets dont il n’avait bien sûr pas pris la peine d’informer la brune. Il se demandait d’ailleurs si elle avait déjà commencé à fantasmer sur lui sans aucun contrôle de ses pensées. Cette question lui venant en tête, le blond eut un petit sourire en coin. Assis sur son fauteuil, le regard balayant son business de temps à autres, le vampire ne se souciait pourtant pas du tout de ce qui pouvait bien se passer ce soir. La veille jouait en boucle dans sa tête et ça lui était bien suffisant.

Il ne fallait pas oublier ce dealer de Vi qui courait les rues et qui devait peut-être même avoir franchi la frontière à l’heure qu’il était. Aucune chance de le revoir de si tôt dans les parages, à moins que le type ne soit intensément suicidaire. Raser de se faire kidnapper par Eric n’était pas franchement une expérience que l’on avait envie de mener à terme surtout lorsqu’on en ressortait avec des amis morts ou blessés et un bras cassé. Non, curieusement, la première idée était de quitter la ville pour ne plus jamais y revenir. Mais peu importe. Le viking venait peut-être de perdre une avancée significative dans son enquête, ça ne l’empêchait d’avoir pleine confiance en ses propres capacités. Il finirait bien par percer ce trafic à jour et le responsable allait amèrement le payer.

Soudainement, de petites plaintes attirèrent son attention et le géant des steppes leva les yeux sur l’entrée du Fangtasia. L’un de ses sbires aux crocs acérés trainait une gamine par les cheveux, parcourant la salle sans accorder la moindre attention aux gens qui devaient s’écarter sur son passage. Eric croisa le regard de son employé et aucun mot ne fut nécessaire. Le blond se leva de son siège pour se diriger lui aussi vers le bureau dans l’arrière boutique. Quand il y arriva, la brune avait déjà été jetée sur le canapé et le vampire tendait un calepin à Eric.

▬ Elle gribouillait là-dessus dans le parking.

Un calepin? Une jeune femme visiblement fouineuse? Une journaliste, assurément. Venait-elle à cause de la fusillade de la veille dans ce maudit bar de motard? Eric n’avait pas besoin qu’une journaliste l’accuse de meurtre. Ok, c’était vrai, mais pour une fois il pouvait plaider la légitime défense. Ce barman écervelé avait tiré le premier!

▬ Bien. Je m’en charge.

Sans regarder le vampire ou même la pauvre fille, Eric parcourrait déjà les pages de notes du calepin qu’il avait entre ses doigts. S’appuyant les fesses sur le rebord de sa table de travail, le blond prit plusieurs secondes avant de quitter les mots des yeux pour les poser sur la petite fouineuse.

▬ Tu te crois investie d’une mission sacrée?

Charmante entrée en matière… Mais bon, pour une fois, le manque d’amabilité d’Eric était justifié. Il n’avait pas besoin qu’une journaliste vienne lui jouer dans les pattes.

▬ Parce qu’autrement je vois pas pourquoi tu aurais le culot de te mêler de choses qui dépassent complètement ton entendement.

Une simple histoire de drogue? Pas pour Eric, comme pour d’autres vampires qui partageait son opinion. Vendre ou simplement fournir son sang aux humains pour éveiller leurs sens et les envoyer dans le plus grand trip de camé de toute leur vie était totalement inadmissible pour le viking. C’était bas, complètement pathétique et irrespectueux de la race supérieure. Les humains ne valaient pas de connaître ne serait-ce qu’un centième du pouvoir qu’impliquait le simple fait d’être vampire.

Les vitres de la voiture étaient assez sales. Merde ! Je n'allais quand même pas sortir pour aller les nettoyer. Trop risqué, surtout si quelqu'un me voyais laver ma voiture pour ensuite rentrer dedans et ne pas démarrer. Il faut avouer que la discrétion n'est pas mon truc. D'ailleurs, je pourrais prendre comme exemple les gars que je venais de soudoyer. Qu'est-ce qui me disait qu'ils n'étaient pas à la solde de Fangtasia ? les muscles de mes côtes se serrèrent sous la vague de stress qui m'envahissait soudainement. << Mais non ! Ils sont ivrognes, je ne crains rien. >> Mais, l'idée d'avoir affaire à des Vampires ne me plaisait guère. Ok, j'essayais à tout prix de les rendre moins sauvage qu'ils n'étaient au yeux des humains (enfin de la population de Sherveport tout au moins). Cependant, je savais à quel point ils sont déterminés à en finir avec les idiots persévérants. << Comme moi ? Ouai... comme toi folle furieuse. >> Il parait que votre mort était lente et douloureuse. << Ouai, bon, ça va aller. On est à Sherveport quand même, pas dans la brousse. >>
Détrompes-toi Sinéid.

A peine avais-je écris une lettre sur mon calepin, qu'une secousse m'envoya balader de l'autre côté de la voiture. Je poussais un cri de stupeur et, tout en me remettant sur mes pieds (ou plutôt mes fesses, vu que j'étais assise [...] passons), je jetais des regards inquiets dans toutes les directions. Mon coeur avait sauter dans ma poitrine et failli en sortir ! Je respirais à présent comme une animale tellement j'étais surprise. Mes mains en tremblaient encore et, je pense, cela pendant toute la nuit. << Punaise, c'était quoi ça ?! >> Je ramassais fébrilement mon calepin et mon stylo. Je trouvai mes notes sous le siège. Puis, je me redressais et me cogna au volant. << Aï ! Fuck. >> Je me massais le crâne de la main gauche et tenais encore le calepin de la main droite. Un voile flou m'empêchait de bien voir, sûrement du à la frayeur et au mal de tête.

C'est à ce moment-là que mon esprit me laissa seule à comprendre ce qui se passait. Je cru que j'allais faire un infarctus. Il a fallu une seconde pour qu'ILS ouvrent la porte de MA voiture, qu'ILS me prennent (et non sans me faire mal, croyez-moi), qu'ILS me sortent de là et qu'ILS m'emmènent jusqu'à une pièce. Alors, là, j'étais perdue, j'avais mal et je ne savais pas où je me trouvais. Je me laissais échoir lamentablement sur un parquet. Les cheveux en bataille, mon corps tremblant, je restai trente seconde à fixer le sol. Puis, ma faculté à analyser la situation réapparut. << Sin', ne dis rien, plus rien. >> Je déglutis lentement et fit face à mes adversaires trop bien supérieur à moi. Je me relevais sur mes deux jambes, encore tremblantes, et je dévisageais les visages de mes ravisseurs. Des Vampires... la chose que je redoutais le plus. En même temps, à fangtasia il ne fallait pas s'attendre à voir des fées au nez crochu (ou sans nez crochu, comme vous voulez). J'allais sortir un ou deux mots pour qu'ils m'expliquent pourquoi ils m'avais trainé jusqu'ici, mais le plus grand me prit par les cheveux (et croyez-moi, je n'aime pas qu'on s'en prenne à mes cheveux ! è.é Le reste oui, mais pas mes cheveux). Je poussais un petit cri mêlant la colère à la douleur. Je dirais que c'est lorsque ce vampire m'a ainsi humilié que j'ai senti l'adrénaline parcourir chacune de mes veines. Je me débattis pendant tout le trajet.

▬ Mais Lâches-moi ! Lâches-moi !!!

Mais sa main resserrait avec fermeté mes cheveux. Nous sommes entré dans une autre pièce, plus silencieuse. Et, enfin, il m'a lâché sur un canapé. Oh, voyez-vous cela, un canapé... ils sont quand même distingués ses Vampires. J'avais envie de lui crier un << Merci !!! >> rageur. Cependant, quelque chose me disait qu'il fallait que je la ferme cette fois. Parole de journaliste. Je connais les limites à la persévérance (quoique... apparemment non). Je me suis tue. Et, j'ai osé regarder les murs qui m'entouraient. Mes yeux se firent rapidement à la lumière. Et j'aperçus un grand blond. Un Vampire. Des frissons me parcoururent l'échine. Il ne la regardait même pas et je pouvais sentir le danger qu'il constituait. Je mettais mis dans un coin du canapé, les jambes contre mon buste. La douleur était partie. Seul mon esprit se concentrait sur Eric. Puis, ses yeux se posèrent sur moi. Ils étaient si intimidant que j'ai détourné le regard pour me concentrer sur mes pieds.

▬ Tu te crois investie d’une mission sacrée ?

Sinéid fronça les sourcils ? Une mission sacrée ? Dans quelle époque était-il né ? Le moyen-âge ? Je ne travaille que pour moi-même et, avouons-le, pour le journal. J'étais intriguée par cette affaire de marchandise et c'est tout. J'aurais très bien pu écrire un article virevoltant le sujet, mais non. Moi, je vais jusqu'au bout de mes recherches. Je ne suis pas de ces journalistes qui frisent le ridicule en n'écrivant rien d'autre que tout le monde sait. Cette fois, j'avais eu envie d'aller plus loin pour me démarquer.

▬ Parce qu’autrement je vois pas pourquoi tu aurais le culot de te mêler de choses qui dépassent complètement ton entendement.

J'étais bel et bien dans le bousier. Un Vampire voulait ma peau. Car, disons que je sentais qu'il se retenait de me tordre le cou. Ou peut-être voulait-il savoir ce que je fabriquais, pour qui je travaillais. Je décidais de prendre les choses en main. J'éclaircis ma voix et j'humidifiais mes lèvres (les pauvres étaient toute sèches).

▬ Hum... Je... je n'fais pas partie d'une Église ou d'un clan anti-vampire, vous savez. Vous avez tout mon respect. Je... Je fais ça pour moi. Voyez-vous, j'essaye de comprendre pourquoi ils... vous volent votre sang.

Ma voix se faisait un peu tremblante. Trop pour qu'il ne me suspecte pas de mentir. Mais, après ce que je venais d'encaisser, c'était plutôt normal, non ? Enfin, il devait avoir l'habitude.
Voler du sang. Mais qu'est-ce que j'avais dit ? Pourtant le vampire semblait prendre ce marché noir comme la pire chose du monde. C'est vrai que se servir du sang des autres était excentrique et... dégueulasse. En tout cas, jamais je ne boirais de ce truc. Du sang... rien que le nom me donnait la nausée.

▬ Ecoutez. Certes, je ne peux pas comprendre ce que vous ressentez, mais je n'ai rien contre vous. Ce que je veux, c'est que ceux qui deale le sang de Vampire soit démasqué. C'est ce que vous voulez, n'est-ce pas ? Bon, eh bien, je peux sortir d'ici maintenant ?

A vrai, ce n'était pas un question, c'était plutôt une affirmation-question. Je ne voulais pas m’attarder plus longtemps, tout humain le comprendrait. Le Vampire faisait vraiment peur avec son calme apparent et sa pâleur extrême. J'avais l'impression de voir le fantôme de mes cauchemars.
J'avais commencé à poser mes pieds (nus) sur le sol, mais je tenais beaucoup à attendre le signal du grand blond.

La dernière chose dont Eric avait besoin, c’était de devoir traiter avec une fouineuse humaine complètement écervelée. Car oui, si elle avait eu le moindre petit neurone intelligent, elle ne serait jamais venue fouiller autour du Fangtasia. N’importe qui avec un tant soit peu de matière grise savait qu’il ne fallait pas se mêler des affaires d’Eric. En fait, n’importe qui avec un tant soit peu de matière grise s’arrangerait pour se tenir aussi loin que possible d’Eric. Cette femme, qui se croyait en mesure d’éclaircir ce mystère ne semblait pas être très au fait du monde dans lequel elle se fourrait le nez. Typique. Ces humains… ils étaient certains de tout savoir ou dans le pire des cas de pouvoir tout élucider. Comment des êtres si jeunes pouvaient-il se donner une croyance aussi stupide? Eric avait plus de mille ans de vie derrière lui. Certaines choses lui échappaient encore. Cette femme qui ne savait même pas les vampires à éviter dans sa propre ville se croyait-elle réellement capable de trouver la clé au trafic? Si c’était le cas, elle avait une trop haute estime d’elle-même et le viking ne tarderait pas à remettre cette estime à un niveau plus réaliste.

▬ Tu me prends pour un imbécile?

En tout cas, ça sonnait plutôt comme ça à l’oreille fine du vampire. Comme s’il allait croire aussi facilement qu’elle n’avait rien de mieux qu’enquêter sur un trafic de Vi pour son petit plaisir personnel. Les fangbangers, Eric pouvait les reconnaître d’un simple coup d’œil et cette fille n’en était pas une. Elle n’avait donc aucun objectif de « marchandage » derrière ses découvertes. Jetant avec une certaine négligence le petit calepin qui ne lui avait strictement rien appris qu’il ne savait pas déjà sur son bureau, le géant blond croisa les bras sur son torse sans perdre une parcelle de son aplomb légendaire.

… Était-ce une tentative d’attitude? Il semblerait bien que oui. Vraiment, elle ne se prenait pas pour n’importe qui cette gamine. Dommage qu’elle ne soit rien d’autre qu’un repas ambulant. Un repas qui ne faisait nulle envie à Eric, bien heureusement pour elle. Sa façon de croire qu’elle pouvait faire une différence lui coupait carrément l’appétit. Les humains… Si imbu d’eux-mêmes et si stupides par moment, s’en était risible. Comme si cette petite emmerdeuse allait pouvoir s’en sortir aussi facilement. Comme s’il allait lui ouvrir la porte toute grande, lui taper sur les doigts et la sommer de ne surtout plus recommencer. Et puis quoi encore? Décroisant les bras, le blond avait pointé le canapé d’un geste sec et tout aussi autoritaire que sa voix.

▬ Assis!

Il ne parlait pas à un chien? Et alors. Elle n’avait qu’à pas se lever. Généralement, lorsqu’on était dans ce genre d’entretient avec Eric, même remuer le petit orteil pouvait être déconseillé selon l’humeur du viking.

▬ Ce trafic n’est pas un jeu. Tu penses vraiment que te pointer ici va t’apporter miraculeusement toutes les réponses? Je devrais te casser tous les doigts un par un pour t’apprendre à te mêler de tes affaires.

Sa race, son sang, ils n’étaient pas là pour amuser les humains ou pour faire la une des journaux.

▬ Mais ce n’est pas en hurlant et en pleurant que tu vas me dire pour qui tu travailles, pas vrai? Je n’aurai pas besoin d’aller jusque là.

L’hypnose n’était-il pas plus conseillé? Peut-être oui, mais assurément moins amusant qu’un peu de la bonne vieille torture mentale et physique. Le message était plus facilement retenu en étant passé par la terreur. Faire d’elle un légume obéissant ne ferait que lui ramener un peu plus ses patrons sur le dos. Elle n’était qu’un pion dans l’histoire et ce qu’Eric avait à dire ne devait pas s’arrêter uniquement à elle.