Sortie au Musée. C’est nul comme sortie ça. Enfin, à la limite, ça aurait été la nuit, pour que les trucs s’animent comme dans « La Nuit au Musée » ça aurait été bien, mais non, fallait que ça soit pendant le jour. Alors, les dinosaures et les squelettes, ils sont morts et ils bougent pas. C’est pourri. J’ai boudé toute la matinée en prenant le petit déjeuner, parce que je voulais pas aller au musée. J’veux aller avec papa au boulot. Mais il m’a quand même déposé devant le musée et j’ai été récupérée par la dame de la garderie. Le musée, c’est grand. Y a plein de trucs, et je sais pas où regarder. Y a des jeux, souvent. Où il faut appuyer, et où il faut toucher pour comprendre. Je les ai tous fait ! Le truc où il faut bouger la main pour attraper la boule, où il faut faire tourner une bille jusque dans le trou… ! On pouvait tout toucher !

Alors, du coup, j’me suis un peu écartée du groupe, parce qu’il y avait un vase super joli, mais il manque des morceaux. Génial, un puzzle ! J’m’approche, je dépasse l’espèce de truc en velours qui empêche les gens de passer – je passe dessous – et je vais m’accouder au support. Il est joli le vase, mais je vois pas pourquoi ils ont pas fini le puzzle. Alors, je pose mes doigts là où il manque les morceaux, et je commence à tourner autour du socle pour voir s’ils ont pas caché les bouts quelque part, moi, les puzzles j’aime bien. J’en ai avec le roi lion à la maison, et j’en ai un avec les princesses disney aussi, où il faut les rassembler avec leurs animaux et leur prince. C’est trop génial les puzzles !

« Eh ! STOP ! » J’ai trop peur, la voix m’a surprise. Je lâche le vase, qui reste sur son socle et je me recule brutalement, et je tape la tête dans l’espèce de barrière en métal. Y a un monsieur qui a le ventre qui dépasse du pantalon qui arrive en courant vers moi. « Arrête ça tout de suite ! » Il passe la barrière à son tour et il vient me prendre la main, et il serre super fort. Alors je crie. J’essaye de récupérer ma main, je veux juste finir le puzzle moi ! IL EST BÊTE OU QUOI ?! « LÂCHE MOI ! » Il a pas compris ?! Il serre encore plus fort et il me regarde, il me fait peur, il est tout rouge et il est tout mouillé, on dirait qu’il vient de prendre une douche. Et il me fait mal à la main. Je commence à pleurer.

« Tu es folle ?! Tu te rends pas compte combien il est précieux ce vase ?! » Mais je l’entends plus, je pleure trop, et je me laisse tomber par terre, sur les fesses, j’ai pas envie de bouger. J’vois plus rien à force de pleurer. « Tu me fais mal ! » Il lâche pas ma main et il essaye de me tirer hors de l’espèce de carré de protection du vase, mais je veux pas moi. Il me fait mal, alors je continue de pleurer, et cette fois, j’y ajoute de la voix. J’commence à sangloter et à moitié à crier, et je veux pas bouger, et il m’énerve, alors j’envisage de le mordre. « Arrête de pleurer gamine ! » Je recommence à pleurer encore plus, et de ma main libre je me gratte les yeux parce que les larmes m’irritent.

« Veux mon papa… » Pas sûre qu’ils comprennent, parce que je l’ai pas articulé, c’était une espèce de cri suraigu, qui a résonné dans la salle, et j’ai pas envie qu’il me tienne avec sa main collante et son haleine de chacal. IL ME LÂCHE PAS ! Lâche moi ! Mais je me suis laissée tomber par terre. Il me tire par le bras, quelques centimètres, et ça fait mal à l’épaule. Il peut pas me soulever, s’il veut absolument me bouger ? Par sous les bras, pas en me tirant la main ! Je recommence à crier et à pleurer. « Lâche moi ! T’es gros, lâche moi ! Fais maaaaaaaaaaaaaaaal ! » Le ‘mal’ se transforme en cri. Je remarque même pas qu’il y a des gens qui se sont attroupés autour de moi, et la dame de la garderie a pas remarqué. Elle a dû passer dans l’étage du dessus, je l’ai vue monter avant de trouver le puzzle avec le vase. Mais il veut pas me laisser le finir !

Le rebord de la baignoire avait toujours été l’endroit que Rebecca préférait pour réfléchir … Elle avait l’impression d’être dans un autre monde lorsqu’elle se trouvait dans la salle de bain. C’était comme si elle se coupait du monde extérieur pour aller dans un lieu où tout était doux & agréable. La jeune femme, assise complètement nue sur le coin de sa baignoire, regardait les cicatrices que la dernière exécutrice avait laissé sur son corps. Avec le temps, elle finirait par disparaître ou elle pouvait utiliser le sang de vampire pour qu’elles partent mais pour le moment Becca ne voulait pas qu’elles s’effacent. Elle ne voulait pas oublier que la vie ne tenait qu’à un fil & qu’elle la devait à une chef de convent : Lucrezia Vasili. Son existence venait de prendre un nouveau tournant qui lui plaisait plus ou moins … Elle ne pouvait pas trop juger immédiatement les changements que sa nouvelle situation impliquait. Elle verrait bien par après comment cela se passerait … Jouée les espionnes pour un convent ne l’enchantait guère mais en même temps ce n’était pas la maigre protection que Jeremy lui offrait qui l’aiderait à vivre. Le jeune homme était adorable avec elle mais sincèrement d’un coup de poing elle pouvait le terrasser alors ne parlons pas d’une exécutrice primaire … En tout cas, il avait eu de la chance lorsqu’il lui avait sauvée la vie quelques semaines auparavant mais en ne tuant pas l’exécutrice il se l’était mise à dos. Cette dernière voulait désormais sa mort. Fort heureusement Lucrezia lui avait sauvée la mise quand elle était revenue & maintenant elle lui était redevable. C’était probablement pour cette raison qu’elle avait accepté son marché … à moins que ce rôle ne lui plaise plus qu’elle ne voulait bien l’admettre.

Il fallait qu’elle sorte sinon elle allait devenir folle en restant enfermée chez elle à tourner en rond. Balançant ses longues jambes dans le vide, Becca fit la moue en se demandant ce qu’elle pourrait faire. Elle avait fait sa lessive, le ménage ainsi que le repas … Oh tiens ! Elle n’avait pas préparé ses cours pour la semaine prochaine. Il fallait qu’elle s’y mette maintenant sinon elle allait accumuler du retard & ne verrait jamais le bout de son boulot. Se levant, elle enfila un peignoir en se dirigeant vers sa chambre. Depuis sa dernière rencontre avec l’exécutrice, la jeune femme avait changé d’appartement. D’ailleurs ce dernier avait été sécurisé par Lucrezia ! En passant devant son poste de télévision qui était allumé, elle se demanda à quelle heure passait sa série fétiche du moment : True Blood. C’était les publicités ! Sur la table basse, une pile de prospectus en tout genre menaçait de s’écrouler sur le sol. Lui lançant un regard presque absent, la jeune femme faillit ne pas remarquer celui du musée de Shreveport. S’arrêtant brusquement, elle prit le dépliant & le lut en intégralité. Pourquoi n’emmènerait-elle pas ses étudiants là-bas ? Elle n’aurait pas de cours à préparer mais seulement des questions perfides pour les obliger à écouter le guide. Une petite lueur perverse dans les yeux, elle fila s’habiller. Rebecca devait rencontrer un guide & s’arranger avec lui sur le parcours de la visite puis elle préférait faire un premier tour pour ne pas découvrir en même temps que sa classe les lieux.

Arrivée au musée, la jeune femme se balada tranquillement lorsque des cris l’interpellèrent. Tournant dans une galerie, elle aperçut un attroupement. C’était une chose plutôt étrange dans un musée comme celui-ci … Il n’y avait pas de gros groupes en dehors de celui de la garderie. Les gens profitaient de leur temps libre pour flâner ailleurs que dans les lieux culturels. Rebecca s’approcha piquée par la curiosité. Au cœur de l’attroupement, elle remarqua un homme qui semblait martyrisée une petite fille. Cette dernière ne devait pas avoir plus de 4 ans ! Qu’est-ce qu’il lui prenait à ce vieux fou ? Pourquoi lui criait-il dessus ainsi ? Pourquoi personne n’intervenait ? Ou étaient les parents de la petite ? Beaucoup de questions se bousculaient dans sa tête & aucune n’avait une réponse immédiate. La seule chose qu’elle comprenait c’est que la situation l’énervait ! Dans son enfance, elle avait certes dû suivre des règles 100 plus difficiles que celles que l’on imposait aux autres & à cette fillette. Pourtant, cela ne l’empêchait pas de trouver injuste de s’en prendre à cette gamine de la sorte. Le traitement que le gardien infligeait à la petite fille était tellement insupportable que Rebecca décida d’intervenir & tant pis si elle attirait l’intention sur elle. Bousculant les autres, elle s’approcha de l’étrange couple. Attrapant l’homme par le poignet, elle lui envoya une décharge électrique assez faible pour ne pas le tuer ou être remarquée mais plutôt forte pour qu’il lâche prise immédiatement. Ce dernier n’apprécia pas beaucoup de se faire maitriser par une femme sauf qu’il ne pouvait pas expliquer pourquoi il avait cédé. Il n’allait pas non plus crier à la foule qu’en le touchant elle lui avait envoyé de l’électricité. Les personnes présentes dans la galerie l’auraient pris pour un fou. Lui lançant un regard assassin, Rebecca lui dit d’une voix provocatrice :

« Vous voulez que je vous tire sur le bras comme vous le faites avec la petite ? Peut-être que j’arriverais à vous le déboîter ! Espèce d’abruti ! »

Se retournant la fillette avec un sourire, Rebecca ne vit pas le gardien venir vers elle & posé sa main sur son épaule. Surprise, elle sursauta puis se retourna. Ce dernier lui adressa un regard mauvais mais ne put rien dire car il eut le droit aux yeux méchants de la sorcière. Celle-ci lui lança :

« Ne me touche pas sale gros ! »

Euh … Il était préférable qu’il retire sa sale patte d’ours sinon il allait souffrir. Bon, Rebecca ne pourrait pas le recadrer devant tout le monde comme elle le désirait mais elle trouverait bien un moyen. Ne s’attendant pas à ce qui allait suivre, elle se retourna vers l’enfant pour la rassurer sauf que le gardien la tira dans l’autre sens. La jeune femme se mit à hurler :

« Mais lâchez-moi ! Vous me faites mal ! »

Évidemment, il fit la sourde oreille :

« Lâchez-moi vieux pervers ! »

Il n'était pas certain que ce soit Rebecca qui soit venue au secours de la petite puce.

Y a une dame qui est arrivée et qui a demandé au gros de me lâcher, alors il l’a fait quand elle l’a touché. Puis, après, elle m’a regardé et il a posé sa grosse main sur son épaule et il a commencé à la tirer, puis il est revenu vers moi, et il a à nouveau repris la direction de la dame. J’ai pas tout compris ce qu’elle a dit – c’est quoi un pervers ? – mais en tout cas, je veux pas qu’il fasse du mal à la dame, alors, comme quand maman elle voulait que le monsieur il sorte de l’appartement mais qu’il voulait pas parce qu’il trouvait qu’il avait payé trop cher ce qu’ils faisaient dans la chambre et que je devais pas écouter, et bah, je me suis approchée du gros et j’ai attrapé sa main et j’ai planté mes dents dedans. Une bonne grosse morsure, ça aide toujours. Le gros, il a lâché la dame et moi je me suis reculée en montant mes poings devant ma tête, poings serrés. Papa il fait comme ça quand il entraîne Jeremy, alors s’il veut se battre, le gros, il va devoir le faire comme papa ! Je fronce les sourcils, puis y a d’autre gens qui sont habillés comme le gros qui arrivent et qui demandent aux gens ce qu’il se passe. Je décide de prendre les choses en main, les poings toujours levés sur la défensive. Maman m’a suffisamment frappée de fois pour savoir que je dois pas me laisser faire par les gros et par les grands. Je suis petite, je pleure, mais je sais aussi taper. C’est le seul truc qui me fait encore croire. « Il voulait pas me laisser finir le vase ! C’est un puzzle, non ?! » Je l’ai crié.

Assez fort pour qu’ils entendent tous. Puis, y a un monsieur moins gros qui s’approche et qui s’accroupit à côté de moi, et il me tend ses mains. Je les regarde. « Y a rien. » Il sourit et je lance un coup d’œil à la dame, comme pour lui demander si je dois le mordre aussi ou pas. Je pense que je vais le mordre, juste pour être sûre. Comme ça, je pourrais finir le puzzle tranquillement ! Sauf qu’il parle, lui aussi. Mais il crie pas lui. « Miss, c’est pas un puzzle, ça. C’est très, très vieux. Alors, il ne faut pas le toucher, parce que si ça casse, on ne peut pas le remplacer, tu comprends ? » Je fronce les sourcils. Puis je baisse mes poings, même si j’ai pas envie. Je veux tous les frapper. J’ai vu mon papa taper des gens, ils tombent directement et ils sont endormis après que mon papa il les ait frappés. Pourquoi il est pas là, papa, hein ?! Il avait du travail. Il travaille tout le temps. Je préférais quand il ramassait la poubelle des autres et qu’il rentrait avec des bleus, au moins, il rentrait et il jouait avec moi. Mais le monsieur il a dit que les choses vieilles, il faut pas les toucher, sinon elles se cassent. Question.

« Mais, Eric il est super vieux ! Faut pas le toucher alors ? » Il me regarde bizarrement, et je comprends pas qu’il comprenne pas que je parle de Eric, le grand blond qui a trop la classe. J’amène mes mains devant ma bouche et je pointe les index pour imiter les dents. « C’est un vampire ! » Au cas où ils avaient pas compris. Les adultes, ils sont bêtes, ils comprennent rien à rien. Il peut pas y avoir 36 Eric super vieux dans le coin, si ?! Ou sinon, Papa il a du pain sur la planche. Parce que Eric c’est le meilleur des meilleurs. Même s’il prend tout le temps libre de papa, maintenant. Je fronce les sourcils et je réfléchis. Le monsieur reprend, en se redressant et regarde le gros. « Non, mais tu es fou ou quoi ?! Elle a quoi, 3-4 ans ? Tu penses qu’elle sait lire ? » Vu qu’il s’est redressé, il m’a laissée dans mon monde vu d’en bas, là où il faut lever la tête pour tout voir tout le temps. Alors, du coup, je m’écarte de lui, et, je vais voir la dame. J’enfonce mon doigt dans sa cuisse pour attirer l’attention sur moi. « Tu veux que j’appelle mon papa pour qu’il les tape ? Mon papa il tape très fort. » Il m’a dit de pas dire aux gens qu’il tapait super fort parce qu’il a été en prison, parce que les gens qui font de la prison, ils sont mal compris par les gens qui ont pas fait de la prison. Moi j’aimais pas aller à la prison visiter papa, les gens ils criaient et ils disaient des choses bizarres. Alors, je préfère voir papa toujours collé à Eric que derrière une vitre où on peut même pas le toucher et où il faut lui parler à travers un téléphone. Je me masse l’épaule et je vais voir le vase. Je m’essuie les joues, mais mes yeux sont irrités par les larmes et je plisse les paupières. Ca me gratte, alors je frotte du revers de la main. Je veux la responsable de la garderie, je veux rentrer, je veux plus faire son puzzle nul, là. Le gros se redresse et, sans rien dire, il s’en va et moi je lui tire la langue parce que je l’aime pas. C’est un gros méchant pas beau. Mais la dame elle est gentille, et l’autre monsieur il est gentil aussi. Mais ils se parlent, et vu d’en bas, j’arrive pas à entendre ce qu’ils disent. C’est pas juste d’être petite. Je vois pas quand est-ce que le bonhomme il passe du rouge au vert sur les routes, je vois pas les panneaux, je dépasse pas du four de la cuisine, j’arrive pas à attraper les choses sur le milieu de la table. Mais au moins, je passe sous tout.