▬ Ouais, c’est assez délicat… je devrais être là dans trois heures.

Reposant le combiné du téléphone sur son socle, Eric resta immobile quelques secondes. Il venait de contacter un vampire vivant dans un état voisin. Un vampire qu’il connaissait depuis longtemps et qui était à peine plus âgé que lui. Là où Eric s’était employé à amasser des fortunes en entreprises et commerces de toutes sortes, ce vampire, Balthazar, avait préféré amasser toutes les connaissances qu’il pouvait. Il lui avait déjà demander de lui envoyer de nombreux manuscrits tout en demeurant très évasif sur ce qu’il cherchait, mais étant donné que ses recherches n’obtenaient pas le moindre résultat satisfaisant, il fallait tenter quelque chose de plus direct. Le viking n’aimait pas particulièrement son idée, mais il commençait à en avoir marre de piétiner. Il voulait comprendre et le seul pouvant l’aider dans cette entreprise sur ce contient était son vieil ami Balthazar. Ce vampire avait dans les milles trois-cent ans. Il serait à même de pouvoir se contrôler, non? Oui, assurément. Ce vampire était devenu très pacifique depuis de nombreuses décennies, il ne devrait pas y avoir de problème. Parce que pour comprendre l’ampleur de ce que cherchait Eric, il fallait bien évidemment que Balthazar le voit… C’était la partie de son plan dont Eric n’était pas particulièrement fan. Eden n’était pas revenue au Fangtasia depuis cette histoire de sang et d’attirance et le shérif ne s’en portait pas plus mal. Chaque fois qu’elle entrait, elle risquait sa peau avec les autres vampires, même s’il commençait à être un fait notoire que cette humaine était la sienne.

Ces quelques secondes de réflexion passées, le blond se leva de son fauteuil, alla signaler à William qu’il était en charge du bar pour un jour ou deux. Sans lui laisser plus d’information puisqu’il n’avait aucune raison à donner à sa progéniture pour disparaitre quelques jours, Eric quitta le bar et grimpa à bord de sa voiture sport, allant directement à l’appartement qu’il avait cédé à Eden. Il y était allé qu’une fois pour lui faire signer les papiers d’actes de propriété et la brune avait eu l’intelligence de lui laisser le droit d’entrer. Ce pourquoi, une fois devant sa porte, Eric ne frappa pas, ni ne sonna. Il pouvait entendre l’eau de la douche grâce à son ouïe fine et un sourire pervers se dressa sur ses lèvres. Fouilla la poche de son jeans noir, le blond en sortie la clé du logement, déverrouilla, puis entra. Tandis qu’il mettait un pied dans l’appartement qui reflétait sans mal son goût pour le luxe et la classe, Eric put entendre l’eau s’arrêter. La porte de la salle de bain était ouverte – à quoi bon fermer lorsqu’on vit seul? – et ce constat ne fit qu’accentuer le sourire du vampire. Arrivant sous le cadre de la porte en une fraction de seconde, le blond s’appuya contre le chambranle, croisant les bras sur son torse. Ses yeux gourmant parcourait le corps de son humaine sans la moindre retenue, celle-ci se trouvant de dos en train de s’éponger avec une serviette.

Signaler sa présence? Et pourquoi faire? Elle s’empresserait de s’enrouler dans sa serviette et toute la vue en serait complètement gâchée. Il était bien inutile de précipiter l’inévitable. Elle finirait bien par sentir ou remarquer sa présence. Le vampire préférait de loin profiter du temps qu’il lui restait pour se repaitre la vue et faire face à une accablante vérité. Elle n’avait rien que les autres femmes n’avaient pas. Alors pourquoi ce corps était-il le plus attirant qu’il n’avait jamais vu? Pourquoi tout dans cette fille n’était là que pour faire naître un désir incontrôlable de se jeter sur elle pour lui prendre son corps et son sang? Les fibres de son être en tremblaient presque tant Eric se retenait de se jeter sur elle pour assouvir ses désirs. Mais Eric était maître de ses impulsions et ne leur laisserait libre court que s’il l’avait décidé. Il ne restait plus qu’à espérer que Balthazar saurait trouver une réponse à ce phénomène complètement surréaliste.

Malgré ce désir qui lui martelait chaque parcelle de son être, Eric aurait également pu rester appuyé contre ce chambranle pendant des heures rien qu’à observer le corps délicieusement attirant de la barmaid. Cette peau douce et chaude où ruisselait encore quelques goutes… Le vampire s’amusa à suivre l’une d’entre elle qui courait le long du dos de la belle, ondulant sur sa fesse qu’il devinait ferme, pour ensuite poursuivre sa route le long de sa cuisse.
Ce fut avec un sourire bien contenté sur le visage que le viking releva les yeux sur le visage d’Eden lorsque celle-ci senti finalement sa présence. Un juron coloré échappa à ses lèvres et le sourire du shérif ne se fit que plus satisfait. Elle n’était absolument pas consciente de l’effet qu’elle pouvait faire naître en lui, alors chaque fois qu’il constatait avoir un certain effet sur elle, il avait simplement l’impression que le court normal des choses se déroulait enfin.

▬ Pourquoi je frapperais à la porte quand j’ai une clé pour l’ouvrir?

Par simple politesse? Une réponse qui ne changerait aucunement les habitudes du vampire, cela va de soit. Quittant l’entrée de la salle de bain, Eric y pénétra, quittant la brune des yeux pour observer un peu ce qu’elle avait fait du lieu de vie qu’il lui avait offert. Tout était sensiblement pareil, certains objets avaient été déplacés, mais somme toute peu d’effets personnels. Il faut croire que la belle n’avait pas l’intention de s’installer là pour de bon. Dommage. Mais ce n’était pas comme si Eric n’avait pas tout son temps pour la convaincre du contraire. Tournant lentement autour d’Eden presque comme si elle n’était pas là, le blond termina son petit tour d’horizon en reposant finalement ses yeux bleus sur elle.

▬ Bien que ça me navre de devoir couper court à un si charmant spectacle, tu vas devoir t’habiller. On va voir un ami à moi et la route est longue, il faut partir tout de suite si on veut arriver avant le lever du jour.

Et avoir un peu de temps pour discuter avec Balthazar. Ce qui signifiait donc de prévoir passer un jour ou deux sur la route, mais ça, il ne l’avait pas dit, prenant pour acquis que la demoiselle saurait le lire entre les lignes.
Prenant une petite inspiration pour se délecter un peu plus de son odeur naturellement chaude et invitante, Eric quitta ensuite la salle de bain en agitant distraitement la main.

▬ Et dépêche-toi, j’aimerais ne pas avoir à m’absenter outre-mesure.

Allant s’asseoir mollement sur le canapé, posant ses pieds sur la table basse du salon, Eric gardait les yeux fixés sur les portes de la salle de bain et de la chambre, question de mettre un peu de pression sur Eden. Déjà que le shérif n’aurait pas dû prendre la décision de partir maintenant avec cette mort étrange de loup-garou qu’il restait à expliquer, il préférait écourter ce petit voyage au maximum. Avec de la chance, Balthazar saurait tout de suite de quoi il était question et ils n’auraient pas besoin de fouiller dans son immense bibliothèque pour obtenir enfin l’information tant désirée. S’ils pouvaient se rendre là-bas cette nuit et pouvoir repartir dès le levé de la nuit suivante, ce serait parfait! Mais évidemment, Eric ne fondait pas beaucoup d’espoir là-dedans. Mieux valait ne pas être trop optimiste.
Quand Eden émergea enfin de ses préparatifs éclairs, le vampire se leva du canapé et s’empara de son sac de voyage, poussant la belle vers la sortie sans le moindre mot. À peine une minute plus tard, ils étaient en voiture et Eric faisait vrombir le moteur. C’était un autre avantage à être vampire, il pouvait rouler vite sans que ça n’altère ses réflexes de conducteur. Et penser à expliquer à Eden pourquoi il la tirait de son appartement en pleine nuit? Oui, c’était une idée…

▬ Balthazar est un vieux vampire, un érudit. Il connait beaucoup plus de choses que moi, il saura peut-être ce que tu es ou il saura au moins où trouver une réponse.

Et pour qu’Eric dise que ce vampire en savait beaucoup plus que lui, il devait en connaître beaucoup puisque le viking était loin d’être un arriéré.

▬ Je ne voulais pas l’impliquer au départ, mais je crois que son aide est devenue indispensable maintenant.

Jetant un coup d’œil à l’humaine à ses côtés pour juger de son état d’esprit face à cette nouvelle, Eric l’observa quelques secondes avant de ramener ses yeux bleus sur la route.

▬ Il est plutôt pacifique et sait se contrôler, ne t’inquiète pas. De toute façon je ne te laisserai pas seule avec lui.

Et lui dire que Balthazar avait environ deux cents ans de plus que lui, ce qui le rendrait obligatoirement plus fort que le shérif? Détail inutile. L’idée n’était pas de laisser entendre à Eden qu’Eric pouvait se retrouver en situation de faiblesse. Et puis, comme il venait de le dire, Balthazar était un pacifique et il savait se contrôler. Il ne se jetait pas comme ça sur les humains tel un nouveau-né assoiffé de sang. Tout irait très bien.

À titre de simple information, oui Eric avait parfaitement entendu la reprise de ses propres mots et il en avait même un poil sourit. C’était ce caractère qui devait à la brune d’être encore en vie, autrement, le viking aurait cessé de se donner la peine de résister à la tentation de la vider de son sang depuis longtemps. Mais bref, une fois que la miss sortit de sa chambre, le vampire s’empressa de rejoindre la voiture pour partir au plus vite. Il avait épluché bon nombres de documents pour tenter de trouver lui-même réponse à la fameuse question, sans résultat. Il espérait donc vraiment que Balthazar saurait mettre un terme à ce cirque et qu’enfin Eric pourrait mettre une raison à cette addiction. Une raison, comprendre pourquoi, c’était tout ce qu’il voulait. Le fait d’être autant retourné à la simple présence d’Eden lui serait peut-être moins agaçante en ayant enfin une maudite réponse!
D’ordinaire plutôt doué pour prévoir les réactions des gens, il faut bien admettre que cette fois-ci le blond n’avait vraiment rien vu venir. Il le lui avait dit? Elle lui faisait confiance? – sympathique à savoir, mais une décision complètement naïve et stupide si vous voulez l’avis du vampire qui ne se ferait pas confiance lui-même! Et il devait faire demi-tour? Pour toute réponse, le viking garda le silence et accéléra. Typique, il va sans dire. Ce n’était pas elle qui s’était farci des heures de manuscrits pratiquement indéchiffrables, alors non, il ne ferait pas demi-tour! À retardement, cependant, le géant du nord se permit de remettre les pendules à l’heure pour un peu mieux expliquer les faits.

▬ Je ne lui ai pas encore parlé de toi, c’est bien pour ça que je ne trouve rien dans les bouquins qu’il m’a envoyé.

Profitant d’une ligne droite pour plonger sérieusement son regard dans celui d’Eden, pendant quelques secondes, on aurait presque pu dire qu’il avait une étincelle… plus humaine au fond de ses yeux bleus.

▬ Je te promets que ton secret sera bien gardé quand même.

Ramenant les yeux devant lui, ralentissant pour s’engager sur l’autoroute et accélérer ensuite de plus belle, le vampire ajouta d’une voix complètement calme et assurée :

▬ Tu peux me faire confiance, s’il ne coopère pas, je le tuerai.

Simple comme ça? Eric promettais de tuer un vampire plus vieux – donc plus fort – que lui et qu’il connaissait depuis des centaines d’années s’il pensait qu’il ne garderait pas la particularité d’Eden pour lui? Absolument oui. Regarder derrière son épaule n’avait jamais été le genre du shérif. Et puis, de toute manière…

▬ Tu es mon humaine, s’il fait quoi que ce soit je serai dans mon droit.

Pas au point de tuer un congénère pour une simple humaine dirait une petite voix si celle-ci ne tenait pas à la vie, mais les lois… humaines ou vampires, Eric n’en avait toujours fait qu’à sa tête, s’arrangeant toujours pour se sortir d’affaire au besoin. Après tout, avec son âge et le fait qu’il puisse encore fouler cette bonne vielle planète bleue, il ne faisait aucun doute qu’il avait eu recours à ce genre de manigances en marge des lois à plus d’une reprise.

Faisant donc une bonne partie du trajet, pour ne pas dire tout le trajet, dans un silence oscillant parfois du côté du silence tendu, ils finirent par arriver à la demeure de Balthazar un petit deux heures avant l’aube. La grande maison de style victorien était magnifique, mais ça n’impressionna nullement Eric malgré le manque de classe que pouvait avoir le Fangtasia à côté. Il faut préciser que le viking n’avait pas que ce bar en guise de domicile et que son domaine français ou son vignoble italien n’étaient pas à plaindre niveau classe et style!
Le claquement de porte n’étant pas tombé dans l’oreille d’un sourd, Eric ne fit pourtant aucun commentaire à ce sujet. Comme s’il se souciait du fait qu’elle était de mauvais poil de toute façon… Pas du tout, en effet, vous commencez à connaitre le viking! Et rien que pour agacer un peu plus la jeune femme – dans l’éternité, on s’amuse comme on peut visiblement – le vampire prit soin de frapper à la porte cette fois-ci et quelques instants plus tard, celle-ci s’ouvrit sur un vampire qui avait l’apparence d’un homme dans la mi-vingtaine et qui était visiblement originaire d’orient. Ce dernier ne s’attarda pas vraiment sur Eden au départ, constatant simplement que son vieil ami n’était pas venu seul.

▬ Je comprends mieux pourquoi ça t’as pris du temps…

S’effaçant simplement pour laisser le passage à son invité et celle qui l’accompagnait, l’érudit ouvrit la marche pour se rendre directement à son immense bibliothèque privée contenant majoritairement des ouvrages de collections et des manuscrits d’une valeur inestimable.

▬ Et maintenant je peux savoir ce qui est si secret et délicat que ça me vaut une visite?
▬ Tu ne dois en parler à strictement personne.
▬ Oui, tu me l’as déjà dit au téléphone.

Attendant encore quelques secondes, comme s’il prenait le temps de juger s’il devait faire marche arrière tout de suite, Eric pointa finalement Eden du menton.

▬ C’est elle qui est si délicat.

Arquant un sourcil, Balthazar daigna enfin accorder de l’attention à la demoiselle, son expression désabusée se figeant presque instantanément pour devenir soudainement complètement intriguée. Presque une minute entière passa avant qu’il ne demande :

▬ Qu’est-ce que tu es?
▬ C’est ce qu’on aimerait bien savoir.

Préférant couper court au contact visuel que Balthazar pouvait avoir avec elle, Eric se déplaça de quelques pas, de manière à se trouver entre Eden et son ami qui fouillait déjà dans son esprit.

▬ Et son sang?

Le blond ne dit rien, jetant un œil à la fille avant de revenir sur l’érudit qui émit simplement un air de « ah ouais tant que ça. »

▬ T’as une idée?
▬ … Peut-être. Vas l’installer dans une chambre le temps que je sélectionne quelques bouquins.

Notant sans mal le regard appuyé sur son humaine, Eric hocha de la tête, faisant signe à celle-ci de le suivre tandis qu’il quittait la bibliothèque pour monter à l’étage jusqu’à la première chambre qu’il croisa.

▬ Si, je reste.

Comme s’il était suffisamment stupide pour prendre le risque de la laisser seule en compagnie d’un autre vampire. À défaut de savoir ce qu’elle était, il savait que c’était quelque chose de trop alléchant pour y résister éternellement. Lui-même, qui avait une volonté immuable avait un grand mal à se retenir de lui sauter dessus pour la vider de son sang. La majorité des vampires n’avaient pas sa retenue. Balthazar était de ceux qu’il considérait comme capable de résister à cette douce tentation sur deux pattes, mais soyons francs, Eric n’avait pas confiance. Il n’avait même pas confiance en William pour ça, alors il ne ferait certes pas confiance à un autre vampire.
Si la belle se croyait éjectée de la conversation par le fait de lui montrer une chambre, ce n’était absolument pas le cas et sa remarque sur ce rejet dont elle croyait être la victime fit sourire Eric de son éternel petit sourire en coin qui montrait son amusement.

▬ Le soleil se lève bientôt. Il voulait simplement que je te montre un endroit où tout pourra te reposer pendant la journée.

Prenant les clés de voiture qu’il avait enfoui dans ses poches à leur arrivé, le grand blond les déposa sur une table de chevet avant de sortir son portefeuille et de laisser également quelques billets à côté des clés.

▬ Je doute qu’il ait de quoi manger, alors tu devras aller faire tes courses si tu as faim.

Considérant inutile de lui faire visiter la maison, lorsqu’ils redescendirent pour retourner à la bibliothèque, Eric ne fit que pointer vaguement le couloir qui menait à la cuisine. De toute manière, une fois le soleil levé, ni lui, ni Balthazar ne serait là pour l’empêcher de fouiner à sa guise dans la maison. De toute manière, son ami lui en aurait fait mention s’il possédait une pièce ou quelque chose en particulier qu’il aurait souhaité soustraire aux yeux d’Eden. Puis, il lui faudrait des connaissances élargies en langues mortes de toutes sortes pour qu’elle puisse comprendre ne serait-ce que le quart de toute l’information que pouvait posséder Balthazar. Elle ne risquait pas de faire quoi que ce soit de réellement répréhensible pendant que les vampires dormiraient.
Revenant donc à la bibliothèque, Eric menait encore la marche, Eden derrière lui. Balthazar était perché dans une échelle à sortir des bouquins ici et là qu’il croyait corresponde à ce qu’ils tentaient d’élucider. Dès qu’Eric et Eden pénétrèrent dans la pièce, cependant, le plus âgé quitta les dos de ses livres des yeux pour les poser sur la barmaid. Son regard brûlant de désir, Eric ne l’appréciait pas. Il avait vu le même dans les yeux de plusieurs vampires la nuit où il avait fait d’Eden son humaine – par un procédé absolument vil et manipulateur, mais ceci n’est pas le sujet à débattre pour le moment.
Balthazar détacha ses yeux de la brune pour croiser le regard du viking. Un message semblait passer comme s’ils arrivaient à communiquer sans avoir à prononcer un mot. Eric comprit tout de suite qu’il s’était malheureusement trompé. Son vieil ami n’avait pas une volonté aussi forte que ce qu’il avait cru.


▬ Ne fait pas ça.
▬ Il le faut. Je ne sais pas comment tu fais pour résister…
▬ Je lui ai promis que ça n’arriverait pas.
▬ Tant pis, ce sera toi ou moi.

La fine barrière de retenue que possédait encore Balthazar s’effondra à cet instant, le vampire laissant sortir ses crocs. Une simple fraction de seconde plus tard, il laissa tomber les quelques volumes qu’il avait en mains et descendit de son échelle pour foncer sur Eden. Eric s’interposa, comme il avait laissé entendre qu’il ferait. Balthazar l’avait compris, évidemment, mais ça n’empêcha pas le plus vieux d’user de sa supériorité pour envoyer valser le blond à plusieurs mètres. Chaque attaque et chaque repousse de l’un et de l’autre était à peine discernable à l’œil humain et il ne fallut pas cinq secondes à Balthazar pour arriver à atteindre Eden et l’empoigner par la gorge. Il n’était qu’à quelques millimètres d’enfoncer ses crocs dans la chaire de son cou quand l’érudit s’arrêta dans son geste, le visage figé quelque part entre la stupeur et la douleur. Quand il explosa en sang et en matières organiques, Eric se tenait encore dans son dos, la patte de chaise qui lui avait servie de pieu improvisé encore dans la main droite.
Les blessures que cette violente bagarre éclaire lui avait infligées commençaient déjà à cicatriser, mais ce n’était que très minime pour le viking. Il avait cru Balthazar capable de retenue et il s’était trompé. Même un vampire plus âgé que lui avait été incapable de s’interposer entre Eden et les bas instincts qu’elle arrivait à décupler. Et il avait dû le tuer. Bien sûr, cette perte n’allait pas attrister Eric, mais ça lui faisait tout de même quelque chose. Balthazar était un vampire pour qui le shérif avait toujours eu beaucoup de respect et il venait tout juste de lui offrir la véritable mort juste parce qu’il n’avait pas su se contrôler. Eric ne dit rien pendant de longues secondes, un silence plutôt froid planant sur la bibliothèque.

▬ Tu vas devoir reprendre une douche…

Et lui aussi puisque leurs proximités avec Balthazar au moment de sa mort les avaient aspergés de son sang et de ses entrailles. Laissant tomber le morceau de bois qu’il tenait entre ses doigts, le géant du nord enjamba les restes de son vieil ami sans qu’une seule émotion de soit lisible sur son visage. Pourtant, un être connaissant bien le vampire aurait pu être à même de deviner de vagues excuses dans la phrase qu’il venait de dire. Eric ne s’excusait évidemment jamais, mais William y aurait assurément compris le sens caché. Le viking avait assuré en voiture que Balthazar était un vieux vampire pacifique qui possédait un bon contrôle de lui-même. En moins de dix minutes, il s’était jeté sur Eden comme un obèse affamé sur un cheeseburger. Sans admettre être désolé, donc, Eric l’était. Il avait induit la brune en erreur, lui avait fait courir un danger qu’il lui avait assuré d’éviter. Il était en faute et il le savait. Mais entre en avoir conscience et l’admettre, il y avait une différence considérable.
Devant également prendre une douche, le vampire n’avait plus accordé un regard à Eden après cette phrase qu’il considérait être l’aveu de son erreur. Il lui suffirait de monter à l’une de ces chambres adaptées pour les vampires – sans fenêtre, donc – comme il était déjà prévu qu’il fasse à l’aurore. Il se trouvait encore dans l’escalier qu’il commençait déjà à déboutonner sa chemise imbibée du sang de Balthazar, en profitant pour décoller un lambeau de peau fondue du tissu et de jeter le déchet organique par terre, sans aucune considération. Maintenant que Balthazar était mort, le plan était simple. Fouiller eux-mêmes sa bibliothèque en espérant y trouver des réponses. De toute façon, maintenant que le propriétaire n’était plus, ce n’était pas comme s’ils étaient réellement pressés de quitter cet endroit…

Elle n’allait pas se plaindre, au moins elle n’avait pas fantasmé une nouvelle fois sur Eric dans son sommeil.
…
Et ben si, justement, elle y trouvait à redire. On sait, ces humains, jamais contents. Quand elle faisait des rêves érotiques sur le viking, elle râlait. Quand elle se réveillait en sursaut, complètement en sueur, après un cauchemar qui se terminait avec des lambeaux de chair dans les cheveux, elle râlait. Finalement, quels rêves lui fallaient-ils ? Des rêves normaux, pour commencer, ce serait pas trop mal. Inutile de lui indiquer que ses derniers rêves sur le vampire qui l’accompagnait avaient tout de normal, elle répondrait probablement que c’était juste le sang de vampire qui faisait toujours effet.
Quoiqu’il en soit, elle n’avait du dormir que deux ou trois heures tout au plus quand elle avait ouvert les yeux dans une chambre inconnue. Il ne lui avait pas fallut beaucoup de temps pour se rappeler des évènements de la veille avant de lâcher un juron en rejetant la couverture sur le sol. Passant une main sur son visage aux traits fatigués, ses yeux s’étaient tournés vers la fenêtre. Il était quoi ? 10 heures ? 11 heures peut être ? Encore trop de temps à attendre pour qu’une compagnie puisse la rassurer sans même faire quelque chose.
Dans un soupir, Eden s’était levée avant de filer sous la douche. La dernière qu’elle avait prise, elle avait du le faire en se retenant de vomir. Elle avait beau avoir passé des heures sous l’eau, son cauchemar lui avait donné l’impression qu’elle n’avait pas retiré tout du vieux vampire intellectuel.

Une nouvelle fois, elle s’était donc attardée avant de juger que plus ou moins ne ferait pas une grande différence.
Coupant l’eau, elle avait enfilé jean et pull qu’elle avait fourré dans son sac la veille avant de descendre pour faire le tour du propriétaire, évitant soigneusement la bibliothèque pour une raison qu’il était bien inutile de rappeler.
Curieux qu’elle déplore présentement le fait qu’Eric ne pouvait pas rester debout la journée à lui tenir compagnie. De là à lui avouer, c’était une autre histoire, mais sans doute s’en cacherait elle moins qu’elle ne l’aurait du. Après lui avoir demandé indirectement de ne pas partir hier, elle ne lui avait pas reproché comment la situation avait finit par dégénérer la vieille. Une grande première !
A vrai dire, sur le moment, elle avait même cherché un moyen de le remercier. Trop longue pour le formuler, il lui suggérait déjà une douche évidente qui lui avait fait refermer la bouche bêtement avant qu’elle hoche simplement la tête.
Et maintenant qu’elle se retrouvait seule dans une demeure qui ne lui semblait plus magnifique mais plutôt terrifiante à vous en donner des frissons… elle tentait de se souvenir que c’était lui, une fois de plus, qui l’avait foutu dans la merde. Peine perdue… seule dans cette maison inconnue, elle n’avait qu’une hâte… que les heures du jour défilent pour que le viking se retrouve à ses côtés.
Le premier qui proposerait la sortie de violons se recevrait sans aucun doute un coup.
Qu’est-ce qu’elle y pouvait si elle se sentait en sécurité avec lui ?
Un des effets du sang ? Non seulement les effets ne tenaient plus, mais cette impression remontait depuis le premier soir où ils s’étaient retrouvés tous les deux dans un maudit pick up.

N’y tenant plus, elle avait finit par se saisir des clés de voiture du viking ainsi que l’argent laissé la veille pour quitter cette maison trop calme, fermement décidée à n’y revenir qu’à la tombée de la nuit.
Pendant les heures de la journée, elle avait trainé dans le coin, engloutissant un repas rapide dans un fast food avant de traîner dans un supermarché pour finalement déambuler au hasard des rues. La dernière heure, elle l’avouait avoir passé à conduire… oui, elle avait trompé sa fidèle voiture, sa fidèle poubelle à 4 roues, et la honte ne l’avait même pas effleuré une seule seconde le temps qu’elle s’était retrouvée derrière le volant du petit bolide d’Eric.
Elle plaiderait un amour éphémère pou ce qui brille, quelque chose dans le genre. Et inutile de lui dire que sa voiture n’avait pas de cœur ! Sa voiture était une exception… qu’il était sans doute temps de se résigner à abandonner.

La nuit était déjà tombée quand elle s’était finalement garée devant chez le feu vampire.
Hésitante, elle avait monté les quelques marches qui conduisaient à la porte qu’elle n’avait pas ouvert avec plus de motivation.
Le silence qui régnait n’avait été coupé que par le rythme des pulsations de son cœur et son souffle. Doucement, elle avait refermé la porte derrière elle. Avant même d’analyser l’intérieur, elle avait lancé un faible :

- Eric ?

Quoi ? Il n’était pas sourd, bien au contraire non ? Inutile de réveiller les morts….

Durant les premières heures où le soleil était levé, Eric n’avait pas vraiment dormi. Allonger dans un cercueil, il avait passé ces heures l’oreille tendue à écouter le moindre petit bruit qu’il y avait dans la maison de son défunt ami Balthazar. Bien qu’il ne l’admettrait jamais, le viking n’était pas très fier. Il était venu ici avec un poil de méfiance envers l’érudit et la réaction qu’il pourrait avoir en se trouvant face à Eden, mais il avait pourtant eu l’espoir que cette méfiance s’avère inutile. Balthazar était un vieux vampire pacifiste. Il ne se livrait plus à suivre ses bas instincts, comme il l’avait fait cette nuit, depuis quelques siècles déjà. Comment un tel vampire avait-il pu être à ce point incapable de résister à l’appel du sang de la barmaid? Ce qu’elle était, Eric n’en avait toujours pas la moindre idée, cependant, il se confortait dans l’idée qu’elle devait être quelque chose de précieux et de rare. Le géant du nord n’était donc pas très fier de lui avoir fait courir ce risque, qu’il s’entêtait pourtant à juger de nécessaire. Le shérif aimait les énigmes, oui, mais il appréciait surtout d’en trouver la solution. Hors, la solution ici présente commençait à se faire beaucoup trop désirer à son goût. Il était temps de mettre fin à ce mystère. Y avait-il seulement une réponse quelque part dans la collection de Balthazar? Rien que s’en assurer pourrait prendre des années lorsqu’on considérait le nombre de documents que possédait le vampire érudit. Eric voulait une réponse, mais de là à y mettre des années…

Réfléchissant donc un peu à tout ça tout en écoutant ce qui se passait dans la maison, il entendit Eden se lever après quelques heures, puis, lorsqu’elle quitta la demeure, le vampire s’accorda le sommeil contre lequel il lutait depuis le levé du jour. Dès que le soleil disparut, le blond ouvrit les yeux, la faim au ventre. L’énergie que ça lui avait demandée pour rester éveillé en début de journée, lui donnait maintenant affreusement faim. En quittant le cercueil, il savait non seulement qu’Eden n’était pas rentrée, mais aussi exactement où elle se trouvait grâce à son sang qu’elle avait ingéré quelques semaines au par avant. Il ne trouvait pas très prudent qu’elle se balade seule de nuit dans une ville inconnue étant donné ce qui c’était passé la veille, mais si elle se faisait tuer… soyons franc Eric serait libéré de cette obsession et ça ne serait pas plus mal!

Enfilant un pantalon et une chemise sans tâche de sang dessus, le vampire profita de l’absence d’Eden pour vite aller se nourrir. Il mit la main sur la première personne à disposition – soit une femme d’une quarantaine d’années – et une fois qu’il fut sustenté, il l’hypnotisa sans le moindre scrupule afin qu’elle aille dans la demeure de Balthazar et nettoyer le gâchis de sang et de déchets organiques qui commençait à s’incruster dans la moquette de l’érudit. Laissant donc cette femme dont il ne savait même pas le nom vaquer à ce nettoyage qui rendrait la bibliothèque plus fréquentable, Eric s’empara des quelques bouquins que son vieil ami avait sorti des étagères peu avant de se jeter sur Eden et provoquer sa propre perte. Les hypothèses de Balthazar étaient peut-être mortes avec lui, mais ces quelques manuscrits demeuraient une piste non négligeable pour Eric.

Le viking avait à peine pu commencer à feuilleter le premier livre lorsqu’il sentit Eden se rapprocher de la maison, puis y entrer. Presqu’au même instant où elle avait soufflé son nom, le vampire était apparu devant elle. Il s’était peut-être positionné un peu trop près d’elle justement, envahissant sans doute son espace personnel, mais il faut bien admettre que le blond s’en fichait complètement. S’il savait – sans trop comprendre comment d’ailleurs, étant donné la réaction de ses congénères – résister à la tentation de planter ses crocs dans sa chaire, il ne résistait cependant pas à celle d’être près d’elle, de respirer pleinement son odeur et même de la toucher lorsque la situation le permettait.

La surplombant donc de la trentaine de centimètres qu’il avait de plus qu’elle, il avait la tête légèrement inclinée vers le bas pour être en mesure de la regarder dans les yeux. Il était parfaitement conscient que ce n’était pas ainsi qu’on soulignait sa présence à quelqu’un, mais Eric ne faisait jamais rien comme les autres. Sans compter qu’à l’effet qu’elle lui faisait, il n’était que justice qu’il joue lui aussi avec elle à sa manière, non? Même si c’est non, soyez certains que le guerrier viking fera à sa tête, comme toujours.

▬ Oui?

Pendant un instant, Eden avait bien cru que la crise cardiaque n'était pas bien loin. Son coeur n'avait pas loupé qu'un seul battement quand l'ancien viking était apparu brusquement devant elle. Dans un sursaut, elle s'était repliée contre la porte qu'elle avait espéré plus loin que ça histoire de mettre une distance plus "normale" entre elle et Eric. Malheureusement, il lui avait suffit de faire un pas en arrière pour sentir le bois de la porte contre ses mains.
Dans un soupir, elle avait récupéré la fonction de la respiration qu'elle aurait souhaité plus régulière. Mais il semblait difficile de respirer normalement quand Eric se tenait si près. Inutile de dire qu'elle avait attribué la gêne de cette proximité au sang ingéré il y a quelques temps. Vu tout ce qu'elle mettait sur le compte de ce sang, on n'était plus à ça près après tout. Ici, probable qu'une proximité anormale aurait suffit à justifier le fait qu'elle ait tant de mal à soutenir son regard. A plusieurs reprises, elle avait cherché à regarder ailleurs avant de se contraindre à lever les yeux vers le géant.

- Tu veux me tuer ou quoi ? Fais au moins l'effort d'arriver à une allure normale. Ou d'annoncer ta présence. Tu sais, un truc un peu plus... laisse tomber.

Humain ?
C'était bien le moment qu'elle avait pensé, une fois de plus, avant de juger, encore une fois de plus, qu'il était inutile de le prononcer dans ce cas.
Sa présence, c'était bien pourtant celle qu'elle avait espéré en entrant. Probable que s'il n'avait pas fait son apparition pour lui filer une crise cardiaque, elle n'aurait pas traîné dans les parages. Elle serait ressortie de la maison pour rouler une heure ou deux de plus et tenter sa chance pour plus tard. A moins d'attendre dans un lieu public qu'il fasse son apparition comme par magie. Pour sa défense, le lieu n'avait plus grand chose d'attirant depuis l'épisode de la veille. Et c'était sans aucun doute sa propre folie qui la poussait à penser qu'elle était en sécurité avec Eric dans les parages. Pour la défense de sa folie, ce n'était pas la première fois qui lui venait en aide. Oui, même si à la base il la mettait dans des situations pareilles. Même si, en considérant l'épisode d'hier soir, elle aurait du choisir de prendre de l'avance sur lui pendant la journée. Faire ses valises à Shreveport et mettre une bonne distance entre eux. Après tout, si l'autre vampire avait été incapable de se contrôler, comment lui le pouvait ?
Et pourtant, elle était toujours là.

- Comment tu fais ?

Semblant hésiter quelques secondes à s'expliquer davantage, la curiosité avait finalement pris le dessus :

- Tu m'as dis hier que c'était un vieux vampire... alors j'ai pensé... comme toi tu arrivais à te contrôler....

L'épisode d'hier semblait au moins lui avoir fait prendre conscience que si elle était un appât à vampire, ça valait aussi pour Eric.
Peut être. Mais sans doute pas assez pour qu'elle se trouve encore ici. Qu'est-ce qu'elle y pouvait ? Elle était plus loin que prévu de contrôler ses sentiments, et le sentiment d'être en sécurité avec Eric était toujours présent.
Mais si Balthazar était incapable de ne pas se contenir, comment Eric le pouvait ? A tort, visiblement, elle s'était imaginée que le tout était une question d'âge. C'est en tout cas la conclusion qu'elle avait eu la première fois qu'elle s'était posée la question.

- Il n'était pas si pacifique que ça au final....

Ah les plans d'Eric. Un coup ça finissait dans un pick-up avec des cadavres démembrés à l'arrière, un autre avec des bouts de vampire dans les cheveux ! Au moins, il savait surprendre et se montrer original. On ne pouvait pas lui retirer ça.

- Est-ce que tu as jeté un oeil dans ses bouquins ?

C'était tout ? La partie reproches se limiterait à son erreur sur le côté pacifique d'un vieux vampire ?
Peut être, tout dépendrait de la tournure que prendrait la conversation.
Pour le moment, la curiosité semblait dominer le reproche. Si un vieux vampire fana de bouquins comme Balthazar, et pacifiste selon Eric, n'était pas capable de se contrôler. Si elle ressemblait à ce point à un appât à vampire... qu'est-ce qu'elle était ?
Un genre d'alien ? Une créature dans le genre des vampires et autres ? Visiblement, elle n'était pas si proche que ça des humains.

▬ Mais c’est toi qui m’a appelé…

Admettre qu’il n’avait pas attendu qu’elle dise son nom pour quitter la bibliothèque et venir la rejoindre dans le vestibule? Jamais, évidemment! Il était un vampire, pas une bonne sœur, la triche et la mauvaise foi faisaient partie de son quotidien. Hochant plutôt de la tête lorsque la brune lui proposa d’oublier ça, le viking opta pour changer de sujet également. Inutile de se battre pour savoir qui aurait le dernier mot, Eric avait déjà une progéniture championne dans cet art, ce n’était pas la peine d’encourager son humaine à développer ce même penchant.
N’avançant pas, mais ne reculant pas non plus pour offrir un peu plus d’espace à Eden qui, visiblement, en demandait de manière non-verbale, le vampire planta ses mains dans les poches de son pantalon noir. Engager la conversation? Non, pas vraiment le genre du géant du nord. Rester debout et de marbre tel la personnification du glacier qu’il était, c’était beaucoup plus dans ses cordes. Et puis, c’était une autre chose qu’il n’admettrait jamais, pourtant c’était bien pour laisser à Eden le choix de s’exprimer qu’il gardait le silence. Ils n’avaient pas parlé après ce qui c’était passé la veille avec Balthazar et, comme Eric était entièrement responsable du fait que la brune s’était retrouvée face à un vampire de plus de mille ans qui voulait la dévorer… Oui, elle avait le droit de s’exprimer sans que le viking ne cherche à provoquer ou évincer le sujet. Plus souvent qu’autrement, il était vrai que le blond ne donnait absolument pas l’impression de comprendre les interactions sociales et pourtant c’était tout le contraire. Il comprenait les humains bien mieux qu’eux-mêmes y arrivaient parfois. Ne pas leur facilité la tâche lorsqu’il était question d’interagir avec lui ne signifiait pas qu’il était ignare en matière de relations interpersonnelles. C’était en partie ce qu’il prouvait en ce moment, alors qu’il restait sagement dans l’attente qu’Eden prenne les rênes de cette conversation.

Et inévitablement, comme il le pensait, la question finit par être posée, le sujet abordé. Pourquoi Balthazar avait été incapable de maîtriser ses instincts mieux que ça? Pourquoi s’était-il jeté sur elle en sachant parfaitement qu’Eric allait la défendre et que ça entrainerait probablement la mort de quelqu’un? Pourquoi avait-il cédé si rapidement à la violence alors qu’il était supposé être un vampire pacifiste qui ne tuait plus les humains depuis des années? Des questions auxquelles Eric n’avait pas réellement de réponse…

▬ Je le pensais aussi.

Il était sincère d’ailleurs. Il pensait réellement que Balthazar était le parfait vampire à consulter pour cet étrange phénomène. Un vieux vampire comme lui qui avait fait le choix de ne pas tuer les humains dont il se nourrissait et de ne pas se nourrir sans l’accord des humains en question. Oui, Eric avait réellement cru que Balthazar saurait résister à la faim violente que déclenchait Eden sur son passage. Mais il faut croire que même à Eric il arrivait de se tromper.

▬ Je vais être franc avec toi. Tu me donnes faim. Très faim. À chaque fois que je te vois. Mais je suis têtu et je déteste perdre le contrôle. Je suis le maître de mes instincts, jamais l’inverse. J’imagine que Balthazar n’était pas aussi rigide que moi en la matière.

Sortant les mains de ses poches, il les posa doucement sur les frêles épaules de la brune – ou du moins avait-elles l’air frêles sous les grandes mains du géant nordique. Il se pencha davantage pour avoir la tête presque à la même hauteur que celle d’Eden, désireux de bien montrer tout le poids de ce qu’il s’apprêtait à dire.

▬ Je ne mentais pas quand je disais que tu n’avais pas à me craindre. Je tâcherai d’être plus vigilent à l’avenir avec les vampires que tu rencontres. Balthazar n’était pas sous ma juridiction et il était plus âgé que moi. Il s’est senti en supériorité et il a cru pouvoir prendre le dessus. Ça n’arrivera plus.

Aucune excuse? Et puis quoi encore. Eric ne s’excusait jamais de rien. Il venait tout de même de dire qu’il ferait tout pour qu’une telle situation n’arrive plus jamais, c’était déjà beaucoup dans le cas du fier viking!
Pressant un peu les épaules d’Eden avant de laisser retomber ses bras de chaque côté de son corps, le blond s’enclin finalement à reculer d’un pas, puis de deux. La confession était faite, ils passaient maintenant aux choses sérieuses, soit les fameux bouquins.

▬ J’allais justement m’y mettre quand tu es arrivée.

Ouvrant la marche pour se rendre à la bibliothèque, il tourna un instant la tête vers la jeune femme comme pour s’assurer qu’elle le suivait, avant de ramener la tête vers l’avant pour regarder où il allait, le tout en continuant de mettre Eden au parfum.

▬ Je veux commencer par les manuscrits que Balthazar a sorti hier, il y aura peut-être une piste de ce à quoi il pensait dans ceux-là. La plupart sont en latin, mais je crois qu’il y en a deux ou trois en anglais si tu veux participer.

Quand ils arrivèrent dans la bibliothèque, l’humaine qu’Eric avait ramassée dehors pour se nourrir était déjà en train de nettoyer ce qui restait du vieux Balthazar.

▬ Ne t’occupes pas d’elle, elle partira dès qu’elle aura terminé.

Se dirigeant vers les fauteuils de lecture où il avait empilé les bouquins sur une table basse, le viking farfouilla un peu pour finalement extirper un manuscrit de la pile. Il le tendit par la suite à Eden.

▬ Tien, celui-là est en anglais.

Donc le fait qu'elle l'ait appelé justifiait la crise cardiaque qu'il venait de manquer de lui filer ?
Levant un sourcil, visiblement sceptique, Eden n'avait cependant rien ajouté. A quoi ça lui servirait de contester ? A pas grand chose, probablement. C'était sans doute parfaitement normal de débarquer de cette manière dans son monde. S'il ne l'avait pas entendu arriver à des kilomètres à la ronde, elle lui aurait fait partager son expérience. Mais même s'il n'avait pas des sens plus développés, il n'avait plus de coeur qui manquait quelques battements pour marquer la surprise. Le sien avait arrêté de battre il y a plus de mille ans, alors à quoi bon lui faire partager son point de vue des choses.
Se contentant de soupirer avant de rouler des yeux, ce débat là avait été rapidement clos pour s'ouvrir sur un autre, plus délicat et moins facile à aborder.
Sa réponse semblait sincère, tout comme il avait l'air de penser qu'elle ne craignait rien la veille quand il lui avait parlé de Balthazar. Mais entre Balthazar et lui, il semblait y avoir pas mal de différences. Elle l'avait sentit à l'instant même où elle avait fait la rencontre de l'érudit.
Si Eric la mettait mal à l'aise, comme maintenant, elle ne craignait pas pour sa vie quand il était dans les parages. C'était même le contraire.
Pour ce qui était de Balthazar, elle avait sentit la peur s'emparer d'elle lorsqu'elle avait croisé son regard, à raison visiblement. Avait-elle également raison dans le cas d'Eric ? Ou était-elle juste stupide de le trouver rassurant ?

Préférant ne pas lui couper la parole, elle l'avait laissé poursuivre. Là où d'autres auraient préféré prendre la fuite en entendant les paroles du viking, Eden était restée à la même place, sans doute en partie parce que cette proximité la mettait trop mal à l'aise pour qu'elle tente un mouvement. Mais certainement pas parce que la terreur s'était emparée d'elle.
Le fait qu'elle lui donne faim, elle s'en doutait déjà, il ne l'avait pas franchement caché pas plus qu'il ne le faisait maintenant que le sujet était abordé. Mais maintenant qu'elle avait vu Balthazar perdre le contrôle la veille, le fait qu'Eric semble parvenir à le garder l'intriguait. A ce qu'elle entendait maintenant, il semblait bien qu'elle n'était pas l'humaine de n'importe quel vampire. Oui, un vieux vampire, shériff de son état, viking et tout le reste... mais également un vampire assez fort pour contrôler des instincts que d'autres ne semblaient pas maîtriser.
Finalement, elle n'était pas aussi malchanceuse pour être tombée sur lui plutôt que sur un autre. Comme première rencontre vampirique, on n'avait clairement connu pire. Dans son cas, si elle en avait rencontré un autre d'abord, elle ne se tiendrait sans doute pas là aujourd'hui et ne serait plus en mesure d'avoir une crise cardiaque. Après la petite scène de la veille, il n'y avait pas moyen d'en douter.

- Ouais... j'imagine aussi.

Etait-ce bien le moment de plaisanter ?
Pour détendre un peu l'atmosphère, il n'y avait jamais de moment. Et puis, plus fort qu'elle... il était clair que Balthazar n'était pas du même genre si on repensait à la nuit dernière. Heureusement, il avait terminé en plusieurs morceaux. Malheureusement, il l'avait fait sur eux. Mais elle n'allait pas s'en plaindre pour autant malgré les nombreuses douches. Elle préférait qu'Eric lui plante un bout de bois plutôt que de finir en repas pour un intello.
Elle le savait, il fallait toujours se méfier des personnes qui lisaient trop, ça cachait toujours quelque chose.

- Mais merci... c'était sans doute ton ami et tu aurais pu choisir de le laisser faire.

Pourquoi avait il pris son parti ?
Le demander ne servirait probablement à rien. Il ne prendrait pas la peine de répondre ou le ferait d'une manière qui l’agacerait. Autant garder un semblant de paix pour le début de soirée. La guerre aurait bien le temps de reprendre plus tard.
Si elle avait choisit de le remercier au lieu de l'incendier, si elle avait hoché la tête quelques secondes plus tard quand il affirmait qu'elle n'avait rien à craindre, Eric ne semblait pas enclin à des excuses dans les règles de l'art.
Peu importe, elle était en un seul morceau et il était toujours beaucoup trop près pour qu'elle le cherche. Alors elle n'avait pas ravalé son merci pour lui dire qu'après tout c'était bien normal qu'il lui vienne en aide vu qu'il avait le don pour la mettre dans des situations impossibles.
Immobile, elle n'avait pas fait de commentaire sur les mains posées sur ses épaules, gardant son regard plongé dans le sien. Un instant, elle s'était même surprise à penser esquisser un mouvement pour poser sa main sur l'une des siennes. Pourquoi ? Se demander pourquoi n'était pas très utile ces temps ci.

- Je sais. Je ne serais pas ici sinon....

Si elle n'avait pas confiance, elle ne l'aurait pas accompagné voir Balthazar, bien qu'elle n'ait sans doute pas trop le choix.
Et si c'était l'évènement d'hier qui lui avait inspiré la méfiance, elle ne serait pas revenue ce soir. En fait, aussi étrange que cela puisse paraître, mais hier soir plus maintenant lui donnaient l'impression qu'elle n'était peut être pas si timbrée que ça.
Ok, il fallait l'être. Mais après tout, si elle était un genre d'alien, il était normal qu'elle ne pense pas comme les autres.
Poussant un soupir quand Eric avait enfin repris une distance plus raisonnable, elle avait simplement hoché la tête avant de prendre sa suite. Autant qu'elle participe aux fameuses recherches sur sa "planète d'origine".

- Normalement, j'aurai ironisé sur la soirée passionante en perspective. Mais après hier, un peu de calme façon intello me va bien. Des vieux bouquins et pas de sang partout, j'achète !

Oui, normalement elle serait même partie acheter de la bière pour accompagner le tout. En fait, il y a quelques temps, elle n'aurait peut être même pas pris la peine de participer aux recherches, convaincue que ça ne servait pas à grand chose et qu'il valait mieux se concentrer sur la discrétion et la future ville où rester un moment.
Maintenant... s'il y avait bien une définition à son état de "monstre de la nature", autant mettre la main à la pâte... pour ne pas dire que le vampire avait éveillé sa curiosité.
A l'entrée de la bibliothèque, la brune s'était stoppée à la vue de la femme occupée à nettoyer les dégâts de la veille. Tournant immédiatement les yeux vers Eric, elle avait semblé hésiter quelques secondes à poser une question. Elle avait du jugé l'interrogatoire inutile puisqu'elle avait fait les quelques pas la séparant d'Eric pour s'emparer du bouquin, ce qui ne l'avait cependant pas empêché de jeter quelques regards à la femme.
Dans ses pensées, elle ne lisait pas la moindre frayeur. Hypnotisée par les bons soins d'Eric, sans doute. A ce sujet, elle était curieuse, mais cette conversation là pourrait bien attendre un peu.
Choisissant finalement de se laisser tomber dans un fauteuil, passant ses jambes au dessus des bras de ce dernier, elle avait ouvert le bouquin qui reposait désormais sur ses jambes.
Le bouquin était en réalité un vieux journal intime, écrit à la plume... sans doute l'unique exemplaire écrit par un certain Benjamin Davenport. Passant d'abord rapidement les pages pour en déterminer rapidement le contenu, elle avait finit par accorder plus d'attention aux pages. Si elle voulait en tirer quelque chose, il ne suffirait pas de le feuilleter :

- Hey !

Quelque chose d'intéressant ?

- T'as un journal intime ? T'es du genre romantique caché en fait. Ou alors, t'as écris "histoires sanglantes d'un viking par Eric Collins.

Taquiner Eric n'allait pas faire avancer sa lecture plus vite ou lui fournir une réponse.
Certes, mais c'était divertissant !

▬ Je l’avais mis en garde, il savait ce qu’il risquait.

C’était tout ce qu’Eric trouvait à dire à propos d’un vampire qu’il connaissait depuis plus de six cent ans? Oui, tout à fait. Balthazar était un vieil ami, l’un des rares qu’Eric possédait puisque les gens étaient plus portés à le craindre et le respecter qu’être réellement de ses amis, mais ça, c’était surtout un choix qu’Eric avait fait. Lorsqu’on avait l’éternité pour apprécier, il était d’autant plus difficile de perdre. Ce pourquoi, le blond avait toujours minimalisé les attaches. Oh, il en avait quelques unes d’importantes pour lui, ne serait-ce que son créateur et sa progéniture, mais pour la grande majorité, il ne s’attardait jamais vraiment à leur perte. Tuer ou être tué. Quoi qu’on en dise, c’était le monde dans lequel nous vivions et pour avoir vécu plus de mille ans, Eric était assurément un survivant.
N’ajoutant plus rien, jugeant que le sujet était clôt, le vampire eut l’esquisse d’un sourire en coin sur la dernière remarque de la brune tandis qu’il lui tournait dos pour prendre la route de la bibliothèque. Décidément, il appréciait de plus en plus ce caractère bien trempé. Bon nombre de femmes aurait fuit dès le levé du jour avec ce qui c’était passé la veille, mais pas elle. Elle était toujours là, cherchant une façon de détendre l’atmosphère tendue afin de se donner une contenance qu’elle n’avait pas encore tout à fait retrouvée. Le shérif était loin d’être stupide et il voyait bien que ce qui s’était passé avait grandement affecté la brune, mais il avait confiance qu’elle passerait par-dessus cet événement comme elle avait su le faire par le passé. Eric ne la connaissait peut-être pas depuis très longtemps, mais il était doué pour jauger les gens. Cette fille là était forte, elle saura faire face.

Se rendant donc à la bibliothèque, il lui avait donné un journal dont la plus grande particularité pour le moment était d’être écrit dans une langue que la barmaid était en mesure de lire. Pendant que la brune s’installait dans un fauteuil, Eric s’empara d’un ouvrage ancien de mythologie écrit en latin. Du moins, ce fut ce qu’il constata après s’être lui-même assis dans un fauteuil pour commencer à explorer le volume. Un être mythique? Le blond laissa ses yeux bleus glisser sur la jeune femme à ses côtés pendant que celle-ci était concentrée sur les pages du journal de Benjamin Davenport. Ne se laissant pourtant pas démonté par cette idée, Eric était peut-être le meurtrier de Balthazar, mais il demeurait confiant quant à son expertise d’érudit. Le viking se mit donc à lire vaguement les descriptions du bouquin, passant plus rapidement sur ce qui ne correspondait pas du tout à Eden, lisant plus attentivement sur ce qui pouvait être une piste exploitable. Pourtant, au fil du temps qui passait, rien ne semblait réellement concluant. Le désespoir commençait-il à se faire sentir? Et puis quoi encore? Il n’en était qu’à son premier livre. Une réponse à cette énigme existait et Eric était déterminé à en trouver la réponse. Il l’avait promis à Eden, mais il n’y avait pas que ça. Il était simplement hors de question que le vampire échoue. Le géant du nord arrivait toujours à ses fins, toujours.
Changeant une nouvelle fois de page, le blond leva les yeux sur Eden lorsque celle-ci se manifesta d’un « hey » sonore – du moins l’était-il pour l’ouïe du vampire.

▬ Je vais te décevoir, mais non. Je ne suis pas du genre à consigner quoi que ce soit… sauf mes comptes.

L’argent était-il donc son seul moteur? On pourrait le voir comme ça. Un homme qui avait la vie éternelle n’avait pas la possibilité d’en profiter sans fric, non? Et puis la sortie du placard de sa race, il devait maintenant subir le fléau qu’était les impôts! Savez-vous ce qu’il en coûte de posséder une fortune entretenue depuis mille ans? Beaucoup, oui!
Reposant les yeux sur son volume, Eric se remit à sa lecture, plongeant la bibliothèque dans le silence pendant plusieurs secondes. Pourtant, il poursuivit la conversation au bout d’un moment, sans lever le nez du livre.

▬ Qu’est-ce que tu aurais aimé savoir?

Proposait-il réellement de répondre à ses questions? De se livrer? Ça dépendrait sans doute de la question. Et puis, pour lui aussi c’était plus divertissant. N’allez pas croire qu’il prenait son pied à lire des descriptions de dieux, de monstres et de héros latins. Eric avait choisi la voie de l’entreprenariat et non celle de la connaissance pour une raison après tout.
Cependant, avant qu’Eden ait pu demander quoi que ce soit, la femme qui servait de bonne à tout faire improvisée s’était présentée devant Eric, la mine à la fois fière et hagard.

▬ J’ai terminé ce que vous m’avez demandé.
▬ Parfait, alors fout le camp et oubli tout ce qui c’est passé, y compris cet endroit et nos visages.

Il rompit le contact visuel que nécessitait l’hypnose pour diriger à nouveau son regard sur Eden, visiblement dans l’attente qu’elle débute son interrogatoire. Il ne portait déjà plus la moindre attention à la femme qui quittait la bibliothèque, puis la maison, pour retourner à sa vie avant qu’elle ne fasse la rencontre impromptue du vampire.

▬ Hum?

Une moue déçue était effectivement apparue sur le visage de la brune. S'il avait eu un journal intime, ou plutôt des journaux vu son âge, probable qu'elle aurait demandé à les voir en pensant que sa curiosité ne serait pas récompensée. Après tout, le principe de journal intime était bien de rester secret jusqu'à ce que des indiscrets tombent dessus, parfois bien des années plus tard comme dans le cas de Benjamin Davenport. Mais la curiosité était difficile à retenir et, dans le cas d'Eric, il lui était difficile de cacher qu'elle se posait pas mal de questions depuis le soir de leur rencontre. Encore davantage depuis qu'il lui avait parlé de sa transformation. Eric Collins, un véritable mystère qui semblait l'intéresser plus qu'elle ne l'aurait dit. Alors oui, sous la taquinerie d'un potentiel journal intime se cachait une véritable curiosité.
Poussant un soupir à la mention des comptes, elle avait de nouveau baissé les yeux vers les écrits de Benjamin Davenport pour y voir un fervent catholique, chasseur des créatures de l'ombre il y a bien des années. Un truc de famille visiblement.
Si Eric avait eu un tel journal de son vivant, elle aurait peut être pu y lire quel genre d'humain il était. A part le fait qu'il était un viking, elle ne savait pas grand chose.
Ce qu'elle aurait aimé savoir ?
Etonnée, Eden avait relevé les yeux de son bouquin pour les poser sur le vampire. Sur son expression, on pouvait lire un "sérieusement ?". Il répondrait vraiment à ses questions ou il plaisantait ?
Levant un sourcil, cherchant probablement à déterminer si le vampire était sérieux ou s'il se moquerait à sa première question, elle n'avait pas eu le temps de formuler celle-ci, la femme de ménage improvisée était intervenue, la coupant dans son élan.

Un nouveau soupir plus tard, Eden se détournait de la scène et des pensées nébuleuses de la femme pour reprendre sa lecture où Benjamin contait l'une de ses chasses nocturnes avec son père. Si Balthazar avait sortit ce bouquin, probable que ce Davenport là avait du rencontrer pas mal de choses au cours de son existence. Peut être quelqu'un comme elle ?
Est-ce que ce croyant là la classerait dans les créatures à exterminer ?
Si ça se trouve, la question ne se poserait même pas et lire ce bouquin se révèlerait inutile. Pourtant, elle avait du mal à croire désormais à être la seule dans son cas.
A la voix d'Eric, Eden avait de nouveau abandonner sa lecture. Une nouvelle chance ?

- J'ai le droit à combien de questions ?

Une suffirait sans doute.
Mais il était inutile de demander avant quand on se lançait sans attendre la réponse.
Mettons ça sur le compte de l'impatience et de la méfiance. Il aurait le temps de changer d'avis, ou s'il lui répondait une seule, elle n'aurait plus la chance d'en poser plusieurs.
Oui, c'était fourbe mais libre à lui d'esquiver et d'affronter une Eden déçue.

- T'étais quel genre d'humain ? Ta famille, tu l'as revu après être devenu un vampire ?

Une seule question à la fois aurait été bien.
Sachant qu'elle en avait une bonne dizaine en tête, elle s'était plutôt limitée pour être honnête. Oui, elle aurait pu bien sûr commencer par des questions moins personnelles, mais elle n'allait pas lui demander s'il avait un animal de compagnie là où il semblait lui laisser une chance d'assouvir sa curiosité.
Et puis, elle avait retenu des questions plus débiles comme "t'étais marié ?". Ouais, celle là l'aurait sans doute plus amusé qu'autre chose. Dans le cas bien sûr où il n'avait pas perdu d'épouse en devenant vampire.
Baissant les yeux vers le journal intime, sans doute histoire de ne pas le dévisager pendant qu'il lui fournirait des réponses, s'il le faisait réellement, elle avait tourné une nouvelle page. Moins concentrée sur sa lecture, et plus sur les hypothèses qu'elle avait pu faire jusqu'ici sur son "Seigneur et Maître".

A présent, ils étaient seuls dans la maison et l'absence de sang rendait l'atmosphère plus confortable. Au moins, elle n'avait plus à éviter de tomber sur des "restes de la veille".
Où Eric avait déniché cette femme de ménage improvisée ? Très certainement en début de soirée, un petit tour histoire de se nourrir ?
Tapotant des doigts contre la couverture, une autre question avait du venir à en juger par son air hésitant.
Sans tourner les yeux vers Eric cette fois ci, elle avait finit par ajouter :

- Tu m'as déjà hypnotisé ?

Aucun rapport avec l'absence de journal intime du viking, mais puisque c'était l'occasion ou jamais de lui poser des questions qui trottaient depuis un moment dans sa tête, autant se lancer sur différents sujets.
Dans le cas de son père, ou plus récemment de cette femme, ils ne garderaient aucun souvenir du moment de leur hypnose. Peut être que ça avait aussi été son cas. Et peut être que ça pouvait justifier pas mal de choses.

Quel genre d’humain était-il? Eric se souvenait-il seulement de son humanité? Contre toute attente, oui, il s’en souvenait encore, ce n’était pas quelque chose qu’il avait cherché à évincer complètement de sa mémoire comme on aurait pu le croire. Fronçant un peu les sourcils, cherchant au fond de son esprit, le viking devait d’abord débroussailler ses souvenirs. On ne lui avait jamais réellement demandé quel genre d’humain il avait été. Sans doute parce que le blond était à ce jour complètement dénué de cette humanité. Il était de ces vampires qui méprisaient le genre humain et les voyaient comme une race inférieure, inutile de le nier, il ne l’avait jamais caché. Et même si en temps normal, il aurait simplement évité la question, cette fois-ci il cherchait les bons mots à mettre sur ce qu’il était autrefois. Une réponse franche et honnête? Il n’avait jamais menti à Eden jusqu’ici. Curieusement, elle le poussait à la sincérité, il ne savait trop comment. Peut-être une autre de ses particularités, qui sait.

▬ J’étais… un guerrier. Ça peut paraître grotesque aujourd’hui, mais c’était noble et glorifiant à l’époque. C’était ce que devait être un homme. Être un combattant courageux qui ne craignait pas la mort.

Prenant une petite pause, les yeux perdus dans les tréfonds de sa mémoire, Eric mit presqu’une minute avant de poursuivre. La seconde question touchait son état de nouveau-né. Une époque trouble où les vampires sont surtout obsédés par le sang. Pourtant, le viking avait songé à sa famille et, encore une fois, il ne comptait pas esquiver la question.

▬ Non, je ne l’ai pas revue. Je suis mort au combat. Pour eux, j’ai eu une mort digne et glorieuse… et je devais mourir. C’était écrit que ma vie avec ma famille était terminée et je ne voulais pas aller contre la volonté des dieux.

L’idée d’un Eric croyant pouvait semblée étrange, mais lorsqu’on se reporte à l’époque dans laquelle il avait vécu, c’était plutôt normal. Et puis, même s’il n’en avait pas l’air, même s’il ne le disait jamais, il demeurait tout de même un viking. Ce qu’il avait été avant sa transformation faisait partie intégrante de ce qu’il était aujourd’hui. Malgré les siècles qui s’étaient écoulés, le blond demeurait fidèle aux principes qu’on lui avait inculqués de son vivant. Il était un guerrier qui n’avait pas peur de se battre même dans la défaite. Il ne reculait pas, ne pliait pas devant qui que ce soit. Ce qui avait changé depuis qu’il était un vampire? Il riait moins, plaisantait moins. Humain, Eric prenait les choses… moins au sérieux. Pourquoi? Après mille ans à minimiser les contacts avec les humains, il va de soit que l’humanité elle-même se soit effacée peu à peu pour ne plus être qu’un vague souvenir. C’était ainsi que le viking avait évolué, il n’y avait pas vraiment d’explication, juste la conséquence de ses actes pendant une dizaine de siècles.

Secouant presque imperceptiblement la tête pour chasser tout ça de son esprit, le géant reporta son attention au bouquin qu’il était en train de parcourir. Il l’avait à peine quitté des yeux, mais il n’avait pas lu un traitre mot depuis qu’Eden avait posé ses questions. Prenant quelques instants pour analyser la pertinence de la page qu’il avait devant lui, le shérif passa à la suivante pour répéter l’opération. Au milieu de cette page, Eden lui posa à nouveau une question.
L’avait-il déjà hypnotisée? Pour lui, l’évidence était là. Non, il ne l’avait jamais fait. Mais l’évidence avec lui ne l’était jamais réellement pour personne. Sauf peut-être pour William qui connaissait son créateur comme personne. Quittant donc à nouveau les lignes de son livre pour poser ses yeux clairs sur la jeune femme, Eric avait à nouveau ce visage franc et sincère malgré l’absence de réelle expression qui le caractérisait.

▬ Non, jamais. J’utilise l’hypnose pour facilité les choses quand je n’ai pas envie de perdre mon temps… Je ne vois pas pourquoi je l’aurais fait.

Pourquoi? Parce que même si elle était souvent en désaccord avec lui – et que c’était surtout dans ces moments là qu’il se servait de l’hypnose, pour éviter l’argumentation – il appréciait ce côté d’elle. Oser aller contre ses dires, contre ses opinions, mine de rien, ça n’arrivait pas si souvent que les gens se permettaient de l’exprimer à haute voix. Et quand ça arrivait, il se fichait complètement de ces personnes. Mais elle non? En effet, il ne se fichait pas d’elle. Elle était particulière dans tout ce qui la caractérisait. Ce serait mentir de dire que ce n’était pas dû en grande partie à l’attrait qu’elle faisait naître chez les vampires, mais au-delà de ça, oui, sa personnalité lui plaisait également. Dans un cas comme celui-là, donc, Eric n’usait jamais de l’hypnose. Il était un amateur de défi et quand ce dernier était intéressant, le viking n’employait pas de raccourci. De toute manière, il avait l’éternité devant lui.
Ramenant une fois de plus les yeux vers son bouquin, le blond passa à la page suivante, laissant encore le silence faire son œuvre.

▬ Je ne compte pas utiliser mes facultés contre toi. Je t’ai dis que tu pouvais avoir confiance en moi, ça ne concerne pas uniquement le fait que je ne te sauterai pas dessus pour boire ton sang…

Et il répondait vraiment à ses questions... elle aurait du mal à s'y habituer. Il ne valait mieux pas, juste au cas où la prochaine n'aurait pas de réponses.
Abandonnant tout intérêt pour le journal de Davenport, elle n'avait même pas pris la peine de laisser ses yeux posés sur l'ouvrage quand Eric avait commencé sa réponse. Un guerrier hein ? Edward Cullen était bien loin de lui avec ses phrases romantiques à deux dollars et son sourire niais. Probable qu'un ancien viking qui se battait sans craindre la mort avait moins de chance de faire vendre aux box office qu'un mec avec des yeux dorés et des répliques de torturé.
Sa réponse lui faisait regretter davantage encore l'absence de tout journaux. Des choses, en mille ans d'existence, il devait en avoir à raconter en mille ans d'existence, trop pour qu'une simple soirée suffise à lui apporter toutes les réponses. A la question "qu'est-ce que tu as fais depuis tout ce temps ?", il ne pourrait sans doute pas répondre à moins de passer 1 000 ans de plus à le faire.
Le laissant poursuivre tout en méditant sa prochaine question, elle s'avouait assez surprise de l'entendre parler croyance et destinée. Mais, après tout, ils n'étaient pas de la même époque. Il était clair qu'un humain qui devenait vampire de nos jours n'allait pas sortir un "c'était écrit. Dieu l'a voulu ainsi" pour justifier de ne pas faire ses adieux à sa famille. En fait, elle était même prête à parier que les plus jeunes se précipitaient chez eux. Peut être que l'enfant d'Eric avait voulu le faire, elle ignorait tout de lui, jusqu'à son âge.
Finalement, la croyance faisait parfois faire des choses moins stupides.
Dans son cas ? Il était évident qu'elle n'irait pas voir sa famille, pas particulièrement d'attaches dans ce milieu. Elle était déjà bien loin de le faire avec un coeur qui bat, alors pourquoi aller les rassurer s'il lui arrivait un truc pareil. Surtout que maintenant, elle était sensée être morte pour son père, une bonne chose, elle n'en doutait pas une seule seconde :

- Et tu ne le regrettes même pas un peu ?

On imagine, peut être que ça aurait fait plaisir à ses parents de savoir que leur fils était devenu un vampire, surtout à l'époque. Encore maintenant, ça n'avait sans doute rien d'une nouvelle réjouissante. Raison pour laquelle elle n'avait mis que quelques secondes avant d'ajouter :

- Mais j'imagine que c'est mieux comme ça....

A l'époque, on appelait l'exorciste du coin ou quelque chose du même genre selon la culture. A lire Benjamin, elle n'en doutait pas une seule seconde. Ce type ne parlait que de créatures de Satan et elle était à présent convaincue qu'il la classerait dans la même catégorie s'il avait eu à faire avec une personne ou plutôt "créature" de son genre.
Et quand on regardait la télé aujourd'hui ? Leur image n'était pas plus brillante. Non "je suis un vampire" n'avait rien d'une bonne nouvelle, qu'importe l'époque où on l'annonçait. On avait beau chercher la meilleure des formulations, ça ne passerait pas. Ou alors, il fallait tomber sur une famille fan du genre. Probable qu'une Bella Cullen serait ravie de retrouver son enfant presque en vie.
De son côté ?
Elle n'avait pas vraiment d'opinion sur la question il y a quelques temps encore. Aujourd'hui, c'était sans doute différent. Comme pour eux, il était difficile de se faire une opinion. Dans n'importe quelle race, il y avait des crétins après tout. Que ce soit chez les vampires ou chez les humains.
Eric... Eric était un cas à part qu'elle préférait aborder une fois que ce fichu sang ne ferait plus son effet. Mais elle ne pouvait nier que sa présence n'avait rien de dérangeante. En fait, elle la trouvait même préférable à celles de la plupart des humains.

- Et t'as fais quoi pendant tout ce temps ? Attends... plus spécifique... mmmh... parle moi de ton enfant.

Qui était-il ? Pourquoi il avait choisit de le transformer ? Il s'était définit comme très sélectif la seule fois où il lui en avait parlé, elle imaginait que le "rejeton" devait avoir quelque chose de spécial... comme le fait de supporter Eric pour l'éternité !
Si elle avait pensé la blague, elle s'était gardée de l'interrompre en la formulant. Il était disposé à lui répondre, inutile de jouer trop les comiques si elle voulait assouvir sa curiosité. Et puis, dans ce cas présent, elle ignorait que c'était le viking qui avait à supporter pour l'éternité.

Alors il ne l'avait jamais hypnotisé.
C'était le moment où elle était sensée douter de sa bonne foi non ?
Sûrement, mais pourquoi elle n'en doutait pas alors ? Allez comprendre comment son cerveau fonctionnait en présence d'Eric. Il se montrait brusquement moins méfiant. Ou alors, c'était lui qui savait le manipuler pour qu'il ne fonctionne pas correctement.
Quoiqu'il en soit, elle n'avait pas réagit les premières secondes avant de pencher de nouveau les yeux vers son bouquin. Pour elle, il ne mentait pas. Parce que ? Juste l'impression qu'il ne s'en serait pas cachée si elle avait du déjà utiliser ce don. Après tout, il ne semblait pas craindre grand chose, aujourd'hui comme de son vivant d'ailleurs.
A la phrase suivante, un sourire s'était dessiné sur les lèvres de la jeune femme avant qu'elle ne réponde :

- Tu dis ça pour avoir l'air cool, mais dans le fond tu sais très bien que ça ne marcherait pas. Mon esprit est beaucoup trop fort pour que tes trucs de jedi puissent marcher.T'as trop peur de recevoir mon poing vengeur après ton échec. Mais t'en fais pas, tu peux avoir confiance en moi aussi, je te protégerai.

La réponse à ça était probablement "euh...". Etait-ce bien le moment de se la jouer ? A moins qu'il ne s'agisse de pure provocation.
Dans son cas, on opterait pour la solution numéro deux. Mais avait-elle seulement conscience que ça pouvait l'inciter à tenter le coup juste pour lui prouver qu'elle avait tort.
Pour être honnête... elle s'en doutait probablement. Oui, sa curiosité la rendait encore plus étrange.

▬ Non.

Ça avait le mérite d’être clair et concis. Lorsqu’on avait l’éternité pour vivre avec ses choix, il était préférable de ne pas songer à l’amertume, au regret, à la culpabilité et tous ces trucs qui peuvent vous rendre complètement dingo. Si ce n’est pas une vie pour un homme, pensez à ce que ça donnerait pour quelqu’un qui a la possibilité de vivre des centaines de vies… Eric ne s’attardait donc pas sur le passé. Ce qui aurait pu être en d’autres circonstances. Ce qu’il aurait aimé changé. Eden ne pouvait pas réellement comprendre, mais lorsqu’on avait l’infini devant soi, il était plutôt stupide de perdre son temps à regarder derrière. Pourtant, certains vampires le faisaient. Ces vampires ne finissaient jamais très bien la plupart du temps. Non, Eric ne regrettait rien et ne s’en portait pas plus mal.

▬ Effectivement, c’est mieux comme ça. Je crois que toi-même tu as compris que laisser le passé derrière est la meilleure façon d’avancer.

Le sujet glissant soudainement de lui à elle, les yeux du blond firent de même, quittant à nouveau le bouquin pour se poser sur Eden. Il ne savait pas grand-chose sur elle, seulement qu’elle avait vingt-deux ans et qu’elle avait fui son paternel pour il ne savait trop quelle raison. Pourquoi ne posait-il pas la question directement puisque c’était le jour de l’interrogatoire? Parce que ce n’était pas le genre du shérif. Certes, il ne se gênait pas pour questionner avec qui que ce soit, mais comme pour tout le reste, avec Eden, c’était différent. Il attendait plutôt qu’elle se livre à lui d’elle-même, qu’elle lui dise ce qu’elle voulait bien lui dire et au moment où elle le désirait. De toute manière, le viking n’avait pas besoin de connaître ce genre de choses pour réellement connaître les gens. Il les sentait, tout simplement. Avec les siècles, il avait acquis cet espèce de sixième sens. Il sentait tout de suite la peur, la confiance, l’attirance, la joie, la peine, la colère. D’autant plus qu’Eden avait bu son sang. Il n’avait pas besoin qu’elle lui raconte son passé pour se sentir en contact avec elle. Il pouvait ressentir ses émotions. En ce moment, il sentait sa curiosité à son sujet et sa retenue également. Elle désirait en savoir plus sur lui, alors elle choisissait ses mots pour ne pas le braquer et profiter pleinement de cette ouverture qu’il lui avait accordée. Laisser de côté l’humanité d’Eric pour passer à sa progéniture était un choix judicieux, ce pourquoi le vampire hocha avant tout de la tête par l’affirmative. Acceptant de manière non-verbale de répondre à la question avant d’y répondre réellement.

▬ William. Je l’ai rencontré à Londres en 1519, il devait avoir sept ou huit ans je crois. J’étais affamé cette nuit-là et je me suis nourri de toute sa famille, mais pas lui… Je l’ai pris avec moi, je l’ai laissé devenir un homme, puis je l’ai engendré. Malgré son âge, c’est un vampire qui se conduit comme un enfant. Il profite énormément de la vie pour un mort, je crois que… j’admire… ce côté-là chez lui. Il n’est pas blasé de ce monde...

Contrairement à Eric qui semblait l’être d’absolument tout. Et il l’était réellement pour beaucoup de choses. Il était difficile de surprendre ou d’émerveiller un vampire comme Eric. Difficile de l’intriguer plus de cinq minutes également. Peut-être que William finirait également par être ainsi, mais pour le moment, il ne semblait pas engagé sur cette voie, ce dont le blond était plutôt content à vrai dire. William avait toujours été sa bouffée d’air frais. Celui qui l’oblige à se défaire de sa tête de vampire millénaire et sérieux pour juste faire la première connerie qui pourrait bien passer par la tête du brun. Même si Eric faisait souvent la gueule à ce propos, qu’il grognait et ronchonnait tout le temps, ça ne l’empêchait pas de se plier malgré tout au bon vouloir de sa progéniture. Pourquoi? Parce qu’il en avait envie, même s’il ne l’admettrait jamais au concerné de vive voix.

▬ C’est aussi pour ça que j’apprécie ta présence. Tu es intrigante, différente des autres humains. Ça fait du bien.

Ça le sortait de sa routine et même si ce mystère perdurait depuis déjà un peu trop longtemps au goût d’Eric, il en était tout même charmé. Charmé, oui, c’était le mot. Comme une enchanteresse, elle l’avait charmé dès la première fois où il avait posé les yeux sur elle. Une femme n’avait jamais réussi à l’atteindre ainsi au par avant, ça méritait donc toute son attention.
La conversation devenant pourtant peut-être un peu trop profonde au goût du vampire qui n’avait pas pour habitude de s’ouvrir ainsi, Eric replongea dans sa lecture jusqu’à ce que la question de l’hypnose soit posée. Encore une fois, le géant fit preuve de franchise sur toute la ligne, décrétant qu’il ne comptait pas utiliser ce don avec elle. Le mettait-elle au défi de le faire? C’était bien ce qui lui semblait à en croire ce qu’il entendit par la suite. Les paroles échangées devaient avoir eu un impact, car un sourire en coin se dressa sur les lèvres du blond. Pas un sourire à peine perceptible comme il en avait l’habitude, mais un véritable sourire en coin qui signifiait bel et bien « ça sonne comme un défi, fait attention. »

▬ Ce n’est pas parce que je ne le fais pas que j’en suis incapable.

En temps normal, il aurait ajouté quelque chose comme « je peux très bien t’arracher le cœur à main nue, mais ce n’est pas pour autant que je le fais », mais il faut croire qu’il s’était laissé emporter par le ton léger qu’avait pris la conversation. Ce n’était pas plus mal, puisque le reste de sa phrase aurait lancé un froid plutôt mordant dans la pièce. Gardons les blagues sanglantes pour William, il avait plus de chance de savoir les apprécier à leur juste valeur.
Se sentant tout de même poussé vers le défi, Eric se redressa de son fauteuil, posant son bouquin sur la table base à la page où s’était arrêtée sa lecture. Par la suite, il se leva pour venir s’accroupir devant le fauteuil où Eden s’était installée. Il posa un avant-bras sur les genoux de la brune, l’autre sur l’accoudoir où elle s’était adossée. Ses yeux bleus se firent plus perçant, cherchant à pénétrer l’esprit de la jeune femme.

▬ Regarde-moi dans les yeux et ne pense à rien.

Il plongeant profondément dans son regard chocolat, cherchant à créer le contact qui lui permettrait de l’hypnotiser.

C'était sans doute la meilleure solution.
Elle pouvait imaginer que pour d'autres, le choix qu'il avait pris de son côté était plus difficile. Mais lui ne semblait pas regretter une seule seconde de l'avoir fait. A raison, probablement. Bien qu'elle ne connaisse toujours pas grand chose de sa vie d'humain. Peut être qu'après ce soir, le mystère Eric Collins serait moins épais, même s'il y avait tant à apprendre de quelqu'un qui avait plus de mille ans. Ce que d'habitude elle pouvait lire dans les pensées des autres, elle était ici obligée de le demander pour le savoir. Et bizarrement, malgré toute la curiosité qu'elle pouvait avoir à son sujet, elle parvenait à ne pas en être frustrée. Il était toujours aussi agréable de ne pas lire en lui comme elle le faisait avec les humains.

- Tu prêches une convertie !

Et comment ! Son premier principe de vie était de ne pas regarder en arrière. On pouvait la critiquer à ce sujet, mais dans son cas, elle trouvait que c'était la meilleure chose à faire.
Pour ce côté, il semblerait bien qu'ils possèdent un point commun.
Certains lui diraient qu'elle ne faisait que fuir son passé, sans doute n'avaient ils pas complètement tort. Mais d'un autre côté, elle avait le désir de profiter de l'instant présent parce qu'on ne savait jamais de quoi serait fait demain. Dit comme ça, ça ressemblait à une vieille phrase qu'on pouvait trouver dans un bouquin, ou entendre dans un film avec une musique mélodramatique en fond. Mais dans son cas, elle le pensait réellement. Prendre la route et tout laisser derrière elle était la meilleure décision qu'elle ait jamais prise. Ne pas savoir où elle pourrait se trouver demain, elle appréciait plutôt.
Pour combien de temps encore à Shreveport ? Visiblement, elle était bien partie pour rester un bout. Une autre ville, elle serait déjà partie. Que son père la pense morte entrait probablement en compte dans l'addition. Mais ce n'était pas tout.... Pour le moment, elle n'y pensait tout simplement plus malgré son caractère qui la poussait toujours à partir du jour au lendemain pour voir autre chose. Ici, il semblait y avoir pas mal à faire. Non, elle n'irait pas jusqu'à avouer qu'Eric y était sans doute pour quelque chose.
Parcourant rapidement sa page pour juger qu'il n'y avait rien qui méritait d'être notée à voix haute dans celle-ci, elle l'avait tourné sans prendre connaissance de la nouvelle.
Il fallait dire que la suite du récit d'Eric semblait davantage passionnant.

Se nourrir de toute la famille de son futur enfant, ce n'était pas sensé l'inciter à vous haïr. Dans leur cas, il ne semblerait pas. Mais encore une fois, elle ne connaissait pas toute l'histoire.
Choisissant de ne pas commenter, de ne pas sortir une belle morale humaine et digne d'un membre de la Fellowship, elle avait simplement écouté. Encore une fois, une autre époque, une autre histoire. Alors à quoi bon rentrer dans les classiques. Et puis, elle était bien ici ce soir malgré l'épisode du pick-up. Il semblait donc qu'elle accepte son côté vampire plus qu'elle ne voulait bien l'admettre.
Se concentrant plutôt sur une partie plus touchante, elle avait écouté le viking parler de sa progéniture. Un gamin de 500 ans, voilà quelque chose qu'on ne devait pas voir tous les jours. Sa curiosité éveillée au sujet de ce fameux William, elle s'était cependant gardée de lui demander si elle le rencontrerait un jour. Quand on voyait le résultat de ce soir, mieux valait laisser Eric juger dans ce cas comme il l'avait dit plus tôt. S'il pensait que William ne serait pas du genre à lui sauter dessus, alors peut être le rencontrerait elle.

- Dans ma tête, il va probablement ressembler à un gamin ridé maintenant. Il ne t'en as jamais voulu ?

Quoi ? Si elle ne faisait pas la morale, elle avait bien le droit de continuer à se montrer curieuse. Il répondrait ou non.
Marquant une pause, elle avait ajouté :

- Tu veux que je t'apprenne à redevenir un gamin ? ça va être difficile comme tu ne bois pas de bières, mais c'est faisable.

Elle venait de se proposer de le "déblaser" ou c'était juste une impression ? Comment nier après ça qu'elle l'appréciait plus que son attitude voulait bien le montrer.
Après la petite scène qui était en train de se jouer, il serait difficile de nier qu'elle avait bel et bien commencé à le voir différemment.
Le sourire qu'elle avait eu ensuite la trahissait également, bien qu'elle ait tenté de le masquer en faisant mine de lire le journal intime. Oui, entendre qu'Eric appréciait sa présence lui faisait plaisir. Oui, elle boxerait quiconque oserait lui faire remarquer. Et enfin, oui, elle avait bien tenté de se raisonner intérieurement quand elle s'en était rendue compte. Probablement quelque chose qui ressemblait à "fichu sang, quand est-ce que tu ne feras plus effet ?". Seulement, si on retirait l'attirance physique, elle l'appréciait quand même. Inutile donc de blâmer l'ingestion de sang ou de se trouver un autre faux prétexte.
C'est en tout cas ce qu'elle avait du finir par se dire quand elle s'était décidée à briser le silence qui s'était installé d'un :

- Tu sais... finalement, moi aussi j'apprécie ta présence.

Relevant les yeux, sa fierté avait cru bon d'ajouter :

- Bon, même si tu me fais lire des vieux bouquins ou assister à la disparition de cadavres démembrés. Personne n'est parfait.

En fait, pour être honnête, le taquiner n'était nullement remettre de la distance.
Juste. Mais c'était venu tout seul. La veille, elle avait des morceaux de cadavre vampirique sur elle, ce soir, elle appréciait simplement discuter avec lui... il serait sans doute bon de chercher l'asile le plus proche. ça en devenait presque une urgence.
Mais puisqu'elle était une bizarrerie de la nature, elle pouvait toujours se justifier de cette manière. Pourquoi se conduire comme les autres quand on était différente ?

Le sujet de conversation avait finalement dévié sur l'hypnose et, après avoir appris qu'elle n'avait jamais expérimenté la chose, Eden avait cru bon de provoquer le vampire. Elle ne s'en prendrait qu'à elle même si elle revenait à elle dans un endroit bizarre.
Achevant la provocation dans un "ouais, ouais, c'est ce qu'on dit", elle avait tourné sa page dans un soupir.
Et maintenant qu'il se levait ? Elle n'allait pas se dégonfler après l'avoir cherché. Au moins, elle aurait sa réponse : qu'est-ce que ça faisait quand on était hypnotisé ? Si toutefois on pouvait s'en souvenir.
Refermant donc son livre, laissant sa main à l'intérieur pour garder la page, elle avait tourné les yeux vers le vampire au moment où il s'accroupissait.
Ok... faudrait peut être lui enseigner que cette proximité avait quelque chose de gênant. Dans son cas ? Normalement, elle était plutôt du genre à la créer pour mettre mal à l'aise, elle plaidait coupable. Mais ici... fallait avouer qu'il parvenait à la troubler plus qu'elle ne le voulait.
Silencieuse, elle avait cependant obtempéré malgré le rythme irrégulier qu'avait pris son coeur. Sans rire, il serait peut être bon de lui demander quand son sang ne ferait plus effet niveau fantasme.
Gardant ses yeux plongés dans les siens, elle avait vidé son esprit, visiblement concentrée jusqu'à ce qu'un sourire ne vienne troubler cette concentration éphémère :

- Et ensuite Maître Yoda ?

Il était pas sensé dire quelque chose ? Un mot magique ? N'importe quoi.
Pourtant, de l'hypnose, on avait pu en lire sur son expression... à moins que ce ne soit que le trouble de cette proximité.

Si William lui en avait déjà voulu pour avoir massacré sa famille, l’anglais ne lui en avait jamais parlé. Même avant de devenir un vampire, le gamin qu’il était semblait apprécier la vie qu’il avait obtenue en acceptant de suivre Eric et d’être son humain. Pendant une vingtaine d’année pour ensuite devenir sa progéniture. Un garçon rongé par l’esprit de vengeance aurait frappé depuis le temps, pas vrai? Peut-être que le viking devrait songer à amener le sujet avec lui, mais pourquoi réveiller quelque chose qu’il n’avait cru bon laisser dormir pendant près de cinq cent sans? Après quelques secondes à réfléchir à tout ça, Eric finit par secouer lentement la tête de gauche à droite.

▬ Non, je ne crois pas. Il aurait pu me tuer dans mon sommeil des milliers de fois si ça avait été le cas.

Et le blond jugeait que William, même étant gosse, était suffisamment culoté pour le faire si tel était son désir. Il avait été élevé par Eric après tout, un peu de ses préceptes de guerriers avaient été légués à sa progéniture. Le problème était qu’il fonçait constamment tête baissée vers des bêtises… Ça pouvait créer des situations à haut risque, pourtant, comme l’expliquait d’ailleurs Eric, c’était quelque chose qu’il appréciait du brun. Sa propension à faire ce dont il avait envie sans penser aux conséquences. Pourtant, même si Eden lui proposait de lui apprendre à jouer au gamin lui aussi, ce n’était pas ce vers quoi le viking tendait. Un seul idiot qui apporte des ennuis, c’était déjà suffisant.

▬ Je ne compte pas redevenir un gamin.

S’émerveiller devant les petites choses bien simples de la vie ne se faisait pas en claquant des doigts. Eric était blasé de ce monde depuis tellement longtemps. Sans compter que c’était incrusté dans sa nature profonde que d’agir en conquérant sérieux. Il était un viking. Il avait toujours vécu en fonction d’une bataille. Que ce soit contre le froid, la famine, ou un quelconque envahisseur, toute sa vie d’humain avait été ainsi. Sa vie de vampire n’avait pas été très différente. Chasser, se nourrir, tuer ou être tué. Pourtant, n’avait-il pas accepté de devenir vampire justement pour profiter de cette vie éternelle qui l’attendait? Oui, c’était bien pour ça. Mais peu de gens étaient au courant et lui ramener ça sous le nez n’était pas forcément une bonne idée. Peu importe de toute façon, l’idée n’était pas de changer Eric ce soir!
Le but premier n’était pas non plus aux confessions et pourtant ils venaient bel et bien d’admettre qu’ils s’appréciaient. Même si dans le cas d’Eric c’était plutôt évident, malgré le genre peu ouvert et sociable du vampire, étant donné tout ce qu’il offrait à la brune et l’attrait clairement établi qu’il avait pour elle, ça l’était moins pour Eden. D’un œil extérieur, il s’agissait d’une fille forcée de trainée avec un suceur de sang qui l’avait plus ou moins manipulée pour devenir sa chose. Il l’avait entrainée dans des situations macabres, elle s’était fait tirée dessus à cause de lui et tout juste la veille elle aurait pu se faire dévorer, encore par sa faute. Alors pourquoi l’appréciait-elle? Le blond savait qu’il y avait un peu de son don de télépathe en cause. Il était un vampire, elle n’entendait pas ses pensées. Avec lui, elle était libre de laisser vagabonder son esprit comme jamais elle n’avait pu le faire avec aucun être humain sans prendre le risque de se heurter à des pensées qu’elle ne voulait pas entendre. Ça n’expliquait pas forcément tout, mais le viking s’en fichait pas mal à vrai dire. Il appréciait sa présence, elle appréciait la sienne, pourquoi chercher plus loin? Si le géant du nord réfléchissait beaucoup trop la majorité du temps, il y avait un endroit où il ne réfléchissait pas du tout et c’était bien dans ses relations avec les humains. Il prenait ce dont il avait envie quand il en avait envie et il ne pensait strictement pas au reste. C’était la nature particulière d’Eden qui lui valait un traitement particulier et rien d’autre.

▬ Je ne t’ai pas forcée à lire quoi que ce soit.

Et il était sincère une fois de plus. Il se fichait bien qu’elle l’aide ou non dans la lecture de ces bouquins. Elle ne lui avait pas apporté son aide jusqu’ici et il ne s’en était pas plaint. Elle était parfaitement libre d’aller vagabonder dans la maison autant que ça lui chantait. Si elle était ici en premier lieu, c’était bien parce que les mots n’étaient pas suffisants pour décrire ce qu’elle était de vampire à vampire. Malheureusement, avec Balthazar mort, Eden était devenue quelque peu inutile malgré qu’elle demeurait une présence agréable pour Eric.
La preuve, le vampire avait quitté son bouquin pour se lever et venir prouver à la brune qu’il était parfaitement capable de la soumettre à son hypnose. Il était vrai que les esprits plus forts étaient difficiles à hypnotiser, mais c’était surtout le cas pour les jeunes vampires. Un suceur de sang âgé comme Eric l’était pouvait soumettre n’importe qui à son joug sans problème.
Vraiment sans problème? Si tel était le cas, alors pourquoi n’arrivait-il pas à entrer dans l’esprit d’Eden pour soumettre la jeune femme à sa volonté. Là où un contact aurait dû être créé, il n’y avait rien. Ils avaient beau se regarder droit dans les yeux, il n’arrivait pas à saisir son regard de la bonne manière. L’encrage qu’il sentait d’ordinaire était complètement absent. Ça ne pouvait pas être la fatigue et le manque de sang, Eric s’était nourrir à peine une heure plus tôt…

▬ Je…

Désemparé, masquant mal sa surprise pour une fois, Eric sautilla légèrement sur ses pieds comme pour se repositionner. Ses larges mains quittèrent genoux et accoudoir pour encadrer le visage de la jeune femme et le rapprocher du sien. La proximité et le touché ne changeaient absolument rien. Le viking était incapable de parvenir à créer le contact nécessaire à l’hypnose.

▬ Je n’y arrive pas.

Dans ce constat sonnait encore sa surprise. C’était la première fois de toute son existence qu’il n’arrivait pas à ses fins avec l’hypnose. Une autre particularité qu’il fallait ajouter aux autres en ce qui concernait la nature mystérieuse de la brunette.

▬ Ce doit être parce que c’est toi. Ça ne m’était jamais arrivé.

Et maintenant que ceci était clair et bien compris des deux parties, pourquoi ne relâchait-il pas son visage pour mettre un peu d’espace entre eux? Sûrement parce qu’Eric n’avait aucune considération pour les règles non-écrites sur les distances entre les gens. Sans doute aussi parce qu’il en profitait pour savourer cette proximité. Ses crocs lui chatouillaient affreusement, pourtant, le shérif les conserva bien ranger où ils étaient. Il avait également l’envie insupportable de se jeter sur ses lèvres, mais ça aussi, il n’en fit rien. Les bouddhistes qui méditaient au sommet des montagnes pouvaient aller se rhabiller. Le véritable maître dans l’art du self-control, c’était bel et bien Eric.

Eric devait avoir raison. Pour que sa progéniture ait choisit de le suivre après le meurtre de sa famille, il fallait soit qu'il ait des désirs de vengeance soit qu'il en ait tout simplement envie. En 500 ans, il aurait eut le temps de tenter de se venger une bonne centaine de fois. On avait beau dire bien souvent que la vengeance était un plat qui se mangeait froid, elle doutait qu'on puisse attendre autant de temps pour l'exécuter même avec la meilleure patience du monde. Et vu comme le viking parlait de William, il était probable qu'il n'aurait pas pu avoir cette patience. Un gamin n'avait jamais le temps d'attendre.
A en juger par ce qu'il lui racontait ce soir, ce Peter Pan devait beaucoup l'aimer. Et elle n'avait pas idée à quel point.

- Je le verrais un jour ?

On sait, pour quelqu'un qui s'était dit quelques secondes plus tôt que ce n'était pas à elle d'en décider et qu'il était inutile de poser la question, ce n'était pas brillant. Mais il était difficile de retenir sa curiosité, davantage encore quand Eric répondait à son petit interrogatoire improvisé. Et puis, demander ne coûtait pas grand chose. Libre à lui de décider de la suite.
Maintenant qu'ils en avaient parlé, elle avait simplement envie de mettre un visage sur le gamin qui avait choisit de suivre Eric sans être poussé par l'espoir de venger sa famille un jour.
Est-ce qu'il était seulement toujours avec lui ?
De la manière dont il en avait parlé, elle le supposait. Et puis, Eric semblait avoir ce truc, cette espèce de charisme de leader. Après tout, il n'était pas shérif pour rien non ? Alors, elle pouvait comprendre que sa progéniture, même après 500 ans, décide encore de le suivre.
Oui, même s'il n'était pas amusant.

- C'est vrai qu'à ton âge, il est un peu tard pour avoir la crise de la cinquantaine. Tu as déjà la voiture pour, c'est suffisant.

Inutile d'évoquer son épave. Elle n'avait pas la crise de la centaine, elle y était juste attachée au point de ruiner la plupart de ses économies dans le sauvetage, voué à l'échec, du véhicule. Elle n'était pas prête à l'abandonner si facilement.
Tout ça pour dire que ce n'était clairement pas ce soir qu'elle parviendrait à le traîner dans une folle virée. Et pourtant, dans les siennes, il n'y avait pas de cadavres démembrés ni de morceaux de vampire. C'était peut être ce qui manquait justement pour attirer le viking.
Et oui, le premier qui dit que ses plans sont parfois galères aussi s'en prend une. Certes, elle avait tendance à attirer les ennuis comme une grande. Mais dans le domaine, Eric était bel et bien le champion incontestable. Elle s'inclinait devant le Maître.
Quoiqu'il en soit, l'entraîner dans sa poubelle ambulante sur les routes... un autre soir ! Il faudrait sans doute l'avoir par surprise pour le faire monter dans sa voiture vu celle qu'il possédait, mais il fallait garder espoir. Un jour, elle le sortirait peut être de son quotidien. Après 1 000 ans d'existence, ce serait dur, mais il fallait y croire. En spécialiste des soirées à l'improviste, on pouvait même voir ça comme un défi.
Sans doute trouvait-elle ça déprimant qu'il doive passer encore un millénaire à être blasé de l'existence. Mais il n'avait pas le même âge, elle était loin d'atteindre celui où on passait son temps à s'ennuyer.
Une raison de plus pour ne pas mourir de vieillesse. Pas sûr que la maison de retraite apporte beaucoup de divertissement.

- Je sais.

Elle était en train de lire des bouquins volumineux qui ne demandaient qu'à prendre la poussière ?

- Je dois sûrement avoir un côté maso....

Ouais, on pouvait voir les choses de cette manière. Ou alors ...

- Il faut bien que quelqu'un te divertisse avant que l'envie de te suicider ne te prenne. Par exemple, Benjamin, aurait du le faire bien avant la page 50 !

Et non, Benjamin préférait passer de cette messe exaltante qu'il avait entendu de la bouche de son père alors qu'il était âgé de huit ans. Tout simplement passionnant.
Mais moins, une distraction était venue couper ce récit pompeux quand Eric s’était rapproché d’elle. Voir cette femme nettoyer sans se poser de questions et entendre des pensées nébuleuses, oui, ça avait réouvert cette curiosité qu’elle nourrissait pour le sujet. Ce que ça faisait…. Pour le moment, à part le trouble de cette proximité, elle ne ressentait pas grand-chose… en tout cas pas grand-chose qui pouvait se mettre sur le compte de l’hypnose. Coopérative, elle avait fait l’effort de ne penser à rien, pas même au rythme irrégulier de son cœur.
La surprise qu’elle avait lu alors dans les yeux d’Eric n’avait trouvé pour toute réponse qu’un :

- Quoi ?

Pas plus avant que le vampire ne décide de se rapprocher davantage. Se cramponnant à son livre, la brune n’avait pas mouché, malgré le trouble qui ne faisait qu’augmenter devant cette situation. Oui, pour le coup, une personne extérieure et qui n’avait pas d’expérience de l’hypnose aurait pu pensé que ça fonctionnait enfin. Mais non. Ce qui fonctionnait, en ce moment, c’était sans doute ce sang de vampire. Toujours tout ramener à ça ? Pour elle, il faisait toujours effet. Et heureusement. Si elle avait su que ce n’était plus le cas, comment aurait-elle réagit maintenant. Elle saurait probablement en train de se demander ce qui pouvait bien clocher chez elle. Elle était pourtant une experte dans l’art de troubler. Il était rare qu’on parvienne à lui faire ressentir ce sentiment d’un autre côté. En fait, en bonne charmeuse, spécialiste du non engagement de quelque manière que ce soit, elle ne se souvenait pas d’un jour où elle s’était sentie troublée par une proximité de ce genre. En temps normal, elle aurait du chercher à reprendre le dessus.

- Hein ? T’es sûr ?

Parfaitement, tout ceci n’avait rien à voir avec de l’hypnose.
Alors, au fait qu’elle pouvait entendre les pensées des autres, excepté celles des vampires, elle pouvait ajouter que ces derniers étaient capable d’hypnotiser les autres… à part elle ? Et surtout, surtout… pourquoi Eric ne se reculait pas maintenant ?
Respirer, elle avait besoin de respirer pour pouvoir se concentrer. On ne pouvait pas l’hypnotiser. Voilà l’important là dedans et…

- Eric ?

Se contenir, ne pas fixer ses lèvres au delà du simple regard qu’elle avoué y avoir jeté.

- Qu’est-ce que tu fais ?

Ça ne marchait pas, donc, reprise de distances raisonnables définies selon les termes d’une ancienne convention humaine et …. Oui, il fallait savoir que le réflexe naturel dans ce genre de situation, pour un humain, était de parler sans s’arrêter. Du moins, c’était la technique pour masquer le trouble ou lui éviter en tout cas de prendre le dessus. Et cette technique, Eden semblait bien vouloir la mettre en pratique C’était sans compter que dans ce genre de situation, on ne réfléchissait pas avant de parler et on provoquait parfois l’effet inverse. Là où elle aurait du détourner les yeux, ou tenter tout mouvement de recul, Eden n’avait pas quitté le regard sombre du vampire. Là où elle aurait du sortir une moquerie, ou bifurquer vers le sujet de l’hypnose, elle avait choisit de dire la phrase à ne pas dire qui était :

- Le sang de vampire est sensé faire effet combien de temps au juste ?

Ce qui se résumait à avouer qu’il l’attirait non ?
Simple curiosité, juste simple curiosité. Elle n’avait pas exactement dit ça, si ?

▬ Oui, peut-être.

Même si Eric n’avait pas encore mentionné la brune à William, il n’était pas impossible qu’elle fasse sa rencontre un de ces jours. Bien sûr, avec ce qui s’était produit la veille avec Balthazar, le viking était quelque peu hésitant. Jamais il ne pourrait sacrifier sa progéniture comme il l’avait si simplement fait avec l’érudit. Mais justement, le lien qui l’unissait à l’anglais était beaucoup plus fort que la simple amitié entre vieux vampires. Si le blond spécifiait à William qu’il ne devait strictement faire aucun mal à Eden, Eric croyait que son enfant serait en mesure de résister à la tentation. Si le commandement venait d’Eric, évidemment. Dans un autre cas, le géant du nord était certain que William n’en ferait qu’à sa tête même si le vampire en question était plus âgé ou plus haut que lui dans la hiérarchie de leur race. Pourtant oui, malgré la pointe de doute qui dormait dans l’estomac du shérif, celui-ci croyait vraiment que William respecterait la demande de son créateur et ne toucherait pas à un cheveu de la tête d’Eden si une rencontre avait lieu entre eux. Mais il était inutile d’y songer davantage, pour le moment, William ignorait complètement jusqu’à l’existence même de la barmaid alors pour ce qui était de la rencontrer ce n’était pas pour demain.

Puis, étrangement, la conversation devint toute légère et pris son envole pour du tout et rien plutôt ringard, mais qui ne s’était jamais produit entre eux. Il faut dire que le viking dégageait un petit quelque chose d’imposant. Lorsqu’on venait le voir pour discuter, c’était généralement pour un sujet bien précis et une fois celui-ci terminé, Eric ne faisait absolument aucun effort pour poursuivre l’échange. Cette fois-ci pourtant, il acceptait de répondre aux questions et aux remarques, même si ces dernières sonnaient loufoques et sans le moindre intérêt pour le géant. D’une chose à une autre, ils aboutirent au sujet de l’hypnose, Eric assurant à la brune qu’il ne comptait pas utiliser ce don sur elle. La barmaid étant la barmaid – mine de rien le vampire commençait à s’y habituer – elle le mit pourtant au défi de le faire au moins une fois. Sans doute la curiosité, puisqu’elle n’avait pas vraiment été en contact avec un vampire à l’exception de lui. Poussé par l’esprit de défi, bien sûr, mais également par celui de l’apprentissage, le viking s’était levé pour se rapprocher d’Eden et lui faire connaître ce qu’était l’hypnose. Il ne comptait pas profiter d’elle et l’expérience serait à son avis pédagogique. Elle saurait, à l’avenir, comment un vampire procède et ça lui donnerait peut-être une chance de s’esquiver au sort que lui réservait ce suceur de sang hypothétique.

L’idée était plutôt noble et aurait pu avoir sa portée pédagogique si seulement Eric avait été en mesure de réellement hypnotiser la jeune femme. Il avait eu beau essayer et se concentrer davantage en constatant que ça ne fonctionnait pas, rien n’y faisait. Leurs visages se touchaient presque et pourtant le blond était incapable de pénétrer l’esprit d’Eden. S’il aurait dû s’attendre d’aller de surprise en surprise avec elle, il n’avait pourtant pas du tout imaginé qu’elle pouvait être immunisée contre l’hypnose. Ce pourquoi la surprise se lisait sur les plis de son front, ce pourquoi il demeurait figé dans sa position même s’il était évident que ça ne fonctionnait pas.

▬ Parfaitement sûr, ça ne fonctionne pas du tout.

Et malgré cette certitude qu’il répétait, il ne bougeait toujours pas, gardant le visage d’Eden entre ses grandes mains de géant. Elle avait prononcé son nom et il ne s’était pas plus détaché d’elle. Il avait remarqué le coup d’œil qu’elle avait posé à ses lèvres et ça ne faisait que lui donner encore plus l’envie de l’embrasser pour enfin connaître le goût de sa bouche à défaut de pouvoir goûter son sang. Ce fut la question suivante qui sembla réveiller le shérif et le sortir du fixe dans lequel il était depuis qu’il avait tenté d’hypnotiser la brune. Qu’est-ce qu’il faisait? Rien, littéralement, puisque sa tentative se révélait être un échec cuisant. Un peu comme une douche froide, ces mots firent repartir les moteurs du viking qui laissa lentement ses mains quitter le visage d’Eden pour venir se poser sur le siège du fauteuil. Il ne se levait pas? Il aurait techniquement dû retourner à son propre fauteuil au lieu de rester là, encore si près d’elle. Oui, mais pour la on ne sait trop combientième fois, Eric ne fait jamais rien comme les autres.
Et puis, il y avait plus préoccupant, notamment la question suivante qu’Eden osa lui poser. Combien de temps le sang de vampire était supposé faire effet. C’était vrai qu’il lui avait avoué que l’un des effets du sang était d’être attiré sexuellement par le vampire en question… Cependant, il y avait déjà plusieurs jours – si ce n’est semaines – que les effets de son sang s’étaient dissipés. Il était impossible qu’elle soit encore sous son emprise. Cette révélation faisant tilt dans l’esprit d’Eric, le blond eut à nouveau un petit sourire. Un sourire contenté et supérieur. Un sourire à la Eric, tout simplement. La surprise était passée et le viking avait repris un total contrôle de lui-même. Oui, les moments de relâchement étaient possibles, mais ils ne duraient jamais bien longtemps.

▬ Ça n’a duré que quelques jours. Une semaine a tout cassé. Tu n’as pas bu tant que ça.

Prenant une petite pause toujours sans rétablir la distance convenable qu’il aurait dû y avoir entre eux, il quitta ses propres mains des yeux pour les encrer à nouveau dans ceux d’Eden.

▬ Tout ce que tu ressens en ce moment n’est dû qu’à toi toute seule.

… et peut-être un peu Eric parce qu’il était un fourbe qui profitait de son charisme sans le moindre scrupule… Mais si vous hurlez au tricheur et au profiteur, nous vous répondrons simplement que c’était normal. Eric était un vampire. C’était un tricheur et un profiteur de part sa nature!

La curiosité qu’elle manifestait à l’égard de la progéniture d’Eric allait peut être finalement pouvoir se calmer. « Peut être », c’était déjà un bon début. Là où elle s’était attendue à un non catégorique, Eric n’avait pas écarté la possibilité de lui présenter celui qu’il avait engendré.
Silencieuse, la brune n’avait rien ajouté. Peut être pensait-elle que trop insister le ferait changer d’avis. Maintenant, elle n’avait plus qu’à prendre son mal en patience et attendre qu’Eric se décide, ou bien attendre un simple hasard, une rencontre au Fangtasia ou autre.
Manifestement, elle avait choisit de ne plus masquer la curiosité que la rencontre du genre vampirique, et plus particulièrement d’Eric avait fait naître chez elle. Si tout avait commencé par la simple constatation qu’elle ne pouvait pas entendre la moindre de leur pensée, Eric avait un côté intrigant qui faisait naître chez elle des questions plus personnelles, comme par exemple celles sur sa progéniture.
Probable que si le sujet avait commencé par une remarque sur sa fascination, elle aurait préféré ne poser aucune question par pure fierté. Elle aurait préféré prétendre qu’elle n’était pas si curieuse que ça et être frustrée plutôt qu’avoir les réponses à ses questions ?
Un jour ou l’autre, en tâchant peut être de le faire discrètement, elle aurait bien finit par procéder à l’interrogatoire. Il n’y avait qu’à voir la bonne humeur qu’elle avait retrouvé devant l’accord du vampire.

Mais pour le moment, les questions avaient été laissées de côté pour satisfaire un autre genre de curiosité.
Attentive, concentrée puis troublée, elle ne pouvait certainement pas mettre en cause de trop nombreuses pensées. La seule qu’elle avait du avoir devait globalement consister à une demande intérieure de prise de distance. Quelque chose dans ce goût là.
Quoiqu’il en soit, le résultat était là. L’hypnose ne fonctionnait pas sur elle.
Déçue ?
Elle l’était très probablement. Seulement, elle manifesterait ce sentiment une fois que le géant se serait décidé à regagner sa place… lui lâcher le visage, ce serait déjà un bon début.

- Mais pourquoi ?

La réponse à cette question, elle l’avait déjà. En fait, il ne s’agissait sans doute même pas d’une question. Télépathe et insensible à l’hypnose, voilà une réponse possible. Mais le « pourquoi » demeurait. Pourquoi auquel, ni l’un, ni l’autre, n’était capable de répondre pour le moment. Elle était juste différente. Mais cette réponse n’avait rien de satisfaisant. Savoir ce qu’elle était, ou même un truc un peu pompeux dans le style scientifique, n’importe quoi de plus précis aurait été plus acceptable. Evidemment, le premier choix restait le mieux, mais pour l’instant, Benjamin ne possédait pas cette réponse non plus.
Frustrée par cette ignorance, elle ne s’était pourtant pas étalée sur le sujet. Parce que, quelque part, Eric était parvenu à réaliser un autre genre d’hypnose. Bien qu'elle soit parfaitement certaine que ce n'était pas comparable à celle subit par l'autre femme un peu plus tôt, Eden avait tout de même demandé s'il était certain. Quoi ? Le sang ne pouvait toujours pas être mis en cause.

Et étant donné que l'hypnose, dans ce cas précis, non plus, elle n'allait probablement pas tarder à revenir à la première excuse de choix du moment.
Elle était en train de dormir ?
C'était peut être ça après tout, un rêve de plus dans le genre qu'elle pourrait mettre sous la même excuse que les autres.
Oui mais, si c'était un rêve, elle aurait probablement déjà céder pour l'embrasser. Peu probable que dans son rêve, Eric finisse par relâcher son visage pour... certes ne pas reprendre une distance correcte pour autant. Le genre de distance qui lui aurait permis de souffler et de sortir autre chose qu'une imbécilité pareille, poussée par le trouble et l'agacement.
Au moins, maintenant, elle avait sa réponse. La durée des effets du sang de vampire était... déjà passée depuis un moment. Son air incrédule sur le visage avait rapidement laissé place au mécontentement.

- Hein ? Non, non, ce n'est pas possible.

Puisqu'il le dit.
Non, non, ce sang faisait toujours effet. C'était impossible qu'il en soit autrement. Comment expliquer les rêves ou le fait qu'elle ait été si troublée il y a quelques secondes à peine sinon ?
"Tout ce que tu ressens en ce moment n'est dû qu'à toi seule."

- Je ne ressens rien du tout. C'est ce fichu sang qui fait encore des trucs bizarres.

Du genre têtue hein ?
Visiblement, quand Eden avait décidé quelque chose, il devait en être ainsi. Et dans le cas présent, elle n'était pas prête à rendre les armes aussi facilement.
Détournant ses yeux de ceux du blond, elle avait réouvert le journal de Benjamin.

- Mais tant mieux, ça doit vouloir dire que ça ne devrait plus prendre beaucoup de temps avant d'être complètement inactif. Je demandais juste pour m'en assurer, comme les effets étaient déjà presque complètement estompés.

Sérieusement ? Ce serait son excuse ?
Visiblement.
Prétextant d'être replongée dans sa lecture, elle avait tâché de jouer l'indifférence au mieux. Tourner les yeux vers Eric ? Quand il serait assez loin pour que son excuse perde complètement toute crédibilité.

Pourquoi l’hypnose ne fonctionnait pas? À défaut de réellement pouvoir comprendre pourquoi, Eric – tout comme elle d’ailleurs – savait parfaitement d’où venait le phénomène. Peu importe ce que pouvait bien être Eden, elle était non seulement capable de lire dans les pensées des vivants et d’être un véritable appât pour vampire, mais elle pouvait en plus résister à leur hypnose. D’une certaine façon, ce n’était pas plus mal. Aucun vampire ne pourrait profiter d’elle de cette manière. Certes, il leurs restait la force, la cruauté, la violence, mais pas l’hypnose… c’était déjà ça.

▬ Ça fait partie de ce que tu es il faut croire.

Définitivement particulière. Même si le viking l’avait su dès l’instant où il avait posé les yeux sur elle, il ne s’était pas attendu à ce que ce soit à ce point là. Et il était inutile d’argumenter davantage sur ce sujet. Elle était ce qu’elle était. Apprendre qu’elle pouvait résister à l’hypnose n’était qu’un symptôme de plus à mettre sur la liste. Ils étaient là pour trouver ce qu’elle était, non? Hors donc, Eric n’avait pas encore de réponse plus précise que ce qu’il venait juste de lui fournir.
L’affaire était donc close pour le moment. Cependant, ça n’empêchait pas le grand blond de demeurer là où il était, tout juste devant Eden, à peine à quelques centimètres de distance. Quand est-ce que son sang cesserait de faire effet?
Si Eric avait été pris de court par l’échec de sa tentative d’hypnose, il avait vite repris son aplomb avec cette question. Il s’était d’ailleurs empressé de profiter allégrement de ce retournement de situation en dévoilant à Eden que son sang n’avait plus rien à voir dans l’attirance qu’elle ressentait pour lui. La réaction de la brune face à cette nouvelle? Nier tout en bloc. Pourquoi ça ne le surprenait pas? Il commençait à bien la connaître et comprendre comment elle fonctionnait. Nier n’aidait d’ailleurs en rien la brune pour se dépatouiller de cette situation. Eric était un vampire, ne l’oublions pas, et laisser patauger la barmaid dans son ridicule était loin de le déranger. S’éloigner d’elle n’était pas non plus dans ses plans immédiats.

Tout du long de son manège, il n’avait rien dit. Il s’était contenté de l’écouter essayer de se convaincre elle-même de ce qu’elle avançait. Car soyons francs, Eric savait parfaitement comment fonctionnait le sang de vampire, pour en être un depuis plus de mille ans… Elle n’allait certainement pas réinventer les délais que mettait l’organisme à se débarrasser complètement du sang de vampire en une nuit. Il la laissa même savourer son pseudo triomphe pendant quelques secondes alors qu’elle se replongeait supposément dans sa lecture du journal de Davenport.
Ce fut seulement après ça que le blond s’empara du journal sans se presser pour le soustraire à la vue d’Eden. Il le posa à plat sur la table basse, pour conserver la page, sans quitter le visage de la barmaid de son regard bleuté. Son sourire fourbe trainant sur ses lèvres, il approcha sa bouche encore un peu plus de celle de la brune sans pour autant la toucher.

▬ Si mon sang faisait encore effet, en ce moment tu serais incapable de résister de m’embrasser.

Encore le refrain du tricheur et du profiteur? Nous vous redirons simplement le couplet sur le vampire! Mais oui, on peut dire qu’Eric avait l’art et la manière de l’être. Soit elle se refusait de le faire et elle se donnait elle-même tord. Soit elle le faisait, mais soyons franc, ce ne serait pas le viking qui s’en plaindrait. Surtout lorsqu’il sait parfaitement qu’il a raison.

- Faut croire ouais... ou alors t'es pas si doué que ça pour l'hypnose.

Ok, elle n'y croyait pas une seule seconde. Une taquinerie de plus basée sur un fait non fondée dirons nous.
Non, Eric n'était pas en petite forme. Et oui, elle était définitivement différente. Après ça, inutile de répondre, comme le premier soir, qu'elle n'était qu'une simple barmaid. Visiblement, ils ne faisaient pas des recherches pour rien aujourd'hui.
...
Si toutefois ils finissaient par mettre un nom sur sa nature. Si elle était la première qu'Eric rencontrait en plus de mille ans, avaient ils une chance d'y arriver. Il était impossible qu'elle soit unique en son genre, personne ne l'était. Et pourtant, en mille ans d'existence, Eric était obligé de fouiller dans des bouquins avec elle pour trouver quelque chose.
Ce ne serait pas des recherches éclairs, et elle n'en n'était probablement pas à son premier bouquin qui sentait la poussière.

- Mais c'est pas grave, tu t'amélioreras avec du temps et de la pratique...

Le charier sur ses talents n'était peut être pas l'idée du siècle.
Peut être, mais plaisanter permettait de dissiper le malaise qu'elle pouvait ressentir actuellement. Malaise causée, elle ne pouvait pas le nier, par cette proximité. Alors oui, pour changer de sujet, Eden pensait sans doute que la plaisanterie était la meilleure des armes. Elle permettait au moins de masquer la gêne et le reste.
Peut être qu'en mille ans d'existence, il n'avait pas la réponse à sa nature. Mais il était certain qu'en mille ans d'existence, on ne se laissait plus duper aussi facilement.
... probable ouais. Maudit soient les sages vieillards de ce temps.
Serrant nerveusement entre ses doigts la couverture du journal qu'elle tenait toujours, Eden avait finit par s'avouer vaincue. Faire semblant de lire avait l'air beaucoup plus facile que tenir le regard d'un viking. Encore plus quand ce dernier venait de déclarer que le sang de vampire ne pouvait plus faire effet.
C'était tout simplement impossible.

D'habitude, un homme lui plaisait, elle l'allumait "un peu" pour le mettre mal à l'aise et le lendemain, elle l'oubliait dès qu'il sortait de la chambre. En faire une obsession, ce n'était pas véritablement son truc. Alors, l'excuse du sang de vampire avait été la bienvenue.

Aujourd'hui, qu'est-ce qui était différent pour qu'elle se surprenne à penser à lui aussi souvent ?
La curieuse idée que le fait qu'elle s'obstine à résister y soit pour quelque chose était alors apparue. D'habitude, elle ne se refusait pas grand chose. En tout cas, pas dans ce domaine.
Mais cette fois-ci, même si elle se l'avouait difficilement, Eric l'avait attiré, d'une certaine manière, si on voulait, dès le premier soir. Et puis, il y avait eu toute cette histoire de sang de vampire. Il n'y avait pas eu que ça d'ailleurs, on ne pouvait pas dire que fréquenter le viking était synonyme d'ennuis. Mais, pour faire court, elle s'était tout simplement refusée de fantasmer sur lui une seule seconde. Parce qu'elle aimait garder le contrôle, qu'elle l'avait toujours fait et elle refusait bien évidemment que ça change. Ce n'était pas un vieux de 1 000 ans qui allait changer la donne. Elle était l'objet du désir, pas l'inverse.
Ouais, pathétiquement puéril, mais bon moyen pour se garantir une absence d'attaches.
Un début de réponse à la grande question du moment qui n'était manifestement pas pour lui plaire puisqu'elle avait préféré se remettre à lire, pour de vrai cette fois-ci.

La couverture du livre avait glissé de ses doigts et à nouveau le visage d'Eric s'était dangereusement rapproché. Relevant les yeux vers ce dernier, elle avait ouvert la bouche, probablement pour protester, avant que le vampire ne fasse preuve de fourberie. C'était quoi cet argument bidon ?
Peut être pas si bidon que ça vu que son regard avait faiblit à nouveau vers ses lèvres.
Si elle cédait, elle gardait l'excuse du sang de vampire ?
C'était un piège, ce type là était le démon en personne, revenu des enfers pour la tourmenter. Une phrase comme ça irait parfaitement dans une grosse production hollywoodienne, on sait.
Mais céder, c'était aussi, peut être, faire taire l'obsession non ? Un peut être, ce n'était pas grand chose dans la balance.
Alors... foirer tout son argumentaire ou se comporter en idiote trop fière qui ne veut pas admettre qu'elle a tort ? Rester sur ses positions ou être simplement plus fidèle à la véritable Eden qui aurait déjà balayé l'envie à sa manière ?
Fallait croire que réfléchir à la question avait payé dans le sens du vampire puisqu'elle avait finit par rapprocher son visage du sien à son tour. Ce n'était sans doute pas l'idée du siècle, non... mais ça répondrait peut être à pas mal de questions. Tout en sauvant son argumentaire ? Elle n'avait pas mille ans, elle pouvait se permettre ce genre d'actions stupides. Ou tout simplement céder, sans ou non comme excuse.
Quoiqu'il en soit, ses lèvres avaient enfin rencontré celles d'Eric, et si elle avait sans doute pensé se contacter d'un simple et sage contact, elle avait laissé le contrôle lui échappé et l'envie s'exprimer plus qu'elle ne l'avait prévu.
Quittant l'accoudoir qu'elles avaient serré au rapprochement, ses mains avaient glissé sur le visage d'Eric pour finalement venir s'appuyer contre sa nuque et l'attirer contre elle, pressant ainsi davantage cet échange.
Qu'un simple moyen de se donner raison ?
Après tout, peut être que ce sang faisait toujours véritablement effet....