Le Fangtasia dénotait sûrement avec le bar précédent qui avait embauché Scott : classe, élégant, et surtout rempli de vampires jusqu’à la fermeture qu’on ne lui confiait pas encore. Peut-être parce que Collins redoutait qu’on attende l’écossais au détour d’un buisson pour le vider de son sang, ou qu’il n’avait pas encore confiance en les quelques responsabilités qu’il pouvait endosser ; la fermeture était miraculeusement l’une d’elles, et le bonhomme attendait patiemment que le grand blond –sans chaussure noire- le remarque dans sa toute puissance. Un jour, il deviendrait autre chose qu’un éventuel casse-croûte dans ce bar, il y croyait dur comme fer. Sans savoir encore qu’Eric aurait le génie de lui trouver une équipière de choc et que travailler dans un nid à vampires deviendrait enfin l’aventure dont il avait rêvé, bien que les risques de se retrouver embusqué par des chauves souris augmenteraient proportionnellement. C’était quand même Eden qui lui avait fait frôler la mort –la crise cardiaque ?- avec une échappée aux abords de la ville ; pourquoi se gênerait-elle pour les remettre dans la panade... Sous les bons conseils de Scott ? Il avait quand même déclaré qu’il était prêt pour l’aventure, et avait bondi dans Sacha sans plus de procès, plein d’un courage qui se ferait bien vite la malle à l’annonce d’une panne.

Soir d’affluence, comme tous les soirs ; Scotty ne perdait pas le sourire malgré les incessants allers-et-retours que lui et sa collègue –n’avait-elle pas des airs de Jones ?- s’étaient vu effectuer les premières heures, servant indéfiniment du Tru Blood, cassant la chaîne avec quelques cocktails que des humains téméraires avaient commandés. Une activité qui lui plaisait bien que l’empêchant momentanément de profiter d’une lichette de whisky volée au passage ; heureusement pour sa survie et soif d’alcoolique, les quelques clients encore vivants avaient eu la bonté de lui offrir quelques verres, qu’il lapait en conséquence dès qu’il avait une seconde de libre.
Empruntant ses fonctions quotidiennes de plongeur, il avait devancé la charmante barmaid avec un air digne d’un chevalier se sacrifiant pour la bonne cause ; filant à l’arrière, il avait pris éponge et verres sales, s’y frottant pendant une bonne demi-heure afin d’éviter la pénurie de vaisselle propre qui les menaçait avant la fin de la soirée. Très vite, l’eau de l’évier avait pris une couleur rouge sang, rappelant encore une fois au rouquin le statut de prédateur des morts-vivants accoudés au bar ; aaah qu’il aimait ce job. Pour rien au monde il n’aurait vendu l’adrénaline que lui procurait cette aventure, écossais suicidaire à qui on n’avait pas encore inculqué la notion de limite. Et le réaliser les mains dans le liquide vaisselle prouvait qu’il avait décidément bien fait son choix.

Sa besogne accomplie, il refit surface côté bar, prêt à reprendre son poste ; c’était sans compter une jeune humaine –il commençait à parler comme les vampires- qui l’avait harrangué, surprenant le barman qui n’était plus habitué à ce genre de comportements –en tout cas pas au Fangtasia ou tout se jouait sous table. Aah ça, pour sûr qu’elle était humaine ! C’était la jeune femme qu’il avait surpris plusieurs fois à l’observer, sirotant d’habitude une limonade... Qu’elle avait visiblement remplacée ce soir par quelques verres plus corsés –et une tenue plus révélatrice. Sans pouvoir corriger cette habitude de mâle, il avait jeté un oeil aux jambes qui dépassaient du short plus que court, à sa taille fine, avant d’éviter de justesse le décolleté : avec un sourire amusé, il avait stoppé sa progression vers le comptoir, plantant son regard dans le sien.

« C’est pas plutôt le contraire d’habitude ? La cliente qui paie un verre au charmant barman pour quelques minutes de conversation ? »

Regagnant sa place derrière le bar, il avait fait signe à la demoiselle de s’installer au siège qu’elle venait de quitter, sortant deux verres en attendant qu’elle s’asseye en face de lui, sacrément intrigué par la raison de sa présence ici –et cet intérêt étrange qu’elle lui portait. C’est qu’il ignorait jusqu’au nom de celle qu’il aimait voir comme son admiratrice secrète !
Relevant la tête vers la cliente, il lui décrocha un nouveau sourire, espérant bien qu’elle allait lui payer un coup, et non pas le contraire : pas sûr que son patron soit enclin à le voir piocher dans son stock sans payer.

« Alors alors, qu’est-ce que tu m’offres ? »

Je ne pu ’empêcher de pouffer. Le jeune barman devant moi voulait que je lui pais un verre. Je trouvais ça définitivement marrant et peu galant. Je m’efforçai tout de même de sourire et fit mine de rien. Je m’accotai sur le bar en regardant le jeune barman et je le fixai lentement dans les yeux. Depuis un moment, elle je le trouvais un peu plus séduisant. Bizarre. Je le trouvais beaucoup plus sexy aussi avec son t-shirt blanc et ses jeans trouées. Bon enfin, je déposai mon petit doigt dans ma bouche en lui envoyant mon regard le plus provocateur qui existait.

« T’as envie de quoi? » Dis-je d’une voix rauque qui me surprit au plus haut point.

La musique continua son envolée et le rythme devenait de plus en plus entraînant. Je commençai à me trémousser lentement sur ma chaise et j’eus l’idée folle d’aller sur la piste de danse. La tête me tournait légèrement mais j’ignorai ce petit détail. La folie s’emparait de moi et je m’amusais comme une vraie petite folle. Je sentais son regard sur moi et il me fit comme un petit choc électrique.

Je m’emparai de la piste de danse comme un vrai déchaîné. Mais je dansais d’une manière provocatrice et séduisante. Mon esprit était altéré je le sentais, mais mes mouvements, n’avaient jamais été aussi précis. Je me retournai vers le bar et je vis le barman me fixant. Je lui fis quelques gestes provocateurs tout en restant subtile. Cette soirée m’était des plus surprenantes. Je n’avais jamais séduit un garçon de cette manière et surtout, je crois que je n’avais jamais été aussi soule. « Merde! » Me dis-je mentalement. J’avais légèrement trop bu et surtout, j’avais trop bu rapidement. Mes sens commençaient à se détériorés et je sentais mon corps un peu plus lourd.

Un grand homme s’approcha de moi et commença à me parler. Je ne compris rien sur le moment, la musique était beaucoup trop forte. Ma vue commençait elle aussi à se brouiller mais tout ce que je pu dire ce fut un grand sourire béat. L’homme m’entraîna dans les toilettes. La lumière blanche venant du néon blanc clair envahit alors mon esprit. Devant moi se tenait un énorme vampire colossal. « Oh mon dieu! » Me dis-je encore une fois. Son regard me fit froid dans le dos et je ne pu m’empêcher de relâcher un petit cri.

« Aller ma belle! On va s’amuser tout les deux. Je veux tout simplement goûter à ta jugulaire qui me semble délicieuuuse. »

Mes yeux s’écarquillèrent en moins d’une demi-seconde. Mais il m’attrapa et me mis sa main sur ma bouche avant que je ne pu faire quoi que ce soit. C’est alors que mon esprit se fit plus fort que la tonne d’alcool que j’avais prise. Je n’avais jamais vu ce vampire venir vers moi, j’étais beaucoup trop soule! Dans quoi est-ce que je m’avais embarqué encore? La peur monta en moi comme un raz-de-marée et je vis le pire, mon corps, sans âme sur le sol de cette ignoble salle de bain.

Au vu du regard qu’elle lui lança par dessus le bar, Scott eut la confirmation que la demoiselle d’habitude si réservée était complètement pompette. Combien de verres avait-elle bien pu boire pour se retrouver dans cet état ? En tout cas, pas de doute : sur son admiratrice présumée secrète, l’alcool avait ce qu’il appelait lui-même l’effet miracle. Comprendre qu’elle était le genre de filles à se transformer en tigresse dès qu’elle avait trop bu, ce même genre de filles qui, il fallait le dire, facilitait grandement la tâche au chasseur MacFarlane. Profiter, lui ? Hey, il avait au moins la décence de s’enfuir le lendemain avant que la belle ne le regrette –et ne se rende compte qu’elle n’avait pas passé la nuit seule. Le titre de salaud affectif, c’était quelque chose qui se travaillait régulièrement !
L’écossais lui décocha un sourire charmeur, sensible à ses charmes et à la pose sexy qu’elle avait adoptée. Il fallait dire que niveau joli minois et tenue révélatrice, elle n’était clairement pas en reste face aux filles qu’il connaissait, bien au contraire. Et puis, il ne fallait pas oublier qu’en toute circonstance, le rouquin restait un homme cédant facilement à tout être trouvant grâce à ses yeux, décrochant le titre de garçon facile haut-la-main.

« Un petit Jack, ça m’irait parfaitement ! J’t’en mets un aussi ? »

Le temps que le bonhomme finisse sa phrase en servant un client adjacent et la belle s’était déjà envolée, laissant derrière elle un barman qui se demandait où elle avait bien pu passer. Embarquée par un vampire ? Avec un certain soulagement, il la repéra sur la piste de danse, au milieu des prédateurs qui ne manquèrent pas de flairer l’humaine imbibée d’alcool. Scotty fronça légèrement les sourcils : de ce qu’il avait cru comprendre, elle était venue seule, était complètement désinhibée et se trémoussait en plus sous le nez de dents longues qui ne résisteraient sûrement pas à une telle opportunité, elle décrochait donc le titre d’inconnue à surveiller. Aah les filles innocentes qui venaient se torcher chez les vampires, c’était une aventure. Et Scott, en bon samaritain, se sentait obliger de veiller sur ses brebis égarées et surtout inconscientes du danger qu’il affrontait lui-même tous les soirs –sauf qu’il n’était pas une vierge vulnérable, juste un con irresponsable. Jonglant entre les diverses commandes, il jetait régulièrement un oeil à la jeune femme qui n’en ratait pas une pour lui envoyer des regards suggestifs, manquant de faire faire des âneries au bonhomme. La drague sur roux en plein service, c’était mauvais pour l’efficacité de ce dernier.

Mais ce qui devait arriver arriva : entre deux services de Tru Blood, le barman aperçut un grand vampire s’approcher dangereusement de la demoiselle. En alerte, il renversa un verre, s’excusa auprès du client avant de lui en resservir un nouveau, yeux rivés sur le grand prédateur qui s’était penché sur la danseuse trop ivre pour faire quoi que ce soit. Alors quand il l’entraîna ailleurs, son sang ne fit qu’un tour : il arrêta tout ce qu’il était en train de faire, reposant maladroitement la bouteille rouge sang, passa près de sa collègue pour lui dire de prendre le relai quelques minutes, et passa le comptoir sous les protestations de la brune. Question de vie ou de mort, désolée Mindy ! ... Ou Jade, ou Mandy, ou bref, qu’importe son nom !
Super héros sans plan, Scott débarqua donc dans les toilettes, découvrant une scène horrifique amplifiée par la lumière crue des néons. Agir vite, avant que ce crétin ne plante ses crocs acérés dans le cou de sa cliente ; aussi, il fit quelques pas vers le grand machin –du gabarit d’Eric, miracle si avec ça, il n’aie pas d’ennui, sans se démonter face aux ennuis qui se profilaient.

« C’est mon humaine. »

Comment ça, ça ne marchait pas quand on était aussi humain ? Depuis qu’il bossait au Fangtasia, Scotty avait souvent entendu quelqu’un défendre son territoire de cette manière-là, et savait pertinemment que les vampires reculaient devant cette déclaration matérielle. Enfin, de la part d’un autre vampire.

« Enfin, ma copine si tu préfères. Le grand patron sera peut-être pas content de savoir qu’on touche au gibier de ses employés. »

Du bluff, du bluff, et encore du bluff par paquets de dix. Eric, se soucier du bien-être des copines de ses employés ? Il n’accordait déjà pas beaucoup d’importance aux employés eux-mêmes. Là, Dracula n’avait aucune raison valable de l’écouter lui, gnome roux, alors qu’il avait de la chair fraîche sous les mains. Qu’est-ce qu’ils avaient à traquer du sang frais là où les japonais avaient découvert un placebo ? Au moins, le vampire s’était retourné vers lui, insondable derrière des prunelles sombres.

« Allez, son sang doit être pourri par l’alcool. Et si tu la laisses pour cette fois, j’assure le service de Tru Blood pour toi et tes copains jusqu’à la fin de la soirée. Deal ? »

« Deal. »

Il sut qu’il avait eu énormément de chance : quel vampire digne de ce nom abandonnerait une proie bien vivante pour du sang en bouteille ? Heureusement que le bonhomme était un habitué, et pas des plus féroces : il dépassa Scott sans un mot et sortit des toilettes, laissant le sauveur en compagnie de sa DED.

« Eh ben, on peut dire que t’as eu chaud. Ca va ? »