Entretien avec un vampire

Scott MacFarlane, barman de renom. Scott MacFarlane, glandeur professionnel. Scott MacFarlane... Nouvellement chômeur.
Certains auraient broyé du noir, d’autres auraient tout mis en action pour remédier à ce statut peu glorieux ; Scott, lui, était allongé sur son lit en caleçon, perdu dans un épais nuage de fumée salvateur, interstices de la pièce bouchées par diverses serviettes de bain. Un aquarium seul dans sa chambre ? Il l’aurait bien partagé avec son colocataire, mais ce crétin avait préféré aller bosser de bon matin, ne laissant à Scott pas d’autre alternative qu’une fumette euphorisante en solitaire. Les plus grands spécialistes auraient affirmé qu’il s’agissait là d’une réaction de fuite face à cette nouvelle situation de crise, les proches du bonhomme auraient tout de suite compris qu’il s’agissait là d’une célébration à sa liberté provisoire : pas de travail, quel pied ! Certes, il n’avait plus une bonne excuse pour approcher les bouteilles, et il n’avait plus Eden la terrible à ses côtés pour le suivre dans de folles aventures. Pour y pallier, Scott lui avait rendu visite tous les soirs depuis sa déchéance, faisant ouvertement un pied de nez à son ancien patron, qu’il pouvait maintenant traiter de crétin comme il le voulait. Des nuits de folie qui n’avaient pourtant rien impliqué de sexuel –il avait juste touché le sein de Jones par accident, même les meilleurs manquent de précision une fois ivres, confirmant définitivement Eden comme sa partenaire de choc. Si seulement ils s’étaient trouvés avant, ils auraient conquéri le monde depuis des lustres !

Joint calé entre les lèvres, les bras croisés sous sa tête, il considéra l’option maîtres du monde avec un sourire niais, partant bientôt dans un rire euphorique, sous l’emprise de sa chère Marie-Jeanne. Première étape du contrôle du monde, devenir les Rois de Shevreport. Et pour devenir souverains... Il fallait bien entendu régner sur l’alcool en premier ! Et quel était le bar le plus susceptible de les propulser dans la noblesse ? ... Celui des vampires, Funtasiatruc ! Quel endroit plus connu dans Shevreport, hein ?
Bluffé par son idée de génie, il avait laissé échappé une exclamation impressionnée, observant son semblant de cigarette d’un oeil nouveau. Devenait-il surdoué dès qu’il fumait ? Autre débat intérieur qu’il développa, baignant toujours dans un autre monde digne des hippies.

Après une journée fort constructive, Scott était descendu dans le centre, sobre et clean comme il l’était rarement. Passant devant les bars et pubs qui lui faisaient de l’oeil, il résista en homme fort, fixé sur son objectif qui n’avait pas disparu en même temps que les effets du cannabis. S’il allait sérieusement postuler au Fangtasia ? Bien sûr que oui, c’était une idée lumineuse ! Les vampires n’attaquaient-ils peut-être pas les roux dans son genre ?
Totalement inconscient et bienheureux, l’écossais s’était engouffré sans noter la faune étrangement hostile, donnant au bar sa réputation malfamée, adressant même de grands sourires à qui voulait bien les recevoir, crétin dans toute sa splendeur. Il était humain et l’assumait complètement ! Gibier facile, certes, mais il était persuadé de recevoir la bénédiction d’au moins un des frères Collins.
Arrivant au bar, il s’était faufilé entre deux hauts tabourets heureusement vides, posant ses deux mains à plat sur le comptoir, face à face avec le barman à qui il comptait bien piquer la place.

« Salut ! Est-ce que le patron est là ? »

Un regard soupçonneux, un examen détaillé des pieds à la tête ; ne perdant en rien de son enthousiasme, Scott avait affronté le regard du vampire sans sourciller. Pfft, si les employés étaient aussi aimables, il était bien temps qu’il arrive, lui, le flamboyant écossais !
Attendant patiemment que l’employé ne daigne aller chercher son boss, il avait jeté un oeil à la salle : pas de doute, ça avait de la gueule. Et il se voyait définitivement se prendre une cuite au milieu des Draculas.

▬ Y’a un monde fou ce soir.
▬ C’est comme ça qu’on fait du fric.

Causette si peu digne d’intérêt. Ces jeunes vampires étaient tous les mêmes. Venir lécher les bottes de celui qui était en charge en espérant plus tard être dans ses bonnes grâces pour se sauver les miches au besoin. Pourquoi Eric avait-il accepté ce boulot de shérif déjà? Ah oui, parce qu’il était le plus vieux du district et qu’il adorait être en position de pouvoir. Une drogue qui lui coûtait ces moments ennuyeux, il faut bien le reconnaître. Eric n’était pas du genre très sociable à moins que la contre partie ait quelque chose d’intéressant à offrir. Ce qui n’était pas le cas de cette nouvelle vampire venue soit disant présentée ses respects à l’ancêtre de service. Celui qui lui avait donné la vie éternelle n’était qu’un abruti. Elle n’avait rien de si extra qui méritait de passer à la postérité et sauver son minois des ravages du temps.

Soupire. Vraiment, depuis quelques mois, les choses étaient très blasantes. L’absence de William probablement. Lui, il se payait du bon temps en Europe ou en Indonésie, qu’en savions-nous vraiment, et Eric était coincé en Louisiane pour assuré son rôle de shérif. C’était peut-être ça son problème, il avait besoin d’un paysage différent. Une visite à son vignoble italien serait intéressante. Mais hélas, pas tant qu’il aurait ce maudit trafic de Vi sur les bras. Satanés humains. C’était si lamentable de se donner la fausse impression d’être plus puissant en s’abreuvant de jus de vampire…

▬ Salut ! Est-ce que le patron est là ?

Cette question perçue au travers de la foule attira tout de suite son attention. Une ouïe surdéveloppée avait ses avantages et pendant que son barman prenait tout son temps pour répondre, Eric jeta un œil à celui qui voulait le voir. Un humain grand et roux. Un humain bien banal. Alors qu’est-ce qu’il lui voulait? Si c’était une transformation qu’il voulait, il pouvait toujours courir. Eric sélectionnait sa progéniture avec beaucoup d’attentions et il y avait tellement de ratés qui pensaient pouvoir donner une nouvelle direction à leur vie en devenant vampire. Et comme si ce n’était pas déjà suffisamment pitoyable, il fallait en plus qu’ils se croient dignes d’être transformés par le plus âgé.

Le barman leva finalement les yeux vers Eric qui ne broncha pas de son fauteuil attitré. Monté sur une petite estrade tout au fond de la salle, il pouvait ainsi avoir un œil et une oreille sur tout. C’était également une façon de « recevoir » ceux qui demandaient à le voir et qu’il n’avait aucune envie de faire pénétrer dans son arrière boutique.
Cependant, ce rouquin ne pouvant pas être pire que cette vampire en quête d’un regard de son shérif qui l’aurait rendue « importante ». Ce pourquoi il hocha de la tête, faisant ainsi signe à son employé de lui envoyé l’humain culoté. Les humains ne demandaient jamais à le voir. Il faut croire qu’Eric avait quelque chose de flippant… sûrement son mètre quatre-vingt treize et son visage impassible. Avachi dans son fauteuil avec cet air sans la moindre expression, il pouvait donner froid dans le dos, admettons-le.

Quand le roux se présenta devant lui, Eric le détailla de la tête aux pieds comme s’il ne lui avait pas jeté le moindre regard depuis qu’il était entré. Le désintéressement total. Le meilleur moyen d’éviter que cet humain ne reste autour de lui trop longtemps.

▬ Je ne fais pas dans le baby-sitting, ni dans les hommes en ce moment.

Et lorsqu’on savait décrypter son langage tellement direct qu’il ne donnait aucune mise en contexte, on pouvait comprendre qu’il ne transformait pas sur demande et qu’il n’était pas intéressé par un homme dans son lit. Selon certains humains, les vampires baisent tout ce qui bouge. Vrai pour certains, mais même si Eric avait eu certaines expériences entre hommes au court de ces siècles, ça ne l’empêchait pas d’être tourné vers la femelle en grande majorité du temps. Et même sur la femelle, il était plutôt sélectif.

▬ Qu’est-ce que tu me veux, humain.

Parler ainsi devait probablement faire enrager la ligue des droits des vampires, mais Eric était beaucoup trop loin de son humanité pour chercher à s’en rapprocher en ce post coming-out vampirique.

On le regardait de travers, parfois avec une curiosité qu’on cachait bien vite ; pour Scott, l’assemblée de vampires qu’il avait sous les yeux ne présentait aucune différence avec les saoûlards de son ancien bar. Pas dans le genre, oh ça non –plus de classe, de charisme, de tensions palpables aussi, mais dès qu’il y avait bouteilles et beuveries, l’écossais considérait les hommes comme équivalents, buveurs de sang ou non. Ils filaient la chocotte à pas mal d’habitants ? Qu’ils tremblent sans savoir, le bonhomme lui, était bien déterminé à décrocher ce job en plein dans la gueule du loup, inviterait Eden à y venir et ferait du chantage au boss pour l’avoir dans leurs rangs. Enfin, peut-être qu’il suffirait à sa nouvelle partenaire de lui montrer ses seins ; vampire ou pas, un mâle restait un mâle.

« Par là-bas. »

Tournant la tête à la douce voix du barman, ce dernier lui fit un signe discret vers l’estrade du fond, obligeant le roux à le suivre du regard ; ses iris clairs tombèrent sur un fauteuil majestueusement planté en hauteur, léger détail qui lui avait échappé lors de son premier examen. Et sur ce fauteuil, un homme, son homme, qui, déjà à distance, dégageait un charisme digne des plus grands. Quand on a vécu plus d’un millénaire, en même temps, on a le temps d’accumuler la classe et la sagesse nécessaire pour en imposer en toute occasion. Remerciant le barman d’un hochement de tête et d’un sourire, il traversa la salle en la balayant du regard, aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau –ou un Scotty dans l’alcool, en l’occurence.
Grimpant sur l’estrade, il releva les yeux sur l’homme –le géant ?- assis juste devant lui, lui décrochant un sourire malgré son expression fermée et le trac qui commençait à se faire sentir. C’était un entretien d’embauche après tout ! Et le frère Collins qu’il avait en face de lui était loin d’être un gringalet, taillé comme le dieu nordique que tout homme rêvait d’être. Aaah, lui, il devait emballer les filles à la pelle, avec cet air mystérieux du type glacial.

« Bonsoir ! Ca en jette chez vous ! »

Sois professionnel mon grand, professionnel.
...
Hein ? Baby-sitting, hommes ?
Scotty perdit de sa contenance, renvoyant un regard surpris au shérif. La drogue faisait-elle encore effet sur lui, ou avait-il déjà bu sans même sans rendre compte ? A moins qu’il ne le prenne pour un gamin en dérive, ou un... Noon, impossible, il n’avait pas pris l’écossais pour un... ?
Heureusement pour la fierté du roux, il avait enchaîné, lui demandant finalement la raison de sa venue. Récupérant une confiance digne d’un salesman et son éternel sourire, il prit son élan, s’éclaircissant la gorge derrière son poing fermé.

« Je suis venu vous proposer mes services. Pas de trucs tendancieux comme ceux dont vous parliez plus tôt, pour tout vous dire moi j’aime les femmes, même beaucoup et... Enfin bref, j’me demandais si vous auriez besoin d’un barman compétent, en tout cas plus souriant que le type là-bas. »

Comme s’il se rappelait de quelque chose, il se contorsonnia pour atteindre la poche avant de son jean, d’où il tira un papier plié en quatre et visiblement maltraité. Rapidement, il le déplia, grimaçant face à la qualité de son oeuvre puis lui tendit, toujours cette expression d’imbécile heureux au visage.

« C’est mon CV, si jamais ça vous intéresse. J’me doute bien que vous avez tout ce qu’il vous faut, mais le changement, ça fait parfois du bien. »

Sur le papier s’étalaient de nombreuses expériences professionnelles, majoritairement de barman et de serveur, de durée relativement courte cependant. Eh oui, pour Scott, se pointer, demander une place sans rien demander à personne et pas préparé, c’était suffisant pour décrocher un boulot.
Collins serait-il aussi emballé que le bonhomme ?

Il fallait donner à cet humain qu’il avait un certain cran. Généralement, ce regard froid et digne des grands serial-killer de ce monde – n’en était-il pas un lui-même en vérité? – suffisait à lui donner la paix qu’il désirait. Mais pas cette fois-ci. Cette fois-ci, un gamin tout juste sorti des jupes de sa mère – selon le point de vu, il faut dire que l’écossais est très jeune quoi – venait lui proposer de bosser pour lui. Déjà lorsqu’il cherchait des employés humains il n’y avait pas forcément foule, mais c’était encore plus surprenant qu’Eric ne cherchait personne en ce moment.

▬ Je me fiche pas mal que tu aimes les femmes ou même les chèvres.

Être sociable n’était décidément pas l’un des plus grands talents du viking, mais c’était ainsi qu’il était fait. En lui dormait une bête sauvage assoiffée de sang. Payer des impôts depuis le coming-out de sa race ne le rendait pas plus humain, loin de là.

▬ Et ce type ne sourit pas parce qu’il entend tout ce que tu dis. Il serait d’ailleurs bien inutile de sourire. Mes clients sont ici pour saigner ou être saigné, rien d’autre.

Le rouquin marquait cependant un point, malgré le fait qu’Eric ne le laissait nullement paraitre. Ses congénères venaient dans son bar pour le sang. Les humains quant à eux venaient pour boire et se frotter à la mort elle-même. Ceux-là consommeraient peut-être plus si le visage derrière le comptoir était moins effrayant. Oui, les affaires sont les affaires!

Ne levant même pas le petit doigt lorsque le rouquin lui tendit son curriculum vitae, Eric baissa vaguement les yeux dessus quelques secondes à peine avant de les relever sur le prétendant au titre de barman. Pourquoi ce gamin voulait bosser pour lui? Il y avait bien d’autres endroits à Shreveport où il pourrait se trouver un boulot vu sa détermination. Alors pourquoi ici et prendre le risque d’avoir un patron sanguinaire?

▬ Tu réalises que mes employés voient parfois des choses qu’ils ne devraient pas voir et que, par conséquent, tu prends le risque d’éventuellement devenir un témoin gênant?

Menacer de le tuer sans même savoir son nom? Et pourquoi pas! Ce jeune homme semblait avoir une certaine paire de couilles, restaient à savoir de quoi elle était faite. Ou alors Eric se méprenait complètement et ce type n’était qu’un idiot congénital qui n’avait aucune conscience de son propre instinct de survie.

▬ Mon second emploi m’oblige parfois à être violent, tu comprends.

Comment pouvait-il comprendre? Ce n’était pas comme s’il était marqué shérif sur son front. D’ailleurs, les humains ne savaient pas forcément comment fonctionnait les choses chez les vampires ni comment ils assuraient leurs « lois » d’être respectées.

Mais étaler ses tendances de sadique bête assoiffée de sang et de violence, n’était pas suffisant pour satisfaire Eric. On ne venait pas bosser dans un bar fréquenté principalement par des vampires et des idiots d’humains prêts à tout pour se faire dévorer sans avoir une bonne raison.

▬ Pourquoi tu veux travailler pour moi? Si tu cherches vengeance parce que j’aurais saigné un membre de ta famille, sache que tu n’arriveras à rien sinon à rejoindre cette personne.

Ça sentait le vécu tout ça, mais raison de plus pour en faire mention. Eric n’avait pas envie d’être aux prises avec un corps à faire disparaitre. Pas ce soir et pas en ce moment en général. Entre cette intrigante et additive Eden et ce fichu trafic de jus de vampire, non, Eric n’avait avait mieux à faire que d’aller jeter le corps d’un imbécile de rouquin aux crocodiles pour faire disparaître les preuves.

Un minimum réaliste, Scott ne s’était pas attendu à ce qu’Eric ouvre grand les bras avec un « Mon fils, bienvenue chez nous ! Un canon pour fêter ça ? », redoutant même une violente douche froide de la part du tenant des lieux ; il avait le regard glacial, l’expression de l’homme impassible, la carrure d’un bûcheron des steppes, il lui aurait donc été aisé de renvoyer l’humain d’où il venait d’une pichenette bien placée.
Mais parce que la chance était avec lui ce soir, que son interlocuteur était peut-être d’une humeur excellente, rien de tout cela n’arriva ; s’il se montrait froid, aucune forme de dédain ou même de rejet ne s’était fait sentir, permettant à Scott de tenir la distance et son sourire de barman enthousiaste. Certes, on venait de lui signaler qu’on se foutait de ses préférences sexuelles mais hey, n’était-ce pas là la preuve d’une grande ouverture d’esprit ? Ou d’un je-m’en-foutisme défiant l’entendement, mais Scotty préférait rester positif pour garder le cap, éternel optimiste ne connaissant pas la défaute. C’est que le vampire avait même une sacrée dose d’humour, derrière ses répliques dignes de l’ère glacière ! Même si la simple image d’une chèvre avait de quoi rebuter.

« Vous savez, sourire c’est jamais inutile ! Ca inciterait le client à diluer son sang d’un verre de gin, vous croyez pas ? »

Avec un air qui se voulait plus ou moins sérieux, c’était selon l’appréciation du gérant –qui le prendrait d’ailleurs sûrement pour un crétin : Scott et ses techniques marketing pour vampires, ça n’était pas plus compliqué que ça. Certes, il ne connaissait des vampires que ce qu’on pouvait bien se dire entre humains, ignorait à vrai dire s’ils appréciaient la boisson comme lui le faisait. Et puis avec une immunité telle que la leur, pas de souci de foie, le pied total !
Condamné à rester debout par l’absence de siège, Scott avait tendu son CV sans se démonter par le regard qu’il avait adressé au bout de papier, signifiant clairement qu’il pouvait le remballer. Etrangement, Collins ne lui avait toujours pas fait comprendre qu’il n’était pas intéressé, ne se montrant pas pour autant positif, tâtant juste le terrain pour le moment : sentant qu’il avait quelque part une chance, que le vampire se montrait patient avec cette petite vermine rousse qu’il aurait pu congédier en un clin d’oeil, MacFarlane garda sa feuille entre les mains, la rapatriant seulement plus près du bonhomme.
Allons bon, il le testait maintenant ? ... Ok, il avouait que pour le coup, le blond prenait des allures menaçantes, plus encore que les hooligans avec qui il s’était acoquiné quelques années plus tôt. C’était quoi, ce fameux second emploi ? Tueur à gages ? Agent du FBI des vampires ? Inconscient et téméraire, Scott avait souri de nouveau, l’éclat de ses yeux brillants même un peu plus en réalisant qu’il vivrait dangereusement dans ce bar ; promesses d’adrénaline en masse, et d’aventures folles que son imagination débridée dessinait déjà. S’il était témoin d’un meurtre ? Bah ! De toute façon...

« Vous avez pas de souci à vous faire là-dessus. C’est votre bar, vous y faites bien ce que vous voulez ! »

Au détriment des lois et du respect de la vie ? Si on pouvait croire qu’il disait ça simplement pour jouer au type cool cherchant à impressionner, il n’en était rien : Scott était bien le crétin irresponsable dont il avait l’air. Rien de plus normal de la part d’une ex-petite frappe dans son genre, détenteur de drogues et adepte de sensations fortes.
A l’évocation de la vengeance, le jeune homme regarda Eric avec des yeux ronds, décontenancé au possible. Logique du point de vue de Dracula qui avait sûrement dû subir des coups tordus au fil des siècles, complètement absurde pour un roux qui ne savait même pas ce qu’était la rancune.
Se reprenant, Scott comprit qu’il avait là sa chance d’expliquer sa motivation, gonflant un peu plus le torse avec une esquisse de sourire.

« Pour tout vous dire, ça m’est venu d’un coup. J’me suis fait virer y a quelques jours, et les bars de Shevreport, j’les connais tous. Au final c’est un peu la même chose, un cadre similaire avec des gens qui se ressemblent. Alors j’me suis dit que pour cette fois, je pouvais changer d’air et que bosser avec des vampires, ça pouvait être sympa au final. »

Un coup de tête, voilà ce que ça avait été, et il n’avait pas cherché à s’en cacher. Pourquoi mentir en prétendant qu’il était un fan de Nosferatu depuis son enfance et tenait à travailler au côté de ses idoles ? Autant tenter le tout pour le tout et y aller au culot, comme il le faisait toujours. Ca passe ou ça casse, comme on disait.

Le gamin savait se vendre, il fallait le reconnaître. Remarquez, il aurait été curieux qu’un jeune homme ne sachant pas se mettre à son avantage se pointe dans son bar à vampires pour quémander du travail. Il fallait tout un aplomb pour arriver comme une fleur et déclarer être l’homme d’une situation qui n’était pas encore arrivée. Oui, il lui plaisait, bien que ce n’était pas dans les habitudes d’Eric de se dévoiler aussi facilement. Il fallait carrément un manuel d’utilisation pour le comprendre d’un regard et ces gens au don extraordinaires ne se comptaient que sur les doigts d’une main. En fait, Eric ne connaissait qu’un seul être capable d’un tel prodige et il s’agissait de son associer volage.

Mais peu importe, pour en revenir à ce rouquin aux couilles d’acier et au franc parlé rafraichissant, Eric hocha de la tête devant son observation. À croire qu’il avait suivit les pensées du vampire, ce qui n’était pas peu de choses.

▬ C’est pas faux.

Ça ne voulait pas dire qu’il était prêt à admettre que c’était vrai. Le viking aimait jauger les gens et les tester. De plus, il n’allait sûrement pas engager un type débarquer de nulle part sans s’assurer de pourquoi il était soudainement pris de l’envie suicidaire de travailler pour lui. Sous ses traits de grand imbécile heureux pouvait très bien se cacher l’un de ces extrémistes anti-vampires qui lui pourrissaient la non-vie depuis le coming-out vampirique.

Le tester en lui foutant la pétoche? Pourquoi pas. C’était une tactique comme une autre et puis, il fallait avoir de bons nerfs pour bosser dans cet environnement sans se laisser consommer par lui. Certains de ses faibles employés au sang chaud frisaient la folie au nombre de fois qu’ils avaient été hypnotisés et le viking ne souhaitait pas refaire la même erreur. Un type sans morale qui n’était comblé que par son chèque de paie, c’était ça l’employé modèle dans ce bar. Une description qui semblait d’ailleurs être celle du rouquin opportuniste si on en croyait la réponse qu’il venait de fournir au grand blond.

▬ En effet.

Oui, c’était bien son bar et il y faisait ce qu’il voulait. La chose dont le rouquin ne se doutait pas était que ces choses pouvaient très bien transgresser jusqu’aux lois de sa propre race si le besoin y était. Eric était un guerrier viking qui ne pliait devant personne. Laisser croire à qui le voulait qu’il était à la botte des plus hauts gradés, il s’en fichait pas mal. Eric n’avait que deux maîtres. Lui-même et son créateur. Les autres n’avaient strictement aucune emprise sur lui. Jouer au shérif était simplement commode et permettait au vampire d’être dans les bonnes grâces des Autorités.

Alors comme ça, le gamin s’était fait viré et il avait carrément jugé bon de venir se présenter ici pour un boulot. Téméraire. Probablement cinglé avec un sérieux problème d’instinct de survie, mais téméraire c’était certain.

▬ Pourquoi je t’engagerais si un simple humain à juger que tu n’étais pas suffisamment bien pour son bar?

La dernière chose dont Eric avait besoin était d’un idiot au caractère impulsif qui piquait peut-être dans la caisse. Quoi que même le plus fou des employés y penserait à deux fois avant de se conduire de la sorte dans un endroit dirigé et fréquenté majoritairement par des vampires.

▬ Tu dois bien te douter que je ne fais pas dans la charité.

Il en était d’ailleurs très loin. Le nombre d’action faite en milles ans qui étaient complètement désintéressées et purement altruiste? Zéro.
Et mine de rien, ce rouquin là commençait à lui plaire. Seulement… il n’avait pas besoin d’un gamin en plus pour servir à boire alors que d’autres savaient le faire.

▬ Tu sais faire quoi à l'exception du comptoir?

Oui, il venait de sous-entendre qu’il commençait à être intéressé. Il fallait bien s’il voulait en savoir plus sur lui avant de porter son choix définitif.

Lentement mais sûrement, Scott sentait qu’il gagnait du terrain, s’imposant peu à peu sur le territoire pourtant bien gardé des Collins. C’était à croire qu’aucun humain ne venait se proposer spontanément. Comment ça, il était le seul assez cinglé pour se jeter dans la gueule du loup ? Ses congénères étaient de véritables trouillards conformistes et mollassons, lui savait prendre les devants, voilà tout. Encore fallait-il faire preuve de sa bonne foi envers le vampire, qui n’accorderait sûrement pas sa confiance aussi facilement –comme quoi avoir une bonne tête ne suffisait parfois pas ; si ça n’avait tenu qu’à lui, l’écossais se serait déjà auto-engagé une bonne dizaine de fois au moins, convaincu par son propre sourire, sa tignasse rousse et son énergie légendaire. Que demandait le peuple ? ... De véritables compétences dans le monde de la nuit ? Il en avait, des compétences ! Non seulement savait-il préparer les cocktails, mais savait également comment les boire en un clin d’oeil.

Pas sûr que Collins soit franchement réceptif à ses talents avérés d’alcoolique et de drogué ; mieux valait persévérer sur le chemin qu’il avait emprunté et faire disparaître le scepticisme et les suspicions du patron. Certes, ça n’allait pas être facile, sachant pertinemment que les hommes étaient de nos jours beaucoup trop méfiants envers les bons écossais dans son genre. Enfin, si l’on ne craignait pas à ce qu’il touche à la réserve, il était effectivement quelqu’un sur qui compter. Fait évident qu’il allait pourtant devoir prouver à son interlocuteur, maintenant qu’il avait su capter un minimum d’intérêt. Si seulement il avait été une femme, il en aurait eu, des arguments de choc. Du genre un combo barmaid/escortgirl/stripteaseuse. ... Hey, même en homme, ça ne pouvait pas se faire ?
Se demandant s’il saurait jouer au chippendale, il avait fait l’erreur de préciser qu’il s’était fait virer quelques jours plutôt ; bien entendu, le vampire avait profité de l’occasion pour lui rétorquer immédiatement, ajoutant une question plus difficile que les autres, néanmoins pas insurmontable pour le grand MacFarlane. Enfin... Théoriquement. Tripotant un peu plus nerveusement son CV qu’il tenait toujours entre les mains, il avait gardé le sourire, affrontant la tempête malgré tout : il n’avait pas fait tout ce chemin pour faire demi-tour maintenant, devant le regard inquisiteur du grand blond.

« Parce que vous, vous savez reconnaître les bons. Mon ancien patron, c’était un type gras, du genre à gueuler sur les plus faibles et à mettre la main au cul de ses serveuses. J’crois que c’est moi qui serais parti s’il m’avait pas viré le premier. »

Une réponse toujours aussi simpliste, peut-être un peu trop facile ; Scott était pourtant persuadé de dire la vérité, tout comme il sentait qu’il serait utile au Fangtasia. Peut-être pour mettre un peu plus de vie là où tous semblaient tendus comme des arcs, et ce même si la tâche ne s’annonçait pas facile.
Au refus évident de faire la charité, Scott hocha la tête ; il n’avait tout de façon pas prévu de l’apitoyer avec ses grands yeux, ni même de lui sortir les histoires larmoyantes qui lui avaient permis de payer son loyer en retard. Susciter son intérêt, lui faire comprendre qu’il était l’homme de la situation à venir, voilà quels avaient été ses plans d’attaque. Et pour le moment, cette optique lui avait plutôt réussi.

Si tout se passait relativement bien jusqu’à présent, il fut victime d’une certaine déception à la question suivante, impliquant qu’on projetait éventuellement de l’embaucher pour autre chose, et qu’on l’éloignerait en conséquence de ses chères bouteilles.
Mais hey, par extension, cela ne voulait-il pas aussi sous-entendre qu’il était intéressé ? Prenant encore une fois le chemin de l’optimisme, il ignora tout sentiment négatif, se disant qu’il approcherait sûrement Jack d’une autre manière, et se creusa les méninges un instant pour se trouver –s’inventer ?- d’autres fonctions. Mécanicien ? Pas franchement utile dans un bar, malheureusement...
Finalement, il avait fini par hausser les épaules, le sourire du bienheureux de retour sur ses lèvres. Improvisation, encore et toujours, mâtinée du même culot qu’il lui servait depuis le début de l’entretien.

« Ca dépend, qu’est-ce que vous voulez que je sache faire ? »

En gros, il s’affichait comme homme à tout faire, surtout convaincu de pouvoir remplir n’importe quelle tâche plus ou moins ingrate. Ca ne serait pas la première fois qu’il se retrouverait à récurer les toilettes, ou employé comme rabatteur à l’extérieur !

La flatterie. Comme si Eric allait s’y laisser prendre, il était loin d’être né d’hier. Pourtant, le gamin avait l’œil et il devait forcément être du genre le moindrement travaillant. Autrement, il ne serait pas venu quémander du boulot à un vampire. Il fallait être assurément sûr de soi.
Oui Eric l’aimait bien ce rouquin. Bien qu’il n’avait besoin d’aucun personnel supplémentaire, il pouvait toujours mettre un incompétent aux neurones complètement court-circuitées par de nombreux passages sous hypnose. Un type pas trop à l’ouest – du moins comparé aux autres – ça pouvait toujours être bon.

▬ Je bois mes serveuses.

… Freaky. Pour sûr, mais hey, il était un vampire! Un autre imbécile à mettre sous hypnose, il n’en avait pas besoin, alors aussi bien dresser le portrait complet. S’il se carapatait en courant, le problème serait autant réglé que s’il restait.
D’une façon ou d’une autre, pourtant, le jeunot semblait y tenir à ce boulot puisqu’il ne décampait pas et gardait son attitude souriante et optimiste. Courageux. Ou simplement naïf, au choix. Un cas comme l’autre, c’était de la folie, mais ce n’était sûrement pas Eric qui risquait sa peau dans l’histoire.

Le grand guerrier viking allait-il prendre le risque? Ne cessant de jauger le rouquin, il lui avait posé l’ultime question. Que savait-il faire au juste? N’importe quel plouc savait mettre de la vodka dans un verre. Et celui-ci ne valorisait pas d’autres talents en retournant la question d’une question. Ce qu’il voulait qu’il sache faire?
Un sourire en coin vint se poser sur le visage du nordique. Oui, enfin un sourire. Comme quoi les choses n’étaient pas complètement perdues et que même dans l’adversité il restait toujours un brin d’espoir. Foutaise ouais =.=

▬ Mes humains doivent s'occuper en prime du ménage et réceptionner la marchandise dans la journée. Je me fiche de l’heure où tu pointes, tant que le boulot est fait quand le soleil se couche.

Oui, il y avait quand même certains avantages à bosser pour des vampires. Impossible d’avoir les patrons sur le dos lorsque le soleil était bien haut.

▬ Pas de question, pas de jugement, pas de police. Ce que tu vois ici, tu l’oubli dès que tu passes la porte. Si tu es en mesure de faire ça et de te faire plus de pourboire que ce cher Sven ce soir, je t’engage.

Parce que bien sûr, sans un petit test c’était très facile de jurer sur la tête de sa mère d’être capable de faire tout ce qu’il avait énuméré. Si vraiment ce gamin avait un don pour appâter la clientèle et la faire boire davantage avec son sourire de bienheureux, c’était maintenant ou jamais de le prouver.

D’un vague signe de la main, Eric lui intima silencieusement l’ordre de foutre le camp commencer sa soirée d’essaie au plus vite. Ensuite, le vampire pu allègrement retourner à ses pensées obsessives tout en gardant une certaine attention sur ce rouquin pour le moins particulier.

Il buvait ses... Scott allait encore devoir s’habituer à l’humour de vampire –car ce n’était pour lui qu’une plaisanterie un peu douteuse, pour sûr... Enfin, sûrement. Mais quoiqu’il en fut, il se sentait prêt à affronter l’univers mystérieux et effrayant des buveurs de sang, grand spécialiste de l’optimisme et de l’aveuglement volontaire ; comprendre par là qu’il était particulièrement doué pour oublier ce qu’il n’était pas sensé voir, comme il l’avait appris durant ses quelques années de hooligan. Sans ça, il n’aurait jamais survécu aux règlements de compte injustes, aux mises à tabac violentes du gang et autres événements sanglants dont il avait été le témoin. Traumatisé, lui ? Peut-être qu’au final, il buvait autant pour une raison particulière.

Mais laissons derrière-nous un écossais torturé et tournons-nous plutôt vers l’avenir qui s’anonçait de fait prometteur. Si Collins n’avait pas cessé de le tester depuis le début, tâtant de quel bois il était fait, il se montrait au final ouvertement intéressé, souriant même, laissant naître sur le visage pâle du rouquin un sourire extatique, sentant qu’il lui laissait là une chance. Et quelle chance ! Peu importait l’heure à laquelle il arrivait, il lui suffisait de réceptionner « la marchandise » -il avait de fait hâte de savoir ce qu’elle contenait, mis à part des pochettes de sang synthétique- et de passer un coup de balai dans l’établissement, sans se soucier d’avoir les patrons sur le dos. Etait-il d’ailleurs le seul humain en charge ? Quelque chose lui disait que non, et c’était tant mieux : un allié dans cette faune totalement inconnue et particulièrement hostile au genre humain de ce qu’il avait cru voir. Il lui faudrait bien ça pour échapper aux coups de crocs éventuels !

Il avait hoché la tête pour lui indiquer que cela ne lui posait pas de problème, le laissant continuer par... Une mise à l’épreuve ? Une soirée pour montrer au vampire de quoi il était capable, et amasser plus de pourboire qu’un autre type –le barman peu souriant qui l’avait accueilli froidement ?

« Comptez sur moi boss, c’est comme si c’était fait ! »

Son regard de rouquin reconnaissant exprimant assez les remerciements cachés dans son petit coeur englué par l’alcool, il n’en dit pas plus et suivit le mouvement de main qui le chassait, descendant de l’estrade et se frayant un chemin jusqu’au comptoir, passant derrière avec un grand sourire à l’intention du coinços qui lui servait de collègue ce soir.

« Sven, c’est ça ? Enchanté ! »
« ... »

Sachant pertinemment que le vampire avait tout entendu de l’entretien, il n’insista pas plus, laissant tomber sa veste dans un coin, prêt à se dépasser pour ce boulot. Parce que c’était classe de dire qu’on bossait au Fangtasia ! Il faudrait qu’il en parle à Eden pour voir si elle aussi ne pourrait pas le rejoindre chez les vampires et faire la fiesta avec lui et leurs nouveaux patrons. D’ailleurs, il en manquait pas un, de frère ?

La nuit fut étrangement rapide, laissant derrière elle un Scotty en sueur, lessivé par tant de clients –on en avait pas vu autant depuis 1985- mais néanmoins content de lui, ayant réussi à décrocher quelques sourires à des vampires à l’air pourtant fermé, parvenant même à se faire payer un verre par un autre groupe plus curieux et réceptif à la présence du roux ; prétendre qu’il avait été le bienvenue pour tout le monde aurait été mentir éhontément. Mais au moins en avait-il intrigué pas mal, avec ses blagues à deux dollars et son énergie d’increvable. Il préférait de fait ignorer que beaucoup avait dû l’envisager comme un bon casse-croûte, même s’il en avait sûrement joué sans le savoir ; comment expliquer sinon les bons pourboires qu’il s’était fait ?
Après avoir encaissé les derniers dollars de la soirée, il avait discrètement jeté un oeil à l’heure sur son portable, attendant patiemment qu’on vienne rendre son verdict.

En l’absence d’incident majeur tel qu’un humain mort au bout de son sang dans les toilettes, le reste de la nuit se passa plutôt bien. L’ambiance devint plutôt chaude dans les deux trois heures du matin, mais ça n’avait rien d’anormal dans ce bar. Les gens y venaient pour ça après tout.

Eric quant à lui restait sur son siège. Il en bougea à quelques reprises pour se rendre dans le bureau de l’arrière boutique question de régler certaines affaires, mais sinon, même pour lui les choses furent excessivement tranquilles. Dès qu’il avait un moment en tête à tête avec lui-même, il dressait la liste des créatures surnaturelles qu’il connaissait. Malheureusement, malgré son large savoir, accumulé au fil des ans, en la matière, rien de ce qu’il connaissait ne correspondait à cet espèce de pouvoir qu’Eden avait sur lui. Devait-il se rendre à l’évidence que la sénilité pouvait gagner les vampires et que celle-ci était en train de le gagner?
N’importe quoi. Un vampire ne devenait pas sénile. Il pouvait devenir complètement fou et se changer en une bête considérée comme psychopathe même chez les siens – ce qui entre nous est tout un exploit – mais la sénilité, non jamais Eric n’avait vu ça.

Dans ce cas, où est-ce que ça clochait précisément? Le vampire avait la profonde impression qu’il s’agissait d’un truc carrément biologique. Ses instincts primaux étaient en cause dans cette histoire, ça n’avait rien d’un penchant anodin. Et ça, aucune humaine ne pouvait avoir un tel effet sur lui. Aucune. Qu’est-ce qu’elle était cette fille.

Une question qu’il se posa mille fois cette nuit-là pendant qu’il observait du coin de l’œil son barman à l’essaie. Le gamin savait y faire avec la clientèle, ça ne faisait aucun doute. Certains de ses clients vampires cherchaient à l’intimider, c’était à prévoir, mais le rouquin s’en sortait pas trop mal à chaque fois. Il avait ça dans le sang, c’était indéniable. De là à dire que c’était une nécessité de l’engager, il ne fallait pas exagérer non plus. Pourtant, Eric avait apprécié son culot et il appréciait maintenant l’acharnement qu’il le voyait mettre dan son boulot. Si ce rouquin gardait cette ardeur, il allait vite devenir son humain le plus efficace et ça, Eric ne pouvait pas cracher dessus. Les autres frisaient pas mal la folie. Un peu de sang neuf ça ne pouvait pas faire de mal et ce n’était pas comme si Eric n’avait pas les moyens.

Comptait-il réellement embaucher un type qui s’était pointé sur un coup de tête pour demander du boulot? Ça ne lui ressemblait pas beaucoup, mais pourquoi pas au final. Eric savait reconnaitre un bon élément lorsqu’il en voyait un.

Ce pourquoi, alors que le dernier client quittait le bar, Eric se leva de son fauteuil et s’arrêta devant le comptoir. Observant le rouquin quelques longues secondes, le géant des steppes tourna la tête vers Sven. Sans même qu’un mot ne soit échangé, l’autre vampire hocha légèrement de la tête sur le côté. Eric eut un sourire en coin en ramenant ses yeux bleus sur le jeune barman.

▬ On dirait que t’as fait tes preuves. Soit ici au couché du soleil. Quelqu’un te fera visiter la maison.

Puis le viking s’en alla dans l’arrière boutique pour aller se réfugier dans son logement souterrain pour la journée. Il ne demandait même pas son nom? Rien à faire de son nom et puis, il finirait bien par le savoir tôt ou tard. Oui, Eric était un patron définitivement aussi particulier qu’il était un vampire particulier.