there's always more than meets the eye ☼

there's always more than meets the eye

La musique était forte depuis quelques heures déjà, et l’atmosphère semblait détendue. En tout cas, il ne semblait pas y avoir trop de problèmes, puisqu’il avait fallu mettre seulement un idiot d’adolescent à la porte. Pour Tyson, ce type de mec, c’étaient ceux qui cherchent une histoire à raconter au lycée le lendemain, en disant qu’il était allé voir des vampires et tadah, ça ferait de lui une star. Mais en voyant son âge et en lui parlant deux minutes en dehors du Fangtasia, il avait bien vu que le jeune homme n’avait pas réellement voulu s’impliquer dans un monde qui le dépassait encore un peu. D’où l’appel aux parents du gamin, qui sont venus le chercher. Bien sûr, notre homme leur expliqua longuement qu’il n’avait rien fait et qu’il ne l’avait pas laissé entrer, un joli mensonge pour ne pas que le petit explique ce qu’il ait vu à l’intérieur du bar. Tant pis. Le temps de s’occuper du bambin et d’appeler la baby-sitter pour vérifier que tout allait bien à la maison, et, Tyson se permit de retourner à sa place à la porte du bar. Il n’avait rien contre la musique et contre les personnes qui n’arrêtaient pas de commander à boire, il s’y était fait. Et puis, de toute façon, il avait vu bien pire. Cependant, alors qu’il avait les bras croisés et semblait plus fait de glace qu’autre chose, il vit des reflets roux dans le bar. Fronçant les sourcils, il se recula d’un pas pour se rapprocher de la porte qu’il ‘gardait’. Il ne savait pas trop pourquoi, mais tout en lui hurlait que c’était l’écureuil… non, la fille… non l’écureuil ? Oh, et puis zut. La fille qui était apparue sur ses cuisses, il y avait de ça quelques semaines. C’était vrai, des reflets roux comme ça, ça se voyait à des kilomètres à la ronde. Alors, du coup, il soupira et ferma les yeux en ramenant la tête en arrière.

Il entendit la porte derrière lui s’ouvrir et jeta un coup d’œil à son collègue pour voir si tout allait bien. Il avait, certes, une oreillette enfoncée dans l’oreille gauche, il n’entendait pas grand-chose dans le blablah qui de toute façon saturait dans son oreille. Il portait un t-shirt noir, assez moulant pour montrer qu’en cas de problèmes, c’était lui qui aurait la victoire. Ceci dit, si le fauteur de trouble était humain. Le cas contraire, il appellerait son collègue qui se trouvait de l’autre côté de la porte, qui était vampire de son état. Car Tyson n’était que ça, un pauvre humain, employé par le propriétaire du bar pour s’occuper de son cercueil pendant que le soleil était levé. Ce qu’il faisait là, alors, à cette heure ci ? A vrai dire, c’était samedi soir. Et, celui qui prenait sa relève d’habitude au coucher du soleil, avait appelé pour lui dire qu’il ne viendrait pas pour cause de maladie. Donc, du coup, Tyson avait dû trouver une baby-sitter pour Eileen et ne la verrait pas avant une heure avancée de la nuit. Il n’était là que jusqu’à 3 heures du matin, mais le soleil se levait à 6 heures, et il devrait être revenu sur les lieux à ce moment là. Bon, tant pis. Il dormirait lundi. Cependant, travailler le dimanche alors que sa petite Eileen était à la maison ne lui plaisait pas trop. L’amener ici ? Ouais, le dimanche de toute façon, il n’y avait personne. Ou presque. A part les employés. Il verrait bien. Ou sinon, il demanderait à Eric s’il ne pouvait pas prendre la journée pour aller jouer au parc, ou aller au bord de la mer pour donner du pain séché aux canards, et tout un tas de truc dans le genre.

Ceci dit, revenons en à nos moutons. Il soupira à nouveau, puis défit les bras afin de se détendre. Il lança un coup d’œil à sa montre – il était onze heures du soir – puis il soupira. Plus que 4 heures et il serait libre. Quel idiot d’avoir accepté de prendre le shift de son collègue. Tant pis. Il irait voir Eric tout à l’heure et lui demanderait s’il avait besoin d’être présent pendant toute la journée du lendemain. Cependant, en balayant la salle d’un regard clair pour tenter de localiser son employeur, les reflets roux refirent leur apparition. Fermant l’espace d’un instant les yeux, Tyson secoua la tête puis annonça par le biais de son oreillette qu’il filait deux minutes aux toilettes pour se laver le visage. Ce qu’il fit. Il traversa la salle, évitant soigneusement les personnes avec un verre à la main, puis il se retrouva face au miroir. Ses yeux étaient légèrement gonflés, il était fatigué. Il n’avait pas dormi depuis le matin même, depuis l’aube, et il avait du mal. Il prendrait bien un shooter pour se remettre d’aplomb, mais l’alcool pendant les heures de travail était interdit. Tant pis. Il se passa de l’eau sur le visage, respira deux, trois fois, bien profondément, puis sortit des toilettes, retraversa la salle pour revenir se placer à la porte. Quel métier aussi. Il préférait la journée quand c’était calme et que ses employeurs vampires dormaient. Pas de musique, pas de bruit… il pouvait se permettre de s’installer dans un des fauteuils et de dormir à moitié, en se reposant. Là, impossible.

Et puis, comme par hasard. Les reflets roux se retrouvèrent devant lui, au moment même où il pensait y avoir échappé. Il fronça les sourcils, il n’avait pas envie de savoir. Elle était chelou cette fille, un coup il avait un écureuil sur la cuisse, un autre, elle, toute nue. Il lui avait donné sa veste en cuir sur le coup – il ne regrettait pas d’ailleurs. Mais il ne voulait même pas savoir. Ca se trouve, les vampires se transformaient pas seulement en chauve-souris mais en écureuils aussi. Et puis sinon, il y avait encore bien des créatures qu’il ne connaissait pas. Probablement. Parce que l’épisode au parc avec les miettes de son sandwich au joli petit écureuil, c’était produit en plein jour. Donc, vampires hors d’état de nuire. Tant pis. Il tenta d’afficher un sourire, mais se retrouva plutôt démoralisé à l’idée de devoir écouter une explication d’un truc surnaturel qu’il ne voyait pas vraiment. Bon, ouais, c’était vrai, ses employeurs, vampires. Mais pour quelqu’un qui a passé la première année et demi après la grande révélation à broyer du noir dans une cellule de prison, ça reste moins marquant. Il n’a pas eu les révolutions, le True Blood, les machins, les bidules. Il a vécu sur une autre planète pendant les moments importants. Il rate toujours tout. Ou presque…

« J’peux t’aider ? » osa-t-il, mine de rien. Peut-être qu’elle voulait juste demander à ce qu’il appelle un responsable ou un truc du genre. Il n’était que portier. Et, il n’avait pas envie de parler de sa vie privée ou même de comprendre. Toutes ses pensées étaient ancrées vers sa petite à la maison. Il passa sa main sur la poche de son pantalon qui contenait son téléphone, au cas où. Il appellerait encore une fois pour vérifier que la petite dormait bien. Et que tout allait bien…

Dos au comptoir, les bras croisés, l'écureuil avait passé une bonne partie du début de la soirée à observer la foule alentour. Ces humains qui venaient dans l'unique espoir d'être mordus. Ces vampires qui savaient parfaitement qu'ils pourraient trouver autre chose que du True Blood dans ce bar sans pour autant risquer leur vie. Tous ces hommes et ces femmes à la recherche de quelque chose, d'un rêve inatteignable, du parfum unique du risque, l'ennuyaient. En fait, dernièrement, tout l'ennuyait. Ses pensées étaient plus souvent plongées dans des nuits précédentes, penchées sur des sentiments contradictoires qu'elle ne comprenait pas et refusait de comprendre. C'est à peine si elle avait commandé un Bloody Mary au bar, profitant de ne pas y voir Scott pour abaisser sa méfiance d'irlandaise. Ceci dit, elle le porta au bord de ses lèvres, sirotant quelques gorgées tout en continuant son observation. Ce soir, elle n'avait même pas envie de se trouver un compagnon de jeu assez docile pour lui offrir quelques doses de son précieux sang. Non, elle voulait juste se laisser aller, et oublier. Oublier absolument tout, et surtout ce qui touchait aux hommes. Alors pourquoi posait-elle son verre pour mieux rejoindre la piste de danse, exposant avec soin ses jambes interminables moulées d'un short en cuir noir et d'un simple chemiser à la mode victorienne sans manches hein ? Allez savoir. Sans doute que le fait de se déchainer, de se laisser approcher pour mieux repousser avait un côté rassurant qui lui éviterait d'aller consulter un psychanalyste plus tard. Celui auquel elle pensait ne la considérait que comme un objet, de toute façon. Alors pourquoi ne pas en faire autant ? Lui, les autres... Comme elle les emmerdait là ! Et son corps, véritable canalisateur, ne pouvait que suivre le mouvement, obéissant à la passion comme à la haine, provoquant sans rien offrir. Parce qu'ainsi devait devenir son cœur si elle voulait un jour cesser de se torturer sur des petites choses sans importances comme celles-ci. Très petite, la chose, de toute façon, même en état d'excitation. Na.

Et de toute façon, les idées noires s'envolaient déjà. Premièrement, parce que Siobhán en avait marre de sentir des mains se balader le long de son dos et de ses hanches : Non, elle n'était pas un futur repas. Secondairement, elle avait repéré un homme imposant à l'entrée de la salle qui avait poussé ses yeux à se rétrécir sous le coup de la curiosité. Combien y avait-il de type immenses et chauves à Shreveport ? Selon les dernières statistiques effectuées en métamorphe ninja, un seul. Celui sur lequel elle s'était confortablement assise pour grignoter un bout de sandwich, en innocent animal qu'elle était. Ou avait été avant de perdre totalement le contrôle de sa transformation et de se retrouver nue sur lui, le regard planté dans le sien, un index encore occupé à glisser une miette entre ses lèvres pulpeuses. L'air de rien, il lui avait fallut du temps pour comprendre la raison du sursaut qu'avait eut le géant face à elle; Celui qu'il avait prit pour la repousser aussi net sur le banc et lui balancer sa veste, en fait. Tant mieux au passage, étant donné qu'elle avait eut l'excellente idée d'oublier où elle avait laissé ses vêtements quelques heures plus tôt, toute excitée qu'elle était à l'idée de gambader gaiement d'arbre en arbre. Après tout, une jolie rouquine nue dans le parc, ça aurait put faire la une des journaux en un temps record avec toutes les pipelettes du coin. Sans parler du fait que ça lui aurait coûté ses études, en plus d'une charmante rencontre avec les policiers auxquels elle n'aurait jamais été capable de donner explication plausible à l'affaire. Bref, cet inconnu était là, au Fangtasia, et venait juste de ressortir. Sans doute pour garder l'entrée, même si elle n'y avait pas fait très attention en arrivant, groupe de couverture oblige. Inutile de s'attarder. La rousse s'arrêta à l'entrée pour récupérer la dite veste qui ne l'avait pas quittée depuis, et en moins de temps qu'il en faut pour le dire, la doctoresse en herbe se retrouva debout face au géant, les mains bien campées sur ses hanches, la tête penchée pour l'observer sous toutes les coutures. Un vrai réflexe d'animal, pas de doute. Comme pour en rajouter une couche, elle fit même mine de respirer vaguement son odeur. Pas de doute, c'était la même. « J’peux t’aider ? » Réflexe purement non humain, la belle se redressa et fit un pas en arrière pour le regarder avec méfiance. Était-il besoin de lui rappeler que c'était elle, le monstre, dans l'histoire ? Et qu'il n'allait probablement pas se jeter sur elle pour se venger du vol de quelques miettes ?

« ▬ Hum. En fait, oui. Je tenais à vous ramener... Ceci. »

Voilà tout ce qu'elle lâcha comme mots en tendant fièrement la veste des deux mains, un fin sourire félin aux lèvres. Un peu de fierté, que diable ! Elle aurait put s'être transformée en chien et avoir l'air de jouer au jeu du rapporte la baballe étant donné la situation. Là, au moins, elle ne jouait qu'à l'écureuil poli qui ne se gêne pas pour capter le moindre mouvement du regard. En l'occurrence, le geste qu'il fit vers sa poche de pantalon fit froncer les sourcils de la jeune fille, la poussant à se mordiller la lèvre inférieure avec inquiétude. Il n'allait quand même pas appeler les flics ? Ou la société secrète de mœurs métamorphiques ? D'accord, la deuxième option était peu plausible puisque la dite société n'existait pas, mais quand on sent une légère panique monter, on ne doute plus de rien.

« ▬ Vous n'allez pas appeler la sécurité quand même ? Je vous jure que je suis innocente ! Je ne suis pas dangereuse, je voulais juste votre nourriture et... » Dans un froncement de sourcils, elle secoua la tête. Pénible, l'explication. « Je peux vous le jurez sur ma vie, je ne mange pas les humains ! »

Comme phrase rassurante, on avait déjà vu mieux. Mais pour le coup, c'était la seule chose qui était sortie, et d'une façon tellement naturelle qu'on aurait presque pu croire qu'elle y avait mûrement réfléchi avant de prononcer ces quelques mots. Toutefois, la rousse possédant l'art incroyable de passer du coq à l'âne en cinq secondes chrono, elle se rapprocha rapidement de son vis-à-vis, se dressant sur la pointe des pieds pour glisser le bout de ses doigts au niveau de sa jugulaire. Rassurant aussi comme mouvement, on vous l'accorde. Le pli de ses lèvres était tendu, son regard plissé par une certaine anxiété.

« ▬ Vous êtes trop pâle, et votre rythme cardiaque joue au looping là-dedans, vous savez ? A ce rythme, vous allez vous faire une belle chute de tension. Vous avez mangé ? Depuis quand n'avez-vous pas dormi ? ... Vous ne vous êtes quand même pas délibérément fait mordre par vos employeurs quand même ?! » Conclu-t-elle en écarquillant les yeux.

C'était souvent juste une histoire de malentendu dans les situation semblables. En réalité, sur le moment, notre Tyson songea éventuellement même à l'écouter et aller à l'écart afin d'écouter sa version des faits. Si seulement il savait vraiment qu'il n'y avait pas que les vampires. Enfin, certes, il se doutait de l'existence des loup-garous et tout, mais alors les métamorphes et les autres garous machin bidule, il en ignorait tout et il n'avait absolument aucune idée de leur possible et plausible existence. Comme les sorcières. C'était pas avec un abracadabra que les problèmes seraient réglés. Sinon, il le saurait non ? C'étaient tous des fraudeurs à ses yeux de toute façon. Alors, quand la petite rouquine s'approcha d'un petit pas et lui tendit la veste qu'il lui avait balancé il y avait de ça quelques semaines, il refusa de décroiser ses bras. Il les garda bien campés contre son torse, gardant un air un peu de glace, juste histoire de montrer qu'il était pas en train de perdre la boule ou juste de péter un câble. Il voulait pas vraiment savoir. Il voulait même pas récupérer sa veste en fait. Tant pis. Le truc c'est qu'elle avait aussi vu qu'il avait vérifié la localisation de son téléphone portable et elle crut bon de se justifier à ce propos. Elle était sérieuse ? Surtout qu'elle faisait de ces trucs aussi. Entre le renifler comme si elle était un chien et les mouvements de tête comme si elle était une bestiole à la limite de se faire bouffer toutes les trente secondes... Ca allait là, hein. Il voulait pas jouer. Puis, au moment où Tyson se décida d'ouvrir enfin la bouche pour lui dire qu'elle pouvait garder la veste parce qu'il en avait achetée une autre ET aussi pour lui dire que le téléphone portable, c'était parce qu'il avait une gamine à la maison et qu'il voulait juste vérifier son bien être, la rouquine posa son doigt sur sa jugulaire et lui fit pratiquement la morale. Bon, d'accord, elle l'avait vouvoyé et tout, mais n'était-ce pas une façon de faire la morale, mine de rien ? Il fronça les sourcils et défit les bras. Il lui prit le poignet et lui fit baisser sa main. Une façon de dire 'ne me touche pas j'aime pas ça'. Puis il prit enfin la parole.

« Doucement, t'es pressée là... » Il ferma les yeux deux secondes et souffla. C'était vrai, il allait probablement faire un malaise s'il ne prenait rien à manger, mais en plus, au rythme où la petite lui avait adressé la parole, il ne savait même pas comment lui répondre. Donc du coup, il reprit simplement la parole. « Eh, doucement. Chaque truc à la fois, ok ? » Il tenta un sourire pour la rassurer, puis il montra la veste en cuir du doigt. Un peu nonchalant, et un peu blasé. Il en avait rien à faire, mais c'était gentil de la part de la petite de lui ramener ce qui lui appartenait à la base. « Je t'en fais cadeau, j'm'en suis acheté une nouvelle, de veste, depuis. Tu peux la garder. » Il lui fit ensuite un grand sourire, avant de lancer un coup d’œil vers le bras, vérifiant qu'on n'avait pas besoin de lui et qu'il pouvait taper la discussion deux minutes avec une rouquine qui l'avait fait frôler la mort par arrêt cardiaque il y avait plusieurs semaines. Il n'y avait pas grand monde qui pouvait s'en vanter, d'ailleurs. « Ensuite... J'allais appeler personne. Pas la sécurité, la sécurité c'est moi ou mon collègue dehors, donc je vois pas l'intérêt de me biper moi-même... » fit-il, un peu sur le ton de la rigolade, mais un peu défaitiste. En fait, il se comprenait pas sur le coup. NOM DE DIEU, pourquoi est-ce qu'il avait accepté de remplacer l'autre imbécile qui était probablement parti voir un combat de chiens dans le fin fond du tréfonds de la Louisiane, hein ? Il se décida, montrant d'un geste de la main qu'il n'avait pas fini de parler avant qu'elle ne reprenne la parole, l'espèce de mouette rousse là. « J'vérifiais juste qu'on m'ait pas piqué mon téléphone. » C'était vrai en soi, mais pas la réelle raison. Il voulait être capable d'entrer en contact à n'importe quel moment avec la baby-sitter de sa gamine de 3 ans. Qui devait dormir à l'heure qu'il était. Elle lui manquait terriblement sur le coup. Il voulait qu'elle se soit endormie sur sa cuisse, en regardant un film Disney ou un truc du genre. Et puis, il en vint finalement aux soucis que se faisait la petite à son égard. Un sourire aux lèvres, il se décida de répondre aussi franchement qu'elle l'avait été. « Non, j'me suis pas laissé mordre, ici personne me mord, j'suis employé d'Eric, donc personne me touche sauf si je donne l'autorisation. » Il marqua une pause avant de reprendre. Lui dire qu'il avait bossé depuis 5h30 le matin précédent ? Ouais, tant qu'à faire. « J'suis ici dès l'aube, vu que, comme tu sais, mes employés sont allergiques au soleil, hein. J'ai pris le shift d'un collègue qui était malade, donc j'fais des heures supplémentaires. » Et à la fin de mon shift, j'aurais fait pratiquement 22 heures de travail d'affilée. C'était vrai que ça faisait beaucoup. Et, entre temps, Tyson n'avait pas non plus beaucoup mangé. On oubliait quand on avait des amis vampires. Il soupira. Puis il se permit de prendre à son tour la parole.

« Et puis, t'es quoi toi au fait ? T'es pas un vampire, t'es pas un loup-garou, ou sinon t'es vraiment mal foutue à te transformer en écureuil... » C'était un peu une blague, mais c'était de la défense. Tout en lui criait à la méfiance – dire que c'était pareil du côté de la rouquine. Il ne savait pas pourquoi. C'était vrai, elle faisait un geste pour l'agresser, là, dans l'immédiat, il avait qu'à lui foutre un coup de boule ou un coup de poing et elle serait allongée au pays des merveilles en l'espace de deux secondes. Pourtant, il savait aussi qu'elle était pas complètement humaine, et ça lui foutait les jetons, d'une force. Il reprit néanmoins la parole. « Puis, ça te prends souvent de passer d'écureuil à … » il ne sut pas trop comment le définir, donc il la montra simplement du doigt. « A toi en humaine, pendant que t'es sur quelqu'un d'autre ? » C'était une espèce de reproche. Il avait eu peur, et en sa magnifique fierté masculine, ça lui faisait mal à l'ego de l'admettre. « J'ai frôlé l'arrêt cardiaque ! Tu te vois toi expliquer à ma petite que je suis mort parce que t'as pas su te contrôler ? » Il s'emportait un peu. Mais bon, pardonnez le : Il était complètement à bout et franchement, il ne savait pas comment réagir. Une métamorphe. Ou au moins, un truc qui passe d'être humain à écureuil. Il savait pas encore qu'elle pouvait faire d'autres animaux, normalement. Fallait qu'on lui dise aussi, hein...

Avez-vous déjà eus la furieuse impression de parler à une porte de prison ? A un mur de béton totalement infranchissable ? A un truc incapable de vous répondre, quoique vous fassiez ? Si oui, vous pouvez comprendre à quel point l'irlandaise était désespérée en observant alternativement le visage fermé et les bras croisés du géant en face d'elle. D'habitude, quand elle faisait l'effort de tenter de réparer ses erreurs, les gens finissaient toujours par le prendre avec le sourire. Là, rien. Même pas l'esquisse d'un mouvement, ni un simple froncement de sourcils. L'humain qu'elle avait réussi à effrayer aurait tout aussi bien put être une statue que ça n'aurait fait aucune différence. Ce n'est que quand il bougea enfin, quand bien même n'était-ce que pour se saisir de son poignet délicat afin de l'écarter de lui, que la belle retrouva un léger sourire. Presque attendri. Attendez, avec une musculature pareille, la rouquine s'attendait plus à se faire assommer qu'à être tout simplement écartée, aussi resta-t-elle aussi sage qu'une image tandis qu'elle penchait légèrement la tête de côté pour l'écouter au mieux. « Doucement, t'es pressée là... » Le regardant fermer les yeux, la petite demoiselle se permis une moue boudeuse et un marmonnement discret.

« ▬ En même temps, il faut bien que j'essaye de ne pas vous faire fuir encore. »

N'importe qui à sa place aurait joué à la pie bavarde, rien que pour être sûre que le message était passé. Se mordillant la lèvre inférieure, l'apprentie doctoresse se mit à pianoter du bout des doigts sur la paume de sa main retenue, attendant poliment la reprise du dialogue. « Eh, doucement. Chaque truc à la fois, ok ? » Sourcils froncés, Siobhán hocha la tête. Lentement, très lentement. Au moins, elle était assurée de ne pas le voir partir en courant comme la dernière fois. C'était une victoire en soi, suffisante pour tenir quelques secondes sans ouvrir à nouveau la bouche. Ceci dit, cela ne l'empêcha pas de retenir un grognement frustré lorsqu'il désigna la veste en reprenant la parole. « Je t'en fais cadeau, j'm'en suis acheté une nouvelle, de veste, depuis. Tu peux la garder. » Une veste en cuir deux fois plus grande, si ce n'est trois, que son gabarit ? La fausse politesse de l'instant avait de quoi réveiller sa susceptibilité, et c'est dans un mouvement un peu brusque qu'elle retira enfin son bras de la poigne de son vis-à-vis, rapprochant le vêtement de la poitrine de son interlocuteur afin de bien marquer sa désapprobation sur le sujet. « Ensuite... J'allais appeler personne. Pas la sécurité, la sécurité c'est moi ou mon collègue dehors, donc je vois pas l'intérêt de me biper moi-même... » Si le ton amusé de la phrase avait réussi à éclairer le visage de l'écureuil, n'en restait pas moins un fond qui lui restait en travers de la gorge et la poussa à ouvrir la bouche... Avant de la refermer net en voyant le mouvement du chauve à son intention pour prévenir d'une intervention de ce genre. D'accord, il était la sécurité. N'en restait pas moins qu'il avait été effrayé par une simple transformation d'un minuscule animal à une fille non moins minuscule, alors pourquoi ne pas biper quelqu'un ? Un vampire, par exemple. Envie de se moquer de lui ? ... Un peu. Mais on ne pouvait pas tant la blâmer pour ça. « J'vérifiais juste qu'on m'ait pas piqué mon téléphone. » La métamorphe la plus ridicule de la terre, ou l'art de s'énerver en deux secondes chrono pour rien. Il n'essayait quand même pas d'insinuer qu'elle aurait été capable de faire ça, hein ?

« ▬ Je vois difficilement qui oserait ne serait-ce qu'avoir l'idée de vous approcher pour ça. »

C'était vrai, après tout. N'aurait été la culpabilité due à sa transformation impromptue sur ses genoux, même elle n'aurait sans doute pas essayé de s'approcher de lui. Encore moins pour le provoquer en lui volant quelque chose. « Non, j'me suis pas laissé mordre, ici personne me mord, j'suis employé d'Eric, donc personne me touche sauf si je donne l'autorisation. » Durant la pause salvatrice de son compagnon, la belle s'autorisa à écarquiller légèrement les yeux avant de regarder autour d'elle. Eric ? C'était le nom du patron ? Le grand blond qu'elle avait vu l'autre jour ? Sans même s'en rendre compte, ce type venait de donner réponse à l'une des multiples questions qu'elle se posait sur l'endroit. Le rêve. En reposant les yeux sur lui, elle avait l'air finalement plus heureuse que jamais. Hein, comment ça elle avait été prête à répliquer vertement à ses paroles deux secondes plus tôt ? Même pas vrai, oubliez ça. « J'suis ici dès l'aube, vu que, comme tu sais, mes employés sont allergiques au soleil, hein. J'ai pris le shift d'un collègue qui était malade, donc j'fais des heures supplémentaires. » En calculant, ça faisait au minimum dix-sept heures qu'il était là à surveiller les dits employeurs. Il était fou ? Par réflexe, la demoiselle se glissa sur la pointe des pieds pour mieux observer le visage de la brute qui lui faisait face, faisant la grimace face à la dilatation de ses yeux et à la pâleur de son teint. Les mort-vivants étaient vraiment inhumains. A force de pouvoir faire ce qu'ils voulaient comme ils le voulaient tant que le soleil était couché, ils semblaient en oublier l'état de santé de leur personnel. Nerveusement, la rousse tapota un pied sur le sol, un peu comme une petite fille en plein caprice. C'était honteux, tout simplement honteux. « Et puis, t'es quoi toi au fait ? T'es pas un vampire, t'es pas un loup-garou, ou sinon t'es vraiment mal foutue à te transformer en écureuil... »

« ▬ Merci de me le rappeler. » Rougissant soudainement sous le coup d'une insulte que lui-même ne pouvait pas détecter, la demoiselle retoucha le sol des pieds et se déplaça de quelques pas en observant son vis-à-vis avec méfiance. « Votre patron ne vous a pas briefé sur la communauté surnaturelle ? ... Je suis une métamorphe. Un écureuil-garou, en fait. Normalement, je pourrai... » Pause subite. Elle n'allait quand même pas lui faire un cours, si ? « On ne vous a réellement rien expliqué ? »

« Puis, ça te prends souvent de passer d'écureuil à… A toi en humaine, pendant que t'es sur quelqu'un d'autre ? » A cette piqûre de rappel, l'irlandaise se rapprocha un peu plus de la teinte d'une écrevisse. Si, en fait, il avait besoin d'un cours. Ne serait-ce que pour ne pas frôler la susceptibilité d'un quelconque autre double-nature qui ne se contrôlait pas et qui serait peut-être plus imposant qu'elle. « J'ai frôlé l'arrêt cardiaque ! Tu te vois toi expliquer à ma petite que je suis mort parce que t'as pas su te contrôler ? » Malgré elle, la cible de tous les reproches poussa un profond soupir en récupérant la veste au plus près d'elle pour mieux la tripoter dans tous les sens, un peu comme l'aurait fait un chat passant les nerfs sur son jouet du moment. Trop de questions en une fois et voilà que le monde entier tournait autour d'elle. Normalement, elle n'aurait pas dut se révéler à un humain. Encore moins lui expliquer les principes de base du nouveau monde qu'il découvrait, et encore moins lui faire la morale. Mais là, quand même...

« ▬ Entre vous et moi, il serait mieux avisé qu'elle vous sache mort d'une crise cardiaque que vidé de votre sang par un vampire. Question d'éviter le traumatisme. » Dans un nouveau soupir, elle s'autorisa à plonger à nouveau son regard électrique dans celui du géant. « Ceci dit, non, ça ne m'arrive pas souvent de me transformer sur les genoux d'un inconnu. Ça n'arrive d'ailleurs pas à beaucoup d'entre nous. D'habitude, on évite la ville durant nos promenades animales, principalement parce que les miens ont plus souvent une forme de lion ou de crocodile que celle d'un écureuil. Ou tout du moins, ils la choisissent plus volontiers. »

Continuant de triturer le vêtement entre ses doigts fins d'une main, la jeune fille passa l'autre dans sa chevelure cuivrée, se mordillant la lèvre inférieure à la recherche de ses mots. A vrai dire, ce type de situation était beaucoup plus inconfortable qu'elle ne l'avait prévu. Dans sa tête, il lui suffisait de lui rendre son bien et repartir danser tout aussi sec en oubliant pour de bon ce mauvais moment de son passé. Les humains, après tout, avait une tendance à certaine à vite oublier ce qui les dérangeait, et il n'aurait normalement pas dut faire exception.

« ▬ D'ailleurs, quitte à parler de votre santé, vous feriez mieux de manger quelque chose. Si vous voulez, je peux aller commander un truc au bar. Je sais que ça peut vous paraître dingue, mais à vrai dire je ne tiens pas vraiment à vous voir mort. »

Non, bien sûr. Les derniers informés, c’étaient toujours les mecs qui ne vivaient pas avec une télévision dans l’appartement et qui n’avaient pas le journal ou internet pour se tenir au courant des nouvelles évolutions du monde. Le truc, c’était qu’au moment le plus crucial de la vie humaine depuis la découverte de l’Amérique, notre bonhomme, lui, il était en train de croupir en prison et donc, à part voir des compagnons de cellule ou de couloir habillés en bleu et parfois en orange, il ne savait trop rien. Bon, d’accord, au début, il avait appris vite fait par des visiteurs ou en écoutant les gardiens parler qu’il y avait eu la révélation, mais bon, quand t’es en taule et que tu dois te battre pour pas te faire démonter par tes ‘amis’, tu te soucies moins de ce qu’il se passe dehors. Il n’avait simplement jamais rattrapé son retard une fois sorti de prison. Entre le divorce avec sa femme, la guerre pour récupérer la garde de la petite, la fuite du Minnesota jusqu’en Louisiane, et tout le reste… Non, il n’avait pas vraiment eu le temps. Alors ouais. Non. Personne ne lui avait expliqué. La rouquine pouvait le regarder avec ses yeux accusateurs autant de minutes qu’elle le voulait, ça ne changerait pas le fait qu’il ne savait pas quelles autres créatures croupissaient sur cette terre.

Et puis, quand il se frotta les yeux pour essayer de repousser la fatigue, elle parla des ‘siens’ et de crocodiles et de tigres et… Hein ? Il cessa de se frotter les yeux et releva le regard pour l’observer. A lui de la regarder avec des yeux de poisson. Surtout qu’il avait pas trop relevé le fait qu’elle s’était appelée ‘écureuil-garou’ un peu plus tôt. Non mais elle se fichait de lui ou quoi ? Choisir ? Forme ? Animale ? Attendez. Ca grésillait entre les oreilles de Tyson. Il inspira profondément et ferma les yeux, pas trop certain de comprendre correctement. « Choisir ? Tu peux choisir n’importe quelle forme animale qui te passe par la tête ? Genre, de mouche à dinosaure ? » Il refusait néanmoins toujours de récupérer sa veste. Elle pouvait la garde au cas où elle refasse la même bourde que SUR lui. Il n’en voulait plus. Ca lui rappelait son ex-femme aussi, en fait. C’était elle qui lui avait acheté, et il l’avait gardée histoire de la garder au cas où il regrette le divorce, mais cette fois, c’était fini pour de bon entre lui et sa Daisy, mère de sa fille. Non, il voulait que la rouquine la garde. Il la vit d’ailleurs triturer le tissu, le cuir, nerveuse. Il remonta son regard vers le visage de la petite. Ouais, ben, elle avait pas l’air bien dangereuse. Puis, avant qu’il réussisse à passer d’autres informations entre les deux oreilles, elle lui proposait d’aller lui chercher à manger. MANGER. Il fronça les sourcils. Elle l’avait proposé, mais c’était plus par politesse, non ? Oh, allez, tant pis.

« J’veux bien ouais… » Il savait pas trop quoi dire d’autre ? puis de toute façon, avec l’input qu’il venait d’avoir, valait mieux prendre deux minutes sans la rouquine qui l’inspectait. Non, mais en plus c’était vrai quoi, il avait un peu mal à l’ego d’apprendre qu’il savait pas en fait, plein de trucs. Genre, les métamorphes. Et quoi encore, hein ? Il avait une gamine à la maison, et, elle était censée grandir dans un monde où y avait vampires, métamorphes, et Dieu sait quoi encore ? il allait jamais la laisser sortir le soir une fois qu’elle serait adolescente, vu comment c’était parti. Tant pis. Il observa la rouquine. « S’ils ont un truc autre que des canapés ou des mise en bouche, j’veux bien. » Elle avait dit qu’elle voulait pas le voir mort, mais il allait pas crever comme ça. ‘fin, il espérait pas. Puis le fait qu’elle ait dit qu’elle préférait le voir mourir d’une crise cardiaque que saigné à vif par des vampires lui glaça le sang. C’était vrai, il n’y pensait pas toujours – déjà, il regardait jamais la télé à part les émissions pour petits, et là, y avait pas vraiment la mort derrière chaque brin d’herbe non plus… Bah, tant pis. Novice qu’il était, il n’était jamais trop tard pour apprendre, hein ?

Mais du coup, il savait pas trop où se mettre. Il était un peu bipôlaire ce soir d’ailleurs. Un coup il se sentait super frustré, un autre super à l’aise. Bon, la rouquine elle était pas du genre repoussante ni rien, donc ça devait aider un peu. Mais depuis qu’il avait la petite à la maison, les filles, c’était moins un objet que tu peux utiliser quand tu veux, et, en plus, vu l’âge de la plupart de celles qu’il fréquentait, c’était un peu PAS envisageable pour lui de se les faire. Ca faisait vite dix ans de différence d’âge. Pas trop le truc à faire. Surtout, qu’à six moi de divorce, ça faisait peut-être un peu vite pour la petite d’avoir une nouvelle maman. Mais bon. Tant pis.

Pendant que la rouquine était absente, il se permit de fermer les yeux. Elle venait de lui révéler un truc, non ? Fallait bien qu’il se justifie de son ignorance ? Non ? Comme un élève qui a été pris sur le fait en ne sachant pas la leçon ? Mais s’il lui disait le pourquoi du comment, ça ferait quel effet ? Un ancien taulard – bon, vu sa tête, ça se devinait peut-être – ça courrait peut-être pas les rues. Surtout quand tu as été emprisonné parce que tu as envoyé un roi de la drogue dans un fleuve et fait flamber sa résidence, entre autres… Bah. Tant pis. Ouais, voilà, il allait juste lui dire qu’il était en taule sur le moment et que dans la prison, ils captaient pas trop la WiFi. Ouais, allez, Tyson. Tu peux le faire. En la voyant revenir, il se mordit la langue au moment de prendre la parole, mais le fit en ravalant la douleur – quel benêt aussi, se mordre la langue. Ca se fait encore ça ? « Désolé, j’dois te paraître bête comme un clou. » Bon, alors, mais encore ? C’était tout ce qu’il savait dire ? Allez, pousse toi un peu plus Tyson, tu peux faire mieux. Ne la laisse pas glander. « J’ai été un peu sur une autre planète pendant que tout ça… » il fit signe pour désigner le bar, ce qui voulait dire ‘les vampires’ est égal au ‘ça’ de sa phrase, avant de reprendre « … A été révélé au grand public. Ils captaient pas la WiFi là où j’étais. » Un sourire.

Pour la rassurer. Ouais, il était peut-être astronaute et était dans la station internationale là haut, loin de la Terre, mais il serait pas portier dans un bar à faire des heures supplémentaires alors, si ? ‘fin, c’était peu probable. Bon, maintenant tu t’es justifié, passe à autre chose. Tyson soupira avant de recroiser les bras. Il observa la veste en cuir, encore une fois, puis ramena son regard sur le visage de la rouquine. «Et désolé pour l’autre fois. » SUPERBE. Magnifique. On applaudit tous. Se justifier d’avoir agit comme un couard, un lâche, un pauvre gamin apeuré par un truc qu’il comprend pas ? Bah. Il s’en voulait un peu de l’avoir plantée aussi. Il avait bien une voiture, il aurait pu la ramener quelque part ou même l’amener à la maison pour lui filer un pantalon et un t-shirt, non ? Mais non, il avait décidé de s’enfuir comme un chien battu. Et vu la taille de la rouquine, maintenant qu’il parlait avec elle, il se sentait VRAIMENT stupide. Tant pis. « Je m’appelle Tyson, et toi ? » Si quelqu’un écoutait leur conversation, c’était autorisé de se taper la tête dans le mur niveau développement de la conversation. Non, franchement. Tyson, c’était un humain, d’accord. Mais pas un professeur diplômé. Parce que là… Ouais. Il était un peu bête quand même.

Il avait l'air tellement perdu ! ... Rien que pour ça, l'irlandaise avait du mal à lui tenir rigueur de sa fuite comme de ses insultes non désirées. C'était à croire que tout ce monde surnaturel dans lequel elle avait grandit lui passait, lui, totalement au-dessus de la tête. Une chose nouvelle qu'il n'aurait peut-être pas désiré connaître, pas même sous le coup d'une quelconque curiosité. Sur le coup, la belle ne pouvait s'empêcher de se mordiller nerveusement la lèvre inférieure, à la recherche d'un moyen d'amener les choses sans pour autant le brusquer. Un comble, quand même, de voir une gamine comme elle en train de tenter de prendre soin d'un grand garçon qui avait, visiblement, une vie bien fixe et des principes tout aussi rigides. Le balancer directement dans la grande piscine n'était, de fait, peut-être pas la meilleure idée. Il risquait de couler. Preuve en était qu'entre sa fatigue et son manque de sustentation, il en était réduit à se frotter les yeux pour être sûr de rester suffisamment conscient que pour effectuer son travail tout en suivant une conversation qu'il n'avait jamais réclamée. Cependant, il en revint rapidement à elle quand elle évoqua le principe même des transformations liées à sa double nature. « Choisir ? Tu peux choisir n’importe quelle forme animale qui te passe par la tête ? Genre, de mouche à dinosaure ? » Sans pouvoir se retenir, la rouquine laissa échapper un petit rire amusé en hochant doucement la tête.

« ▬ Dans l'idée, c'est ça. Mais je dois avouer que je n'ai jamais vu un quelconque des miens s'intéresser de près aux mouches, et encore moins tenter une transformation aussi extraordinaire que celle d'un dinosaure. » Penchant la tête de côté avec curiosité, elle haussa les épaules. « Je ne suis pas vraiment sûre qu'on puisse viser ce type de forme, d'ailleurs. »

A vrai dire, ça pouvait être une chose intéressante à essayer. Bon, d'accord, pas pour elle. Déjà qu'elle avait du mal à se transformer en lapin lors de ses cours particuliers, alors s'imaginer prendre la forme d'une créature disparue depuis des siècles, ce n'était même pas la peine d'en parler. Comme quoi, même en ayant grandit là-dedans, il lui restait de grosses lacunes à combler. Triturant toujours nerveusement la veste, ne sachant trop quoi en faire d'autre, Siobhán en était arrivée à froncer les sourcils sous la concentration. Jamais elle n'avait vu Raphael ni Kathlynn prendre une autre forme que celle de leurs félins de prédilection - Pourrait-elle se permettre de leur demander malgré tout ? Sauraient-ils lui répondre ? Peut-être n'en avait-il pas conscience, mais cet humain demandait des choses qui ne semblaient pas si bêtes du point de vue d'une personne en perpétuelle recherche de la vérité. Certes, il n'y avait aucun rapport avec la médecine, pour changer, mais le point soulevé méritait tout autant d'être étudié avec soin. C'est donc d'une voix inquiète, mais assez vague, que la jeune femme se décida à reprendre la parole pour mieux se recentrer sur la santé de son partenaire. Qu'il ne s'effondre pas là, par pitié. D'autant qu'à mieux l'observer, il avait l'air d'avoir perdu encore pas mal de couleurs durant son cours pratique sur les métamorphes. Hum, avec une gamine à charge, ce n'était en effet peut-être pas le meilleur discours qu'elle aurait put lui tenir. Malgré ça, elle se risqua à lui faire un sourire timidement bienveillant. « J’veux bien ouais… S’ils ont un truc autre que des canapés ou des mise en bouche, j’veux bien. » A nouveau, la demoiselle s'autorisa un rire léger, plein d'une joie retenue. Ben quoi, elle avait bien le droit de le trouver amusant, non ?

« ▬ Faites-moi confiance ! »

Si elle avait conscience que c'était difficile de prêter sa confiance, même ne serait-ce que quelques minutes, à une fille qui venait de révéler qu'elle pouvait prendre toutes les formes animales qu'elle désirait ? Comme d'habitude, non. Le côté naïf qui ressortait encore et qui la poussa à faire un gracieux demi-tour pour rentrer dans le bâtiment en prenant soin dans le déplacement de nouer la veste autour de ses hanches. Avec un peu de chance, le grand baraqué aurait le temps de se remettre un peu du choc et se sentirait un peu plus à l'aise en la regardant. Rien que ça, comme motivation, était suffisant pour faire preuve de toute sa persuasion face à la barman du soir pour récupérer un sandwich au jambon et un paquet de cacahuètes. Le dernier butin étant pour elle, c'est utile de le préciser puisqu'un écureuil digne de ce nom ne risquait pas de partager ses graines salées. Lorsqu'elle revint auprès de son charmant vis-à-vis, ce fut avec un sourire aux lèvres et le secret soulagement de le voir encore présent. Quant à la phrase d'accueil, elle lui arracha un nouveau rire discret : « Désolé, j’dois te paraître bête comme un clou. » Lui tendant nonchalamment le sandwich tout en ouvrant son paquet de provision du bout des dents, la métamorphe secoua légèrement la tête de droite à gauche. Négatif, mon capitaine. « J’ai été un peu sur une autre planète pendant que tout ça a été révélé au grand public. Ils captaient pas la WiFi là où j’étais. » Quel joli sourire il lui accordait maintenant ! Le genre de ceux auxquels on a envie de répondre aussitôt, ce dont elle ne se priva pas, adoucie face à tant de douceur dissimulée dans un homme aussi impressionnant. Encore un peu et elle allait oublier qu'il avait au moins deux têtes de plus qu'elle et faisait le double, sinon le triple de sa stature.

« ▬ Vous aviez une sacrée chance d'être là où vous étiez alors. Vivre dans un endroit où le monde surnaturel n'existait pas... Ça devait être reposant. »

Pour les humains, sans doute l'ignorance aurait-elle été la meilleure chose au monde. La révélation de l'existence du croque-mitaine n'avait, après tout, rien de bénéfique pour un monde diurne comme le leur. Vivre en ignorant qu'un monstre de légende a bouffé votre famille, c'était largement mieux que de se consumer dans la vengeance pour le reste de sa vie. Ceci dit, Siobhán venait quand même de commettre une bourde assez énorme sans même s'en rendre compte. Heureusement pour elle qu'elle ne lisait pas dans les pensées - Pour ça, elle se serait bien explosé la tête contre le premier mur venu, genre celui à sa droite, rien que pour avoir prononcé des paroles pareilles. « Et désolé pour l’autre fois. » Lui servant le regard spécial curiosité maladive, la jolie rousse haussa un sourcil. De quoi parlait... Ah ! Ça. C'est vrai que sur le coup, être abandonnée nue au beau milieu d'un parc publique avec une veste en cuir pour unique vêtement, ça avait été assez gênant. Bien sûr, sans la fatigue, elle aurait pu se retransformer aussitôt et prendre la fuite, mais sur le moment, l'irlandaise était juste restée bête sur son banc, serrant le tissu contre sa peau dénudée sans trop savoir quoi faire. Et là, on ne parle même pas de la traversée de la ville dans cette tenue en prenant soin de se planquer dans les ruelles dès qu'elle croisait quelqu'un. Un enfer. Pour autant, ça ne l'empêcha pas de hausser les épaules en secouant une fois de plus la tête. Avec de la nourriture à portée, c'était difficile d'être rancunière. « Je m’appelle Tyson, et toi ? »

« ▬ Siobhán. » Lâcha-t-elle après un petit soupir de soulagement. « Et dans le cas présent, ce serait plutôt à moi de m'excuser. Pour l'autre jour, puis pour... Hum, la révélation. Mais si ça peut vous rassurer, il n'y a que les vampires qui se sont montrés au grand jour, si on peut dire ça comme ça. Tous les autres préfèrent de loin la sécurité du secret. Quand on voit certaines réactions contre les vampires, on ose pas vraiment imaginer face aux métamorphes, aux loup-garous et les autres, n'est-ce pas ? »

Deux inaptes sociaux mis ensemble, ça donnait quand même une discussion assez amusante à suivre. Entre celui qui était perdu et celle qui enchainait les bourdes sans même s'en rendre compte, ça aurait pu être à mourir de rire.

En fait, elle ne semblait réellement pas méchante, la rouquine. C’était vrai. Elle n’était pas bien grande, et à part le fait de lui avoir fait réellement peur – pas dans le sens peur de film d’horreur, mais dans le sens peur surprise – elle n’avait rien de très impressionnant. Tyson se sentait de plus en plus bête d’avoir réagi comme ça. Il savait bien que dès qu’il découvrait des nouvelles couches de la société surnaturelle, il allait devoir s’adapter, et le fait qu’il soit parti en courant en se retrouvant avec une de ces couches sur lui et toute nue… Ca le foutait un peu mal à l’aise quoi. Lorsque ladite rouquine revint avec le sandwich en main et lui tendit, il s’en empara, défaisant finalement et enfin ses bras de leur position croisée à niveau du torse. Cela libéra un pendentif qui s’était retrouvé caché sous ses bras, d’ailleurs. Il observa la jeune fille qui s’était pris des cacahuètes, et il vit aussi qu’elle avait passé la veste autour des hanches – bon, au moins, il n’aurait pas à la récupérer. Tant mieux pour lui. Cependant, lorsqu’elle lui affirma qu’il avait eu de la chance d’être là où il était au moment de la révélation, et que ça devait être reposant, il ne pu s’empêcher d’avoir un rire véritable { ♥ }. Ce n’était pas comme si c’était le paradis là où il avait été, et la jeune fille ne devait même pas se douter de combien elle avait visé à côté de la réalité. Reposant ? Il secoua la tête pour calmer son petit rire, avant de mordre dans le sandwich. Ouais, peut-être que de son point de vue la prison c’était reposant si elle était une créature surnaturelle, ça pouvait être reposant. Alors, il préféra ne pas lui expliquer pourquoi il trouvait sa remarque aussi drôle – non mais, pour vrai. Pas comme si la prison c’était le truc le plus reposant qui existe. Il lui dirait, mais pas dans l’immédiat. Le fait qu’elle ait tenté un tir et qu’elle ait raté la réalité d’au moins deux mille kilomètres, ça l’amusait. Alors, il se contenta d’avaler un bout de sandwich – son ventre grogna d’ailleurs de contentement. Une fois qu’il avait fini de mâcher – on ne parle pas la bouche pleine – il prit la parole. « C’était très reposant. » fit-il, de manière sarcastique, mais avec un large sourire. Avec du recul, les coups et les choses qu’il avait vues dans son couloir et sa cellule numéro 63, il les trouvait peut-être reposantes. Ici, c’était des mecs qui te paraissaient lambdas et ils étaient capables de te plaquer au mur sans se forcer, et, même s’il faisait le double de la taille de beaucoup de monde, ils avaient un truc dans le sang que lui n’avait pas – le surnaturel. Donc ouais, peut-être qu’il avait été reposant d’être en prison où il avait su que sa taille et sa carrure l’avaient sauvé de l’humiliation la plus totale. Bah.

Elle se présenta ensuite. Siobhán ? C’était curieux comme prénom, et surtout pas américain. Ca lui faisait penser à un truc celtique, il ne savait même pas pourquoi. Peut-être la fin du prénom. Il mordit dans son sandwich encore une fois pendant qu’elle lui expliquait que c’était à elle de s’excuser, et il haussa un sourcil. Elle finit par une question, et Tyson sourit. Valait mieux le prendre sur le ton de la rigolade. « Je préfère même pas savoir ce qu’il y a d’autre que toi, les vampires et les loups. Sinon je vais finir par jamais laisser ma fille en compagnie de quelqu’un ! » Affirma-t-il en lui faisant un large sourire. Il le disait en riant là maintenant, mais bon. Il y avait quand même une appréhension. C’était vrai, pour l’instant il avait eu droit à des faveurs des vampires et n’avait pas vraiment eu à se plaindre : Eric lui avait donné un métier dont le salaire lui avait permis d’abandonner le métier d’éboueur et des combats de rue illégaux, Ashar avait retrouvé Eileen sur un parking quand Tyson l’avait perdue parce qu’il avait arrêté de la surveiller pendant deux minutes pendant qu’il se battait avec le coffre de la voiture pour y faire rentrer toutes les courses… Ca faisait deux vampires qui ne l’avaient pas dans le collimateur, et, pour l’instant, notre homme ne pensait pas vraiment qu’il y avait des vampires qui n’aimaient pas le mainstreaming. Il ne le concevait pas réellement, c’était un peu naïf, mais bon. Tant pis ! « Ceci dit, je préfère le surnaturel à certains imbéciles humains. » ajouta-t-il, après avoir mordu une troisième fois dans son sandwich. Tyson avait vu le plus bas de l’échelle de hiérarchie humaine, et, franchement, il préférait côtoyer des personnes comme Siobhán et Eric qui n’étaient pas vraiment humains que certains zigotos d’imbéciles qui se pensaient maîtres du monde. Bon, c’était encore naïf. Personne avait mis la main sur lui pour l’instant, peut-être parce qu’il était si grand et si imposant, mais bon, dans un monde où les humains sont le bas de la chaîne alimentaire, ça n’allait pas durer bien longtemps quoi. C’était obligé qu’il finisse par aller là où il n’aurait plus pied et qu’il finirait soit par se noyer, soit par frôler la noyade et qu’il serait probablement marqué à vie. Mais, dans l’immédiat du maintenant là tout de suite, ce qui l’importait le plus, c’était le sandwich que la rouquine lui avait amené gracieusement. Il se sentit un peu refait au bout de la cinquième bouchée.

Il vit ensuite une silhouette arriver pour accéder au Fangtasia, et il rangea le sandwich dans sa poche arrière pour se rapprocher de ladite silhouette. C’était un homme, et comme pour se justifier, ce dernier montra les crocs. Sans soucis, Tyson le laissa passer – il n’y avait pas à justifier d’âge pour les clients qui étaient vampires. Il se recula et revint à sa place, à côté de Siobhán, et lui adressa un regard, comme pour dire ‘ouais, faut bosser aussi’, parce que la discussion, ça allait. Mais la nuit commençait à peine pour les vampires, et c’était le moment opportun pour aller au bar.

Rien que le voir rire avait quelque chose de... Rassurant. Malgré la taille et les muscles, malgré ce côté impressionnant qu'il se devait de posséder pour exercer ce job. Concrètement, il ne valait sans doute rien à côté des créatures qu'il fréquentait toute les nuits. Pourtant, en le regardant, la rouquine ne pouvait s'empêcher d'espérer qu'il resterait comme ça pour toujours. Souriant et à l'aise. Bien loin de l'image offerte quelques semaines plus tôt, en fait. Ceci dit, c'était plutôt frustrant pour une curieuse comme elle de ne pas comprendre ce qu'elle avait put dire de si drôle, aussi fronça-t-elle les sourcils en portant une cacahuète à ses lèvres, penchant la tête de côté afin de l'observer plus en détail. « C’était très reposant. » Si le sourire n'avait été aussi engageant, le ton sarcastique aurait put la vexer. Bien jouer, Musclor, que de ne pas s'attirer les foudres d'une métamorphe aussi susceptible dès la première discussion officielle.

« ▬ J'ai comme l'impression d'avoir raté un épisode... » Marmonna-t-elle entre deux petites boules salées. « Je suppose que vous n'étiez ni sur la lune, ni à vingt mille lieues sous les mers ? »

Question qui était soudain devenue plus rhétorique qu'autre chose. A vrai dire, l'étudiante n'était pas certaine de vouloir savoir. Après tout, elle pouvait avoir affaire à n'importe quoi. Les vampires prenaient rarement les hommes les plus innocents à leur service, surtout quand il s'agissait de foutre la trouille à leur clientèle. Si il n'avait pas semblé si choqué à l'idée qu'il existe d'autres créatures que les mort-vivants, elle en serait presque venue à s'inquiéter. Presque. Sans sa fierté coutumière, quoi. Et sans la veste pour prouver qu'il n'allait pas se jeter sur elle d'une seconde à l'autre, aussi. « Je préfère même pas savoir ce qu’il y a d’autre que toi, les vampires et les loups. Sinon je vais finir par jamais laisser ma fille en compagnie de quelqu’un ! » Un point pour lui. Il pouvait adopter l'air détaché requis pour répliquer ça, il n'en demeurait pas moins qu'il dégageait des relents d'inquiétude. Comment ça, on ne se mettait pas à renifler les gens en mangeant tranquillement ce qui constituait le régime principal d'un écureuil ? Bon, d'accord. Il n'empêche qu'elle venait de le faire et que ça avait entrainé un léger haussement d'épaules de sa part. Dans le monde tel qu'il l'était aujourd'hui, rien n'avait réellement changé. Après tout, la seule différence quand on remontait deux ans en arrière, c'est que les humains ne savaient rien. Mieux valait, sans aucun doute, connaître les dangers et pouvoir s'y préparer que de ne même pas en avoir la moindre idée. « Ceci dit, je préfère le surnaturel à certains imbéciles humains. » Sans pouvoir se retenir, Siobhán lâcha un petit rire amusé. Pas vraiment contre lui, notez bien, mais à le voir aussi naïf alors qu'il n'avait absolument pas la tête de l'emploi, elle ne pouvait absolument pas se retenir.

« ▬ Vous savez, nous ne sommes pas différents. Ce n'est qu'une façade, ce qu'on sert aux humains. Le monde d'Alice au Pays des Merveilles avant que la folie ne vienne s'emparer de son esprit. » Pas qu'elle voulait l'inquiéter, mais elle avait... Oui, peur qu'il se fasse trop d'illusions. « Je ne devrais pas être aussi franche avec vous, Tyson, mais l'unique chose qui nous distingue de ces imbéciles d'humains, c'est que nous devons faire profil bas le temps que vous nous acceptiez. Et le fait que nous vous surpassions malgré vos muscles, bien entendu. »

Poussant un petit soupir dépité, la fragile créature se remit à piocher dans son sachet, sélectionnant sa nourriture avec autant de soin que son animal de prédilection. Elle se mordillait la lèvre inférieure, gênée. Parce que dire ça semblait légèrement présomptueux, et qu'elle ne pouvait en aucun cas se permettre de le rassurer. Essayer de le faire, c'était risquer bien trop gros pour lui, aussi gentille puisse-t-elle être. Parfois, la droiture d'esprit devenait un véritable fardeau, et c'est à peine si elle osa relever la tête pour jeter un coup d'œil au vampire qui venait de faire du stop devant l'immense silhouette de son vis-à-vis. Le sombre individu fit à son tour mine de lui jeter un regard moqueur au moment de passer devant elle, ce qui la poussa tout naturellement à faire un pas de côté pour mieux se rapprocher de son protecteur d'un soir en lui adressant un sourire timide. En effet, lui prendre son temps en plein boulot, ça restait maladroit, quand bien même la majorité des passants ne risquaient pas d'être choqués en attrapant des bribes de leur conversation au passage. Ceci dit, dévier du sujet, peut-être... Oui, elle pouvait éventuellement faire ce qu'il fallait pour ne pas insister sur le côté créatures sanglantes et dangereuses.

« ▬ Votre pendentif... » Une métamorphe qui ne notait pas les détails ? Inutile de rêver. « Il a une signification ? Un cadeau de votre femme, peut-être ? »

D'un petit sourire, la rousse s'approcha un peu plus, reprenant place face à lui, et glissa une main sur ses bras pour l'inciter à les baisser afin de mieux observer l'objet de sa curiosité. D'accord, elle venait tout juste de commettre une nouvelle bourde, mais ce n'était pas sa faute : Un homme de cet âge avec une petite fille, on pouvait honnêtement imaginer qu'il y avait une mère quelque part. Non ? Non, bon.

« ▬ Au passage, ça vous dérangerait si je vous... Tutoyais ? »

Pas que le mode actuel la dérangeait : Même en cours, il était question de montrer du respect à ses ainés alors qu'eux-même se permettaient la proximité. Cela dit, il l'avait quand même vue dans sa tenue d'Eve, et ça méritait un peu de familiarité.

Le fait que la jeune fille ne comprenne pas pourquoi Tyson avait trouvé sa remarque aussi drôle le fit sourire encore plus. Et la question rhétorique qu'elle lui envoya le surprit d'autant plus et lui décocha encore un sourire, dévoilant toutes les dents et étirant ses lèvres encore d'avantage. Il secoua la tête comme pour lui dire 'non, mais même pas la peine d'essayer de comprendre...' Il ne voulait pas lui faire peur. Parce que c'était vrai, il avait été en prison et pour cause. Parfois, les gens avaient fait de la prison à tort à cause d'un problème dans la justice ou quoi, mais à la base, Tyson n'aurait pas dû prendre QUE un an et demi, il était parti pour 4 ans, mais il est sorti sur bonne conduite – et aussi parce qu'il avait été coopératif avec le FBI et les autres services d'investigation pour démanteler le réseau de drogue pour lequel il avait travaillé. Donc, ils l'avaient libéré, et les premières semaines il avait été sous le service de protection des témoins, et puis, il avait tout simplement pris la fuite. Vers Shreveport, vers le Sud – il venait de la frontière avec le Canada, ça faisait loin, mine de rien. Donc bon, non, valait mieux qu'elle ne sache pas d'où il venait, même si elle était une métamorphe, elle devait avoir vu pire. Mais bon. Et, de toute façon, le moins de personne à le savoir, moins de chance que son ancien boss le retrouve pour lui briser la nuque – oh, parce qu'il s'en doutait, Tyson, que son ancien boss allait probablement sortir de taule d'un moyen ou d'un autre et qu'il allait lancer une vendetta contre lui. Mais pour l'instant, il vivait sa petite vie et ça lui suffisait. Il adressa un sourire à la rouquine.

Après cela, elle lui fit un peu la morale. Lui expliquant que les créatures surnaturelles devaient faire profil bas parce qu'elles surpassaient les humains par la force brute. Tyson fit non de la tête, comme pour montrer qu'il n'était pas réellement d'accord. Il cherchait comment mettre son argument en forme pour se justifier sur son opinion – parce qu'il avait vu des humains à l'âme aussi noire que du charbon, et il savait que l'être humain était un salaud avec ses pairs, alors les surnaturels se devaient au moins d'être solidaires entre eux, non ? Il pensait que c'était logique. Comme un ancien taulard qui en retrouve un autre, il y a forcément de la solidarité qui s'installe. Mais, elle le coupa dans ses réflexions lorsqu'elle le força à décroiser les bras et elle observa son pendentif. Un cadeau de sa femme ? Sa mine perdit d'un seul coup toute trace de sourire, et il ne souhaita pas réellement continuer sur la lancée, mais elle enchaîna en demandant si elle pouvait le tutoyer. Ah, il n'avait même pas remarqué qu'elle le vouvoyait. En général, il ne relevait pas ce fait, simplement parce que dans le monde du travail, les clients vouvoyaient les employés – vous n'alliez pas voir une vendeuse pour un renseignement en disant 'tu peux m'aider ?' même si elle avait le même âge que vous, n'est-ce pas ? Il haussa les épaules et son sourire refit légèrement surface. Il prit la parole.

« Oh, vas-y, je t'en prie. J'ai même pas fait attention, avec l'habitude des clients... » Il fit un geste circulaire du doigt, afin de désigner le Fangtasia dans sa totalité, histoire de montrer que ouais, on le vouvoyait plus qu'autre chose. Il n'y avait que les collègues et Eric qui tutoyaient, en général. Puis il porta son pouce et son index à son pendentif et le souleva, tira son t-shirt, et le fit disparaître sous la couche du tissu. Il ne voulait pas en parler, et préféra le cacher aux yeux de la rouquine plutôt que de devoir affronter d'autres questions. Il trancha simplement grâce à ces quelques mots : « Je suis divorcé.. » Puis il n'ajouta pas une seule remarque à ce propos. Il lança un coup d’œil à l'extérieur, comme s'il était gêné, ce qu'il était en réalité. Elle avait vu le pendentif, et maintenant qu'elle avait posé la question, elle allait devoir se poser des questions. Tant pis. Il reprit la parole dans l'espoir de changer de sujet.

« Tu es étudiante ? » Un peu de small talk n'avait jamais fait de mal à personne, et dans l'immédiat, il préférait feindre l'intérêt dans la vie privée de la rouquine plutôt que de risquer de devoir s'étendre sur sa propre vie privée à lui et lui expliquer les pourquoi du comment – parce que s'il se lançait dans une explication, il allait devoir TOUT dire, en partant de sa vie. Donc elle risquait plutôt d'avoir droit à une biographie, et, franchement, il ne voulait pas lui dire. Il ne la connaissait pas suffisamment, et il préférait rester détaché de son passé. Alors, elle allait devoir accepter de faire le petit blabla avec lui, parce qu'il voulait le garder pour lui. C'était douloureux : il avait épousé son ex-femme après une belle histoire d'amour, puis tout avait été déchiré par son détour en prison, puis l'arrivée des vampires et le Vi, puis... Bref. Il ne voulait vraiment pas s'étendre. Il afficha un petit sourire à l'intention de Siobhan, en espérant qu'elle comprenne qu'il ne voulait pas lui expliquer. Si elle tenait absolument à le savoir, elle allait devoir passer par les collègues de Tyson – Scott, entre autres – ou sinon, si elle apprenait, parler à Saphira. Et encore, fallait que ces deux personnes acceptent de lui raconter ce qu'elles savaient sur Tyson. Donc non. Il ne lui dirait rien du tout, et resterait clos comme une huître à ce sujet. D'ailleurs, pour marquer sa pensée, il recroisa les bras afin de faire disparaître toute trace du pendentif qu'il avait laissé passer sous son t-shirt...

Le meilleur moyen de transformer une métamorphe en bigorneau était encore bien de faire autant de mystère sur sa personne. C'était plus fort qu'elle : Qu'on lui refuse une information et elle insistait d'autant plus pour connaître le fin mot de l'histoire. En matière d'innocence, on pouvait difficilement faire mieux. La rouquine ignorait la notion de bien et de mal quand il s'agissait de mystère... Hors justement, Tyson venait de se changer en coffre aux trésors sur jambes. Ni dans les étoiles, ni dans les profondeurs, ça ne laissait pas beaucoup de marche de manœuvre, et malgré elle la demoiselle fronça les sourcils en avalant une cacahuète, faisant fonctionner sa matière grise. Qu'est-ce qui pouvait se révéler désagréable dans son fond mais reposant dans sa finalité au sujet du monde surnaturel ? Être enfermé quelque part, pardi ! La seconde suivante, quoique sans un mot, Siobhán écarquilla les yeux. Bien sûr, c'était logique. Aussi impressionnant qu'il soit, l'humain ne pouvait pas faire le poids face à un vampire, hors c'était justement cet Eric de malheur qui l'avait séquestré et torturé jusqu'à lui avoir lavé le cerveau et convaincu de travailler à son service ! ... Oui, bon, on l'a dit. Intelligence et naïveté, ce ne sont jamais deux traits de caractères qui font bon ménage, mais le mérite était là puisqu'elle préféra changer radicalement de conversation, pas prête pour un sou à faire remonter de trop mauvais souvenirs dans la tête de son vis-à-vis. De là à dire que tenter de lui faire prendre conscience de la situation actuelle entre les créatures surnaturelles était la meilleure idée jamais trouvée, c'était une autre histoire. A croire qu'il pensait n'avoir affaire qu'à des écureuils comme elle pour repousser à nouveau ses arguments d'un mouvement de tête.

« ▬ ... Je vous assure qu'il vaut mieux ne préférer aucun des deux partis. Si nos gènes diffèrent, nos sentiments et nos comportements restent les mêmes. Nous sommes tous des animaux avec des instincts meurtriers. »

Certes, ce n'était qu'un marmonnement, mais il lui semblait nécessaire. A ce rythme, il risquait de... Non, se concentrer sur autre chose. Secouant brièvement la tête pour se remettre les idées en place, la doctoresse préféra s'intéresser au pendentif de son interlocuteur, ne se gênant pas pour le prendre entre deux doigts afin de mieux l'observer tout en posant les pieds dans le plat. Une spécialité, fallait croire. Mais qui dit une irlandaise muette dit un mensonge, aussi enchaina-t-elle aussitôt sur un questionnement plus pratique qui obtint réponse suffisamment vite pour ne pas qu'elle remarque la disparition du sourire du grand baraqué. « Oh, vas-y, je t'en prie. J'ai même pas fait attention, avec l'habitude des clients... » De fait, la petite créature suivit le doigt du regard, se détournant momentanément de l'objet principal de sa curiosité. Juste le temps pour lui de le retirer de sa poigne légère pour le cacher sous son t-shirt, ce qui poussa la belle à froncer les sourcils en retenant difficilement un grognement. Réflexe. « Je suis divorcé... »

« ▬ Oh... »

Vous avez déjà vu une gamine réagir autrement face à ce type d'annonce ? Sans mentir, Sio en était encore à découvrir les hommes, alors imaginer que celui qui lui faisait face avait une petite fille mais était séparé de la mère... Ça restait un choc. Comme si dans sa tête, le monde était aussi beau et coloré que les bisounours en grande résolution. Un choc, donc, auquel elle pouvait difficilement répondre sans être sûre, pour une fois, d'être tout à fait à côté de la plaque. Déjà que se marier était totalement en dehors de ses préoccupations habituelles, n'ayant même pas eut de petit ami sans pour autant être encore vierge, mais alors se séparer... Elle n'avait même aucune idée de comment ça pouvait se dérouler, du mal que ça pouvait faire, des complications. Et sincèrement, y réfléchir ne la mettait pas dans une meilleure situation que celle de l'homme qui lui faisait face. « Tu es étudiante ? »

« ▬ Hein ? ... Ah, oui. » D'un rapidement hochement de tête, elle enchaina, visiblement gênée. « J'étudie la médecine. D'ailleurs, je suis interne à l'hôpital du coin, si jamais vous... Tu, si jamais tu as besoin d'un nom à donner à l'accueil. Ou de me retrouver. Ou... Peu importe. » D'un léger toussotement, elle haussa les épaules. « J'imagine que j'essaye d'utiliser mes connaissances sur la communauté surnaturelle pour mieux adapter les soins humains à ces derniers. C'est le désavantage à vivre toujours cachés... Personne ne sait mieux que nous comment nous soigner. Pas mal de connaissances se sont retrouvées mortes à cause de ça, à cause de l'impossibilité de pouvoir mettre une patte dans un hôpital normal. »

Mauvaise, très mauvaise idée de lancer Siobhán sur ses études, seule chose qui motivait d'un bout à l'autre sa façon de vivre, mais ce n'est pas comme si son interlocuteur avait put s'en douter une seule seconde avant qu'elle ne lui donne une explication aussi détaillée. Le malaise, voyez-vous, fait aussi parler les gens.

« ▬ Je pense même avoir trouvé quelque chose de bénéfique pour tous, humains compris, en utilisant le s... »

Trop parler, même. D'un nouveau haussement d'épaules nonchalant, l'écureuil se mit à observer les passants en essayant d'adopter l'air le plus crédible possible pour signifier que ça ne devait pas l'intéresser. Et après tout, quel intérêt tant que le processus n'était pas encore suffisamment développé que pour gagner en crédibilité ? Ce n'est pas comme si les quelques essais effectués jusque là sur le Vi avaient été efficace. Tout au plus, sa dernière tentative de vaccin s'était soldée par une lourde fièvre doublée d'hallucinations qui l'avaient poussée à aller se cacher en pleine nature pour ne pas devenir un danger potentiel pour la ville. Ceci dit, elle était persuadée d'arriver, un jour, à séparer les composants afin d'utiliser chaque propriété au mieux de ses capacités. Vaccin contre la drogue, médicament miracle, nouveau viagra pour les idiots en manque, produits principal pour les interventions à haut risque... Le potentiel qu'il y avait là-dedans !

Le fait que le portier se dise divorcé sembla gêner – ou au moins – faire bloquer la jeune rouquine. Elle perdit légèrement pied avant de se recentrer lorsqu’il lui demanda ce qu’elle faisait, en lui demandant si elle était étudiante. Dans l’arrière pensée de Tyson, c’était plus pour éviter de penser à Daisy et à la déchirure qui existait dans son cœur vis-à-vis de son ex-femme : c’était vrai, ils avaient vécu une histoire d’amour magique. Il l’avait rencontrée dans un strip-club, et, au lieu de lui donner son numéro, la strip-teaseuse le lui avait dit une fois en lui demandant de la rappeler uniquement s’il parvenait à se souvenir du numéro de tête sans le noter. C’était forcément un signe qu’il parvienne à se rappeler d’un numéro, prononcé une seule fois, non ? Toutefois, jusqu’à ce que son employeur de l’époque ne le force à faire des choses plus illégales, il finit par aller en prison, le mois qui avait précédé la grande révélation. Et, une fois qu’il était sorti, sa femme avait dégringolé dans l’Enfer, plus particulièrement grâce au Vi qu’elle avait appris à utiliser et à apprécier. Tout ça, en laissant la petite Eileen dans la garde de qui voulait bien s’occuper d’elle. Alors, le divorce avait forcément dû tomber. Déjà, Tyson ne supportait pas le fait que Daisy ait été infidèle, et ensuite, le fait qu’elle ait été incapable de s’occuper d’une petite fille de un an et demi – à l’époque. Mais bon, il fallut aussi se battre pendant les procédures judiciaires pour récupérer la garde d’Eileen, et, franchement, il ne voulait pas aborder ce sujet là avec Siobhán. C’était trop sensible, et il ne voulait pas qu’elle sache où il était vulnérable. Ca faisait quoi, un an qu’il était sorti de prison, huit mois qu’il était à Shreveport, et il n’avait pas encore commencé à chercher de petite amie ou même songé à un coup d’un soir ? C’était la blessure de la séparation avec Daisy qui le hantait encore. Rien de plus, rien de moins. Alors, quand Siobhán se lança sur ses études, il l’écouta attentivement, espérant refermer la porte des souvenirs douloureux.

Cependant, quand elle interrompit sa phrase en butant sur la lettre ‘s’, il fronça les sourcils. Il aurait presque cru qu’elle allait prononcer le mot ‘sang’ mais il ne voulait pas vraiment y croire. Il savait bien que le sang de vampires soignait toutes sortes de blessures, mais de là à savoir qu’on faisait des recherches dessus. Il fronça les sourcils. De toute façon, ce qu’elle racontait le dépassait un peu. Il n’avait même pas passé de bac, et le seul diplôme officiel qu’il possédait et qu’il avait passé officiellement, c’était le permis de conduire. Il prit la parole : « En utilisant le sable ? » Il adressa un clin d’œil à la rouquine. Ouais, en fait, il était sûr qu’elle avait voulu prononcer le mot sang mais elle s’était arrêtée : elle était en plein dans la gueule du loup, et avec l’ouïe surdéveloppée des vampires, valait mieux ne pas faire de bourde. Surtout que si elle se faisait prendre sur le territoire du Fangtasia, ça serait probablement à Tyson de l’amener à Eric, ce qui lui déplairait. Fallait rester professionnel malgré tout. Alors, il reprit. « Les romains utilisaient le sable pour guérir les plaies et nettoyer la peau, tu sais. » Il lança un coup d’œil légèrement inquiet autour de lui, comme pour se rassurer que personne n’avait entendu. Puis il décroisa les bras et lança un coup d’œil à sa montre. Il restait encore deux heures et demi avant la fin de son shift, et il commençait à fatiguer. Surtout qu’il doutait que la rouquine reste deux heures et demi, elle devait avoir quelque chose d’autre à faire, non ? Toutefois, il reprit la parole.

« Tu viens d’où, îles britanniques ? » Il changea le sujet – encore une fois – en se concentrant sur l’accent de la fillette. C’était vrai, elle ne parlait pas le american slang comme lui ou comme d’autres, elle avait un petit accent, mais il ne savait pas trop si c’était écossais, londonien ou irlandais. Et puis, au pire, ça lui permettrait de l’écouter parler de l’Europe. Il n’était jamais parti de l’Amérique du Nord, il avait fait des voyages entre les Etats-Unis et le Canada, il avait été au Mexique, mais c’était tout, il avait passé 31 ans sur le continent et n’avait jamais pris de vol transatlantique vers l’Europe. Il aurait peut-être bien aimé voir l’Italie ou amener sa fille voir les châteaux royaux à Londres et en Angleterre, mais il n’avait jamais eu l’occasion…

La parole, quel charmant don de Dieu aux hommes. Quelques mots, et c'était l'avalanche, le déferlement d'informations, intarissable et... Dangereux. De fait, le silence qui suivi les derniers mots de l'irlandaise se fit pesant, la poussant à regarder nerveusement autour d'elle en se mordillant la lèvre inférieure. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle laisse échapper des choses de ce type dans les endroits les moins conseillés pour se faire ? Rien que son attitude suffisait à attirer les regards curieux, sans parler de sa tenue, alors si un quelconque vampire avait dans l'idée de laisser trainer son oreille dans le coin, s'en serait fini d'elle. Au choix, ce serait soit le démembrement sans autre forme de procès, soit un rendez-vous privé avec un quelconque supérieur. Un peu comme le blond impressionnant qui gérait le Fangtasia, justement. A ce que la rousse avait entendu sur son compte, ce n'était vraiment pas le type de mort-vivant aux mains duquel il fallait tomber si les choses tournaient mal. Quand certains se montraient aisément cléments, lui avait la réputation d'être plutôt... Quoi ? Expéditif ? Exactement. Heureusement pour les humains que ce type de rumeur n'était réservé qu'aux membres de la communauté surnaturelle. A coup sûr, il y avait de quoi mettre l'intégration des cadavres entre parenthèses avec ça. « En utilisant le sable ? » D'un mouvement sec de la tête, la jeune femme reposa son regard plissé sur le videur, surprenant son clin d'œil dans une infime seconde. Était-ce encore sa naïveté purement humaine où... Non. Il avait compris. Aussi stupide se croyait-il, Tyson avait saisi l'essence même de la bourde qu'elle venait de commettre et, pire, se faisait son complice afin de masquer ses traces. Plus encore que tout le reste, cette constatation glaça son sang. « Les romains utilisaient le sable pour guérir les plaies et nettoyer la peau, tu sais. » Lentement, très lentement, Siobhán hocha la tête.

« ▬ C'est exact. Je ne pensais pas que tu... Comprendrais. »

D'un léger mouvement d'épaule, la métamorphe désigna l'établissement. A première vue, avec une information pareille, elle l'aurait plutôt vu en train de se saisir d'elle pour l'amener à son patron. Petit à petit, les couleurs et le sourire lui revenaient, et quelques pas suffirent à la rapprocher de l'humain pour passer son menton par-dessus son bras et regarder l'heure avec lui. Il se faisait tard, tout du moins pour les créatures diurnes, et la belle ne ressentait plus vraiment le besoin de se trémousser sur la piste de danse. En fait, c'était même encore plus simple que ça : Le grand méchant loup avait enfin quitté ses pensées, et l'idée de retourner au milieu des suceurs de sang ne la motivait pas plus que ça. Ceci dit, restait le cas du portier. D'un froncement de sourcils, l'écureuil releva la tête vers lui alors qu'il reprenait la parole. « Tu viens d’où, îles britanniques ? » Ouh, le sujet qui fâche. Heureusement pour elle, si il n'avait pas été présent pour le coming out vampirique, il n'y avait aucune chance pour qu'il ait entendu parler de la disparition de la fille d'un vulgaire ambassadeur. Question de priorité. Pour la peine, Sio s'écarta à nouveau du baraqué et repoussa sa chevelure dans son dos d'un geste de la tête avant de hocher la tête, un sourire nostalgique étirant ses lèvres. Son pays natal... Au final, elle ne l'avait pas si bien connu que ça. Pas autant que son ainée en tout cas. Là était le problème, d'ailleurs. Cette liberté, le côté sauvage du Connemara, elle l'avait perdu quand la famille avait déménagé en pleine capitale afin de mieux promouvoir l'image d'un ambassadeur exemplaire. Juste le temps que la plus jeune soit capable de se maîtriser suffisamment que pour ne pas se transformer à tout va devant le premier humain venu, de fait.

« ▬ Touché. Irlande. Du comté du Connemara. Je... Mes parents sont... Étaient... Particulièrement attachés à notre pays. » A présent, rien n'était moins sûr. « Tu as déjà voyagé, Tyson ? Là-bas, on y parle encore le gaelach, on croit encore aux légendes, on vit au rythme du temps. Je viens d'un village proche de la presqu'île de Renvyle; Il faut la voir au moins une fois dans sa vie pour comprendre toute la beauté de la région. Le Mont Garraun qui nous observe de ses hauteurs, les rives du lac envahies de forêts de rhododendron, la chaine des Twelve Bens, et la vue de Tully Mountain, cette vue qui donne l'impression de dominer le monde ! Tout y est sauvage, sans contrainte... On pourrait y vivre des siècles sans même savoir ce qu'il se passe dans le reste du monde, et pourtant personne ne s'en plaint. »

Dans un réflexe protecteur, la rousse croisa les bras, tentative désespérée de maintenir en elle ce petit bout de paradis qui semblait tant lui manquer. Aucun doute, Shreveport à côté n'était rien d'autre qu'un dépotoir, une passade dont on pouvait difficilement comprendre le but après avoir écouté un discours aussi nostalgique. D'un nouveau haussement d'épaules, elle se détourna, préférant garder pour elle ces quelques images éveillées, ce sentiment amoureux qu'on pouvait sentir pour sa terre natale.

« ▬ Désolée, ça doit être ennuyant à écouter. De toute façon, je n'y ai pas vécu longtemps. Juste ce qu'il faut pour m'en rappeler. » Se détendant à nouveau, l'irlandaise piocha quelques nouvelles cacahuètes dans son paquet. « Tu devrais terminer ton sandwich. » D'un nouveau glissement sur la pointe des pieds, Siobhán refit face au colosse. « J'espère que tu as bientôt terminé... Ta fille doit s'inquiéter. »

A quelques détails près, la rousse en était à lui dire qu'elle aussi se faisait du soucis pour lui. Pas du point de vue d'une petite fille attendant sagement son père à la maison, mais de celui d'une doctoresse. D'une humaine, même. Alors que leur première rencontre lui avait laissé un goût amer dans la bouche, celui du rejet habituel inhérent à sa nature, cet homme lui laissait à présent une bonne impression. Celle de quelqu'un d'un peu perdu dans un monde qui se faisait nouveau; Une sensation qu'elle connaissait suffisamment bien que pour se sentir concernée.

« ▬ Tyson... Est-ce que je pourrai revenir ? »

La phrase franchit le bout de ses lèvres avant même que sa pensée se développe. Parce que ça faisait du bien d'être en présence d'un humain qui n'agissait pas comme si elle était une créature dangereuse, quand bien même s'était-elle acharnée à le mettre en garde. Parce qu'il avait un côté rassurant, aussi. Et puis, avait-elle vraiment besoin d'une raison pour poser cette question ?

Lorsque la rouquine se mit à parler de l'Irlande, le regard de Tyson se fit légèrement lointain. Il n'avait jamais quitté l'Amérique du Nord, il ne connaissait qu'une infime partie du monde, en réalité. Il n'avait même pas fait les 50 états que constituaient les USA, il avait fait quelques états seulement. Il n'avait jamais réellement ressenti le besoin de voyager, et pourtant, ces derniers temps, il se sentait de plus en plus motivé pour partir loin, changer d'air. Et, en plus, mieux que ça, Sio' en parlait avec une telle véhémence, une telle passion, que ça lui faisait peut-être un peu mal. Lui, il ne connaissait pas la vie en campagne, il ne connaissait pas les contrées sauvages. Il était né dans un monde d'asphalte et de machines, dans une petite communauté de Minneapolis, puis près de Chicago. Il aurait pu aller à Yellowstone voir les Geysers là bas, mais non, même pas. La seule nature qu'il connaissait, ça se limitait aux concombres et aux salades du supermarché, puis le jardin qu'il avait dans sa maison qu'il louait depuis 8 mois maintenant. Alors, la voir parler comme ça de la sorte, puis resserrer ses bras, comme pour protéger le souvenir, il sentit son visage s'éclaircir. Il irait en Irlande, une fois. Rien que pour voir tous ces endroits dont elle parlait et qui semblaient magnifiques. Elle avait bafouillé sur sa relation avec ses parents. Lui, il comprenait plus ou moins. Il avait été déshérité par son père et entre 8 frères et sœurs, la vie de famille, n'était pas réellement sa tasse de thé. Imaginez, il existait 5 autres Hunter' mâles entre 23 et 29 ans, et 2 Hunter femelles, de 25 et 26 ans. Ca faisait beaucoup, alors imaginez l'arbre généalogique. Mais il n'avait pas parlé avec eux depuis plus de dix ans, alors il était réellement seul. Pas de famille, à part Eileen. Et c'était tout. Alors il comprenait la difficulté qu'elle avait. Mais probablement pas pour les mêmes raisons. Il lui adressa un sourire légèrement gêné lorsqu'elle lui demanda s'il avait voyagé. Puis elle s'excusa, que ça devait être inintéressant. Il sourit encore.

« Oh... Je suis allé au Canada et j'ai vu Mexico City, mais je ne suis jamais sorti de l'Amérique du Nord. J'ai même pas vu les Rocheuses. La seule nature que j'ai vue de mes propres yeux, c'est les chutes du Niagara, mais ça, c'est pas terrible, comparé à ce que tu viens de raconter. Ça doit être terriblement beau, l'Irlande. Plein d'histoire. » Il lui adressa un regard tout en prenant le sandwich et hésitant à y mordre. Il se décida de terminer de lui répondre avant de mordre dedans – on ne parle pas la bouche pleine. « Tu as de la chance d'avoir pu voyager comme ça. Tu as quoi, 10 ans de moins que moi et tu as déjà vu plus de choses que moi. C'est une sacré chance. » Il mordit dans son sandwich pour montrer qu'il avait fini de parler, puis, tout en mâchant il l'écouta reprendre la parole. Sa fille ? S'inquiéter ? Il avala une bouchée à moitié mâchée pour lui répondre sans paraître impoli, la bouche pleine. « Elle est au lit, normalement, à cette heure. J'ai fini dans deux heures. »

Il lança un coup d'oeil à son sandwich, avant de soupirer. Il n'était plus réellement emballé par l'idée de manger, et se dire qu'il lui restait encore deux heures... Il aurait pu voir Bambi et Dumbo avec sa fille, en deux heures, vu qu'ils faisaient chacun une heure, à peu près. C'était tant pis pour lui, et ça lui faisait des heures supplémentaires, alors il pourrait payer quelque chose à Eileen à la fin du mois. Probablement un nouveau jouet, ou pourquoi pas un chiot. Elle adorait les chiens, Eileen, et à chaque fois qu'ils en croisent un dans la rue, elle se précipitait pour le caresser si le propriétaire la laissait faire. Un petit labrador ou un petit gold retriever, ça irait bien. Et ça lui permettrait aussi, à Tyson, de savoir qu'elle n'était pas seule à la maison. Ou un Boxer. Il ne savait pas trop, en fait. Il y réfléchirait. Il adressa un regard au vide, songeur, avant d'entendre Sio' reprendre la parole, l’interpellant par son nom. Revenir ? Il fronça les sourcils, pas certain de comprendre. Revenir au Fangtasia, ou revenir ici, parler avec lui ? Il rangea le sandwich sous le pli de son bras afin d'avoir les deux mains de libre pour refermer la fermeture éclair de sa nouvelle veste. Il prit la parole.

« Au Fangtasia ? Ou pour bavarder ? » Il ne savait pas trop, en fait. « Parce que le Fangtasia, tu peux y revenir quand tu veux, hein. Tu fais ce que tu veux. Et pour bavarder, je suis là de l'aube au crépuscule, chaque jour de l'année, donc... » Il lui fit un petit sourire. Même si ça faisait un peu mal de dire 'chaque jour de l'année' (cela voulait dire, à Noël, à l'anniversaire d'Eileen, le Dimanche, les Jours Fériés...), c'était pour le moins vrai. Sauf quand il prenait ses congés qui se résumaient à quelques jours par an. Il pinça les lèvres. Le jour où Eileen serait suffisamment grande pour comprendre ce qu'il faisait, il espérait qu'elle puisse l'attendre, le soir. Parce que, par exemple, le jour du solstice d'été, c'était une journée horriblement longue. La nuit la plus courte. Il se languissait l'hiver, où les journées raccourciraient, et que les nuits se rallongeraient. Comme ça, il aurait le temps de sortir avec sa fille. Il pourrait profiter d'elle et avoir une vie, en fait. Il sourit à l'intention de Sio'.

« Une raison particulière ? » Ce n'était pas particulièrement pour s'assurer si c'était pour lui ou pour le Fangtasia qu'elle avait posé la question, c'était de la curiosité pure en fait. Puis, il se rendit compte de l'heure. « Oh, non, laisse. Tu devrais rentrer, c'est tard. Et puis, même si tu es une métamorphe, tu dois être fatiguée. » Ca y est, instinct paternel qui reprenait le dessus. Il prit la veste des mains de Sio' et l'étendit pour l'inviter à l'enfiler. C'était pas du 'vas-y dégage et laisse moi tranquille', c'était surtout du 'allez, rentre, dors, t'es étudiante, tu dois avoir du boulot et tu dois avoir une vie sociale et des amis à voir'. Il lui adressa un sourire chaleureux, fraternel ou paternel, en attendant qu'elle daigne enfiler la veste ô combien trop grande pour elle.

Parler de sa mère patrie, c'était comme revenir en arrière. Tout paraissait si loin, aujourd'hui. Les landes désolées, les vallées profondes, le rire des enfants possédant la chance de grandir dans un lieu qui restait comme épargné par l'homme. Une balançoire qui craquait dans le vent, vieillie par les années, ayant connu nombre de vies déjà éteintes, une petite maison en pierre envahie de lierres, et deux petites rousses occupées à se chamailler au-dessus d'une poupée déchirée. A l'époque de Galway, les deux sœurs s'entendaient encore relativement bien. Certes, elles criaient, râlaient, pleuraient. Morrighan lui vouait déjà une jalousie sans commune mesure. Mais elles s'aimaient, parce que la distinction entre les deux enfants n'avaient pas encore été faites. Non, le choix de la favorite n'était arrivé qu'au déménagement en Amérique. Tout, en Irlande, était une histoire de souvenirs qu'aucune photo jaunie ne pourrait lui rappeler. Son enfance là-bas était presque devenue, pour l'irlandaise, une légende comme il y en avait tant dans le pays. A ce moment-là, malgré ses difficultés d'adaptation face à sa forme animale, tout allait encore pour le mieux; L'espoir existait encore de la voir adopter une forme plus impressionnante dans le futur, la honte ne pesait pas encore sur les épaules de la petite famille. Tout était parfait. Elle avait même offert sa main à un charmant garçon blond à l'époque, qu'elle ne reverrait sans doute plus. Ces images amenèrent un sourire doux sur son visage, et elle soupira d'aise. Si seulement il y avait un moyen de vivre dans les souvenirs, dans cette époque où elle ignorait encore qu'elle allait déménager pour devenir une espèce de petite princesse pourrie gâtée qui fuguerait afin de plus devoir vivre dans une cage dorée. De ce départ de la capitale, la rousse en avait fait du chemin. Combien d'états avait-elle traversé en fugitive avant d'arriver à Shreveport ? Elle n'avait pas compté, et n'était même pas certaine de vouloir s'en souvenir. Après la liberté, la perdition, toute cette période passée à vivre de ce qu'elle trouvait sans trop savoir où elle irait le lendemain. « Oh... Je suis allé au Canada et j'ai vu Mexico City, mais je ne suis jamais sorti de l'Amérique du Nord. J'ai même pas vu les Rocheuses. La seule nature que j'ai vue de mes propres yeux, c'est les chutes du Niagara, mais ça, c'est pas terrible, comparé à ce que tu viens de raconter. Ça doit être terriblement beau, l'Irlande. Plein d'histoire. Tu as de la chance d'avoir pu voyager comme ça. Tu as quoi, 10 ans de moins que moi et tu as déjà vu plus de choses que moi. C'est une sacré chance. » Une chance... Oui, peut-être. Si elle avait eut le temps de s'arrêter sur le chemin, de découvrir ce que ce pays inconnu avait à lui offrir, peut-être aurait-ce été une chance d'avoir voyagé autant à son âge. Mais au vu des circonstances, la rousse ne pouvait s'empêcher de se dire exactement le contraire. Au fond, elle aurait tout donné pour rester vivre en Irlande pour le reste de sa vie, jusqu'à mourir dans sa maison d'enfance, satisfaite d'avoir pu connaître l'essence même d'un pays. Son pays.

« ▬ C'est... Envoûtant. C'est un pays plein de magie où le temps s'est arrêté il y a bien des années. On y croit encore aux monstres des lacs, et à tant d'autres choses. Un jour, je te raconterai peut-être quelques unes de nos légendes. Je pourrai même vous y emmener, ta fille et toi... » D'un froncement de sourcils, la belle se reprit. « Enfin, je dis ça comme ça. Ne fais pas attention. On fera ça si un jour tu m'emmènes aux chutes du Niagara, tiens. Bon deal. »

Plutôt que de s'enfoncer dans une invitation aussi bancale, la rouquine préféra en revenir à son inquiétude principale, soit l'état de santé pour elle, et sans doute le temps passé sans son père pour la fille en question. « Elle est au lit, normalement, à cette heure. J'ai fini dans deux heures. » Siobhán hocha la tête avec une moue un peu plus rassurée que précédemment. Deux heures, ce n'était rien. Il tiendrait bien jusque là, même si il risquait de s'effondrer sur son lit en deux temps trois mouvements. A bien y penser, ça ne devait pas être facile tous les jours de servir de garde du corps à un vampire, à plus forte raison quand celui-ci contrôlait le plus grand bar de la ville. Avec ce type de patron, c'était tout, tout de suite, et peu importait la vie humaine qu'il menait derrière. Définitivement, ça ne devait pas être facile avec la petite. « Au Fangtasia ? Ou pour bavarder ? Parce que le Fangtasia, tu peux y revenir quand tu veux, hein. Tu fais ce que tu veux. Et pour bavarder, je suis là de l'aube au crépuscule, chaque jour de l'année, donc... » La question pouvait se poser et s'appliquer pour les deux cas. Pouvait-elle revenir au Fangtasia après lui avoir fait comprendre qu'elle faisait des choses louches avec du sang de vampire ? Pouvait-elle revenir le voir lui pour discuter ? C'était idiot, au fond. D'habitude, l'irlandaise ne posait pas ce type de question. Un peu de timidité mélangée à de la fierté, sans doute. Mais c'est plut fort qu'elle, elle désirait revoir cet humain, plus que tout elle voulait qu'il lui donne encore l'impression d'être une fille normale, comme les autres. Il y réussissait si bien sans même en avoir conscience. Aussi la belle haussa-t-elle les épaules avant de désigner le bâtiment tout autant que le portier, un fin sourire aux lèvres. « Une raison particulière ? » Elle hocha la tête, esquissant une moue qui se voulait mystérieuse.

« ▬ Je me sens humaine. »

« Oh, non, laisse. Tu devrais rentrer, c'est tard. Et puis, même si tu es une métamorphe, tu dois être fatiguée. » Dans un léger rire que la belle ne put retenir à cette réaction de père de famille, une chose qu'elle n'avait jamais expérimenté d'ailleurs, Sio offrit son dos de bonne grâce à la veste pour y glisser ses bras fins et son corps frêle. Définitivement, cet étrange cadeau était trois fois trop grand pour elle, et encore, et c'est dans un nouveau rire qu'elle tourna sur elle-même pour se retrouver face à Tyson. Mieux, en fait : En deux petits pas, l'écureuil s'était redressé sur la pointe des pieds et avait passé ses bras autour de la nuque du garde du corps pour mieux lui poser un baiser sur la joue.

« ▬ Et aussi parce que j'aime les cacahuètes. » Tout à fait naturelle dans sa façon d'être, la doctoresse colla son front bouillant contre celui de Tyson. « Prends soin de toi pendant ces deux heures, hein ? Et si quelque chose ne va pas, contactes-moi. T'auras juste à dire à l'hôpital que tu es de la famille. »

Le lâchant, elle fourra sachet de cacahuètes et mains dans les énormes poches et lui fit un clin d'œil avant de faire un sublime demi-tour de la pointe des pieds.

« ▬ Bonne nuit Tyson ! »

Lorsque la rouquine affirma que c’était parce qu’elle se sentait humaine qu’elle voulait revenir, Tyson fronça légèrement les sourcils, pas certain de comprendre. C’était lui ? Ou c’était les vampires ? Il n’était pas certain. Toutefois, lorsqu’elle se retourna et enfila sa veste, il eut un petit sourire. Trois fois trop grand. Mais ça lui donnait son charme. Et au moins, avec une chose pareille par-dessus les épaules, elle ne risquait pas de se faire accoster par un inconnu dans une ruelle. Et puis, si jamais cela se produisait, elle se changerait en écureuil tueur. Et puis, ce qu’elle fit ensuite, le surpris légèrement. Elle vint lui déposer un baiser sur la joue, avant de lui dire que c’était également parce qu’elle aimait les cacahuètes. Il sourit face à cette affirmation, et, lorsqu’il sentit le front bouillant de la rouquine contre le sien, il ferma les yeux l’espace de quelques infimes dixièmes de secondes, avant d’écouter la rouquine lui dire de prendre soin de lui et que si jamais quelque chose n’allait pas, elle était disponible à l’hôpital. Il sourit, et, lorsqu’elle se recula, il lui adressa un regard des pieds au visage, et capta son demi-tour gracieux. Il recroisa les bras par-dessus son torse, en écartant légèrement les jambes pour se planter droit comme un i, reprenant sa position fétiche – la moins fatigante en réalité. Puis, elle lui affirma bonne nuit. « Et bonne nuit à toi aussi, Siobhán. »

Il rangea le bout de sandwich dans l’une de ses poches, puis lança un coup d’œil à sa montre. Allez, plus que 115 minutes avant la libération. Il garda un œil sur la silhouette de l’étudiante en médecine, jusqu’à ce qu’elle disparaisse, et il lança un coup d’œil à son biper. Rien à signaler. La soirée avait été calme. Certes, il y avait les quelques zigotos qui souhaitaient renvoyer les vampires en enfer, mais il n’avait pas la Foi d’aller leur demander de partir et de laisser le terrain tranquille. L’un de ses collègues s’en chargerait plus tard. Il rajusta sa veste, en remontant le col sur son cou, puis sortit son téléphone, afin d’y trouver une application pour un jeu stupide, en espérant faire passer le temps plus rapidement. Il n’aimait pas monter la garde à l’extérieur de nuit, il n’était pas vampire, et, si jamais une attaque se produisait, il était un peu un buffet sur pattes pour les vampires… Oh. Pensée joyeuse. Il se hâta de la chasser de son esprit, et, au lieu de jouer, ouvrit une vidéo qu’il avait enregistrée d’Eileen à la maison qui jouait avec Saphira. Le rire de la fillette le fit sourire, et, alors que sa respiration se transformait en buée, il passa ses doigts autour de la chaîne qu’il portait autour du cou, afin de ressortir le pendentif de sous son t-shirt. Il l’observa quelques secondes, avant de ranger téléphone, et de fermer complètement la fermeture éclair. C’est le milieu de la nuit, pas le moment de devenir sentimental…

Sujet terminé.

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