"I wish that I could fly, way up in the sky, like a bird so high, oh I might just try..."

C'était mardi matin. Un mardi matin presque normal, si on oubliait Tyson et sa possession. Ah, et Eileen et sa maladie, aussi. La petite était hospitalisée depuis quelques jours maintenant. Un virus, qu'ils disaient, un virus bizarre pour lequel ils n'avaient pas de traitement. Manque de bol pour ces imbéciles du laboratoire, Pandora avait eu la bonne idée de fourrer son nez dans les résultats d'analyses de la blondinette... Et le résultat l'inquiétait un peu. Non, beaucoup. Les symptômes qu'elle présentait étaient dangereusement similaires à ce qui avait tué ce loup qui s'était retrouvé sur sa table d'autopsie. Bref, Eileen était sur un lit d'hôpital, Tyson n'était au courant de rien, et notre Anglaise était stressée comme pas possible.

« Pandora ! » La brunette pila net dans le hall de l'hôpital en retenant un juron particulièrement vulgaire, se composa un visage qui se voulait avenant et se tourna vers la secrétaire qui venait de l'interpeller. « Qu'est-ce qui se passe ? » Rester calme...

Impatiente, elle tapota du pied sur le carrelage blanc et froid pendant que la blondasse terminait sa conversation téléphonique avec un quelconque patient apparemment très chiant. Bon Dieu. Qu'on la laisse retourner en bas, dans le froid et le calme de sa morgue ! Elle avait un besoin très pressant de retrouver ses chers cadavres. Ne plus penser à rien d'autre que les causes d'une mort, au pourquoi tel os est brisé de telle façon, je sais pas moi... Mais autre chose que tous les problèmes qui lui étaient tombés sur le coin du nez ces dernières semaines. Heureusement, Kyle surveillait Tyson aujourd'hui, sous sa forme de corbeau – enfin, s'il n'avait pas décidé qu'il avait mieux à faire, ce grand con égocentrique qu'elle appréciait malgré tout – donc à priori, il ne devrait pas faire de conneries... A priori... Bon sang, croisons les doigts.

« Oui ! Donc... La petite gosse absolument adorable qui est arrivée il y a trois jours... Eileen, c'est ça ? Elle refuse de voir un médecin si ce n'est pas toi. Têtue, comme fille. Bref, elle te veut toi comme médecin traitant et personne d'autre. » Bizarre, ça... Jusque là, Eileen n'avait pas fait de mauvaise tête. Un léger soupir passa les lèvres de la légiste. « Je m'en occupe, c'est bon. Note-moi comme médecin traitant sur son dossier. » Elle n'allait pas pouvoir retrouver sa chambre froide avant un moment, du coup... mais c'était de bon cœur. Elle adorait cette gamine et la voir dans cet état la rendait quasiment malade d'angoisse. Enfin, restons professionnelle. Dora traversa la petite demi-douzaine de couloirs qui la séparaient de la chambre de la fillette, hésita un instant, puis ouvrit la porte numérotée C104.

Le tableau qu'offrait Eileen était particulièrement triste. Pâle comme un linge, un masque à oxygène sur le visage et une perfusion plantée au creux du coude, elle aurait pu paraître morte si sa poitrine ne se soulevait pas faiblement au rythme de sa respiration. Pandora se mordilla la lèvre, puis finit par refermer la porte derrière elle. Tout doucement, elle s'approcha du lit pour s'asseoir au bord du matelas et passa sa main sur le front brûlant de la petite, décollant les mèches blondes plaquées sur sa tête par la sueur. « Hey, puce... » Elle lui adressa un petit sourire attendri, un peu triste aussi. « Apparemment, tu as voulu que ce soit moi qui m'occupe de toi ? Me voilà... T'inquiète pas, je vais te soigner, tu verras... » C'était faire une grande promesse, sur le coup. Mais elle ne pouvait pas l'abandonner. Tyson ne le lui pardonnerait pas, et elle ne se le pardonnerait pas elle-même.

J'ai mal à la tête. Et j'aime pas l'aiguille qui est enfoncée dans mon bras. Elle me fait mal quand je bouge la main. Alors, j'ai arrêté de bouger la main. Et j'aime pas l'odeur de ce qui sort du masque qu'ils ont mis sur mon visage. Ca sent la fraise. La fraise ça sent pas bon. Ca peut pas sentir la vanille ? Comme mon bain. Pourquoi est-ce que papa il me fait plus mon bain, hein ? Je veux mon bain moi ! Je sais pas pourquoi je suis là. Mais j'ai mal à la tête. Et mon papa me manque. Je sais pas, j'ai été au centre commercial avec Kyle, et après ça, j'ai été malade. Et on m'a amené ici, à l'hôpital, et je sais pas pourquoi je suis là. Et les docteurs non plus. Jusqu'à maintenant, ça me gênait pas que ça soit Julian qui s'occupait de moi, il est gentil Julian. Mais je le connais pas. Et papa il dit toujours qu'on doit pas parler aux gens qu'on ne connaît pas. Alors j'ai commencé à pleurer, même s'ils disent que je dois pas pleurer. Je dois rester forte, parce que sinon, je vais être encore plus malade.

Et je veux voir mon papa aussi. Alors, du coup, j'ai réclamé Pandora. Dora. Dora. Je veux Dora ! Julian a posé son dossier sur la table à côté de moi, et il est sorti. Il m'a laissé toute seule dans la chambre. Elle est pas belle la chambre. Mes yeux papillonnent d'un coin à l'autre. Ca fait plusieurs jours que je suis là. Et j'aime pas la décoration de la chambre. Y en a pas. Je veux mes nounours. Je veux mon teddybear, je veux ma fée Clochette. Et je veux ma poupée de Dora l'Exploratrice. Ici, y a rien. C'est bleu. C'est moche. Je ferme les yeux. C'est calme d'un coup. Mais j'ai mal à la tête. Et puis, j'entends la porte qui s'ouvre. J'ai même pas envie d'ouvrir les yeux, parce que si c'est Julian je vais pleurer encore. Et je veux pas pleurer, parce que ça me donne encore plus mal à la tête. Et je veux pas avoir plus mal à la tête encore.

Et puis, d'abord, Dora et papa ils s'aiment beaucoup. Même si papa il a dit des gros mots à Dora. Mais pourquoi elle veut pas non plus que je vois papa, hein ? Ca fait plusieurs jours que j'ai pas vu papa. Rien que l'idée de pas l'avoir vu, ou de pas avoir été dans ses bras, ça me fait pleurer.

Y a le matelas qui s'affaisse, et j'ouvre les yeux pour voir que c'est Dora. J'ai un petit sourire, mais ça me brûle la tête. Elle pose sa main sur mon front, et ça fait du bien. Beaucoup de bien. Elle a la main froide. « Hey, puce... […] Apparemment, tu as voulu que ce soit moi qui m'occupe de toi ? Me voilà... T'inquiète pas, je vais te soigner, tu verras... » J'hoche la tête. Je voulais que ça soit elle. Parce que papa il fait confiance à Dora. Alors moi aussi je lui fais confiance. Et en plus, Dora, elle a Adélaïde qui l'accompagne. Alors, j'ai pas peur de Dora. Même si Julian il était gentil. Ca me gratte là où l'aiguille est plantée dans mon bras, mais je bouge pas pour me gratter. Si je bouge, ça fait mal partout. Je reste immobile. Y a que mes yeux qui bougent. Je transpire, j'aime pas ça. JE VEUX MON BAIN.

Je ferme les yeux. Puis je sens la vague de tristesse monter : « Je veux mon papa... » Et les yeux qui se couvrent des larmes, et je sais que je vais commencer à pleurer. Parce que sans mon papa, je sais pas ce que je dois faire. Même s'il dit que je dois pas sortir et que je sors quand même, il vient toujours pour me sauver quand il faut. Papa il m'amène au parc pour que je vois le chien, il m'amène à la garderie et à l'école pour que je vois Sean. Et il est d'accord pour me laisser garder mon écureuil aussi. Papa il est grand et il est fort. Il peut me soigner, mon papa, non ? Alors pourquoi je peux pas le voir mon papa ? Je sens les larmes qui débordent de mes yeux et je fais la grimace en pleurant.

« Il est où mon papa.. Pourquoi il est pas venu, Dora ? Il m'aime plus, c'est ça ? Parce que je suis malade? » Je renifle, et je ferme les yeux en chassant les larmes des yeux, mais je les sens revenir, alors je recommence à pleurer en ouvrant les yeux. J'ai chaud. Je veux mon bain. Je veux pas avoir ce truc dans le bras, je veux pas avoir ce truc sur la bouche. Je veux pas être malade. Si c'est pour ça que papa il vient plus, je veux lui montrer que je suis forte. Mais j'arrive même pas à me faire bouger mon bras. Ca fait trop mal si j'essaye de bouger. Alors, je sanglote, doucement.

« Je veux mon papa... Je veux pas être ici, Dora. Je veux rentrer à la maison et prendre mon bain et aller à l'école demain. Je veux voir papa. » Julian il savait pas pourquoi papa il venait pas. Je m'en fiche de Kyle. Je m'en contrefiche de lui, il est drôle, mais c'est pas mon papa. C'est mon tonton, Kyle. C'est pas pareil. Il m'a jamais fait le bain, il m'a jamais portée sur ses épaules, il m'a jamais amenée au zoo voir les pingouins, il a jamais joué à la poupée avec moi, il a jamais regardé Dora l'Exploratrice avec moi.

« Il est où... »

« Je veux mon papa... » Oh non, non, non. Tout mais pas ça. Petite dernière de la famille, célibataire endurcie sans enfants, Pandora n'avait encore jamais eu affaire à une fillette en pleine crises de larmes. Encore moins une fillette malade. Elle déglutit nerveusement, sentit son cœur se serrer quand les larmes commencèrent à rouler sur les joues d'Eileen. « Calme-toi, ma puce... » Que voulez-vous qu'elle dise d'autre ? « Il est où mon papa.. Pourquoi il est pas venu, Dora ? Il m'aime plus, c'est ça ? Parce que je suis malade? » Un petit soupir passa les lèvres de la légiste. Bon, aux grands maux les grands remèdes... « Allez, fais-moi une petite place dans ton lit. »

En deux temps trois mouvements, la jeune femme s'était débarrassée de sa blouse et de ses chaussures. Elle grimpa sur le lit, s'allongea sur le côté et, en faisant bien attention à la perfusion toujours installée dans son bras, elle attira la blondinette contre elle, bien calée contre sa poitrine. Tout doucement, elle commença à lui caresser les cheveux pour tenter de la calmer, le menton appuyé contre le sommet de son crâne. « Bien sûr qu'il t'aime toujours, ton papa. Tu te souviens du jour où je t'ai emmenée chez moi et qu'il est arrivé en cassant la porte ? S'il t'aimait pas, il aurait pas fait ça, tu crois pas ? »

Mais rien n'y faisait. Eileen était inconsolable. « Je veux mon papa... Je veux pas être ici, Dora. Je veux rentrer à la maison et prendre mon bain et aller à l'école demain. Je veux voir papa. Il est où... » Pour le coup, elle n'allait pas avoir le choix. Elle aurait préféré que la petite reste loin de toute cette histoire de possession, c'était d'ailleurs pour cette raison – et pour éviter que les fantômes qui possédaient son père décident de la dépecer – qu'elle l'avait confiée à Kyle. Mais là, pas le choix. « Eileen, ma belle, écoute-moi. Écoute-moi, d'accord ? » Elle attendit d'avoir capté son regard pour essuyer tout doucement ses joues du pouce, après lui avoir retiré son masque à oxygène – elle se ferait engueuler, tant pis. « Si papa ne vient pas te voir, c'est parce qu'il est malade lui aussi. J'ai fait une grosse, grosse bêtise qui l'a rendu malade. »

Un nouveau soupir passa les lèvres de Dora et elle frotta doucement le dos de la petite d'une main. « Papa est venu me voir pour que je pose des questions aux fantômes, mais je me suis trompée quelque part et il y a tout plein de méchants fantômes qui sont arrivés chez moi d'un seul coup... » Elle appuya ensuite son index sur le front de la blondinette. « ... Et qui sont rentrés dans la tête de papa. Ces fantômes, ils peuvent lui faire faire tout ce qu'ils veulent. Et il y en a certains qui aimeraient bien te faire du mal. » Elle l'embrassa sur le sommet de la tête. « Et ton papa ne veut pas qu'il t'arrive du mal. Tu le sais, ça. » Et surtout, le papa en question ne savait pas que sa fille chérie était à l'hôpital. Mais si Eileen continuait de le réclamer, Dora n'aurait plus le choix.

Dora, elle me dit de me calmer, alors j'essaye. Je m'arrête de respirer, parce que si je bloque ma respiration, et ben je dois me concentrer pour rester sans respirer et pas pleurer, mais je sens que je veux encore pleurer, alors je ferme les yeux. J'ai chaud. Je transpire, j'aime pas ça. Mon pyjama est collé à mon torse. Je veux une douche. Je veux être au frais. Je veux pas avoir chaud. Pourquoi j'ai chaud ? Puis, elle me demande de lui faire une place dans le lit, mais j'arrive pas à bouger. Enfin. Je peux bouger, mais ça fait mal si je bouge. Alors, je la laisse me bouger à ma place. Quand elle tire mon bras, ça fait mal, quand elle attrape ma tête pour la caler contre son torse, ça fait mal, mais je gémis pas. Parce que je dois être forte, comme papa. Elle est fraîche, Pandora.

Je commence à pleurer encore. Je sais pas, je veux mon papa. J'ai peur d'être toute seule dans cette chambre d'hôpital. Y a Dora, y a Kyle qui viennent. Mais je veux mon papa. Je veux entendre la voix de mon papa qui me dit que tout va aller bien. Je veux la voix grave de mon papa. Je veux pouvoir jouer avec mes doigts sur ses tatouages, et je veux tenir le collier dans mes mains ! Je veux mon papa. Je veux lui tirer les oreilles. Je veux mon papa. Je ferme les yeux et fronce les sourcils, en recommençant à pleurer. Je sanglote, commençant à mettre un peu de voix dans mes pleurs, alors que jusqu'à présent j'étais silencieuse. J'ai peur. Je veux mon papa. Papa il s'occupe toujours de moi. Même quand il était en prison, c'était lui qui me disait plein de choses pour que j'aie pas peur de maman. Je veux mon papa. Mais, Dora me demande de l'écouter. Alors je ferme juste les yeux en essayant de ravaler mes larmes. Elle m'enlève le masque, et je sens tout de suite l'air toucher mes poumons. Je commence à respirer, difficilement. Ca fait mal à la gorge. C'est une espèce de râle, j'arrive pas à respirer correctement. Mais ça fait du bien de plus avoir l'odeur de fraise dans le nez. J'écoute Dora.

Il est malade mon papa ? Mais pourquoi ? Elle a fait une bêtise, apparemment. Quel genre de bêtise ? Des fantômes qui sont rentrés dans la tête de papa ? Je sais pas, mais quand elle dit ça comme ça, je recommence à pleurer, plus fort cette fois, et j'arrive pas à respirer, du coup, vu que je sanglote et en même temps j'essaye de respirer. Je lève le bras même si ça fait mal, et je réclame le masque avec l'odeur de fraise, mais j'arrive pas à garder mon bras levé. Ca fait trop mal. Je fronce les sourcils, et je commence à pleurer encore plus. Sanglotant. Mes joues se trempent complètement, et je m'accroche d'une main au pantalon de Dora, en enfonçant mon visage contre sa poitrine, comme si elle allait me protéger du monde. Pourquoi mon papa il a des fantômes dans la tête ? Mon papa il doit pas avoir des fantômes dans la tête ! C'est pas juste ! Je veux voir mon papa.

Savoir si il va bien. Si il arrive à gérer les fantômes dans sa tête. Je veux mon papa. Je commence à suffoquer. J'ai chaud, la chaleur commence à revenir, et je sens des gouttes de sueur couler dans mon dos, ma nuque, sur mon ventre aussi. J'arrive même pas à articuler quelque chose. Je veux mon papa.

Je veux les bras de mon papa. Je veux qu'il me protège, qu'il me soigne. Qu'il me dise que tout va aller mieux. Ca a toujours été papa et moi. Toujours. Quand il était en prison, et ben, je posais ma main sur la vitre et il mettait la sienne de l'autre côté. Quand on est partis de Minneapolis en voiture, c'était lui et moi. Quand il rentrait le soir à Shreveport avec du sang sur le visage, je sortais de ma chambre pour l'aider à se laver quand il avait un œil tout enflé. Quand il est fatigué je lui dis d'aller dormir et que je peux mettre mon pyjama toute seule même si j'y arrive pas toute seule. Je veux mon papa. Je veux pas rester toute seule dans cette chambre d'hôpital. Et je m'en fiche de si il a des voix dans sa tête. Même si elles veulent me faire du mal. Parce que mon papa il m'aime tellement que, ben, il pourra se maîtriser et empêcher aux fantômes de me faire du mal.

Parce que papa, il a fait des choses pas bien, mais il me ferait jamais rien. J'en suis sûre. Je ferme les yeux en m'accrochant au t-shirt de Dora, et je sens que je commence à avoir mal à la tête. Je veux l'odeur de fraise. J'arrive pas à respirer. Dora, donne moi la fraise. J'arrive pas à respirer. Je veux mon papa...

Eileen était fiévreuse. La chaleur irradiait de son corps et traversait aisément les couches de vêtements entre elles. C'était une chaleur malsaine, inquiétante, qui serra un peu plus la gorge de la doctoresse. Elle détestait voir les gens dans un tel état, particulièrement les enfants. C'était pour ça que son travail de légiste lui convenait parfaitement. Elle n'avait pas à affronter la douleur lisible sur le visage des patients, jour après jour. Doucement, elle caressa la tête d'Eileen, tout en lui expliquant pourquoi son père ne pouvait pas venir la voir. Et elle se remit à sangloter, sa respiration se bloquant dans sa gorge. Le cœur serré, Dora la laissa réfugier son visage contre sa poitrine et s'accrocher à elle comme si sa vie en dépendait, sans cesser de caresser ses cheveux – vaines tentatives pour la calmer. Alors elle la berça, tout doucement, et profita qu'elle relève la tête pour lui remettre le masque à oxygène sur le nez tout doucement.

« T'inquiète pas, ma belle. T'inquiète pas. » Elle posa un baiser sur son front moite, sa main dans ses mèches blondes trempées de sueur. La petite s'accrocha à son t-shirt, la tête bien calée contre l'épaule de la nécromancienne, et ce spectacle lui fit de la peine. Elle était complètement dépassée par les événements. Elle se sentait comme aspirée dans un tourbillon infernal, et Dieu seulement savait quand elle allait en être recrachée, et surtout dans quel état. Eileen malade... Tyson possédé... Sa grossesse et ses hormones en folie... elle ferma un instant les yeux, fatiguée de tout ce qui lui tombait au coin du nez ces derniers temps. A croire qu'une quelconque entité supérieure s'acharnait joyeusement sur sa petite vie. « Je vais te soigner. Je vais aussi soigner papa, et tu pourras le voir, lui tirer les oreilles et lui faire des gros câlins. Je te le promets. »

C'était sans doute une promesse bien vaine, mais c'était le minimum que Pandora pouvait faire pour le moment. Elle la laissa respirer tranquillement, sans cesser de lui caresser les cheveux ou le dos, tout doucement. Cinq minutes... Dix... puis quinze... Jusqu'à ce que la porte de la chambre s'ouvre sur Janice. « Dora ? Il faudrait que tu la laisses. Elle a besoin de repos, tu... » « Je sais comment faire mon boulot, bordel de merde ! Je suis docteur avant d'être médecin légiste, alors dégage de cette putain de chambre ! » Pour le coup, elle lui avait coupé la chique. Janice lui renvoya un regard noir mais n'osa pas protester, se contentant de sortir bien sagement en refermant la porte derrière elle. La brunette en profita pour descendre très délicatement du lit, en essayant de bouger Eileen le moins possible, avec ses membres courbaturés. « Janice a quand même raison. Il faut que tu dormes. Je vais te donner un produit qui te fera dormir, d'accord ? » Tout en parlant d'une voix douce, elle fouilla dans les tiroirs pour en tirer une paire de gants, une seringue et un petit flacon de morphine.

En quelques secondes, elle avait une dose suffisante pour assommer Eileen pendant au minimum quatre heures. Elle approcha l'aiguille de la perfusion. « Dors bien, ma puce... »