Ginger is the new black

« Et sinon, vous habitez encore chez vos parents ? »

Voilà un Scott en plein exercice de ses fonctions, jouant de ses charmes de rouquin avec une vampire accoudée au bar. Pourquoi se priver de drague sous prétexte que sa future conquête finirait par le démembrer et lui aspirer ses globules rouges jusqu’à la moëlle ? ... Ok, pour beaucoup, c’était un risque trop énorme à prendre, mais pas pour Scotty le Brave –nom de guerrier écossais qu’il s’était auto-attribué, aucun risque n’était jamais trop gros. Il n’avait jamais encore couché avec une vampire, et d’après ce que lui avait confié son autre collègue humain, c’était quelque chose à ne pas rater dans sa courte vie. De vraies furies, lui avait-il même confié, faisant briller des étoiles dans les yeux du masochiste en herbe. Et puis, ne venait-elle pas de lui sourire, là ?

« Pas vraiment, ils sont morts il y a plus de trois cent ans. »

...
Note à lui-même : à l’avenir, réadapter les classiques pour les suceurs de sang.
Regardant la belle –son bassin qui ondulait au rythme de ses pas, plutôt- repartir vers sa table avec ses verres à la main, Scott avait pris un air rêveur qui aurait pu le faire passer pour innocent s’il s’était attardé ailleurs, passant un coup de torchon sur le verre fraîchement lavé qu’il avait en main. Aaah les femmes quelle qu’elles soient avaient le don de le rendre dingue, c’était un fait avéré. Et comme baver ainsi ouvertement sur une Dracula femelle dans un bar rempli de vampires aux aguets équivalait à une pulsion suicidaire, le rouquin fut raisonnable et détourna le regard, se transformant en humain soumis pleinement voué à sa tâche... Qui fixait de fait les bouteilles sous le comptoir, ce soir encore sevré de cet alcool auquel il carburait habituellement ; c’est qu’avec un boss comme Collins, on y réfléchissait à deux fois avant de se descendre une bouteille de Jack en douce. Ici, il lui fallait un plan qui lui garantirait de ne pas se faire prendre sur le fait, ou, dans le meilleur des cas, des clients assez généreux pour pallier à sa détresse d’un verre.

Il s’était penché un instant pour ranger la vaisselle maintenant propre, profitant d’une heure un peu plus creuse pour faire ce qu’il avait à faire. Plongeur, femme de ménage, réceptionneur de marchandise, barman et animateur du Fangtasia : Scott enchaînait les fonctions diverses et s’y retrouvait totalement. Ici, si on n’épongeait au moins pas de vomi dans les toilettes, on devait généralement faire disparaître du sang de provenance inconnue, que Scott préférait mettre sur le compte d’un verre renversé par un des clients. Réfléchir plus aurait été un pass assuré vers une lobotomisation made in Eric, et l’écossais préférait ne rien voir et garder l’ensemble de ses facultés. Pour le jour où il retrouverait cette fille qu’il avait mise dans son lit, et dont il se rappelait encore miraculeusement du prénom. Il fallait dire qu’en plus d’avoir un prénom particulier, elle était rousse et caractérielle, pas de risque de faire une croix dessus sans se retourner. Surtout qu’elle s’était montrée une excellente partenaire de jeu –avant, mais aussi pendant.

On l’avait soudainement appelé, faisant émerger sa tête rousse au-dessus du comptoir avec un grand sourire de barman... Pour se retrouver nez-à-nez avec celle qui avait investi ses pensées quelques secondes auparavant. La douce Siobhán au Fangtasia, ça alors !

« Hey, ça fait un bail ! Qu’est-ce que tu fais là ? T’es venue rejoindre un copain vampire ou tu espérais simplement me croiser ? »

Et le clin d’oeil éloquent qui allait avec.
Hey, après ce qu’ils avaient vécu ensemble, il pouvait largement lui faire un clin d’oeil sans en rougir. Comme si elle ne se rappelait pas de cette nuit de débauche passée ensemble !
Et justement, c’était sûrement ça le problème : plusieurs fois, Scott avait eu l’impression de la voir dans les rues de Shevreport, juste avant qu’elle ne disparaisse en quelques secondes, le laissant dans le doute. N’était-elle pas une des rares rousses de Louisiane ? Non, ça avait dû être quelqu’un d’autre ; pourquoi aurait-elle cherché à le fuir ?
... Peut-être parce que tu l’as laissée sans un mot au petit matin ?

La nuit tombait, les lumières s'allumaient en ville, et l'Irlandaise commençait tout juste sa chasse. Non pas qu'elle comptait tuer de vampire pour se procurer son Vi quotidien, la belle n'était pas tombée aussi bas, mais il fallait bien trouver un moyen quelconque de refaire les stocks. Après tout, sa dernière expérience l'avait tout de même laissée avec un misérable flacon, et si ce dernier servait généralement à merveille la consommation d'un junkie de base, ce n'était pas le cas de la doctoresse en herbe qu'elle était. Hors, dans cette situation, n'importe qui savait où aller. Rejetant en arrière d'un mouvement de tête sa longue chevelure flamboyante, la jeune femme esquissa un sourire plein de promesses tandis que son regard scrutait avec attention la façade du célèbre Fangtasia. Prendre des risques, elle ? Jamais, voyons. Ce n'était pas comme si c'était l'endroit où tout les vampires de Shreveport se donnaient rendez-vous toutes les nuits, ni celui où se trouvait dressé dans l'ombre le mort-vivant qui justement la cherchait activement. Encore que ce dernier point lui passait royalement au-dessus de la tête à l'heure actuelle, naïve qu'elle était de croire que son petit commerce n'avait été remarqué de personne à ce jour.

« ▬ On aurait peur d'entrer, mignonne comme on est ? »

Une main posée avec négligence sur son épaule poussa Siobhán à tourner légèrement la tête vers son attaquant, un fin sourire aux lèvres. Pour qui se prenait ce longues-dents, sérieusement ?

« ▬ C'est que vous allez m'effrayer encore plus... C'est ma première fois vous savez ? »

Si la phrase portait à confusion intentionnellement ? Vu le rougissement de la métamorphe, on pouvait en douter. D'un autre côté, son discours ne sonnait pas faux puisqu'elle n'avait jamais mit un seul pied dans ce nid de cadavres depuis son arrivée en ville, ce qui revenait à avouer que les choses sérieuses ne commençaient que maintenant. Heureusement, la réflexion aux allures d'innocence n'avait fait que renforcer le sourire plein de canines de son invité surprise, dont la poigne ne fit que se resserrer.

« ▬ Pas d'inquiétudes à avoir, l'endroit est à croquer. » Euh... Pour la rassurer, on repassera. « Je pourrai même faire une exception pour toi en...
▬ Non merci, sans façon. »

Et de se dégager sans autre forme de procès de cette main un peu trop possessive pour s'avancer aussi sec vers l'entrée. Sur le sujet, un seul vampire pouvait se targuer d'avoir été assez proche de sa gorge pour lui planter ses crocs, et ce n'était certainement pas ce brun ténébreux. Quant à la proposition, étrangement, la rouquine n'avait franchement aucune envie d'en entendre la suite. Rien que l'odeur de mort la rendait déjà malade à l'idée qu'il puisse faire des folies comme lui proposer de la décréter comme sienne, ou un truc du genre. Pire, il pouvait réclamer du sang en échange d'une protection éphémère, et c'était bien la dernière chose qu'elle comptait faire ce soir, voir jamais. Passant sans effort la partie sécurité de la boîte - quoique l'air pincé du gardien ne laissait pas beaucoup de mystère sur le fait que son odeur ne lui plaisait pas -, Siobhán fonça droit vers le bar sans même regarder autour d'elle. C'est que d'un coup, un petit pincement d'anxiété venait de faire surface en elle. A croire qu'elle retrouvait une once de conscience en sentant l'odeur la prendre à la gorge dès ses premiers pas d'une démarche ondulante.

Passant une main nerveuse dans ses boucles enflammées, l'étudiante fit le tour du bar d'un regard, fronçant les sourcils de mécontentement à n'y voir personne. On allait quand même pas lui faire croire que le lieu était célèbre pour l'absence notoire de ses barmans ? A son soulagement, un bruit parvenait quand même de sous le meuble en question.

« ▬ Hé, barman ! Un verre de bloo... »

La tête qui émergea par-dessus le comptoir gela littéralement ses mots dans sa bouche, la laissant éberluée pendant quelques secondes. Lui, ici ? Pas possible, c'était un cauchemar. Le genre dont elle allait se réveiller d'une seconde à l'autre. Elle n'avait quand même pas évité ce crétin pendant des siècles pour le retrouver au beau milieu d'un bar vampire quand même ? Avec sa chance, il était devenu tellement accroc au Vi que ça justifiait sa présence, du genre à chercher à tous prix un vampire consentant pour lui refiler son sang. Vous l'aurez compris, la jeune femme affichait une mine totalement médusée devant ce mauvais coup du destin.

« ▬ Je... Est-ce que ça te regarde ?! »

Et de rougir gracieusement derrière face au charmant clin d'œil que l'écossais lui administra. C'est que d'un coup, les caresses remontaient à la surface de sa mémoire, déclenchant un long frisson dans le bas de son dos tandis qu'elle posait des mains crispées sur le comptoir. Là, il était urgent de retrouver contenance.

« ▬ Et je pourrais te retourner la question. Que diable fiches-tu dans un endroit pareil ? Ne me dis pas que t'es en train de fouiner pendant que le barman est absent pour goûter à la boisson favorite des vampires, quand même... Je te préviens, ça n'a pas le même goût que le... Hum. »

Ah, et il y avait aussi ce truc génial avec sa langue... Le rouge, joli reflet qui collait bien à ses cheveux, se propagea jusqu'à ses oreilles à mesure qu'elle parlait. Au moins, il avait l'air sobre cette fois. Pas du genre à se jeter sur elle sur l'heure. Secouant la tête, laissant quelques mèches venir caresser ses épaules dénudées par sa robe bustier noire, elle se mordilla sensuellement la lèvre inférieure.

« ▬ Finalement, sers-moi un whiskey Irlandais. Vous avez peut-être un Jameson 12 ans d'âge dans vos caves, non ? Et au passage, sers-toi la même chose. » Un sourire félin vint étirer ses lèvres pulpeuses. « Avec un peu de chance, ça te fera peut-être fuir. »

Rancunière ? A peine.

Si Siobhán était pétrifiée par ces retrouvailles plutôt riches en souvenirs, Scott était particulièrement content de s’y retrouver confronté pour ce soir, faisant fi de son échappée matinale qui avait sûrement fichu en l’air une bonne entente éventuelle. Mais l’écossais était un crétin de première classe, préférant avorter tout avenir du « nous » en se faisant la malle avant le réveil de sa belle ; l’irlandaise n’était d’ailleurs pas la première, et ne serait sûrement pas la dernière à qui il ferait le coup. Problème étant qu’il se montrait charmant s’il recroisait une de ces filles, comme si rien ne s’était passé, embrouillait généralement l’esprit de ses interlocutrices, se prenait quelques fois une claque bien méritée, arrivait dans certains cas à faire son affaire une deuxième fois, réitérant la fuite au petit matin. Enervant, lui ? Il apprendrait bien un jour qu’on ne peut pas indéfiniment n’en faire qu’à sa tête. Le jour où on lui ferait le même coup ? Sûrement pas prêt d’arriver, aurait-il répliqué avec un air de chieur arrogant.

Sans se soucier du fait que la rousse n’avait probablement pas envie d’avoir affaire à lui ni maintenant ni jamais, Scotty lui avait adressé un grand sourire, lançant les hostilités avec l’expression d’une joie sincère et un clin d’oeil qui avait fait virer la belle au rouge ; elle s’était montrée autrement moins gênée la dernière fois ! Ravalant la réplique qui lui brûlait les lèvres, il l’avait écoutée avec un intérêt loin d’être feint –et un coup d’oeil appréciateur à sa tenue, recevant ses piques sans broncher : il ne s’était pas non plus attendu à ce qu’elle lui saute dans les bras en le suppliant pour un deuxième round. Même si cette option ne l’aurait pas déplu lui, l’homme facile à qui un joli sourire suffisait –et si bonus plastique de rêve il y avait, c’était tant mieux.
Conscient qu’elle était sur la défensive, il s’était penché sur le comptoir pour s’y accouder, rabattant son torchon sur son épaule, comme pour souligner qu’il était membre du staff.

« C’est moi, le barman. J’aime vivre dangereusement tu sais. »

Beaucoup de crétinerie mâtinée de prétention, mais il ne mentait pas, au fond : Scott allait sûrement assister à des affaires louches du patron, se baladait tous les soirs sous le nez de vampires assoiffés, rencontrait d’anciennes conquêtes prêtes à sortir les griffes à sa simple vue.
Son sourire s’agrandit quand il remarqua sa gêne grandissante, se demandant bien ce qui pouvait se tramer dans sa jolie petite tête. Elle ne se rappelait quand même pas leur nuit passée ... ? Ne ratant rien de la moue sensuelle qui l’avait renvoyé à un souvenir délicieusement agréable, il avait toutefois eu une légère grimace à l’évocation d’un Jameson, fierté écossaise qui lui fit oublier la pique finale. ... Enfin ; si elle voulait qu’ils fassent ça dans la cave, autant le dire de suite !

« J’vais voir ce que je peux faire pour toi. Et celui qui arrivera à me faire fuir avec de l’alcool est pas encore né, princesse. »

S’éloignant légèrement du comptoir, il avait lâché sa vis-à-vis des yeux, rangeant momentanément son sourire de chieur et ses surnoms mièvres pour chercher la bouteille qui ferait le bonheur de la demoiselle. Comme elle l’avait espéré, il s’était éloigné un instant, se retournant pour prendre une bouteille posée sur une étagère, revenant aussi sec vers la cliente qu’il n’avait pas envie qu’on accapare, sourire de vainqueur aux lèvres tandis qu’il sortait les verres.

« Un bon vieux Macallan, voilà ce qu’il nous faut. C’est quand même mieux qu’un irlandais non ? »

Titiller ses origines en lui imposant les siennes, quelle bonne idée pour faire rager une Siobhán déjà rancunière envers lui ; ébouchant la bouteille, il versa le précieux whisky écossais dans deux verres, faisant glisser celui de la belle sur le bar, levant le sien presqu’aussitôt. Un toast, ici et maintenant ?

« A notre nuit de débauche ! »

Parce qu’il avait forcément dû l’annoncer haut et fort devant les clients accoudés au comptoir. Quand on vous disait que le bonhomme était suicidaire.

A bien y regarder, le rouquin avait de l'allure. C'est vrai, quand il n'était pas bourré ni shooté, on pouvait presque considérer que c'était un type parfaitement normal que n'importe quelle femme aurait rêvé de fréquenter. En plus l'Irlandaise ne pouvait s'empêcher d'admirer cette classe inimitable avec laquelle il jouait de son statut de barman, torchon en supplément pour rajouter à la sensualité de la scène. Définitivement, les quelques pensées assassines qui tournaient en boucle dans sa jolie tête venaient de réussir à bannir l'image de ces doigts sur ses cuisses. En bonus, elle se permit même une petite grimace en secouant la tête de dépit.

« ▬ J'avais remarqué ton amour du danger. J'avais juste complètement oublié ta bêtise génétique. »

En vrai, sa mémoire l'avait juste atténuée, mais compassion oblige envers un écossais, la belle s'était retenue d'en rajouter une couche. Il avait l'air bien trop fier pour tenter de l'achever maintenant. Le goût serait définitivement plus savoureux une fois qu'il aurait profité à son maximum de la situation. Le soucis, dans l'histoire, c'est qu'il avait déjà profité, et plutôt deux fois qu'une. Cette fois, la teinte cramoisie vint frôler la racine de ses cheveux au doux souvenir de la façon dont elle l'avait chevauché, lui offrant une vue imprenable sur tout ce qu'elle avait de plus intime. Finalement, elle venait de changer d'avis. Cet imbécile allait payer, et tout de suite, preuve en image qu'elle avait déjà réussi à lui arracher une grimace, ce qui était une victoire en soi.

« ▬ Si c'est pas avec l'alcool, ce sera avec autre chose... »

Marmonna-t-elle allègrement en fixant le dos du sorcier avec un regard incendiaire. A coup sûr, si elle avait été capable de foutre le feu à ses vêtements d'un simple contact du bout des yeux, il serait déjà nu comme un ver. Et avec un peu de chance, assez blessé pour endormir la conscience de tous les vampires de la salle qui se feraient sans doute un plaisir de se jeter sur lui. Presque autant de plaisir qu'elle en avait eut. A son retour, Siobhán avait même réussi à se relaxer momentanément, s'appuyant avec nonchalance contre le comptoir pour mieux le regarder, un petit sourire vainqueur au coin des lèvres... Qui disparut bien vite en l'entendant.

« ▬ Le jour où un écossais arrivera ne serait-ce qu'à la cheville d'un irlandais, on en reparlera. Je te préviens, c'est toi qui débourse. J'ai pas commandé ça, moi. »

Soyons sérieux quelques instants : En bonne cliente, elle était reine de la partie, et il était temps de le faire comprendre à ce gamin qui se la jouait comme en maternelle. Un coup pareil, ça pouvait lui coûter son job. Le fait de servir de l'alcool à une mineure également, mais la principale concernée n'avait pas prit la peine de lui préciser son âge lors de leur première rencontre et ne comptait certainement pas le faire de sitôt. Quelle utilité d'ailleurs ? Concrètement, il était déjà rangé dans la catégorie des pédophiles, n'en déplaise. Par réflexe, la rouquine attrapa le verre et fit glisser le bout de son index sur le bord, le regardant quelques instants avant de reporter son attention sur son... Amant ? Rien que la pensée faisait froid dans le dos. Et tant qu'à faire, son cri victorieux arracha un air furieux à la belle qui regarda aussitôt autour d'elle pour récolter des regards et des sourires entendus. Oh mon Dieu, il venait vraiment de faire ça. Lentement, mais vraiment très lentement, la faute à une nuque crispée par la colère, la doctoresse reporta son regard sur le misérable petit vermisseau.

« ▬ MacFarlane... »

Le ton en lui-même semblait encore plus mauvais que la moue colérique que la créature affichait, et c'est à peine si elle ne grogna pas son nom de famille au lieu de le prononcer comme n'importe quelle personne normale l'aurait fait. D'ailleurs, les personnes normales en question n'avaient pas le désavantage de voir leurs yeux passer en une seconde d'un bleu ciel à un mordoré étincelant. Pour un peu, on aurait aisément imaginé la fille de l'Ambassadeur d'Irlande en train de se jeter sur son vis-à-vis par-dessus le bar. A défaut de pouvoir appliquer cette méthode, Siobhán leva aussi sec son verre et le balança droit au visage de Scott, appréciant de manière fort visible le dégoulinement collant qui s'en suivit sur sa peau.

« ▬ Vu que tu aimes tant ça, je t'offre mon verre en prime. »

Ce fut presque de manière posée que la demoiselle reposa le verre sur le meuble, plaquant soigneusement son autre main juste à côté pour se retenir de sortir les griffes. Littéralement. L'instant suivant, ses yeux reprirent leur couleur habituelle, si ce n'était quelques reflets dorés courant à la surface, et elle pencha la tête de côté en fronçant les sourcils.

« ▬ As-tu seulement une cervelle ? »

Vu les rires qui avaient suivi le geste de la métamorphe, on pouvait sérieusement se poser la question.

Les remarques assassines s’enchaînaient joyeusement, alimentant le sourire apparemment indétrônable de Scott ; se faire haïr par une femme assez canon pour aimanter quelques regards vampiresques, c’était un luxe auquel il n’avait pas souvent droit et dont il se délectait maintenant avec délice. Un brin masochiste ? Il s’imaginait simplement détenir le pouvoir sur une irlandaise gênée par leur bref passé commun, lui le grand crétin qui s’en amusait sans même essayer de réparer les pots cassés. Bah, ça viendrait avec le temps : les femmes revenaient toujours vers les salauds de son espèce et Siobhán lui en voulait simplement de s’être fait la malle le lendemain de leur nuit d’amour. La prochaine fois, il resterait pour le petit déjeuner, rien que pour lui faire plaisir !
S’il y avait effectivement une chance infime pour qu’elle tombe à nouveau dans ses filets ; maligne et rancunière comme elle était, la bataille serait dure et l’écossais ne savait pas lui-même s’il fantasmait sur l’inconcevable ou si elle pourrait fermer les yeux sur son comportement d’enfoiré, pardon qu’il ne méritait autrement pas. Alors, au moins retourner à ce petit jeu de chien et chat ? Ca avait l’air plutôt bien parti : derrière cette pseudo haine, il sentait l’affection d’une rouquine trop gentille pour faire du mal à qui que ce soit, trop fière pour passer l’éponge sur les évènements. Piquée au vif pour le coup du whisky, elle refusa de payer pour l’affront qu’il lui faisait, sans pour autant arrêter un Scotty lancé dans sa connerie. Satisfaire le client, oui, emmerder une certaine métamorphe, c’était encore mieux.

« Aah les bonnes femmes ! Goûte avant de hurler au scandale. »

S’il avait su, il se serait abstenu de tout commentaire machiste et surtout de son toast beaucoup trop personnel. Il avait simplement voulu lui rappeler de bons souvenirs et en faire profiter à tout le monde !
Ok, c’était le gêne du chieur qui avait surtout parlé, goujat sans tact qui mettait les pieds dans le plat en éclaboussant gracieusement sa conquête. S’il pensait qu’elle subirait une telle humiliation ? Oh que non : lui qui assumait totalement les faits n’avait pas envisagé qu’elle se sente aussi honteuse, n’était-ce pas une fierté que d’avoir couché avec lui ? A n’en pas douter, un bon bouquin sur la psychologie féminine lui aurait fait le plus grand bien. S’il se rappelait encore comment lire.

Un instant avant que l’incident du whisky ne se produise, le sorcier inavoué crut voir la couleur de ses yeux changer ; d’un joli bleu, ils étaient passé à un mordoré électrique. Encore une hallucination ? Ou les femmes en colère avaient-elles cette capacité de prévenir d’une attaque imminente ?
Alors qu’il ouvrait la bouche pour lui faire remarquer l’étrangeté de la chose, il se prit un verre de MacAllan en pleine face, le whisky dégringolant sur son expression surprise, un mouvement de recul suite à l’affront qu’elle venait de lui faire. Après s’être échiné plusieurs soirs de suite à faire rire les clients, voilà qu’il venait de trouver la technique ultime !

« Rhaa bordel, un si bon whisky ! »

En bon alcoolique, il avait eu plus de considération pour feu son verre que pour le ridicule de la situation. N’était-il pas un clown qu’on prenait un malin plaisir à faire danser, au final ?
De son torchon précédemment immaculé, il s’épongea le visage, quelques gouttes d’alcool dégringolant encore de quelques mèches de cheveux. Pour le coup, elle n’avait pas manqué sa cible, la diablesse ! Conscient d’avoir pleinement mérité la sentence de l’irlandaise, il passa sur l’humiliation générale, pas non plus du genre à faire un scandale pour une histoire que lui même avait indirectement créée ; relevant un visage désormais collant vers la belle, il avait repris son habituel sourire, certes moins fringuant maintenant que le whisky maculait son T-shirt et ses cheveux.

« Ok ok, on oublie les toasts et je fais plus le con avec la boisson. Je m’incline pour ce round, mais prends-y pas trop goût. »

L’annonce de défis prochains ? Si elle finissait par baisser sa garde, nul doute que les deux roux se livreraient encore une fois à des jeux crétins, en évitant si possible de finir dans la même situation que la dernière fois. Même si lui n’était jamais contre un bon retournement de situation du genre, mais mieux valait ne pas trop compter là-dessus avant... Jamais ?

« Si j’te sers un Jameson, tu promets de pas me l’envoyer à la tronche cette fois ? »

Un peu de sarcasme n’avait jamais fait de mal à personne, et hey, on était jamais trop prudent avec une rousse sur les nerfs ! Rapidement, il ajouta, calant le torchon désormais sale sur le bord du comptoir, y prenant appui pour mieux se pencher légèrement vers le bar :

« Ou même de faire ce truc bizarre avec tes yeux... Tu sais que j’vais finir par me poser des questions ! A me demander si t’es pas une alien ou euh, une envoyée du diable, un truc du genre. »

Aucun doute, l’écossais savait comment parler à une femme quelle qu’elle soit.

Si la rouquine avait imaginé une seule seconde que le sourire de son vis-à-vis allait disparaître en gâchant son précieux MacAllan sur son visage, elle l'aurait fait plus tôt. En effet, quelques secondes après l'accident, la belle avait quant à elle retrouvé le sien, à la fois ravi et sadique. C'est que l'air de rien, le voir trempé comme ça était une situation particulièrement satisfaisante pour sa fierté personnelle, d'autant que l'attention était maintenant plus portée sur lui que sur elle. Ca, c'était une victoire comme elle aurait aimé en avoir plus souvent, surtout face à un écossais d'aussi petit envergure. Enfin, tout dépendait de la partie de son anatomie dont on parlait, mais... C'était une autre histoire. Précisément celle qu'elle tentait maladroitement d'effacer de sa mémoire.

« ▬ Si il est si bon que ça, pourquoi tu ne nettoierais pas le sol avec ta langue ? »

Et de deux, pour faire bonne mesure. Histoire que sa mine réjouie ne vienne pas trahir le fait que la réaction de Scott l'avait un brin amusée, pour changer. L'air de rien, elle avait quand même pitié pour ses cheveux. Rien qu'à imaginer la torture que ce serait à les nettoyer, elle faisait une grimace mentale à sa cruauté avouée envers son meilleur ennemi.

« ▬ Tu t'en rends peut-être pas encore compte, mais je parie qu'elle serait plus douée à ça qu'au reste. »

Entendons-nous bien, elle parlait toujours de sa langue, question de laver pour de bon l'affront qu'il lui avait fait en criant à tue-tête qu'elle avait passé une nuit entre ses bras. Que tout le monde sache qu'il n'était pas inoubliable, quand même. Bon, c'était faux, mais ce n'était quand même pas nécessaire de le préciser, n'est-ce pas ? D'ailleurs, le passage pouvait tout aussi bien s'appliquer à sa manie de parler avant de réfléchir, ce qui faisait d'une pierre deux coups. Tout pour que ses yeux redeviennent totalement normaux, l'éclat ambré s'effaçant totalement du bleu dévastateur de son regard tandis qu'elle écoutait son vis-à-vis avouer son erreur. Tellement agréable à entendre !

« ▬ T'inquiètes MacFarlane, je risque pas de perdre ma méfiance avec toi en face. Laisses-moi en profiter encore un peu, quand même. Ce goût est inespéré, l'air de rien. Mieux que de l'écossais. »

T'en manques jamais une hein Siobhán ? Malgré tout, posant soigneusement ses coudes sur le comptoir, la métamorphe esquissa un sourire étincelant en observant son barman attitré pour mieux se redresser à l'évocation du Jameson que, ce coup-ci, elle payerait sans aucun problème.

« ▬ Je vais y réfléchir. Après tout, du Jameson sur ton corps, ce serait du gâchis et je me sentirai forcée de venir le lécher. Ce serait dommage, hein ? »

Répondez au sarcasme par une dose équivalente, voir double, et on en arrive à un échange parfaitement soutenu entre écossais et irlandaise. Enfin, ce qui pouvait passer pour soutenu entre deux personnes de leur trempe, en tout cas. Parce que l'air de rien, la jolie rousse n'aurait pas hésité à mettre en pratique ses dires si l'alcool qui tâchait le t-shirt du jeune homme n'avait pas été du MacAllan, et tant pis l'égocentrisme qui la persuadait qu'elle ne poserait plus une seule patte sur lui.

« ▬ Dis-moi MacFarlane, tu as déjà consommé ? » Lâcha-t-elle sur le ton de la conversation en se penchant un peu plus vers le visage du rouquin. « Tu devrais pourtant déjà savoir que je suis une envoyée du diable spécialement venue sur terre pour te créer des ennuis. »

Méthode numéro un de Sio pour ne pas être poussée au mensonge : Contourner le sujet des yeux pour mieux se concentrer sur des promesses de bagarres futures assez musclées mentalement. Sur le coup, la demoiselle se mordilla la lèvre inférieure, intérieurement troublée de savoir que cet ivrogne notoire avait quand même réussi à regarder suffisamment ses yeux pour surprendre sa transformation partielle. D'habitude, les hommes avaient plus tendance à regarder plus bas pour remarquer qu'ils avaient réussi à la pousser totalement à bout. Puis, histoire de dire que ce sujet était clos, la belle leva gracieusement une main pour caresser doucement la joue de son compagnon, esquissant un sourire charmeur.

« ▬ Ceci dit, c'est étrange... Je ne vois toujours pas d'alcool devant moi. Tu crois que c'est normal ? Un peu de nerf, tu vas finir tué par ton patron. »

Posant le bout de son index sur le nez du roux, la créature pencha légèrement la tête de côté, visiblement à nouveau amusée par sa présence. Un bon point, elle n'était plus à la limite de l'étrangler.

« ▬ Allez, un peu plus de réaction de ta part et je t'offre de quoi illuminer ta soirée. » Allez comprendre, sa dernière fiole de Vi. « Au fait, ton patron c'est bien un vampire, non ? »

Question de se renseigner, voyons. C'était pas comme si elle le savait déjà parfaitement, ni comme si elle tentait de récolter quelques informations au sujet du dit supérieur de l'écossais par cette question d'apparence tout à fait innocente. Sans doute le type de gars à ne pas énerver, et pas du genre à partager facilement son sang. Était-il seulement au courant de la consommation de son employé ? Hum, à creuser.

La charmante vipère passait tour à tour de remarques désobligeantes et autres piques virulents à des sous-entendus plus qu’éloquents, entraînant dans leur sillage le pauvre Scotty encore collant de Macallan. Aah, s’il avait pu lire dans l’esprit complexe de la demoiselle, tout aurait été plus clair... Quoiqu’il ne lui fallait pas d’un grand effort de réflexion pour comprendre son comportement pas si paradoxal que ça au final ; mais il était malheureusement un homme qui ne cherchait pas à voir plus loin qu’une conquête un peu sur les nerfs. Cependant, il tira une leçon de sa contre-attaque alcoolisée, de fait nécessaire à la survie en milieu irlandais. Règle numéro un : ne pas faire le con avec les rouquines en furie –du moins pas en public et dans le cadre de son travail. Il pouvait toujours l’emmerder en privé comme il savait si bien le faire, au risque de se retrouver aux prises avec la belle –option qui était loin de lui déplaire, grand masochiste dans l’âme.
Regardant goutter les dernières traces du feu Macallan sur son avant-bras, Scott fut un instant tenté de considérer l’option de la rousse en bon amateur de whisky haut de gamme –ou non, de fait, mais il n’était pas sûr qu’Eric apprécie de voir le barman lécher le sol à la recherche de la saveur du scotch devant une horde de clients. Passer pour l’humain fêlé qui bossait au Fangtasia ? Le statut d’humain cool et bavard lui suffisait parfaitement pour l’instant.

« Un mensonge pareil, ça mériterait que je te rafraîchisse la mémoire sur-le-champ. »

Comment, faire le même genre de remarque évocatrice qui lui avait coûté un T-shirt propre quelques secondes plutôt ? Scott était crétin, mais pas non plus débile : nettoyant sa peau maculée d’un coin de torchon, il s’était penché sur le comptoir de sorte à ce qu’elle soit la seule à l’entendre, sourire éloquent collé au visage. La musique assurait heureusement une portance de voix moindre, voix qu’il avait pris soin de baisser d’un ton. Il y avait toujours le risque qu’elle lui jette un regard meurtrier, mais pas d’humiliation assez forte pour lui faire manger le bar dans la seconde cette fois-ci. Un bon point pour le petit qui avait retenu la leçon.
A la réplique impliquant Jameson et horreur du gâchis, l’écossais laissa échapper un rire franc, amusé par ce nouveau retournement de situation. Elle qui aurait pu l’étriper quelques minutes auparavant se montrait désormais autrement plus... Chaleureuse dans ses propos. Toujours à sa façon, bien entendu. Et retrouver le sarcasme mordant de la rousse lui faisait prendre conscience que leurs échanges musclés lui avait manqué. Sa faute, bien entendu, et il était presque prêt à l’assumer totalement.

« On se fiche pas de moi en bas, une démone à mon service ! Ca explique pas mal de choses, en fait... Vous êtes toutes aussi sauvages en enfer ? »

Au moment où il chassait de son esprit les souvenirs d’une chevauchée justement endiablée pour son propre bien, les doigts de la tentatrice vinrent lui caresser la joue, alimentant un sourire plein qui faisait écho à celui de la belle. Hyptonisé ? En cet instant, oui. Il fallait reconnaître ses charmes à la demoiselle, toute diablesse qu’elle fut. Pas étonnant qu’avec quelques gouttes de Vi dans les veines, Scott n’ait pas hésité une seconde à l’ajouter à sa longue liste de conquêtes, sans même s’embarrasser des codes plus ou moins stricts de drague. Il se souvenait encore clairement de la façon dont il avait fondu sur elle sans prévenir, s’improvisant Lucky Luke du baiser inattendu. Aah quelle bonne soirée ils avaient passée là !
L’index sur son nez le sortit de ses souvenirs, et il retrouva le rôle du barman qu’était le sien, attrapant le verre désormais vide de l’irlandaise avec la promesse de passer un autre bon moment en sa compagnie. Oui bon, il avait bien compris qu’elle lui offrait là une nouvelle fiole de Vi –ses yeux avaient d’ailleurs brillé- mais il était tentant de passer du côté pervers de la Force.

« Ouaip, c’est l’armoire à glace blonde sur l’estrade là-bas. » Il lui indiqua la position de maître d’Eric, au fond du bar. « Et t’illusionnes pas sur lui comme les autres, il scintille pas au soleil et sauve pas non plus la vie des Bella en danger. Enfin, pas devant moi en tout cas... J’ai plutôt l’impression qu’il les bouffe, en fait. »

Abandonnant la rousse un instant à son sort, il alla trouver le fameux Jameson en réserve et lui versa un verre ; il reprit son verre encore intact de MacAllan, s’accoudant de nouveau sur le comptoir, attention toute dirigée sur Siobhán. L’air joueur qu’il affichait ne trompait pas : il comptait bien se prêter de nouveau à ce rituel du chat et de la souris qu’ils entretenaient tous les deux.

« Te servir un verre, c’est tout ce que j’ai à faire pour obtenir mon prix ? T’as pas quelque chose de plus intense... Avec une récompense plus importante ? »

Incorrigible ? Et alors ? Qui ne tente rien n’a rien, comme dirait l’autre.

Finalement, une fois mise de côté la brutalité naturelle du rouquin, on pouvait facilement lui trouver du charme. Après tout, entre son regard d'un bleu envoûtant, son sourire idiot mais facile et ses muscles non-négligeables, même l'écureuil ne s'étonnait pas de voir autant de femmes lui rejeter des regards presque discrets. De fait, il n'aurait pas été un poivrot notoire, il aurait eut du choix. A moins que ce fut son humour pour le moins spécial qui soit capable de faire fuir aussi catégoriquement la gente féminine ? D'un haussement de sourcils, la belle récolta la réponse à sa provocation avec un sourire esquissé du bout des lèvres, espiègle, clairement joueur. Non, quand il ne criait pas partout qu'elle avait eut l'incompréhensible faiblesse de lui tomber dans les bras sans y réfléchir plus de deux secondes, il était divertissant. Par ailleurs, l'imaginer en train de lécher le sol était des plus agréables, ne serait-ce que parce qu'elle se rappelait malgré elle le talent non négligeable de sa langue dans leurs échanges.

« ▬ Essaies toujours MacFarlane, ma mémoire est tellement sélective... Un petit coup de fouet ne lui ferait sans doute pas de mal. »

Non, vous ne rêvez pas. Le jeu du chat et de la souris était de nouveau d'actualité, quoiqu'il était difficile de déterminer à l'heure actuelle qui était qui dans cette nouvelle partie. Sans doute un échange de rôles permanent. Mais que voulez-vous, c'était toujours tentant de brandir la carotte au bout du bâton pour mieux faire marcher l'âne. Et croyez-moi, pour avoir un jour réussi cette transformation presque aussi ridicule qu'en mode écureuil roux, l'irlandaise en connaissait un rayon sur les instincts basiques de ces bestioles. Quand ce n'était pas les noisettes, c'était les carottes. Et un côté têtu monumental qui lui avait valu d'être encore plus susceptible que d'habitude durant les jours qui avaient suivis, elle qui n'était déjà pas d'une nature facile. Comme quoi, on apprend petit à petit. Et si l'écossais avait autant de répondant qu'un âne prêt à mordre et à ruer en présence de son maître, la partie promettait d'être intéressante. Voilà pourquoi elle jouait. Pour gagner contre quelqu'un qui en valait la peine, bien qu'elle ne l'aurait jamais admis, et surtout pas devant lui. Aussi se laissa-t-elle emporter par le rire agréable de son meilleur ennemi et lui accorda un sourire des plus joyeux.

« ▬ Oh, Scott... » Pour une fois qu'elle utilisait son prénom. « On est encore pires en bas. Ici, on se maîtrise, pour la couverture, tu sais ? »

Dans la volonté d'appuyer un peu son propos, Siobhán avait porté ses doigts à la joue mal rasée de son vis-à-vis, se penchant un peu plus vers son visage en s'appuyant des coudes sur le bar. Un mordillement de la lèvre inférieure plus tard, elle souriait déjà avec un air moqueur, désamorçant presque automatiquement son côté charmeur. Le jeu avant tout, oui, mais il ne fallait quand même pas lui offrir trop d'illusions. Pour le peu qu'elle en savait, il risquait de vite s'emballer si elle faisait mine de lui offrir ses lèvres si facilement. Non, si seconde fois il devait y avoir, le rouquin devrait la mériter. Et amplement. Même si d'un autre côté, ça ne devait pas le déranger outre mesure - Le premier à avoir attaqué était bien lui, même si elle n'avait pas résisté bien longtemps à son baiser fougueux. Elle se rappelait quand même avoir encouragé l'acte en glissant presque aussitôt ses mains sous son t-shirt, mais... C'était l'effet de l'alcool et du Vi. Sans aucun doute. La reine de la négation ? Sans doute. A vrai dire, elle n'avait pas été très prude, loin de là, et la chevauché avait en effet été digne du mythe des succubes, sinon qu'elle ne lui avait pas dérobé son âme ni sa vie. Glissant son index sur le nez de son adorable barman attitré - après tout, il avait presque oublié les autres clients à son seul profit -, l'écureuil en revint à son but premier lorsqu'elle était entrée dans le bar. Les vampires. Outre le Jameson, bien sûr, qui restait un bonus non négligeable. Dès que le jeune homme lui désigna le grand blond du fond, Sio n'eut plus d'yeux que pour lui. Vraiment agréable à regarder, dommage qu'il ne fut qu'un cadavre ambulant en puissance. Pour trôner comme ça et posséder le bar de vampires le plus en vue de Shreveport, ça ne devait pas être n'importe qui... Un ancien ? Rien que ça suffisait à faire briller des étoiles dans les yeux bleu électrique de la rousse, attirant un fin sourire félin sur ses lèvres pleines. Dangereux, mais le jeu en vaudrait peut-être la chandelle... Plus tard.

« ▬ Il fait plus videur que propriétaire... » S'interrompant, sourire en prime, la doctoresse reporta son regard sur son ange gardien de bar. « Je ne me fais pas d'idées sur les vampires. J'ai toujours plus imaginé des Lestat que des Edward, à vrai dire. Tout de suite moins romantique, hein ? »

Le regardant posément s'éloigner, la rouquine en profita pour s'installer plus confortablement contre le bar afin de surveiller l'armoire à glace en question. C'était une certitude, imaginer ce type d'homme vêtu d'une peau de dix-huit carats était assez difficile. Le voir prendre un bain de sang, par contre, correspondait mieux à l'image des quelques vampires de sa connaissance, sinon qu'ils avaient des chances d'être moins âgés. Avec une taille pareille, il n'y avait de toute façon que deux solutions : Soit il était vraiment vieux, soit très jeune. Question de logique par rapport aux époques. Dès que Scott revint, elle lui rendit toutefois toute son attention, glissant sa main sur le verre de Jameson avec un sourire pour le moins ravi. Définitivement, gagner contre lui avait une saveur toute particulière.

« ▬ Tu penses qu'il nous entend à cette distance et avec ce bruit ? » D'un mouvement de la tête, la métamorphe désigna le géant des steppes. « Cul sec, MacFarlane, ce sera déjà un début. »

Sans se faire elle-même prier, et après avoir soigneusement trempé la pulpe de ses lèvres dans le précieux liquide, l'irlandaise avala son verre d'un mouvement de professionnelle avant de le reposer, le faisant discrètement glisser vers le barman pour bien faire comprendre qu'elle ne comptait pas s'arrêter. De même, son corps se faufila par-dessus le comptoir, mettant en valeur son décolleté tandis qu'elle approchait sa bouche de l'oreille de son amant d'un soir.

« ▬ Si tu veux plus, il va falloir jouer... » Lentement, son regard parcourut la salle avant de revenir à son jouet. « Convaincs une vampire de te mordre. Quand ce sera fait, appelles-moi et laisses-moi goûter. Je veux connaître ta saveur. »

Satisfaite, la belle pencha la tête de côté comme un animal à l'affut. Ce soir, rien ne serait facile. La raison ? Elle était ici pour expérimenter. Si Scott pouvait lui donner l'occasion de tester quelque chose de nouveau, alors elle tenterait le tout pour le tout. De là à dire qu'il relèverait ce type de défi sans s'être resservi un verre de MacAllan avant, c'était à voir.

Jouer avait toujours été une activité que Scott aimait à pratiquer ; s’il y avait eu des jeux olympiques de défis crétins, pour sûr qu’il aurait été le premier à y participer –et à décrocher le titre de champion toute catégorie ? Aux provocations de la rouquine comme à toutes les perches qu’on lui tendait, il répliquait avec ferveur, n’en ratant pas une pour renvoyer la balle dans le camp adverse, parfois à ses dépends. Pour le moment, il ne prenait pas d’autre risque que de se retrouver couvert de MacAllan, attendant ce défi qui viendrait par venir avec un indécrottable sourire. Agaçant, hein ? Et pourtant, elle en redemandait, faisant même l’impasse sur cette rancoeur qu’elle avait paru lui porter... A moins qu’elle ne prépare un mauvais coup pour se venger définitivement ? Qu’importait : tant qu’il s’amusait, Scotty était prêt à tous les risques, en bon crétin inconscient qu’il était.

« Fais attention à toi, je pourrais prendre tes problèmes de mémoire à coeur. Pur souci médical, bien sûr. »

Etrangement, un écossais en bon samaritain, on avait du mal à y croire : surtout si l’on comptait l’étincelle étrange qui brillait dans son regard, et que Siobhan faisait bien de ne pas exciter davantage. Un homme aussi facile que lui aurait vite fait de s’emballer et de ne plus se consacrer qu’à la belle pour le reste de la soirée –ce qu’il faisait déjà en partie au vu des regards lourds de reproches que sa collègue lui lançait ; aussi lorsqu’elle déposa ses doigts fins sur sa joue, il se laissa volontiers hypnotiser par ses yeux d’un bleu électrique, bien qu’il ait déjà pu les contempler d’aussi près dans de toutes autres circonstances. Aucun doute là-dessus : l’Irlande avait ses charmes et en avait gracieusement fait don à Shreveport. Cadeau empoisonné ? Sûrement un peu, mais le barman n’était plus à un danger près, surtout lorsqu’il se présentait dans une robe noire délicieusement révélatrice.
Cette fois-ci, il répondit d’un simple sourire éloquent, plongé dans le regard brillant de la métamorphe. Charmé par la belle ? ... Qui ne l’aurait pas été ? Il avait beau avoir déjà partagé son lit une fois, il ne pouvait que constater qu’elle avait toujours cette attraction sur lui, physique de rêve doublé d’un mordant redoutable. Aah, les femmes et leur mystérieux pouvoir !
Répondait à la demoiselle, il avait indiqué Eric d’un signe discret, pourtant pleinement conscient que son patron pouvait tout entendre à cette distance. Et comme les autres, sa cliente attitrée fut absorbée un instant par le grand viking, arrachant au bonhomme un sourire plus discret : même lui, grand hétérosexuel, avait au début eu du mal à détacher ses yeux du colosse, emprise vampiresque que son boss avait sur tout humain du Fangtasia.

« C’est tant mieux, tu serais déçue. Par contre, si t’aimes le côté sauvage, t’as de quoi faire. »

Dans un sourire qui en disait long, il s’était éclipsé un instant pour chercher le Jameson tant convoité, et servir quelques bouteilles de O négatif au comptoir, avant de revenir auprès de la jeune femme. Il lui servit un verre, captant sans mal son sourire vainqueur ; tss, ça n’était que partie remise, jamais il ne se laisserait dominer par une femme, toute diablesse qu’elle soit, fierté d’écossais –d’immigré ?- oblige. Sans parler du côté irlandais, vieille rivalité territoriale qu’on avait transmise au roux depuis ses jeunes années, en faisant un nationaliste pur et dur ; il ne pouvait admettre de défaite face à une rouquine de l’Eire, aussi séduisante qu’elle soit.

« S’il prend la peine de nous écouter, y a des chances. Ils ont l'oreille plutôt fine. »

Pris au défi, il avala son verre sans broncher, se redressant un instant pour la resservir –non sans un regard interrogateur quand il inclina la bouteille au-dessus de son propre verre, barman à l’air trop docile pour ne pas être moqueur. Il reprit rapidement ses marques sur le bar, s’y accoudant avec un air nonchalant. Malheureusement trop près de la rouquine pour pouvoir jeter un oeil dans son décolleté, il profita en contrepartie de sa voix suave et de son parfum tout aussi enivrant. Jouer, hein ? Un sourire apparut sur ses lèvres le temps qu’elle n’embrasse la salle du regard, sourire qui disparut tout aussi vite quand elle annonça les conditions.

« Quoi ? »

De nouveau à une distance respectable, Scott la regarda avec un air incrédule. Et l’expression joueuse –mais sérieuse- de la demoiselle lui indiqua qu’elle ne se foutait pas de lui, et qu’elle tenait vraiment à le mettre en danger pour son bon plaisir. Tout homme avec un minimum de jugeotte aurait décliné sa proposition ; le prix n’en valait sûrement pas la chandelle. Tous, sauf Scotty : un grand sourire vint prendre le relai sur ses traits, et il avala d’un trait le nouveau verre de Jameson.

« Derrière le bar, dans cinq minutes. »

Sans perdre plus de temps, remonté à bloc par la déferlante d’adrénaline dans ses veines, Scott attrapa sa collègue par le bras, lui annonçant qu’il prenait dix minutes de pause. En échange de sa liberté, elle lui confia deux tables à servir, occasion parfaite pour se trouver une partenaire de jeu assez dévouée pour le mordre... Et surtout s’arrêter avant de le vider de son sang. Jeu dangereux, mais assez excitant pour pousser le bonhomme à une telle crétinerie.
Armé de ses bouteilles de Tru Blood, il servit à la première table uniquement composée de mâles, avant de se tourner vers la deuxième, où se trouvait, comble du miracle, la vampire qu’il avait maladroitement tenté de draguer un peu plus tôt dans la soirée. Siobhan put le voir se pencher à son oreille, réussir son coup on ne sait trop comment, et disparaître à l’extérieur en compagnie de la vampire.

Quelques minutes plus tard, Scotty se trouvait seul, à fumer un cigarillo près des poubelles du Fangtasia, une main sur son cou encore saignant. C’est que la demoiselle avait eu la décence de s’arrêter à temps, même s’il la suspectait de s’être servie comme elle l’entendait. D’où un teint un peu plus pâle, et ce léger vertige. Elle avait intérêt à débarquer avant qu’il ne fasse une syncope !

Un jeu entre le rouquin et la rouquine, c'était un peu comme une boîte de chocolats. On ne sait jamais sur quoi on va tomber, mais on continue quand même, gobant un blanc innocent qui se révèle rempli d'alcool, un aux noisettes, voir parfois le seul chocolat qui n'en est pas vraiment un. Trop de rouge en son centre, s'écoulant par gouttes le long des lèvres de l'impatient, avec cette petite note cuivrée qui dilate les papilles et cause l'effroi du gouteur. C'était ça, la nouvelle société, celle qui intégrait les vampires et leurs sucreries favorites dans un rayon humain. Tout ça pour dire qu'aussi stupide pouvait paraître leur petite guerre amicale, celle-ci pouvait facilement tourner à quelque chose de plus dangereux. L'irlandaise le savait. L'écossais le savait. C'était peut-être ça qui les liait si fort malgré la honte qu'elle ressentait d'avoir couché avec lui et la rancœur qu'elle lui gardait d'avoir prit la fuite au réveil. A moins que ça ne remonte déjà à bien plus loin, comme le moment où il l'avait embrassée avec toute la fougue d'un homme sous l'effet du Vi ? Allez savoir. Quoiqu'il en soit, elle préférait tenter de garder ses souvenirs sagement rangés dans un tiroir afin de ne plus prendre une sublime teinte écrevisse. « Fais attention à toi, je pourrais prendre tes problèmes de mémoire à cœur. Pur souci médical, bien sûr. » Dommage que cet idiot passe son temps à récupérer la clef qu'elle s'acharnait à jeter le plus loin possible. Mais ne cherchez pas, elle avait décidé d'être un peu plus charmante pour changer, et un verre du plus précieux alcool que son ennemi territorial possédait était déjà une vengeance assez agréable en soi. Pour une seule soirée, tout du moins.

« ▬ C'est tellement gentil de ta part, mais question médicale, je suis déjà suivie. Inutile qu'on rejoue au docteur. Mais si tu as besoin d'une infirmière, on peut s'arranger... »

Quand on se prétend succube, on s'en donne les airs, et en la matière, la belle rousse avait pas mal d'insinuations à revendre. C'est qu'il n'était pas question, maintenant qu'ils avaient commencé à jouer, qu'il se détourne d'elle par désintérêt. Non, tout était bien plus amusant quand on titillait un crétin fini, pervers de son état et poivrot dans l'âme qui ne se faisait pas prier pour participer à l'attraction du soir. Sans les regards meurtriers de la demoiselle qui servait avec lui au bar, ça aurait été parfait. A moins que le sourire que l'irlandaise accorda à cette dernière ne fut qu'une manière supplémentaire de la narguer en lui faisait remarquer qu'elle était consciente d'empêcher le nouveau barman de bosser ? Oui, Siobhán était gentille, mais provoquer était amusant. Un passe-temps comme un autre, toujours moins dangereux que de courir après le sang des mort-vivants. Et en parlant d'eux, il était temps d'en revenir à ce qui l'avait attirée au Fangtasia à la base. Pas Scott, eh non. Ça, c'était juste un bonus une fois passée la surprise et la colère du départ. Abordant le sujet, le regard électrique de la demoiselle suivi le doigt du roux pour scruter le visage marmoréen du patron des lieux. Un homme sublime, il fallait le reconnaître, qu'importe sa race. « C’est tant mieux, tu serais déçue. Par contre, si t’aimes le côté sauvage, t’as de quoi faire. » Pendant une seconde, elle fut tentée d'en demander plus. D'abuser un peu de son attrait sur son compagnon pour se voir ce qu'elle pouvait en tirer au sujet du géant blond qui ne leur accordait pas même un regard. Plus précisément, il n'en accordait à personne, se contentant de faire le piquet, admiré par tous, humains comme humains aux environs. Il fallait lui reconnaître un certain attrait. Signe de vieillesse ? Même sans ça, il devait déjà faire fureur à son époque. Plissant les yeux sur l'éclat curieux qui y brillait, la métamorphe continua d'observer le vampire pour laisser le temps à son amant d'un soir d'aller récupérer la boisson et de faire un peu son job - Elle le vit du coin de l'œil accorder un sourire joyeux à sa collègue. A croire que ça suffirait à effacer la dette qu'il lui devrait inévitablement le lendemain. « S’il prend la peine de nous écouter, y a des chances. Ils ont l'oreille plutôt fine. »

« ▬ Espérons pour ta survie qu'il ne tend donc pas l'oreille. »

Et dans un haussement de sourcil perplexe, elle s'en remit entièrement à son alcool, lançant au passage son premier défi - très simple, trop même - de la soirée pour le suivre d'elle-même pour montrer l'exemple. Et d'un shot de Jameson, un ! Et bien entendu, par fierté masculine, son compagnon en fit de même avec son horreur écossaise, visiblement de joyeuse humeur. C'est qu'elle en avait presque pitié alors qu'elle inclinait la tête au mouvement qu'il faisait au-dessus de son verre. Vu le sourire qu'elle affichait, diabolique à souhait, elle pouvait bien lui accorder ce petit plaisir sans broncher. Par contre, étant que son argent était déboursé, elle se pencha brièvement en avant pour attraper la bouteille de son pays pour se verser à elle-même un nouveau verre, faisant preuve d'un manque de gêne total. Ce n'est qu'en le portant à ses lèvres pour y glisser le bout de la langue qu'elle énonça enfin ses nouvelles conditions. Pas des moindres, voilà quelque chose dont on pouvait être sûr, et susurré avec un tel aplomb qu'on pouvait difficilement douter du sérieux de la proposition. Une véritable petite roulette russe dans les règles de l'art. « Quoi ? » Rien que pour la tête qu'il tirait, la satisfaction était totale. Pour le recul également. L'écureuil prit une petite gorgée de son délicieux nectar, ses yeux brillants d'une convoitise qui témoignait clairement de son amusement présent. Et comme pour lui faire davantage plaisir, il retrouva un sourire tout à fait charmant avant de vider net son verre. Ça suffisait pour savoir que c'était gagné. « Derrière le bar, dans cinq minutes. » Le regardant s'éloigner aussi sec, le sourire fraichement arrivé de la doctoresse en herbe s'agrandit. Terminant son verre assez sereinement, la belle souffla une phrase que ce crétin n'entendrait jamais de façon franche.

« ▬ MacFarlane, tu es fou... Et j'aime ça. »

En plus le chronométrage était parfait pour avoir le temps de faire signe à la barman restante pour se faire servir un nouveau verre et prendre le temps de le savourer tout en observant le petit manège du Scotty des bois. Hum, c'est que l'air de rien, même sans l'alcool et la drogue, il se débrouillait plutôt bien. D'accord, l'appel du sang était une chose tentante pour un cadavre, mais de là à suivre l'écossais, la rouquine n'y aurait pas cru si son regard n'avait pas suivi intensément la scène. Dès qu'elle vit la cible revenir, visiblement très satisfaite, à sa place originelle, la métamorphe se releva gracieusement, repositionnant sa robe au passage, et emprunta le même chemin pour rejoindre son jouet dans la ruelle derrière le Fangtasia, tout sourire, lui offrant la vue du décolleté et de ses jambes vertigineuses presque entièrement découvertes pour mieux soigner son cœur meurtri. S'approchant d'une démarche féline, la belle glissa une main sur le torse de cet adorable écossais, prenant le temps d'observer la blessure. Oh, ce serait réglé une fois la récompense principale donnée, mais question d'habitude, elle n'avait pas l'envie de le voir s'effondrer tout de suite.

« ▬ Attention MacFarlane, je vais finir par te respecter. Maintenant, la main... »

Et sans attendre d'autorisation, la belle utilisa sa main libre pour soulever celle du roux, prenant soin de la garder dans la sienne, paume contre paume, lui transmettant de fait sa chaleur surnaturelle. C'est en se dressant sur la pointe des pieds que les lèvres de la métamorphe atteignirent les deux petits points rouges qu'elle titilla du bout de la langue, curieuse. Cuivré. Oui, cuivré, mais il y avait aussi une espèce de goût... Fruité. A croire que l'alcool lui réussissait bien. Dans l'action, ses mains s'étaient un peu serrées, retenant son cobaye en otage, et elle se permis d'aspirer un peu plus franchement avant de nettoyer la blessure en la léchant soigneusement, le côté animal prenant le pas sur l'humaine. Rien que le regard d'un doré profond parlait de lui même. Détachant la pulpe rougie de sa bouche de cette source étrange, elle chuchota tout contre sa peau, approchant son corps brûlant du sien :

« ▬ Défi gagné. Tu as un goût... Particulier. Et le droit à ta récompense, bien sûr. »

Récompense qui se trouvait présentement dans le sac à main qu'elle avait automatiquement lâché à terre et qu'elle ne pouvait prendre le risque de ramasser, de peur qu'il remarque à nouveau ses yeux luisants dans l'obscurité, sans éclairage disponible pour l'expliquer.

Scott ne se lassait toujours pas de ce petit jeu aussi innocent qu’il pouvait tourner dangereux dès que les échauffements étaient terminés : en l’occurence, la rouquine le titillait toujours avec des propos éloquents, qu’il valait de fait mieux ne pas prendre au premier degré... Du moins pas après leur nuit de débauche et sa fuite criminelle à l’aube. Et c’était là un exercice terriblement difficile pour l’écossais, plus habitué à annoncer franchement la couleur plutôt que de tourner autour du pot dans une parade qui se faisait presque amoureuse. Flirter oui, mais seulement s’il y avait récompense au final ; et avec la rancoeur farouche que Siobhán avait encore pour sa pomme, il ne savait s’il y avait là lieu à espérer quelque chose –parce qu’il est bien connu qu’un roux est toujours partant pour une partie de jambes en l’air improvisée. Surtout quand on a un matériau tel que celui-ci sous la main, appréciation de mâle qu’un coup d’oeil trop appuyé dut révéler à l’irlandaise. Aucun risque ce soir qu’elle ne perde ne serait-ce qu’un centième de son attention –même le vampire à qui il servit une bouteille de Tru Blood n’eut droit qu’à un bref sourire commercial. Pour sûr que sa collègue lui ferait payer, si Eric lui-même ne lui attribuait pas un mauvais point pour bavardages.

« J’accepte de me faire ausculter à condition que l’infirmière soit en uniforme, et surtout plus douce que la dernière fois. J’ai failli y perdre un bras. »

S’il restait crétin, au moins avait-il le mérite de ne pas énoncer franco de quelle situation délicate il parlait, celle-là même que sa cliente attitrée tentait de reléguer aux tréfonds de sa mémoire. Pourquoi s’échiner à oublier ce qui avait été parfait en tout point ? Aux yeux de Scott, c’était absurde, idiot imbibé d’alcool –et de Vi ?- qui ne considérait pas le quotient « Abandon au petit matin » comme assez importante pour supplanter la fameuse nuit. Réflexe de mâle qui lui avait valu de nombreuses baffes et une certaine dose d’incompréhension : plutôt que de chercher à comprendre ce qu’il avait pu éventuellement faire de mal, il avait relégué l’ensemble de l’espèce femelle à trop compliquée pour eux, les hommes.
Puis comme souvent avec les clientes humaines, le sujet Eric avait été amené sur le tapis, arrachant à Scott un sourire aux teintes nouvelles. Un brin de jalousie ? Certes, son patron était classe, et même lui se retrouvait parfois à l’observer à travers la salle, mais il se devait d’être la principale attraction de Siobhán ce soir, et ce même s’il devait obéir à ses désirs les plus sadiques.

« Ma survie ? Notre survie, tu veux dire. »

Elle fournissait, il consommait, pas de doute que si Eric venait à l’apprendre, tous deux passeraient un sale quart d’heure. Lui pour être son propre employé, elle pour dealer sans vraiment le vouloir –ses services étaient tout de même gratuits... Sur le principe. Pourtant pas effrayé pour deux sous, il lui adressa un sourire joueur, avant de répondre au premier défi de la soirée, trop simple pour ne pas être relevé dans l’immédiat. Le verre de Jameson –cochonnerie irlandaise- envoyé au fond de ses boyaux, il eut à peine le temps de se resservir qu’elle se saisit de la bouteille, devançant l’alcoolique de service qui avait fait passer son verre avant le sien –la faute à l’attraction qu’exerçait sur lui le liquide ambré, encore une fois. Et sur quoi mettre la faute quant à sa folie du soir, soit une réponse positive au défi sadique de la demoiselle ? Pour se donner du courage, il avait terminé son verre d’un trait, laissant sans le moindre regret la bouteille de Jameson derrière lui pour la promesse d’une drogue autrement plus forte. Laisser sa nuque à la merci d’une vampire assoiffée ? Faisable quand on s’appelait MacFarlane, qu’on était un peu –beaucoup ?- con, et qu’on relevait tous les défis lancés, compétiteur de choix boosté par sa fierté d’homme et de crétin fini.

Ainsi, il s’était retrouvé là derrière le Fangtasia, une main couverte de sang plaquée sur deux trous fraîchement creusés dans son cou, attendant l’investigatrice du défi non sans quelques grimaces de douleur. De une, la morsure elle-même n’avait pas été une partie de plaisir, malgré la proximité de la charmante vampire : Scott n’avait pu se focaliser sur autre chose que les deux crocs plantés dans sa chair, et le sang qu’on lui pompait généreusement. Dire qu’il n’avait pas eu peur qu’elle ne puisse s’arrêter à ce moment-là aurait été mentir éhonteusement. Deuxièmement, le sang dégoûlinait toujours des blessures, tâchant son T-shirt et le rendant autrement plus pâle. Et Scott ne pouvait qu’espérer qu’elle se dépêche, se prête à son rituel étrange et lui donne une dose de Vi, récompense autrement plus appréciable qu’elle le ferait décoller et oublier cet instant peu agréable. Il en était venu à maudire son incapacité à se rouler un joint lorsqu’elle arriva finalement, cette lueur particulière dans le regard : il répondit par un sourire un peu plus faible que les autres, rendu mal en point par cette expérience qu’il ne réitèrerait pas de sitôt –il n’eut même pas la force de jeter un coup d’oeil à son décoletté. Elle allait finir par le respecter ? Son sourire se fit plus amusé, et il lui céda son torse et sa main sans broncher, pas franchement enclin à lui résister.

« Dépêche-toi qu’on en finisse. J’ai autre chose à faire que de me vider de mon sang, moi. »

Heureusement pour lui, elle s’exécuta rapidement, apposant sa langue contre sa blessure. Scott ferma les yeux, étrangement grisé par ce contact qui se faisait sensuel, et qui aurait été autrement plus appréciable si elle n’avait pas été présentement en train d’aspirer son sang. Masochiste oui, mais pas assez pour se délecter du traitement qu’on lui infligeait : pour lui, la lubie de la rouquine était légèrement glauque, mais qu’importait au final, un défi était un défi et... On pouvait considérer ça comme l’équivalent d’un suçon, non ?
Il rouvrit les yeux lorsqu’elle détacha sa bouche chaude de la morsure, une irlandaise brûlante tout contre lui, contact qu’il prit même le temps d’apprécier. S’il ne lui avait pas fallu sa dose de Vi là, de suite, Dieu sait qu’il en aurait profité ; presque à regret, il s’accroupit auprès de son sac à main, oublia toute notion de politesse –l’avait-il seulement jamais eue ?- pour effectuer des fouilles non sans un regard appuyé aux jambes vertigineuses qu’il avait à peine quelques centimètres devant lui. Il retint la réplique crétine, se contentant de lever le nez un instant avec un sourire trop éloquent pour qu’elle ne puisse deviner ce qui se tramait dans son crâne d’homme –simple éclat dans ses yeux bleus ?-, et baissa les yeux pour tomber sur une fiole de Vi, dont il se saisit en même temps qu’un mouchoir. Bon élève, il eut les gestes du consommateur consciencieux, déchira deux petits morceaux du Kleenex, sur lesquels il déposa une goutte chacun d’une main tremblante. Il se releva, trop proche de Siobhán pour s’apercevoir que le fameux éclat n’était autre qu’un iris radicalement différent du bleu habituel, plaça sa dose sur sa langue, faisant passer son propre bien-être –et sa blessure de guerre- avant un partage qui lui aurait fait perdre encore quelques litres de sang.
Puis il déposa sa main libre au creux de la taille fine de la demoiselle, plaçant entre eux deux une paume ouverte –et tâchée de sang- sur le morceau restant, avant de glisser sa bouche contre son oreille, le Vi électrisant d’abord doucement ses sens, reconstituant la chair malmenée dans sa nuque.

« C’est un voyage qui se fait à deux, Byrnes. »

Admettre qu'elle commençait à apprécier son ennemi juré, voir même à lui trouver un certain charme ? Jamais de la vie. Autant ses sourires voulaient à tout prix la dénoncer en disant le contraire, la belle préférait de loin se persuader qu'elle ne faisait ça que dans le but de lui donner satisfaction. De plus, lui laisser croire qu'il avait ses chances pour la jouer gentleman cambrioleur au petit matin, à nouveau, était divertissant. Tout en lui l'était, à vrai dire. Ceci dit, il ne l'aurait pas une deuxième fois. Pas même pour tout l'or du monde. Soyons sérieux. Pas vrai ? Malgré tout, cet échange en sa compagnie était amusant, bien plus que ce qu'elle avait prévu d'effectuer en cette soirée quand elle avait mit les pieds dans le Fangtasia. A choisir, échanger piques moqueuses et drague discrète avec un écossais restait autrement plus agréable que tenter de convaincre un vampire de lui offrir quelques gouttes de son sang pour le bien de la médecine. Et encore, quand elle précisait le pourquoi du comment. Ceci dit, à se faire déshabiller du regard par un barman totalement allumé avait de quoi détourner vos pensées de n'importe quoi, même de la chose la plus déprimante du monde, si déprime il y avait. « J’accepte de me faire ausculter à condition que l’infirmière soit en uniforme, et surtout plus douce que la dernière fois. J’ai failli y perdre un bras. » Touché, coulé. Le rouge monta à nouveau aux joues de la belle, la poussant à avoir un réflexe particulièrement mature : Elle lui tira la langue. Heureusement pour sa pomme qu'elle n'avait pas le costume d'infirmière perverse à portée, tout au plus sa blouse blanche obligatoire dès qu'elle allait faire son travail d'interne à l'hôpital. Quoique le connaissant, si il n'y avait rien sous la chemise, ça pouvait encore lui suffire. Après tout, ce n'était pas comme si il s'était attardé sur les détails vestimentaires, le tissu ayant assez rapidement quitté leurs corps brûlants pour mieux passer aux choses sérieuses la dernière et seule fois qu'ils s'étaient vus.

« ▬ Plus douce ? Ça va être difficile. Tu devrais pourtant savoir que dans le métier, la douceur n'a pas sa place, surtout quand on est consumées dans les flammes de l'instant... »

Un peu de franchise masquée ? Autant faire un effort. Il n'avait pas été terrible sur tous les points. Juste sur la partie homme qui ne regrette rien, et surtout pas son manque de politesse sur l'heure du départ. Dire que dans l'histoire il était à peine le deuxième sur la liste des hommes connus... Oui, mieux valait oublier ça, définitivement. Et passer à un autre sujet. Genre, celui de sa mort de sa mort prochaine si l'immense vampire trônant au fond de la salle avait la malchance de tendre l'oreille à leurs insinuations. « Ma survie ? Notre survie, tu veux dire. » Un petit rire fut la seule réponse qu'il reçut de sa compagne de beuverie tandis qu'elle prenait ses aises vis-à-vis de l'alcool qu'il avait laissé à portée d'elle. Lui préciser qu'elle avait plus de chances de fuite que lui n'était pas nécessaire, ni intelligent. Trop de secrets se cachaient derrière cette seule idée, à commencer par une double nature qui lui offrait le loisir de fuir autrement plus vite qu'il ne l'avait fait au petit matin. Pour autant, il était bon d'avoir la confirmation que cet Eric ne serait pas tendre avec elle si son trafic venait à se faire connaître de lui. Sans en avoir l'air, Scott lui donnait là une information importante. En somme, entre les pensées liées à ce sujet et une vague inquiétude quant au fait que la vampire choisie par son compagnon puisse ne pas être capable de s'arrêter, ses cinq minutes de solitude passèrent à une vitesse hallucinantes. Et n'allez pas croire que l'idée de le laisser dans sa ruelle ne lui avait pas effleuré l'esprit le temps d'un dernier verre, loin de là. Heureusement pour lui que la pitié - vraiment ? - l'avait amenée assez rapidement jusqu'à lui. « Dépêche-toi qu’on en finisse. J’ai autre chose à faire que de me vider de mon sang, moi. »

« ▬ Ne t'inquiètes pas, je ne laisserai pas ça arriver. » Chuchota-t-elle tout contre son oreille. « La récompense sera à la hauteur du sacrifice. »

Après tout, il ne pouvait guère se plaindre totalement du traitement. La langue de l'écureuil s'était fait curieuse, exploratrice de cette peau et de ce sang qu'elle voulait connaître par cœur le temps d'une soirée, et c'est à peine si ce goût cuivré lui avait fait froncer les sourcils. Au contraire, le liquide chaud sur son palais n'était pas si désagréable. Pas si différent, quand on y pensait, que de prendre une petite dose de Vi, sinon que l'effet n'était pas pareil. Sur l'instant, la belle ne se gêna absolument pas pour coller son corps chaud comme la braise contre celui de l'écossais, loin de là, gardant une main relativement sage sur son torse afin de ne pas céder à une quelconque autre tentation. Le côté animal qui ressortait, sans aucun doute. Même ses yeux en témoignaient, mais il était hors de question de trop lui en montrer - Son soupçon précédent avait été suffisant pour une soirée, aussi ne bougea-t-elle que lorsqu'il se détacha d'elle pour mieux se permettre une fouille en règle dans son sac, ce qu'elle observa sans rien dire. Après tout, son contenu n'avait rien d'exceptionnel en dehors de la boîte contenant son matériel médical et l'unique fiole de sang de vampire qui lui restait, chose qu'il trouva assez rapidement, quand bien même avait-il prit le temps de remonter le long de ses jambes du regard, lui arrachant un sourire amusé.

« ▬ Je vois qu'on a amélioré sa technique depuis la dernière fois. »

Appréciatrice ? Un peu, sans doute. Ne serait-ce que parce que la majorité de ses clients n'en avaient rien à faire de ses mises en garde quant à une consommation trop élevée d'un liquide aussi précieux. Pas qu'elle appréciait l'utilisation de ce dernier en tant que simple drogue non plus, mais de temps à autre... Eh bien, ça ne faisait pas de mal. Faire sa propre expérience de ce qu'on fournissait, et ce malgré les bonnes intentions, faisait partie des enseignements de bases quand il ne s'agissait pas d'un toucher rectal ou d'un autre truc du genre. Incapable de se maîtriser pour cause d'instincts sur développés sur le moment, la rousse sentit un frisson de plaisir remonter le long de sa colonne vertébrale au toucher de son compagnon, posant son regard sur le bout de mouchoir contenu dans le creux de la paume de Scott. « C’est un voyage qui se fait à deux, Byrnes. » Doucement, le sourire de la métamorphe s'esquissa. D'amusement, d'envie, de nervosité ? Qui sait. La seule chose à retenir fut sans doute son léger mouvement pour se pencher jusqu'à cette main tendue, volontairement sensuelle quand elle y glissa sa langue, récupérant sa dose et nettoyant le sang répandu avant de se porter à nouveau au visage de son vis-à-vis, venant frôler ses lèvres des siennes tout en gardant son regard fermement planté dans le sien.

« ▬ Toujours à deux, MacFarlane. »

Au petit chaperon rouge de se faire loup alors même que ses sens ne faisaient que s'étendre, lui permettant de distinguer chaque détail de l'iris du roux face à elle. Sans le toucher, juste en le frôlant, parce que les frissons que ça éveillait dans son corps étaient presque aussi délicieux que l'aurait été le baiser échanger si elle s'était avancée de quelques millimètres. De fait, aimantée par un besoin animal, elle frotta légèrement son corps à celui du barman, repositionnant sa main sur son torse afin de mieux accrocher son t-shirt tandis qu'elle poussait un léger soupir d'extase. Lentement, désir et plaisir se mélangeaient. Le Vi avait cet avantage d'être mieux. Mieux que tout. Mieux que la transformation, mieux que le sexe, mieux que la vie. Plus dangereux, aussi, quand le contrôle commençait à disparaître peu à peu, ses yeux ayant adopté la même intensité qu'un soleil levé en pleine nuit, scintillants de gourmandise. La récompense en venait presque à lui faire oublier sa rancune.

« ▬ Feu et glace. Incendie et tsunami. Savais-tu que tu étais un dangereux personnage, pour un écossais ? »

Certes, le discours aurait put paraître étrange dans une autre situation, mais sa main libre venait jouer dans les cheveux cuivrés de son vis-à-vis suffisaient à attiser son besoin de violence. Non pas qu'elle allait le manger sur place, n'exagérons rien. Il n'empêche que l'irlandaise de leur première soirée était de retour, aussi dangereuse qu'elle prétendait qu'il l'était, aussi soudaine quand elle prit le soin de retenir une mèche entre ses doigts tout en produisant un léger ronronnement. Tout tournait autour d'eux, et en parfaits contraires ils semblaient tourner dans un sens contraire. C'était grisant, unique. Tellement bon qu'elle rit pour la première fois de la soirée de bon cœur, joyeuse comme si un tas de feux d'artifices avaient décidés d'exploser autour d'eux dans une gerbe de couleur brûlante.

Heureusement pour Scotty, la rouquine était une femme de parole ; quelques minutes plus tard, elle arriva pour abréger une souffrance qu’elle avait elle-même déclenchée, avec le bon consentement du barman qui ne regrettait pourtant rien. C’est qu’elle avait ses méthodes pour arriver à ses fins : un chuchotis à l’oreille pour lui faire oublier ses malheurs, et une façon d’opérer plus douce que ce que Hanna la brute lui faisait régulièrement subir. A l’évocation de sa récompense, un sourire vint se dessiner sur ses lèvres, tandis que l’irlandaise retirait délicatement sa main de son cou sanguinolant, et y aposait sa bouche pulpeuse, tout en ne se privant pas d’un rapprochement supplémentaire : en un clin d’oeil, toute distance qui les séparait avait disparu, étrangeté qui pourtant trouvait sa place dans la logique de cet instant lui aussi particulier, où alcool, sang et douleur se mêlaient. Pas étonnant qu’ils aient tous deux finis dans le même lit durant leur dernière rencontre. Il n’y avait qu’à voir le naturel avec lequel le corps chaud de l’écureuil venait se coller contre le sien.

Puis les choses sérieuses débutèrent : Scott se pencha pour fouiller sans gêne dans le sac de Siobhan, l’esprit embrumé par la douleur, les quelques verres enchaînés un peu plus tôt et ce goût cuivré qu’il sentait déjà sur sa langue. Il prit néanmoins la précaution nécessaire, imbiba une seule goutte du liquide comme elle le lui avait appris.

« Faut dire que j’ai eu un bon professeur. Je tiens pas à faire une overdose de ce truc. »

Il se releva avec l’arme du crime, glissa une main dans son dos et décolla, enfin. Il sentit les deux trous dans sa nuque se reformer, et bientôt ne resta plus que les traces sanguinolantes sur sa clavicule. Il sentit la Terre tourner sous ses pieds, l’odeur acide du goudron, la présence rayonnante de la rouquine, qui retint sa tête de venir trouver le mur derrière lui, le captivant de son regard animal. Il entendait son coeur battre, sa peau frémir lorsqu’elle s’approcha, frôlant ses lèvres des siennes, absence de contact qui pourtant, le comblait totalement. Pas besoin de sexe quand on avait du Vi... Même si la fois précédente, ils avaient cédé sans plus de cérémonie, et que la façon dont elle se frottait contre lui aurait affolé un Scott clean. Mais le Scott sous Vi y trouvait là son compte, un sourire béat bientôt sur ses lèvres : les cheveux de Siobhan s’étaient transformés en flammes rouges, ses iris étaient maintenant des soleils. Il sentit sa main glisser dans ses cheveux, glissa la sienne dans sa nuque, le bord de sa paume contre l’angle de sa mâchoire, la sentit vibrer sous ses doigts.

« Non non non... C’est toi qui est dangereuse pour deux, tu es une louve... »

Son rire se mêla au sien, preuve de l’extase dans lequel le plongeait le Vi, auquel on ne pouvait comparer aucune autre drogue. Le temps n’avait plus d’importance, rien d’autre que cet instant n’avait plus d’importance, parce qu’il était là, qu’il était vivant, et qu’il se sentait bien. Tellement bien qu’il se pencha sur le cou de l’irlandaise, dégagea ses cheveux de cette main qui masquait son cou jusqu’alors sans même se brûler, et huma son odeur, d’abord près de son épaule, jusqu’à l’os de sa mâchoire, avant d’enfouir son nez dans le creux de sa nuque, un sourire toujours aussi extatique aux lèvres : le Vi lui faisait repousser ses limites, faisait flancher les quelques barrières qu’il s’était imposées en temps normal. Parce qu’en temps normal, Siobhan lui aurait déjà arraché la tête pour oser une telle igniominie, qui pourtant était dénuée de toute intention plus tendancieuse. De la tendresse et de l’extase, c’était tout ce qu’il avait, tout ce qu’il recherchait en frottant légèrement sa joue contre l’épaule nue de la jeune femme, sentait sous sa peau le sang qui y coulait, les muscles qui y travaillaient.

« Sio, ta peau, elle est, elle est... Tu sens bon, c’est doux, et ton corps, je le sens, là... »

Son autre main glissa de sa taille à son ventre, là où tout passait, là où toute l’énergie se canalisait. C’était formidable, de pouvoir ressentir quelqu’un comme ça. Pour sûr que le Scotty de tous les jours y auraient vu là un bon moyen d’arriver à ses fins cette fois encore, mais ce soir, il n’était que contact simple, le Vi l’avait rendu doux comme un agneau... Dans une certaine limite ?

A vrai dire, l'irlandaise avait du mal à se faire à l'idée qu'elle avait... Pitié de l'écossais. Oui, voilà, pitié. Mauvaise foi ? Peut-être un peu. Mais il était un fait qu'elle ne pouvait nier, c'est que si l'idée de l'abandonner sur place l'avait titillée durant quelques minutes, elle avait été incapable de s'y résoudre. Les sentiments de la future doctoresse qui s'étaient hérissés contre l'image d'un homme saigné à blanc dans une petite ruelle ? En partie. L'autre partie, toutefois, lui glissait qu'elle appréciait le roux, sans doute parce qu'il faisait un punching-ball exemplaire et qu'il faisait montre d'un instinct de survie semblable au sien, soit inexistant, ou presque. Alors oui, le voir imbiber le kleenex d'une seule goutte l'avait un peu surprise au début, mais rassurée tout à la fois. Il voulait planer, voler, survoler les étoiles, mais pas au risque de disparaître comme une vulgaire lumière éteinte dans le ciel, mort que personne n'aurait remarquée. Tant mieux. Au fond, elle préférait le garder à portée, en bonne santé. « Faut dire que j’ai eu un bon professeur. Je tiens pas à faire une overdose de ce truc. » Ceci dit, malgré les bons réflexes, il en prenait déjà bien trop. La crédibilité quant au fait de le lui préciser alors qu'elle-même venait de glisser sans protester sa dose sous sa langue ? Inexistante, aussi préféra-t-elle garder ses inquiétudes pour elle, pour le moment tout du moins. Viendrait un jour où elle se soucierait un peu plus activement de ses faiblesses, quand son propre souffle ne serait pas en train de s'accélérer sous l'effet du Vi, décuplant ses sensations et inhibant toute morale. C'était là tout le plaisir. Un rien faisait frissonner sa peau, que ce fut la brise ou les doigts de Scott, et le monde se teintait de couleurs qu'il ne possédait pas d'ordinaire, pas en pleine nuit, même pour elle dont la vision possédait plus d'avantages que celle des simples humains. Jouer avec les flammes, voilà tout ce qu'elle voulait, caressant avec douceur la chevelure de son compagnon, la découvrant de feu tout en s'extasiant de ne pas s'y brûler. Oui, elle pouvait sentir tout. Même ce combat des forces dans le corps contre lequel elle se pressait sans arrières-pensées, juste dans le plaisir intense de sentir la vie sous ses doigts. De fait, il répondit aussitôt à ces mots qui avaient franchis ses lèvres avant de passer par la case cerveau, d'un simple « Non non non... C’est toi qui est dangereuse pour deux, tu es une louve... » qui lui arracha un rire aussi carillonnant qu'une cascade.

« ▬ Si tu savais, Scott... Je suis plus qu'une louve. Bien plus que ça. »

C'est vrai après tout, elle était un écureuil. Mais au-delà de ça, elle pouvait être autre chose. Quelque chose de plus grand, de plus impressionnant, une chose qui provoquerait autant peur que fascination. Elle le savait, plus que tout. Elle le sentait courir dans son sang comme une rivière de lumière qui lui chuchotait qu'un jour, elle pourrait se déshabiller au grand jour et sentir le vent sur sa peau, le soleil dans son cœur. Que personne ne serait choqué de voir la femme devenir animal, de rejoindre sa nature la plus profonde et s'y perdre, s'y perdre, s'y perdre... Si profondément que plus rien d'autre ne compterait. L'éclat mordoré se fit plus clair, de plus en plus ambré, comme deux lunes sanglantes dans un ciel trop clair. Ainsi était-elle en réalité, et ainsi se sentait-elle femme autant que bête à rejeter sa nuque en arrière pour mieux offrir sa peau à son vis-à-vis. Qu'il la sente. Qu'il la ressente. Plus intensément que jamais. D'ordinaire, elle l'aurait envoyé valser, mais ce soir était un autre soir, une nuit parmi les autres qui disparaîtrait au petit matin, goutte d'infinité perdue dans le temps. Quelle importance ? Inutile de se cacher, d'être quelqu'un d'autre, de se vexer quand tout fourmillait dans son corps, provoquant de longs frissons le long de sa colonne vertébrale alors qu'elle profitait de l'instant pour inspirer profondément l'odeur du roux. De la nature se dégageait de lui, quelque chose de différent, quelque chose qu'il ne connaissait pas encore. Le « Sio, ta peau, elle est, elle est... Tu sens bon, c’est doux, et ton corps, je le sens, là... » qui précéda le mouvement de la main du jeune homme déclencha en elle un réflexe. Doux, sans aucune connotation, juste de cette envie d'en montrer plus, d'être beaucoup plus. Lentement, la belle posa sa main sur celle du barman, y dessina un petit cercle avant de s'y appuyer afin de tout sentir à travers lui. De se sentir elle-même à travers la vie qu'il dégageait.

« ▬ Tu ne sens pas encore assez. Ce n'est jamais suffisant. Je suis autre chose, Scott. Je suis le vent, le soleil et les étoiles. La brise qui agite les feuilles et l'animalité qui se réveille au coucher du soleil. Regardes. Regardes mes yeux, plonges dedans, ressens-moi, ressens ma vérité. »

Si le sang de vampire avait une limite, ce ne serait pas ce soir qu'elle se ferait sentir. Demain matin, elle regretterait. Sans doute amèrement, plus amèrement que le wiskey ingéré au bar. Et pourtant ses yeux brûlaient tout sur leur passage, et petit à petit quelques poils roux commençaient à naître sur sa peau dans un tendre frisson, entourant son regard d'un maquillage animal. Elle aurait put être horrible à voir, effrayante. Ce n'était pas le cas. A croire que le Vi maîtrisait plus sa nature qu'elle, l'acceptait comme elle-même ne l'avait jamais fait, cette poussée se propagea à sa nuque, offrant un doux oreiller de chaleur à son compagnon. Une seconde, une ultime seconde. Et comme un rêve vite effacé, c'est à peine si cette transformation partielle dura alors même que Siobhán apposait son front contre celui de l'écossais, le regardant dans les yeux alors que main contre main elle le guidait à l'assaut de son corps dans le simple but qu'il la ressente, qu'il découvre tout ce qu'elle était tandis que son autre main lui caressait les cheveux, descendait doucement à sa nuque. Être soi-même dans cette explosion de flammes. Deux roux dans le noir, alors que pour yeux le monde n'avait jamais possédé autant de couleurs.

« ▬ Sûr de vouloir encore travailler ? Cette nuit est notre nuit. Pas celle des autres. »

Etait-il nécessaire de préciser que Scott planait pour le moment à plus de trois mille d’altitude ? Et, dans le même temps, il se trouvait plus proche de la terre qu’il ne l’avait jamais été, sentant tous ces fourmillements sous le bitume, les granulats et le calcaire qui se mélangeaient au goudron. C’était encore plus fort que ce lien qui l’y unissait déjà en temps normal, et s’il n’avait pas eu une rouquine contre lui, l’écossais se serait sans doute allongé pour mieux ressentir cet élément qui était le sien. Plonger sa main dans cet ensemble complexe de roches et d’hydrocarbures, atteindre la terre encore fraîche sous cette épaisse couche d’un mélange autrement moins naturel, mais appréciable à un tout autre niveau : Scott ayant toujours habité en ville, c’était pour lui un matériau qui faisait partie de son décor, de lui-même, au fond. Et les jours de pluie ne faisaient que révéler un peu plus cet odeur pleine d’artifices, qui pourtant l’appelait au plus profond de lui. Etait-il possible d’être un sorcier en communion avec la ville ? Un sourire naquit de cette pensée farfelue, sortie de nulle part. Lui, un sorcier ? Il n’avait de commun avec Ron que la chevelure flamboyante et la crétinerie à toute épreuve. Comme quoi la vérité sortait de la bouche des consommateurs de V.

Et puis il y avait Siobhán, rayonnante de vie et de chaleur, collée là contre lui. Sous l’effet du sang de vampire, Scotty s’improvisait poète, surfait sur cette vague d’amour et d’exstase. Si quelqu’un l’avait filmé là, et lui avait passé l’enregistrement quand il serait sobre, pour sûr qu’il croirait à un jumeau hippie trop niais pour être vrai. La façon dont il s’était blotti dans le cou de l’irlandaise, celle qu’il avait de respirer ses cheveux... Et ce sans même vouloir pousser plus loin leur échange, malgré la proximité, malgré cette nuit passée ensemble... C’était suffisant. Quel grand sage avait un jour dit que le V était mille fois plus intense que le sexe ? Au travers de ce simple contact, MacFarlane se transformait, sentait la vie, la nature se répéter au creux de la métamorphe, de son propre corps dans un écho infini. Bercé par la voix de sa cliente, il se laissait emporter dans cette toile complexe de flux vitaux, ces liens inextricables qu’il ressentait pourtant avec une clareté déroutante.

« Tout est lié. », fit-il dans un souffle, avant que Siobhán ne lui fasse connaître la Vérité au travers de ses iris. Il y lut le monde, la lumière et l’ombre, la Nature dans son entiereté ; il était en elle, dans l’univers, pouvait toucher les étoiles s’il tendait la main. Il se noyait dans ses yeux avec un sourire presque extatique, dévorant les informations qu’on lui délivrait, les secrets de la vie lui étaient enfin dévoilés. Le duvet roux qui fit siège sur le visage de la jeune femme s’inscrivit dans cette même continuité, découla de cette logique qu’il saisissait désormais : de sa main libre, il vint caresser la fourrure avant que celle-ci ne disparaisse, en revint aux prunelles dorées qui scintillaient à quelques centimètres. Sa main trouva son chemin sur le corps de l’irlandaise, guidée par cet ensemble merveilleusement agencé, ses yeux se fermèrent et pourtant, il n’avait jamais aussi bien vu, aussi bien distingué les choses.

« Cette nuit sera la plus belle, la plus grandiose. Tout reste à découvrir. »
« Scott ! Bordel, qu’est-ce que tu fous ? »

Il détacha son front de celui de Siobhán pour faire face à une collègue furieuse, à laquelle il dévoila une rangée de dents dans un sourire crétin, sans pourtant réagir. Les mots étaient superflus, inutiles dans cet échange où il ressentait la barmaid aussi bien que la rouquine qu’il avait dans les mains. Ce qui n’était visiblement pas du goût de la brune.

« Eric va te tuer s’il te trouve dans cet état... Si tu tiens à la vie, active ! »
« Prends-le temps de te pencher sur les choses, sur la vie... Tu n’es pas curieuse de savoir ce qui se cache derrière le miroir ? »
« Qu’est-ce que t’as pris bon sang ? Allez ! »

Exécédée, elle avait franchit les quelques mètres qui les séparait et avait arraché Scott à la métamorphe sans plus de procès, bien décidée à le remettre au boulot -et à le couvrir pour le restant de la soirée.

Heureusement pour la science et la médecine, la rouquine avait déjà suffisamment testé le produit que pour ne pas se retrouver totalement prise au dépourvu. Ou pas ? Oh, en fait, elle ne savait pas et s'en fichait complètement. Du moment qu'elle pouvait continuer à sentir la terre tourner sous ses pieds et saisir les étoiles dans le regard de Scott, elle ne demandait rien d'autre. Profiter de son sourire et de sa fraicheur quand elle paraissait si chaude à ses côtés, voilà tout ce qu'elle voulait. Ne pas gâcher cet instant, cette soirée avec des questions superflues, des analyses peu objectives et des pensées parasites. Pensait-elle encore, d'ailleurs ? Pour peu, libre comme elle l'était en cet instant, elle se serait envolée avec l'écossais pour rejoindre les étoiles dans leur ronde folle. Et puis non, pourquoi se compliquer la vie ? Elle pouvait se changer en étoile par elle-même et devenir le ciel dans son entièreté, infinie et incompréhensible. Pour la première fois de sa vie, Siobhán avait l'impression de faire partie de quelque chose, de se trouver au centre de l'univers, scintillante, insaisissable malgré sa lumière éblouissante. Et mieux encore, elle n'était pas seule. Elle ne le serait plus jamais. C'était du bonheur à l'état pur, brut, natif, volcanique. C'était mieux que tout. Mieux que l'alcool, mieux que le sexe, mieux que le Nutella et la glace à la vanille. Mieux que le Seigneur des Anneaux, que le Babyboom, que la fin du monde de l'an deux-milles. Mieux que le pas d'Armstrong sur la lune, que le crash de Roswell, que le Space Mountain, que la résurrection du Christ, que l'invention du feu, qu'Eve croquant dans la pomme, mieux que la défonce de Sade et les poèmes de Baudelaire. Mieux que la liberté. Mieux que la vie. Au fond, le bonheur n'était réel qu'en étant partagé. Là résidait, peut-être, la force même du sang de vampire. Ce don de vous faire prendre conscience que rien d'autre ne compte que l'instant présent, parce qu'il peut durer une éternité tant qu'on le désire.

Alors oui, l'irlandaise passait son temps à engueuler le barman et lui avait envoyé un verre plein de whiskey à la figure, sans parler d'une rancune tenace pour son départ au petit matin après une nuit de folie, mais... Oui, il y a toujours un mais. Le sien partait d'une incapacité à dire qu'elle appréciait quelqu'un, et surtout de le lui dire à temps. Peut-être était-il temps, ce soir, d'enfin se lier pour de bon à quelqu'un. Ronronnante, l'écureuil glissa son nez contre la joue de son compagnon avant de lui administrer une petite léchouille, appréciant de sentir sur sa langue autant le goût de sa douce vengeance que celui du roux en lui-même. Un goût unique qui lui disait que tout ça n'était que partie remise et que ce petit jeu pourrait continuer encore longtemps. Sans doute ne lui en voulait-elle pas au point qu'elle le croyait. Sans doute. « Tout est lié. »

« ▬ Lié par toi. A travers nous. »

Cette chose en lui qu'elle ressentait, en cet instant, semblait confirmer ces paroles. Tout passait à travers lui pour se transférer en elle, et chaque frisson lui apportait une vue différence de la ville, de la terre sous ses pieds, des vies dans chacun des bâtiments autour d'eux. Le centre de l'univers, voilà ce qu'ils étaient, et ça n'en méritait que de se frotter un peu plus contre les doigts du jeune homme tandis qu'il découvrait sa fourrure et la prenait comme partie intégrante d'elle-même. Elle était bien trop prise par les évènements que pour se soucier de si, oui ou non, il se rappellerait de cette partie de la soirée le lendemain. « Cette nuit sera la plus belle, la plus grandiose. Tout reste à découvrir. » D'un sourire alors qu'elle fermait doucement les yeux, son front appuyé à celui du rouquin, Siobhán entendit très distinctement la collègue de ce dernier arriver. Ses pas rendus lourds par le reproche, son léger essoufflement du fait qu'elle était pressée, l'odeur d'alcool et de fumée qui imprégnait ses vêtements. Dérangeante, mais pas assez pour lui faire ouvrir les yeux avant qu'elle ne se mette à crier sur son collègue de sa voix la moins flutée possible. « Scott ! Bordel, qu’est-ce que tu fous ? » Proposer un peu de proximité à la brune fraichement arrivée ? Vu son regard courroucé, mieux valait ne pas y penser. Pour autant, ça n'empêcha pas la rouquine de pousser un profond soupir en se raccrochant boudeusement au Scotty des bois, une moue fatiguée pour toute réponse personnelle. « Eric va te tuer s’il te trouve dans cet état... Si tu tiens à la vie, active ! » Parce qu'ils étaient encore capables de mourir ? A cette idée, la belle lâcha un petit rire en passant ses mains sur la poitrine de son compagnon. Jamais, plus jamais. Aucun risque pour personne, elle le sentait, là, sous ses doigts. Un simple cœur battant à travers elle et qui ne s'arrêterait jamais. « Prends-le temps de te pencher sur les choses, sur la vie... Tu n’es pas curieuse de savoir ce qui se cache derrière le miroir ? » « Qu’est-ce que t’as pris bon sang ? Allez ! »

« ▬ Ce n'est que partie remise, Scott. »

Parce que vous croyiez qu'elle allait s'attaquer à cette fille désespérée pour récupérer son roux de la soirée ? Au contraire, la situation était trop amusante que pour y réagir autrement qu'avec un petit signe de main. Au fond, ces retrouvailles, c'était un peu comme la première fois qu'ils avaient fait l'amour; Ils ne savaient absolument pas ce qu'ils faisaient mais c'était excitant et ça c'était terminé beaucoup trop vite. Tellement vite même que lorsqu'elle rentra chez elle, Sio avait déjà presque oublié le nombre de bêtises qu'elle avait enchainé durant la soirée.