Le délicieux silence qui s'était installé dans le petit appartement de notre miss Rosebury fut brutalement brisé par l'horrible gargouillis poussé par un estomac en manque de trucs à digérer. La nécromancienne, très élégamment étalée sur son canapé en tissu noir, poussa un long gémissement dépité. « Putain, j'ai faim... » Remarque très pertinente, au passage. Mais elle ne fit pas mine de vouloir lever son royal fessier des coussins de son canapé si confortable, et elle préféra enfoncer le visage dans le ventre de sa peluche en forme de Stitch, l'alien bleu complètement taré signé Disney. Elle se serait bien endormie, en fait, si son estomac n'avait pas poussé un nouveau gargouillis particulièrement bruyant. « Fait chier... » Lentement, à la façon d'un zombie pas très frais tout juste tiré de son cercueil, elle se leva de son cher canapé et se traîna lamentablement jusqu'à la cuisine, temple de la bouffe par excellence. Elle ouvrit d'abord les placards. Vides. Vint ensuite le tour du frigo. Idem.

Pandora eut un petit temps d'arrêt, avant de jurer comme un charretier, déblatérant ainsi une bonne partie de son dictionnaire de jurons, et ce pendant deux bonnes minutes. Le voisin dut, à ce moment, la prendre pour une tarée échappée d'un asile, atteinte du syndrome de La Tourette. Parce qu'elle avait complètement oublié de faire les courses. Bon, puisque son estomac réclamait quelque chose de consistant et qu'elle n'avait envie que d'une chose, trois plaquettes de chocolat et des bonbons, elle attrapa son manteau et son portefeuille afin d'aller dévaliser l'épicerie la plus proche. Chose qui fut faite en moins d'une demi-heure et notre sorcière sortit bien vite avec deux sacs de courses bien pleins, et l'épicier pleura un moment sur son rayon de bonbons/sucreries/chocolats complètement dévasté. Parce qu'une Pandora January Rosebury en manque de sucre, ça ne rigole pas.

Bref, la légiste allait pour rentrer tranquillement chez elle et se remplir la panse quand son regard bleu trop pâle tomba sur la devanture d'une pâtisserie. Et elle se mit immédiatement à saliver, parce qu'il y avait cette énorme forêt noire en vitrine qui lui faisait de l'œil... Et ça faisait tellement longtemps qu'elle n'en avait pas mangé... La simple idée de cette odeur de kirsch et de ce goût de chocolat et de cerise fit gronder son ventre un peu plus fort. D'accord, petit estomac, allons acheter une grosse part de forêt noire pour ce soir. On l'a bien mérité. Ce fut donc d'un pas décidé, et en rêvant déjà de son gâteau, que Pandora traversa la rue, entra dans la boutique... Et percuta violemment un torse très dur et très musclé, si violemment d'ailleurs qu'elle tangua un moment sur ses jambes, pas sûre de savoir si elle voulait tomber sur les fesses ou rester debout. Elle resta debout, heureusement d'ailleurs. « Excusez-moi, je ne regardais pas où j'allais... » marmonna-t-elle en frottant son nez douloureux suite à la collision. Bon sang, ce mec avait un torse en bois ou quoi ?

Qu'est-ce que Kyle allait bien trouver à faire aujourd'hui ? Aller emmerder les gens dans le centre commercial, ou simplement aller taper la discut' avec les flics qui étaient en patrouille ? Ou aller au gym' ? Nah, rien de tout ça. Kyle avait décidé d'aller faire chier Karen, la jolie propriétaire d'une pâtisserie tout à fait agréable et qui faisait des gâteaux drôlement bons. Surtout qu'en plus, elle était sacrément naïve, la jolie petite propriétaire. Mais tant mieux pour lui, ça lui faisait des choses pour faire passer le temps en attendant qu'il se révèle à son frère et que le ciel lui tombe sur la tête.

C'était donc dans des circonstances semblables que Kyle était assis dans la pâtisserie depuis deux heures, à jouer sur son téléphone, rire pour un rien, se moquer des gens. Un gros gamin, on dirait, mais le problème étant pour les gens qu'avec le gabarit de l'homme, il pouvait faire ce qu'il voulait. Tant qu'on n'appelait pas les flics. Et encore, Kyle, il s'en fichait des flics, on le mettait en cage, il sortirait sans problèmes par les barreaux. Tant pis. Hein. Ce fut lorsqu'il vit à travers la vitre une jolie minette qui lui semblait familière, qu'il délaissa sa tarte et son café, et alla se placer devant la caisse, rien que pour commander quelque chose de plus – Dieu qu'il mangeait beaucoup – et, sans attendre plus de trente secondes, il sentit quelqu'un lui rentrer dedans.

La médecin légiste à qui il avait failli faire faire une crise cardiaque. La classe. D'ailleurs, même qu'il savait pertinemment qu'elle en avait parlé à personne, et c'était son petit plaisir personnel de savoir qu'il lui avait foutu la frousse de sa vie. Non mais aussi, qu'un mec se transforme en corbeau pour se cacher dans le bodybag d'un cadavre et agresser le légiste quand il ouvre la fermeture éclair, faut dire, qu'il faut pas être complètement 100% dans la tête pour le faire. Mais bon, Kyle, c'était un zinzin qui déraillait dès qu'il s'ennuyait. Et, en général, un Kyle qui s'ennuie, c'est très mauvais pour la santé.

D'ailleurs le « Excusez-moi, je ne regardais pas où j'allais... » qu'elle lui lâcha lui arracha un sourire pendant qu'il lui répondait d'un « Ca j'avais deviné, ma petite. » sarcastique. Et en plus elle se frottait le nez. Non mais, qu'elle était mignonne. Il lui tendit la pâtisserie qu'il venait de se payer – à savoir un éclair au chocolat – avant de reprendre, en enchaînant avec un « Allez, tiens, remets toi du choc avec du chocolat. »

Puis il haussa le sourcil, et son sourire s'étira sur toute la longueur de sa bouche. Ahh, il n'allait pas pouvoir s'empêcher de la narguer, en sachant parfaitement que derrière la légiste se cachait une petite fille effrayée par les corbeaux. Peut-être les oiseaux en général ?

« T'aurais dû manger du chocolat après avoir été agressée par le corbeau, au passage. » Il se tourna vers la caisse pour reprendre un autre éclair, avant de se tourner vers la légiste, en lui demandant si « Tu veux quelque chose ? Allez, j'te l'offre, puis pour t'excuser de m'être rentré dedans, tu viens me parler de toi à la table là bas?

Il désigna ladite table du menton, avant de désigner les pâtisseries dans la vitrine de la main. Yeah, il allait se la garder pour lui tout seul, la jolie femmelette. Et, de toute façon, il était sûr et certain qu'elle ait été piquée au vif par sa remarque sur le corbeau – si elle était aussi fière c'est qu'elle n'en avait parlé à personne, et si elle avait réussi à faire dégager ledit corbeau de sa morgue, c'était seulement parce que Kyle ne voulait pas se faire plumer sur place. Il claqua les dents comme s'il mastiquait du chewing-gum, ce qui n'était pas le cas. Un peu comme l'aurait fait un corbeau en claquant du bec. Puis il s'écarta pour laisser la jeune femme choisir.

« Et j'te porterais même tes courses, si tu me racontes un peu ta vie. » Il lança un coup de tête à l'intention des sacs de courses que portait la légiste à bout de bras.

« Ca j'avais deviné, ma petite. » Ma petite ? Non mais ! Ce n'était pas parce qu'il mesurait dix bons centimètres de plus qu'elle qu'il devait se montrer condescendant ! Pandora fronça un sourcil mécontent et s'apprêtait à répliquer avec toute sa diplomatie anglaise parfaitement inexistante quand une boîte fut brandie juste sous son nez, la faisant ainsi loucher fortement. « Allez, tiens, remets toi du choc avec du chocolat. » D'où il tenait qu'elle avait besoin de se remettre, l'autre mastodonte, là ? M'enfin, elle crevait de faim et du chocolat... Bah, Dora n'arrivait pas à y résister. Alors elle s'empara de la petite boîte après avoir libéré une de ses mains. « Merci... Enfin, je suppose. » Bizarre, comme gars. Elle l'observa un bon moment. Le plus bizarre, c'est qu'il avait la même carrure que Tyson, enfin à peu de choses près... Plus petit certes, mais ça le rendait plus imposant. Presque flippant, en fait. Encore plus avec le large sourire moqueur qui étirait ses lèvres. « T'aurais dû manger du chocolat après avoir été agressée par le corbeau, au passage. » Notre sorcière eut un bug. PARDON ?

Cette histoire de corbeau, elle s'était appliquée pour la tenir secrète. Disons que ça la ferait mal, pour son image de légiste chieuse et complètement dégénérée, de dire à tout le monde qu'elle avait eu la peur de sa vie quand un fichu corbeau avait bondi d'un bodybag qu'elle était en train d'ouvrir. Et elle avait eu beaucoup de mal à le faire sortir de sa morgue chérie, tout simplement parce qu'elle avait une peur panique des oiseaux. Enfin, les petits oiseaux genre moineaux, mésanges ou rouge-gorges, ça passe. Dès que ça atteint la taille d'un pigeon, vois pouviez être sûr de la retrouver planquée dans un coin. Bref, notre Dora ouvrit de grands yeux complètement abasourdis, tout en balbutiant quelques mots décousus. « Mais-que-comment-que/ Personne n'est au courant ! » Stalker ? Ce mec était-il un foutu stalker ?

« Tu veux quelque chose ? Allez, j'te l'offre, puis pour t'excuser de m'être rentré dedans, tu viens me parler de toi à la table là bas? » Elle cligna des yeux deux, trois fois. « J'étais venue m'acheter une forêt noire pour... Mais pourquoi je te raconte ça d'abord ! » Ma fille, tu commences vraiment à péter les plombs. Elle passa une main fatiguée sur son visage. Elle savait qu'elle aurait mieux fait de rester le cul posé sur son canapé et le visage dans sa peluche, et tant pis pour son estomac ! Mais pourquoi ce genre de situations n'arrivaient-elles qu'à elle ? « Et j'te porterais même tes courses, si tu me racontes un peu ta vie. » Pandora haussa un sourcil. Pourquoi voulait-il qu'elle lui raconte sa vie ? Pas sûr que ça l'intéresse, mais bon... « T'es vraiment bizarre comme mec. Mais bon, si t'insistes... » Après tout, il ne pourrait pas se plaindre s'il trouvait sa vie chiante au possible !

Ce fut donc de cette façon plutôt étrange que la légiste se retrouva assise à cette table, dans une pâtisserie, face à un homme à la carrure de catcheur qu'elle ne connaissait ni d'Ève, ni d'Adam, et à qui elle s'apprêtait à raconter une bonne partie de sa vie... Enfin, en omettant quelques détails concernant sa carrière de nécromancienne, évidemment. Mais avant toute chose... « Pandora Rosebury. Tu peux juste me dire comment t'as su pour l'histoire du corbeau ? » Mine de rien, ça la titillait cette histoire.

VICTOIRE. Le fait de lui parler de corbeau l'avait visiblement complètement chamboulée, mais l'éclair la remit droit sur les rails. Quand elle parla de forêt noire, Kyle s'écarta d'elle pour aller commander ladite forêt noire, et revint près d'elle avec, avant de l'accompagner jusqu'à sa table. Et s'il était un mec bizarre ? NORMAL. C'était un métamorphe, donc techniquement, à moitié animal ? D'où le bizarre. Il s'affala sur sa chaise, en se laissant chuter contre le dossier de la chaise, complètement aplati. Ouais, non, il était à l'aise, ça se sentait. Alors que, visiblement, l'autre légiste en face était complètement perdue.

Et, alors comme ça, elle s'appelait Pandora ? Intéressant. Puis elle revint au corbeau. Bingo, il l'avait visiblement intéressée. « Ecoute, ma p'tite boîte de Pandora, j'ai des petits amis qui m'ont tout raconté. » Il désigna son oreille de l'index, avant de poser l'un de ses coudes sur la table et de porter un bout d'éclair à la bouche, et de l'avaler sans réellement le mâcher. Elle ne lui avait même pas demandé son prénom ? Tant pis, il allait le lâcher quand même : « Pandora Rosebury, je suis Kyle Hunter, enchanté de faire ta connaissance. » Il lui tendit la main, comme pour faire faussement les présentations – bah, en général, quand on rencontre quelqu'un, si c'est le pote d'un pote, on lui fait la bise, si c'est quelqu'un qu'on ne connaît pas, on lui tend la main. Il aurait fait un câlin aussi, mais pas sûr que la légiste soit tout à fait d'accord.

Il termina de déglutir son bout de pâtisserie et claqua des dents – ça paraissait comme le geste du 'j'enlève les derniers bouts de chocolat des dents' mais pour Kyle c'était un tic qu'il faisait toujours. Il se souvenait même de son ancien patron à la radio où il travaillait qui lui avait demandé d'aller voir un orthophoniste pour se débarrasser du tic, mais les auditeurs avaient demandé à ce qu'il ne se fasse pas soigner parce qu'ils aimaient bien. Ca faisait oiseau. Eurêka ! Il l'était à moitié, techniquement.

Il pointa Pandora du doigt : « Ecoute, Dora – je peux t'appeler Dora, ça te gêne pas ? - t'as pas à t'inquiéter pour ton histoire de corbeau, je suis aussi muet qu'une carpe. » Et, techniquement, de sa nature de métamorphe, s'il le voulait, il pouvait prendre plus ou moins la forme d'une carpe, pour prouver sa parole, mais cela faisait tellement longtemps qu'il avait muté en autre chose qu'un corbeau qu'il n'était pas trop certain de ce que ça donnerait. A tenter, au marais, avec l'aide de Darren, probablement. Ouais, ça serait drôle. Mais, c'était vrai quoi : un corbeau, y en a partout. Peut-être pas autant qu'un pigeon, mais c'était plus classe le corbeau que le pigeon. Et, les corbeaux étaient plus propres que les pigeons. Il se passa les doigts sur la bouche imitant le mouvement de la fermeture éclair, avant de lancer un coup d'oeil aux courses de la légiste.

« Appartement vide de toute bouffe ?  » Pour un mec comme lui, manger sain c'était optionnel, il mangeait ce qu'il voulait, vu que de toute façon il dépensait toutes les calories d'une façon ou d'une autre. Le mythe du je suis un athlète donc je mange sain, c'était foutu en l'air par lui. Et par son frère aussi, au passage, au fait. M'enfin, tant pis. Il se racla la gorge en portant sa boisson à la bouche – un joli pepsi dans un verre coca-cola, le sacrilège – avant de le reposer sur la table et se laissa aller contre le dossier de la chaise encore. Il se mordit la lèvre et passa sa langue sur le piercing à la lèvre, avant d'attendre une réponse de la part de la légiste. Elle allait forcément lui répondre, non ? En tout cas, il espérait qu'elle ne partirait pas en courant...

« Ecoute, ma p'tite boîte de Pandora, j'ai des petits amis qui m'ont tout raconté. » Ha, ha. Trop drôle le jeu de mots, quoi. Notre nécromancienne leva les yeux au ciel avec un petit soupir exaspéré. « Merci, on ne me l'avait jamais faite, celle-là. » Ironie quand tu nous tiens... Enfin, elle prit le temps d'ouvrir la boîte contenant son propre éclair au chocolat gracieusement offert, avant de reprendre. « Des petits amis ? Ma morgue était vide de toute présence, hormis la mienne et celle de ce foutu corbeau, alors à moins que tu n'aies le don de parler aux oiseaux... Ou va savoir, de te transformer en oiseau... » Elle haussa les épaules et donna un bon coup de dents dans sa pâtisserie. Et en plus c'était super bon ! « Pandora Rosebury, je suis Kyle Hunter, enchanté de faire ta connaissance. » Hunter ? Tiens... Le monde est petit. Un léger sourire étira les lèvres de la légiste qui s'empara de la main tendue pour la serrer. « De même, Kyle. Hunter, hein ? Dans ce cas, je peux supposer que Tyson est ton frère ? Un brave type... » Oui, très gentil, le Tyson, très drôle aussi, même si la scène du câlin dans la salle d'examen trottait toujours dans la tête de Dora. Mais bref, passons avant de devenir rouge tomate.

« Ecoute, Dora – je peux t'appeler Dora, ça te gêne pas ? - t'as pas à t'inquiéter pour ton histoire de corbeau, je suis aussi muet qu'une carpe. » Elle fit un vague geste de la main, un air particulièrement blasé sur le visage. « Tout le monde m'appelle comme ça, sauf feu mon père, mais ça... C'était tout lui, incapable de donner des surnoms, sauf à ses vaches. » Elle repartit à l'assaut de son éclair au chocolat. L'histoire de ce corbeau reviendrait sur le tapis un peu plus tard, mais pour le moment... « Appartement vide de toute bouffe ? » Pandora hocha la tête. « Pas pu faire les courses, je suis sortie de la morgue très tôt ce matin. » Oui, vers trois heures, pour tout dire. Foutus vampires. D'ailleurs, elle retenait tout particulièrement le comportement du shérif Collins. Non mais vraiment, quel espèce de salopard péteux imbu de lui-même ! Mais évitons ce sujet, voulez-vous ? De toute façon, Dora trouverait un moyen pour faire payer ça à monsieur le viking. Parce que la vengeance, ça, elle savait y faire. Elle haussa finalement les épaules. « M'enfin, pour ce que j'ai acheté... Majoritairement des conneries genre gâteaux et autres barres chocolatées. Pas comme si j'arrivais vraiment à prendre du poids... » Elle était comme ça, notre Dora. Elle pouvait manger le plus gras et sucré possible, elle ne prendrait pas un gramme. C'était dans sa morphologie.

Finalement, son regard bleu trop pâle se reporta sur le visage de Kyle, et elle se pencha un peu plus par-dessus la table pour se rapprocher de lui. Revenons à cette histoire de corbeau, voulez-vous ? « En attendant, gros bras, si j'apprends que tu as ouvert ton bec sur cette histoire, je t'assure que tu entendras assez de voix pour te rendre complètement dingue. » Et elle savait déjà quels fantômes convaincre pour cette tâche. Les ancêtres Rosebury étaient très protecteurs envers leur petite dernière. « Personne ne doit savoir en dehors de nous deux, c'est bien clair ? » Sa voix n'avait été qu'un murmure doucereux un peu trop sérieux, et elle espérait que le mastodonte devant elle ne se contenterait pas tout simplement d'éclater de rire (non parce que bon, face à lui, elle faisait partie de la classe des gringalets). Bref. Elle se laissa aller contre le dossier de sa chaise, les jambes croisées, les mains posées sur les cuisses. « Passons ! Qu'est-ce que tu veux savoir à mon sujet ? Je t'écoute. » Et le tout accompagné d'un magnifique sourire, évidemment.

Lorsqu'elle émit les hypothèses pour tenter de comprendre d'où Kyle pouvait bien tenir cette information à propos du corbeau, il haussa les épaules et eut un sourire satisfait lorsqu'elle se demanda s'il n'avait pas la capacité de se changer lui même en corbeau. Il mordit dans sa propre pâtisserie, avant de lever les yeux lorsqu'elle mentionna Tyson. Ah ? Intéressant ! Elle le connaissait donc. De là à savoir comment et pourquoi, c'était une autre affaire. Il hocha néanmoins la tête : « Un brave type ? Putain, je sais pas ce qu'il t'a dit sur lui, mais te fie pas aux apparences, Dora, mon frère c'est pas un mec fait de blanc tout entier, hein. » Il déglutit sa part de pâtisserie, avant de reprendre, la bouche encore à moitié pleine, que « Mais oui, c'est bien mon frère. Ca m'serait utile si tu lui disais pas que je suis là, en fait, ça fait un petit bout de temps qu'on s'est parlé, si tu comprends... »

Elle affirma ensuite qu'elle avait acheté des conneries bourrées de calories. Ca ne lui fit ni chaud ni froid, qu'elle se goinfre, lui, se faisait régulièrement plaisir. Et si jamais il prenait un peu de ventre, MON DIEU, le sacrilège. De toute façon, il ne serait jamais aussi bien foutu que son petit frère, d'ailleurs. Lorsqu'elle se pencha en avant et le traîta de gros bras, il lança un regard sur ses bras avec un regard du genre 'moi ? À moi que tu parles ? Gros bras ? D'accord.' puis il l'écouta parler. S'il ouvrait son bec ?! HAHAHA. Laissez le rire ! Si elle savait que sa métaphore était plus réelle que possible...

« Roh, ça va hein. J'l'ai dit à personne, et je vois pas ce que ça m'apporterait de le dire aux gens, hein. Ne dérange pas tes voix pour rien, j'te l'ai d'jà dit : je suis muet comme une carpe. » Il passa encore une fois ses doigts devant la bouche, mimant la fermeture éclair. Elle se redressa ensuite et lui demanda ce qu'il voulait savoir ? MAIS TOUT voyons ! Kyle était très curieux, en règle générale. Il claqua des dents, avant de poser ses mains à plat sur la table.

« Bah, un peu de tout. T'as quel âge, t'as un travail autre que légiste, tu as de la famille, t'es célibataire? » Il lui adressa un petit sourire. « T'es vierge? » Rien que pour rajouter un peu de piment dans la conversation. Non, mais Kyle était un parfait enculé : fiancé, il trouvait encore le moyen d'aller voir ailleurs. Il suffisait de se demander où se trouvait actuellement la fiancée, en fait, en Afghanistan, en train de couvrir des reportages sur les GI en action. N'importe quoi. Il l'attendait avec patience, mais bon, ils savaient l'un et l'autre que l'un et l'autre ne serait pas fidèle, donc bon, ce n'était pas le problème de Kyle. Il rajouta tout de même un « T'es pas obligée de répondre à la dernière question, en fait. » Ouais, non, ça se voyait, elle n'était pas vierge.

Les femmes de son âge qui étaient encore vierges, ça se voyait à dix kilomètres à la ronge, et il suffisait en général de mentionner un acte sexuel pour qu'elles se renferment comme une huître. Il se permit toutefois de rajouter un « Tu bois, tu fumes ? Tu te drogues? » Quand il disait qu'il voulait savoir un peu de tout. Mais les dernières trois questions ça relevait de sa conviction Straight Edge – n'est pas qui veut, et, pour Kyle, c'était carrément inscrit sur sa chair, puisqu'il avait un tatouage en demi cercle au dessus du nombril, couvrant la moitié de ses abdos indiquant STRAIGHT EDGE.

Quand on pense qu'il est du même sang que Tyson, fier papa poule. Ah, non. Kyle, c'était l'antithèse de Tyson. Ou pas, d'ailleurs. Lui, au moins, il avait un diplôme et il n'avait pas été en prison. Et pourtant, on préférait Tyson qui était bien plus impulsif et dangereux. Ah, les gens sont bizarres...

« Un brave type ? Putain, je sais pas ce qu'il t'a dit sur lui, mais te fie pas aux apparences, Dora, mon frère c'est pas un mec fait de blanc tout entier, hein. » Elle se contenta de lui renvoyer un regard particulièrement blasé, l'éclair au chocolat à quelques centimètres seulement de sa bouche. « Je ne suis pas stupide, Kyle, chacun possède sa part d'ombre et je m'inclus dedans. Je dis ça parce que je le vois évoluer. A dire vrai, je ne sais quasiment rien à son sujet. Et l'inverse est tout aussi vrai. » Son visage s'était rembruni. Elle n'était pas une gentille fille à qui on pouvait donner Dieu en personne, loin de là. « Mais oui, c'est bien mon frère. Ca m'serait utile si tu lui disais pas que je suis là, en fait, ça fait un petit bout de temps qu'on s'est parlé, si tu comprends... » En guise de réponse, elle se contenta de hocher la tête vaguement, tout en s'essuyant les mains sur une des serviettes en papier.

Vint ensuite le temps de la menace. Pandora pensait fortement qu'il ne prendrait pas au sérieux une crevette comme elle (un mètre 73, cinquante-cinq kilos tout mouillés, des toutes petites mains toutes fines, de longs cheveux bruns et de grands yeux bleus... mouais, pas vraiment impressionnant) mais bizarrement... « Roh, ça va hein. J'l'ai dit à personne, et je vois pas ce que ça m'apporterait de le dire aux gens, hein. Ne dérange pas tes voix pour rien, j'te l'ai d'jà dit : je suis muet comme une carpe. » Parfait, dans ce cas, passons à l'interview. « Bah, un peu de tout. T'as quel âge, t'as un travail autre que légiste, tu as de la famille, t'es célibataire? » Wow ! C'était l'avalanche de questions ! « T'es vierge? » Pervers. Elle leva les yeux au ciel en secouant légèrement la tête. « T'es pas obligée de répondre à la dernière question, en fait. » Un sourire étira ses lèvres. « J'y répondrai. » Bref, ce n'était pas vraiment fini. « Tu bois, tu fumes ? Tu te drogues? » Bien.

« J'ai vingt-huit ans, je suis Anglaise, il m'arrive de faire des permanences aux urgences quand y'a pas assez de personnel. J'ai un frère et deux sœurs, tous mes aînés, mes deux parents sont morts – ma mère quand j'étais petite et mon père il y a trois ans. Je suis célibataire et non, je ne suis plus vierge depuis une bonne dizaine d'années déjà. » Dora pencha légèrement la tête en finissant son éclair au chocolat, le nez froncé. « Il m'arrive de boire, quand je sors notamment, même si c'est pas souvent. Je ne me drogue pas, mais je fume comme un vrai pompier, d'ailleurs Declan passe son temps à m'engueuler à propos de ça. » Un peu trop vigilant sur la santé de la petite dernière, le grand frère. Mais elle n'eut pas le temps de reprendre le fil de ses réponses. « Franchement, ma petite, tu me déçois. Ce gaillard te laisse un tas d'indices et tu les laisses filer ? »

La légiste se raidit violemment quand elle sentit une main glaciale se poser sur son épaule. Un visage auréolé d'une crinière de cheveux blancs entra dans son champ de vision. La peau parcheminée, ses yeux verts perçants posés sur sa descendante, Adélaïde Rosebury se tenait debout dans toute sa splendeur. L'arrière-arrière grand-mère de notre petite brunette. Celle-ci renvoya un regard intrigué à son aïeule, sans prêter plus d'attention à Kyle, même s'il la prenait sûrement pour une folle. « C'est lui, le corbeau. Il peut se transformer en animal. J'avais déjà vu ça, au temps où Manchester n'était pas une ville à touristes pour cette idiotie appelée football... C'est un métamorphe. » Le regard trop pâle de Pandora se tourna lentement vers le visage de Kyle. Et un sourire, plus mystérieux cette fois, apparut sur son visage. « Je sais quelque chose à ton sujet, merci mes aïeux. »

De nouveau, elle se pencha vers lui, mais beaucoup plus près cette fois, au point que son souffle vint balayer le visage du mastodonte. « Le corbeau. Ce n'était pas n'importe quel corbeau, c'était toi. Métamorphe, hm ? » Elle haussa les épaules, croisa les mains sous son menton, un air faussement pensif sur le visage. « Je crois qu'on est à égalité dans ce cas, puisque je suis une sorcière. Bienvenue dans la famille Addams de Shreveport. Finalement, je me demande qui est normal dans cette ville, entre les vampires, les sorciers et je ne sais quoi... » Elle soupira, puis haussa un sourcil. « Mais... Ton frère n'est pas un métamorphe, pourtant. Donc vous avez un parent différent... » Dix points pour Rosebury !

Elle était comique, la Dora. Chacun possède sa part d’ombre ? Alors Tyson c’était qui, une tempête ? De l’obscur pur et dur ? Parce que, franchement, faire péter la maison d’un mec à la dynamite sans songer aux femmes et enfants à l’intérieur et faire 18 mois de taule dont 6 en isolation totale, c’était pas juste de l’ « ombre » quoi. Il ne préféra pas s’étendre sur le sujet. Peut-être que Tyson pensait lui révéler son sombre passé de lui-même. Quand elle rajouta qu’elle ne savait presque rien à son sujet, il haussa les épaules. Bah, c’était peut-être mieux comme ça. Il allait garder le passé de son petit frère pour lui.

Elle répondit ensuite aux questions du métamorphe. Les premières réponses le firent hausser les sourcils pendant qu’il buvait dans sa tasse, cependant, lorsqu’elle enchaîna la suite, notamment sur la boisson, il manqua de s’étouffer. Et ben, encore une qui bois de l’alcool ! Le monde était-il condamné à finir dans l’enfer de la boisson ? Mais quels imbéciles. Ca ne servait à rien. Bon, à la limite, elle ne se droguait pas, mais elle fumait. Encore, ça passe ça. Comme une locomotive ? Bah, y avait pire. Elle venait de finir de répondre lorsqu’elle se raidit et Kyle posa la tasse sur la table, en fronçant les sourcils, pas certain de l’attitude à adopter : elle était en train de piquer une crise ou… ? Puis le regard de la Dora se fit distant comme si elle fixait un point invisible, et Kyle se retourna comme pour voir ce qu’elle regardait. Mais c’était quoi ce truc ? Il ramena son regard sur la légiste et lui fit un petit signe de la main pour se rassurer qu’elle n’était pas en train de faire une transe.

Et puis, au bout de quelques secondes, le regard de la légiste revint sur Kyle, qui, à moitié rassuré, l’observa se rapprocha de lui. Ah, donc, elle savait maintenant un truc à son sujet ? Miracle. Elle avait quelque chose dans la cervelle. Elle sentit son haleine contre son nez et il se passa la main devant pour chasser l’odeur de chocolat, tout en l’écoutant, à moitié attentif. Lui le corbeau ? Il eut un large sourire. Mais elle ne lui laissa absolument pas le temps de se vanter de son pouvoir qu’elle lui lâche être sorcière. Ah ben ça ! CLIC. Dans sa tête, Kyle se rendit compte : le mes aïeux qu’elle venait de prononcer ? Hmm. Médium en plus de ça, apparemment. Et, sans lui laisser le temps de parler – ENCORE – elle enchaîna en remarquant de façon très juste que son petit frère n’était pas métamorphe. Cette fois ci, Kyle leva l’index pour lui indiquer de se la fermer – garder Kyle la gueule fermée trop longtemps, ça l’irrite. Il aimait parler, et l’en empêcher, c’est l’irriter, elle l’apprendra vite.

« Ca t’en bouche un coin, hein ? T’savais pas que les métamorphes ça existait ou tu étais juste trop blonde de la cervelle pour faire le lien de toi-même que tu as dû attendre qu’un fantôme te le dise ? » Il balança un coup de pouce par-dessus son épaule avant de lâcher nonchalament que « Ouais non, parce que m’annoncer que t’es sorcière alors que tu viens de parler de tes aïeux et que tu viens par miracle de me démasquer, c’est pas très tip top comme méthode. T’es medium, c’est ça ? Comme Osment dans « 6e sens », tu vois les morts ? » Il eut un sourire débile, moqueur et malicieux, comme pour creuser le trou de Dora encore davantage. Puis il mâcha bêtement un bout de sa pâtisserie, avant de répondre, sans se presser que « Ouais, nah, Tyson c’est un Hunter pur et dur. D’mon côté, j’ai la moitié de mon héritage culturel qui est inconnu et anonyme parce que ma mère était trop en chaleur pour attendre que le père rentre du travail, donc elle a assouvi ses désirs dans les toilettes d’un bar avec un parfait inconnu. Et vu que aucun de mes autres 7 frères n’est métamorphe, on a supposé tous les deux que c’était l’étalon des toilettes qui était le métamorphe. »

Il parlait de sa mère avec une sorte de dédain et de manque de respect. De toute façon, ses parents, il s’en foutait comme de la dernière pluie. Comme ses frères, en réalité, sauf peut-être Tyson qui avait toujours été celui à se faire le plus de soucis et de problèmes. Faut dire, quand le petitou fini en prison, c’est Kyle qui va en éclaireur sous sa forme de corbeau pour rassurer la maman Hunter que le petit n’est pas en train de crever la gueule ouverte. Et puis, ça fait un lien quoi, ça. D’où la raison pour laquelle Kyle avait pris la peine de se déplacer jusqu’à Shreveport.

« C’était qui, à qui t’a parlé ? Maman, papa, grand-mère ? Petit ami décédé ? » Il désigna encore par-dessus son épaule. Bah, il ne pouvait pas voir le ou la fantôme, alors forcément, il posait la question. C’était peut-être du manque de respect – et si jamais il sentait un froid glacial s’abattre sur son épaule, il saurait qu’il avait énervé un esprit mais bon, tant pis pour lui. Fallait pas répondre aux provocations de Kyle, c’était souvent plus facile. Lancer des pierres et voir si on répondait, il adorait ça, et il vivait de ça. Non, c’était vrai. De son temps d’animateur radio, il adorait traiter les auditeurs comme de la merde, les envoyer bouler alors qu’ils étaient live, mais ils revenaient tous lui dire qu’il était l’un de ceux à la langue la plus pendue et qu’il ne devait jamais arrêter la radio. Comme quoi, l’être humain est un masochiste.

« Ca t’en bouche un coin, hein ? T’savais pas que les métamorphes ça existait ou tu étais juste trop blonde de la cervelle pour faire le lien de toi-même que tu as dû attendre qu’un fantôme te le dise ? » Mais quel... ! Apparemment, Adélaïde était du même avis que sa descendante puisqu'elle afficha un air pincé, tout en observant Kyle de la même façon qu'elle observerait une chiure de mouche sur sa robe immaculée. Avec mépris. « Si j'étais encore vivante, je lui botterais le derrière d'une façon telle qu'il s'en rappellerait toute sa vie ! Malotru ! » Pandora se contenta de lever les yeux au ciel. « Un peu d'amabilité t'arracherait la gueule, tas de muscles ? C'est pas parce que môssieur peut tourner en corbeau et foutre la trouille aux honnêtes médecins légistes qu'il faut que tu te la joues à la Eric Collins et que tu te mettes à traiter les pauvres filles comme de la merde. » Mais il semblait se foutre royalement de ce que pouvait dire la jeune femme. Bon, laissons-le parler, ça lui fera plaisir... « Ouais non, parce que m’annoncer que t’es sorcière alors que tu viens de parler de tes aïeux et que tu viens par miracle de me démasquer, c’est pas très tip top comme méthode. T’es medium, c’est ça ? Comme Osment dans « 6e sens », tu vois les morts ? » Encore une fois, elle leva les yeux au ciel. « S'il te plaît, ne me confonds pas avec ces idioties. Bruce Willis a beau être génial dans ce film, c'est juste un gros tas de merde. Je ne suis pas une médium, je suis une sorcière. Qui descend d'une vieille famille de sorciers anglaise. Un peu comme dans Harry Potter si tu veux, les stupidités de baguettes magiques, potions et autres sortilèges débiles en moins. »

Mais embrayons plutôt sur les problèmes de famille. Et apparemment, Kyle en avait pas mal à dire sur ce sujet. « Ouais, nah, Tyson c’est un Hunter pur et dur. D’mon côté, j’ai la moitié de mon héritage culturel qui est inconnu et anonyme parce que ma mère était trop en chaleur pour attendre que le père rentre du travail, donc elle a assouvi ses désirs dans les toilettes d’un bar avec un parfait inconnu. Et vu que aucun de mes autres 7 frères n’est métamorphe, on a supposé tous les deux que c’était l’étalon des toilettes qui était le métamorphe. » Un peu logique me direz-vous... Une petite moue ourla les lèvres de Dora alors qu'elle enfournait son dernier morceau d'éclair au chocolat, sa main libre fourrée dans ses mèches brunes. Et Adélaïde continuait de s'offusquer. « Mais comment parle-t-il de sa mère, enfin ! Celle qui lui a donné la vie ! Il devrait avoir honte ! » Un soupir passa les lèvres de la légiste, mais elle n'eut pas le temps de calmer son aïeule que, déjà, les questions fusaient de nouveau. « C’était qui, à qui t’a parlé ? Maman, papa, grand-mère ? Petit ami décédé ? » Son regard couleur glace se posa sur le visage du métamorphe. « Arrière-arrière-grand-mère. Très protectrice envers les petits derniers. Et comme en l'occurrence je suis la dernière du nom, c'est moi qui me la coltine – et par pitié grand-mère, arrêtez un peu de marmonner après lui ! Vous allez me donner une migraine épouvantable ! » Elle se massa douloureusement les tempes pendant qu'Adélaïde croisait les bras en relevant le menton de façon hautaine. « Il ne manquait plus que ça ! Ma propre descendante qui me montre un manque évident de respect et de gratitude ! Ca m'apprendra à vouloir t'aider, Dora ! » La nécromancienne siffla entre ses dents.

« Je vous suis reconnaissante, grand-mère, mais retournez dans l'ailleurs, j'ai besoin de calme et ce n'est pas avec vous en plus que je vais y arriver ! » Laissant la silhouette de l'aïeule s'évaporer dans les airs, Pandora frotta son visage de ses deux mains, soudain terriblement fatiguée. Elle avait bien envie d'aller se coucher, d'un seul coup... « Désolée pour ce... drôle de monologue. Adélaïde est quelqu'un de particulièrement têtu. Et son sale caractère est particulièrement bien connu dans la famille. » Toujours à se vexer pour un rien et à vouer l'ancien temps, où elle vivait. En secouant la tête, la jeune femme s'essuya rapidement la bouche, avant de reposer son regard sur Kyle tout en fouillant dans ses poches. « Okay, à mon tour. Âge, origines, situation amoureuse, boulot... Je veux tout savoir. C'est chacun son tour. » Elle finit par tirer un paquet de Marlboro light presque vide de la poche de son gilet. « Je peux ? » Ouais, on savait jamais, si ça se trouve il était un non-fumeur qui ne supportait même pas l'odeur du tabac alors...

La voir s'offusquer complètement et entièrement de sa réplique fit sourire Kyle : et zou, une autre de convaincue de son pouvoir de bombes verbales ! Il fourra un bout d'éclair dans la bouche en l'écoutant s'énerver. De l'amabilité ? Jamais de la vie. Il n'avait pas à être gentil, c'était pas son boulot. Il ne voulait pas être gentil, il n'était pas comme son nounours de petit frère, imbécile et attendri par sa fille. Nah, Kyle c'était un vrai homme. Puis, elle enchaîna : un peu comme dans Harry Potter ? Il manqua de recracher ce qu'il avait dans la bouche. La pauvre, elle venait de lui tendre une perche !

Puis, elle commença à parler de son arrière machin truc, et il leva les yeux au ciel. Non, en fait, il s'en foutait de ses histoires de famille. Royalement. Puis, quand elle commença à dire à la grand mère de se la fermer, il lâcha un « Ouais, vas-y, ta gueule la vieille. » entre les lèvres en ne retournant même pas la tête, avant de mordre dans son chocolat. Là, le 'mais il se la ferme jamais ?' pourrait être très approprié. Toujours commenter tout et n'importe quoi.

Puis, lorsqu'elle se fut frotté les yeux – signe que la vieille était partie, probablement – elle lui retourna les questions : « Okay, à mon tour. Âge, origines, situation amoureuse, boulot... Je veux tout savoir. C'est chacun son tour. » Il mâcha nonchalamment son bout d'éclair – il avait presque fini, mine de rien ! - puis il reprit la parole afin de répondre à la doctoresse : « 33 ans, de Minneapolis, Minnesota, Etats-Unis d'Amérique, fiancé, animateur radio. J'aime les platines et défoncer les oreilles des auditeurs de mes remarques assassines. » fit-il avec un large sourire, avant de reprendre, laissant une petite pause : « Puis, bon, fiancé, mais elle est pas aux States en ce moment, et on a un commun accord, vu qu'elle est en Afghanistan, si elle veut assouvir un désir avec un GI, elle peut, et, de mon côté, j'ai le droit d'écarter les jambes à qui je veux. Puis, sinon, j'ai 7 frères : Trent et John sont mes grands frères, Liam, Tyson, Mike, André et Glen sont mes petits frères. » Il comptait sur ses doigts en même temps qu'il énonçait sa fratrie, puis il eut un sourire :

« Ma mère aimait les noms de boxeurs et autres, donc elle a joué sur Mike Tyson, entre autres. Mais faut pas leur dire, ils aiment pas qu'on mette ce jeu de mot pourri en avant. » affirma-t-il en lançant un large sourire tout en tirant un peu la langue, trop fier d'avoir partagé cette information absolument inutile. Mais bon, au moins elle saurait d'où venait le prénom de Tyson, entre autres. Hein. Superbe. Baptisé après un boxeur, magnifique. Sublime, même. Enfin, bref.

Il se rajusta, se poussant en arrière, avant de porter ses mains à la nuque, blasé. Il se racla la gorge. Elle voulait tout savoir ? Allez, on se lâche.

« J'ai fait des études de journalisme, j'ai même au droit à une bourse. Puis, j'ai fait du Jiu Jitsu, de la boxe anglaise, un peu de lutte à l'école, mais bon, à grandir à 8 gamins, on se fait tous forts, faut croire que notre mère avait un patrimoine génétique de barbares. Après, bah. Quand Tyson a été envoyé en prison après avoir fait péter la maison de son boss et tué des gens, ma mère m'a demandé d'aller vérifier s'il allait bien en prison sous ma magnifique forme plumée, et du coup, bah, même si j'aimais pas mes autres frères, ça a fait un truc entre Ty' et moi, tu vois. Sauf que bon, il en sait rien et il me déteste comme il déteste tout le reste de la famille.

Tu m'étonnes aussi, notre père l'a déshérité quand il a commencé la drogue, alors du coup, beh, il a arrêté tous les liens avec nous. Mais bon, j'crois aux valeurs familiales, alors je l'ai suivi ici, et padaaam, tu sais tout sur moi. » finit-il en se montrant des deux mains, comme s'il était une œuvre d'art à être exposée. Puis il regarda ses poings et serra les doigts pour lui montrer ostentatoirement les tatouages sur les doigts qui indiquaient 'drug free'. Sourire aux lèvres, il enchaîna : « Je ne me drogue pas, je ne fume pas, je ne bois pas. Et j'adore les tatouages, mais ça, faudra que tu me forces à enlever ce t-shirt pour le voir encore plus... » et le regard lourd de sous entendus qui va avec, il était obligé de le faire. Bah.

C'était Kyle quoi, fallait pas lui en vouloir.

« Ouais, vas-y, ta gueule la vieille. » Heureusement qu'Adélaïde était partie... Dora eut un tic nerveux en pensant à ce qu'elle aurait pu lui faire. Mais bon avec des si, on mettait Paris en bouteille, donc passons ce moment d'imagination intense, et écoutons ce que Kyle avait à dire. Ce qu'on pouvait affirmer, c'était que quand on lui disait de tout raconter, il racontait... vraiment tout. Elle fut assez impressionnée par son débit de paroles. Comme ça, il était fiancé... « Puis, bon, fiancé, mais elle est pas aux States en ce moment, et on a un commun accord, vu qu'elle est en Afghanistan, si elle veut assouvir un désir avec un GI, elle peut, et, de mon côté, j'ai le droit d'écarter les jambes à qui je veux. » La jeune femme se permit un sourire amusé. Au moins, c'était clair ! Et elle comprenait mieux sa remarque sur sa virginité, maintenant... Kyle Hunter, espèce de pervers.

Vint ensuite la question de la famille. Elle lui adressa un regard vitreux quand il énuméra les noms de ses frères, assez impressionnée encore une fois. A sa place, elle aurait déjà perdu son souffle ! « Ma mère aimait les noms de boxeurs et autres, donc elle a joué sur Mike Tyson, entre autres. Mais faut pas leur dire, ils aiment pas qu'on mette ce jeu de mot pourri en avant. » Cette fois, elle eut un rire franc. « Je retiendrai ! Des fois que j'aie envie d'emmerder ton frère... » Pour tout dire, elle n'avait jamais fait le rapprochement. Elle n'était pas vraiment fan de boxe, ni de sports de combats en général. Elle n'en avait jamais pratiqué et savait à peine se défendre, ses réflexes se résumant à un bon coup de pied dans les parties.

Ce qui n'était visiblement pas le cas de Kyle puisqu'il lui énumérait cette fois les sports qu'il avait pratiqué. Un gros bras, j'vous dis. Elle se contenta d'un petit hochement de tête et d'un nouveau sourire en coin quand il écarta les bras, façon « je suis merveilleux regardez-moi ». Un peu égocentrique, le mec. Mais elle l'aimait bien, malgré son humour... Douteux. « Je ne me drogue pas, je ne fume pas, je ne bois pas. Et j'adore les tatouages, mais ça, faudra que tu me forces à enlever ce t-shirt pour le voir encore plus... » Elle se pencha vers lui avec le même sourire plein de sous-entendus. « Je peux être très... très... très persuasive, je pense que tu auras l'occasion de t'en rendre compte. Mais avant ça... »

Dora se leva de sa chaise pour contourner la table et littéralement se mettre à tripoter Kyle. Pour tout dire, elle était à la recherche du portable de monsieur, puisqu'elle avait un rendez-vous professionnel et qu'elle devait partir. Autant dire que dans cette position, à moitié collée contre lui et ses mains se baladant au niveau de son jean, c'était un peu limite. Mais elle finit par tirer l'appareil de sa poche, sortit son propre portable et composa son numéro sur celui de Kyle pour l'enregistrer. « Ca, c'est fait. Je t'ai mis mon numéro, comme ça si t'as besoin de soins a domicile ou je ne sais quelle connerie, t'auras qu'à appeler. » Elle lui rendit le petit appareil et rangea le sien. « Et moi, si ton frère fait une connerie, je pourrai te prévenir ! Sur ce je t'abandonne, j'ai une merde de rendez-vous avec le directeur de l'hôpital. » Tout ceci dit en renfilant son manteau, elle finit par se pencher pour coller une bise sur la joue du gros bras, sans prévenir. Et ce fut avec un sourire angélique qu'elle sortit de la boutique, ses courses et sa forêt noire dans les mains.

Ouais. Finalement, parfois, elle était pas mieux.