Décidément, aller faire de la gym' et de la musculation avec Jackson avait été plein de surprises. Notamment le fait de tomber sur le groupe d'adolescents pré-pubères en quête d'apprentissage face à un prof incompétent en self-defence. Les deux amis avaient donc décidé de prendre les choses en main, et après avoir traversé une table et écrasé la moitié des gamins – joyeusement balancé dans le public par Jackson – Tyson avait fini par donner un coup de boule amical et s'était explosé l'arcade sourcilière. Vous me direz, à la limite, vu qu'il jouait seulement avec Jack', c'était déjà ça qu'il n'ait eu qu'une arcade sourcilière explosée. Mais, ceci dit, il y avait une fissure assez marquée au dessus de son œil, et il allait certainement devoir prendre quelques points de suture. Pas de quoi lui faire peur, pour quelqu'un qui a fait 6 mois d'isolation en prison, y a pas 8 points qui vont lui faire peur.

Il avait quitté Jackson quelques minutes plus tôt, s'était douché rapidement, mais sa plaie continuait de saigner légèrement, alors il décida d'aller à l'hôpital se faire recoudre par une jolie infirmière. Tant qu'à faire. Ne pas inquiéter Eileen qui allait lui demander s'il s'était encore pris la tête avec quelqu'un, comme le beau mensonge de l'époque des combats de rue n'était pas sorti depuis plusieurs mois... Il allait simplement lui dire qu'il s'était cogné la tête. A l'âge de la petite, les points de suture pour se cogner la tête, c'était plausible. Il gara la voiture en se tenant un sparadrap sur le sourcil, avant d'ouvrir la portière et gravir les quelques marches qui menaient aux urgences. Il salua l'une des secrétaires, et demanda si un médecin n'était pas dispo pour quelques points. Apparemment, il n'y avait pas trop de monde, donc il allait être pris en charge par l'une des doctoresses. Il aurait bien demandé à voir Siobhán, mais il ne voulait pas la déranger dans son travail, alors il prendrait son mal en patience, et alla s'asseoir dans la salle d'attente, tenant toujours son sparadrap sur l'oeil. Il sentait l'oeil légèrement gonflé, mais c'était un peu du tant pis pour toi. Il avait qu'à faire attention à lui et ne pas donner de coup de boule à la seule personne qu'il savait capable de les assumer et de ne pas tomber par terre après.

Il profita de ces quelques minutes seul pour observer les gens autour de lui. Il était venu plusieurs fois à l'hôpital, mais jamais pour des choses trop destructives. Il avait été hospitalisé, certes. Opéré à l'épaule, même. Mais rien de bien méchant. Juste une clavicule explosée quoi. Il fixa un gamin qui avait la patte plâtrée, et une fillette qui se tenait le ventre le visage crispé. Heureusement pour Tyson, Eileen n'avait jamais été à l'hôpital, à part à sa naissance. Elle avait fait sa varicelle déjà, elle avait fait sa rougeole, mais elle n'avait jamais eu besoin de soins intensifs à l'hôpital. Il releva la tête lorsqu'il entendit son nom, et tourna le visage tout en se levant pour voir qui l'appelait.

Oh ben tiens. Elle ? Il eut un large sourire en s'approchant de la doctoresse, et lui tendit sa main libre tout en lui lançant un « Toi, ici ? Je pensais que tu étais seulement à la morgue! »

Ouais, non, parce que Tyson et la Pandora, ça remontait à des histoires peu gaies à la morgue où il avait été appelé, non pas à une reprise, mais à trois reprises, pour identifier des mecs qui s'étaient entretués dans des combats de rue. C'était vrai quoi, Tyson avait fait des combats de rue pendant 4 mois et avait laissé ses traces, il connaissait tout le monde. Et lorsque l'un des combattants mourrait des suites de ses blessures ou par accident, c'était lui qu'on envoyait l'identifier. Parce qu'il avait une tête à être honnête. Il ne ressemblait pas trop au taulard, en fait. Encore moins au dealer de drogue. Il avait beau avoir une carrure de mastodonte, quand on savait qu'il avait une gamine de 3 ans à la maison et qu'il faisait tout pour elle... On ne s'imaginerait pas qu'il avait fait exploser la villa de son ancien patron, un drug lord, à la dynamite, qu'il avait fait 18 mois de prison dont 6 en isolation totale, qu'il avait été go fast et travaillé dans le domaine de la drogue.

Il était pas trop du genre à avoir tout ça écrit sur son visage. Il n'en avait jamais parlé à Pandora, il n'y avait, d'ailleurs, pas grand monde à qui il avait dit face à face qu'il avait fait de la prison. Tant pis. Il releva le sparadrap de son arcade sourcilière pour voir si ça saignait encore, et dès qu'il défit la pression sur la plaie, il sentit une goutte de liquide couler le long de sa tempe. Puis il prit la parole.

« Tu saurais me recoudre ça? Je sais bien que je suis pas mort encore, mais bon.. »

Il lui tira la langue en même temps. Ouais non, parce que bon, il valait mieux blaguer que rester tout sérieux. Et puis c'était gentil. Il rappuya son sparadrap pour éviter de choquer les enfants dans la salle d'attente. C'était vrai quoi. Mais bon, il n'avait pas peur du sang. T'façon, travailler pour le patron du Fangtasia, il ne pouvait pas avoir peur du sang. Et même, avec son passé familial compliqué.. C'était même cousu d'avance qu'il allait à la limite aimer le sang...

« Alors, qu'est-ce que monsieur Lopez peut bien avoir à me dire... » Le bas du visage mangé par un masque aseptisé, le corps masqué par la combinaison bleue réglementaire et des lunettes de protection sur le nez, sans évidemment oublier le bonnet pour retenir ses trop longues mèches brunes, Pandora s'empara d'un scalpel particulièrement bien aiguisé afin d'ouvrir le torse de son dernier pensionnaire en date, Fernando Lopez. Une fois l'incision en Y réalisée, elle rabattit la chair sur les côtés pour avoir plein accès à l'intérieur de son corps. Un petit soupir de satisfaction lui échappa. « Allons-y, mon cher, racontez-moi un peu vos derniers instants de vie ! »

Dieu seul pouvait savoir qu'elle ne s'adressait pas uniquement au cadavre étalé devant elle, mais aussi au fantôme de son propriétaire. Septuagénaire au ventre clairement prononcé et à la peau très mate, Lopez poussa un grognement mécontent en constatant que le légiste était UNE légiste. Depuis quand les femmes tripotaient des cadavres nus, hein ? « Journée ordinaire, mademoiselle. Je venais de finir mon repas quand j'ai senti une douleur atroce dans la poitrine... Et puis je me suis vu étalé par terre, raide mort. » Petit hochement de tête. Oooh, tout ça ressemblait fort à une bonne vieille petite crise cardiaque ! Avec toute la délicatesse du monde, elle écarta les côtes de son « sujet » (« SPLOTCH ! » « Merde, c'était la rate, j'en ai plein la tronche maintenant ! ») pour découvrir le cœur et le sortir promptement de son logement. « Bingo ! Bouchons dans les artères... Et des jolis ! La plus belle crise cardiaque de toute ma carrière ! » Ah, quand Dora est dans son délire de légiste, hein... Mais évidemment, il fallut que quelque chose vienne perturber son extase toute scientifique. En l'occurrence, son bipeur. « Putain de bordel de merde. Merci, monsieur Lopez, vous pouvez disposer. »

Pandora replaça le cœur à sa place et rangea bien proprement le cadavre dans son box, bien étiqueté à son nom, avant de se débarrasser de sa combinaison, ses gants et son bonnet qu'elle balança proprement dans la poubelle la plus proche. Ensuite seulement elle daigna jeter un coup d'œil à son bipeur, haussant un sourire particulièrement sarcastique devant le code. « Pas assez de monde ? Ben voyons ! Et pourquoi c'est la légiste qu'on vient voir ? Ils savent bien que les patients n'aiment pas mon humour... » Elle secoua la tête et enfila sa belle blouse blanche immaculée. Bien. Allons voir des patients complètement hystériques et stressés par l'attente aux urgences. Pour tout dire, au bout d'une petite demi-heure, elle en avait déjà assez et elle serait bien allée se planquer dans sa morgue pour en finir avec Fernando Lopez, mais un nouveau nom lui tomba dans les mains. Un nom qui la fit sourire.

« Tyson Hunter ! » Oh ouais, gros, c'est tout à fait ça, l'expression de surprise ! Elle lui rendit avec plaisir son sourire tout en attrapant la main qu'il lui tendait pour la serrer franchement. « Toi, ici ? Je pensais que tu étais seulement à la morgue! » Elle fit non de la tête. « Ils m'exploitent ! Non seulement je dois faire les autopsies mais aussi jouer les urgentistes quand y'a pas assez de personnel ! J'vous jure, vraiment, des espèces d'enfoirés de rapaces ou je sais pas quoi... » Une petite grimace apparut sur les lèvres de Dora quand le mastodonte releva le sparadrap qu'il tenait collé contre son arcade éclatée. Effectivement, c'était moche. « Tu saurais me recoudre ça? Je sais bien que je suis pas mort encore, mais bon.. » Un sourire moqueur apparut sur ses lèvres. « Tu as peur d'être défiguré à vie ? Allez, suis-moi, je vais m'occuper de ça. »

Elle le guida jusqu'à une petite salle d'examen et lui désigna la table d'auscultation d'un petit mouvement de tête, tout en enfilant une paire de gants en latex. « Putain, y'en a qui continue de voler du matériel ! Où est passée cette foutue chaise ? » Pas la moindre trace de tabouret dans le coin... Notre sorcière poussa un juron particulièrement vulgaire, mais d'une voix tellement calme que ça en devenait grotesque, avant de se tourner vers le garde du corps. « Désolée mon grand, mais si tu veux que je fasse du bon boulot, je vais devoir grimper sur tes genoux. Tu permets, au moins ? »

Il n'en fallut pas beaucoup avant que Pandora ne réponde de façon souriante à Tyson. Elle lui serra d'ailleurs la main fermement, avant de se plaindre d'être exploitée. C'était vrai, que la voir elle, ici, à l'hôpital, ça le surprenait. Elle était plutôt du genre à cravacher les cadavres pour voir combien de temps allaient mettre les bleus pour apparaître, et non pas à tenter de soigner lesdits bleus. Puis elle se moqua de lui. Il lui emboîta le pas lorsqu'elle se dirigea vers une salle d'examen, et s'installa sur la table. Il s'y appuya simplement, en réalité, sachant que s'il s'y asseyait elle devrait probablement rester debout, voire monter sur un tabouret pour le recoudre. Cependant, lorsqu'elle se plaignit que lesdits tabourets aient disparus, il haussa son sourcil non-explosé et la regarda enfiler les gants avec une petite moue faussement surprise.

Monter sur ses genoux ? Oh, avec plaisir. Il tapota sa cuisse tout en se redressant pour se hausser des bras pour s'asseoir sur la table d'auscultation et se poussa suffisemment vers l'intérieur pour qu'elle ait de quoi s'asseoir sur ses cuisses. « Fais comme chez toi. » ajouta-t-il même avec un petit sourire, en tenant toujours son bras en l'air pour maintenir le sparadrap sur sa coupure. Il l'observa doucement s'approcher puis lorsqu'il la sentit grimper, il baissa enfin le bras et s'appuya sur ses coudes pour reculer légèrement son torse, pour qu'elle n'ait pas à faire de façon complètement verticale.

« Et, tu m'injectes que dalle dans l’œil, j'ai pas besoin de me faire anesthésier, capish ? » Il lui adressa un regard qui se voulait menaçant, mais la petite étincelle dans son regard le trahit complètement : c'était plus de la fierté qu'autre chose. Et puis, de toute façon, c'était pas sentir une aiguille lui passer dans la chair qui allait le faire gémir. Il avait vécu pire. Et, de toute façon, vu les tatouages qu'il avait sur les bras, une aiguille qui s'enfonce dans la peau, je sais pas pour vous, mais s'il gémissait en se faisant recoudre, il avait dû être anesthésié pendant les 50 heures que lui avaient pris ses tatouages.

Et puis, ça économiserait une seringue à la doctoresse – et à l'hôpital aussi, apparemment, parce que s'ils se faisaient chaparder des tabourets, ils avaient dû couper sur les fonds pour assurer la surveillance des locaux ! Il haussa le sourcil afin qu'elle puisse s'en occuper et ferma l’œil. Il sentait le sang couler légèrement, lentement, le long de sa tempe, et ça ne l'étonnerait pas que la goutte finisse par tâcher son t-shirt. Une chose pour une autre, il aurait de quoi faire le linge sale cette fois ci. D'habitude, il mettait la même chose pendant deux, voire trois jours, et c'étaient que les vêtements d'Eileen qui partaient au sale, mais cette fois ci, il allait y avoir au moins deux trucs à lui : t-shirt ET pantalon. Sans compter les affaires de sport qui étaient restées dans le coffre de la voiture – ben oui, il venait depuis le gymnase.

« Ils te font pas trop chier les autres patients, ça va? » Pour faire la conversation – ça aide quand t'es en train de te faire recoudre l'arcade sourcilière, de parler. Comme pour le tatouage : si tu parles au mec qui est en train de te faire 7 piqûres de pointe injectée d'entre noire à la seconde, ça aide. Et au bout d'un moment, tu le sens même plus. Le pire ça avait été le coude quand même. Parce que la peau du coude, voilà quoi. C'est sec, et ça avait fait un peu mal. Mais ça en valait la peine.

Non, et puis même, ça l'intéressait. Peut-être qu'elle regrettait ses cadavres, la Pandora. Surtout d'après la frustration qu'il avait su relever quand elle l'avait accueilli tout à l'heure dans la salle d'attente ! Elle était pas du genre à être sociable. Elle, en médecin généraliste, elle n'aurait probablement eu personne. Même si Tyson devait bien s'avouer qu'elle était craquante avec son accent so british : pour un américain pur et dur comme lui, voir une jeune femme parler à l'anglaise, ça faisait drôle. Enfin, entre Sio' qui était Irlandaise et Erin qui était écossaise, ça en faisait déjà. Il avait la panoplie de la Grande Bretagne en fait.

Le mieux c'étaient les insultes de Pandora. Le genre de choses qu'il n'entendra nulle part ailleurs et ça le faisait bien marrer d'ailleurs. Au lieu de sortir un putain, un fuck ou un merde classique, des fois, elle sortait de ces insultes. Il se demandait parfois d'où elles venaient. Probablement de son Angleterre natale, mais voilà quoi. Il y en avait... C'était juste hilarant et ça faisait perdre du sérieux à la conversation. Oui, non, parce que si on insulte et que la personne insultée se met à rire, ça casse le truc. Un tout petit peu, non ?

Hop là ! Ni une ni deux, notre petite sorcière se retrouva juchée sur les cuisses de Tyson, son matériel entre les mains, prêt à être déballé. Elle allait tirer une seringue de son enveloppe de plastique, mais... « Et, tu m'injectes que dalle dans l’œil, j'ai pas besoin de me faire anesthésier, capish ? » Elle haussa un sourcil ironique mais bon, puisqu'il insistait... Elle fourra donc dans la poche de sa blouse la seringue et la petite fiole d'anesthésiant local qu'elle avait embarquées au cas où, puis imbiba un coton de désinfectant pour le passer doucement sur la plaie, nettoyant ainsi le sang séché qui restait sur la peau. Bien, ça clarifiait un peu les choses, au moins. La coupure était bien nette, quoique un peu en zigzag, ça ne prendrait pas tellement de temps pour la recoudre. Sept ou huit points, pas plus. Elle enfila donc le fil sur l'aiguille, attrapa la pince qui lui permettrait de rapprocher les bords de la plaie, et commença son petit travail de couture. Finalement, c'était presque aussi drôle que sur un cadavre.

« Ils te font pas trop chier les autres patients, ça va ? » Pandora lui renvoya un regard profondément blasé, ses iris bleu pâle animés toutefois par une pointe de malice. Elle n'était pas vraiment sociable, mais elle appréciait beaucoup Tyson, notamment son humour parfois dévastateur, sans compter ses yeux bleus et son sourire... Mais bref, on s'égare. « Mes macchabées sont définitivement plus plaisants. Au moins, quand tu les tripotes pour trouver ce qu'ils ont, ils ne se plaignent pas ! » Enfin, pas toujours... Certains fantômes pouvaient être vraiment agaçants, mais ce n'était pas le genre de chose qu'elle pouvait dire à l'armoire à glace. Parce que bon, aux dernières nouvelles, les sorciers étaient censés se faire discrets. Et dire à Tyson qu'elle pouvait voir des fantômes, communiquer avec eux et les renvoyer ou les tirer de l'ailleurs d'où ils provenaient, je n'appelle pas ça de la discrétion.

La jeune femme haussa finalement les épaules, tout en entamant son troisième point de suture. « Tout à l'heure, je suis tombée sur une espèce de gourgandine fringuée comme un sac qui a eu le malheur de se brûler au troisième degré avec de l'eau. Elle s'est plainte tout le long de ses soins, et elle a eu l'audace de me traiter d'incompétente ! Moi ! » Un sifflement passa entre ses dents pendant qu'elle serrait doucement le fil, puis passait au quatrième point. « Je n'ai jamais été insultée de cette façon, même la fois où ce petit imbécile de Marshall Woodstock m'a traitée de fille de sataniques mal baisés. Je devais avoir dix ans... » Et le Woodstock en question s'est retrouvé hanté par des voix menaçantes pendant une semaine. Un petit sourire sadique mais satisfait étira les lèvres de Dora à ce souvenir particulièrement agréable.

« Heureusement que tu relèves un peu le niveau, j'allais m'enfermer dans un des caissons froids de ma morgue, tellement je désespérais. Tiens-moi l'aiguille deux secondes... » Elle le laissa attraper le bout de l'objet de torture métallique afin de s'emparer d'un nouveau coton et du désinfectant. Elle nettoya ainsi le sang qui continuait de couler et l'agaçait particulièrement. Encore un avantage : quand on est mort, le cœur ne peut plus pomper, du coup on n'en fout pas partout sur les mains du légiste ! « Voilà... Trois ou quatre points supplémentaires suffiront. Sinon, de ton côté, comment ça se passe ? »

Apparemment, face à la question du mastodonte, la jeune légiste sembla prendre l'envol de la parole, et il n'en fallut pas plus à Tyson pour sourire. Même s'il sentait l'aiguille passer d'un bout de la plaie à l'autre, et le fil resserrer la chair pour qu'elle puisse cicatriser plus facilement. Il l'écoutait, souriant et lâchant parfois même un rire. L'avoir sur lui ne le gênait pas, et à vrai dire, la jeune femme ne pesait pas bien lourd comparé à ce qu'il avait l'habitude de soulever à la salle de gym'. Alors, il ne se plaindrait pas. Il n'émit absolument aucun bruit par rapport à la suture : il s'était déjà pris des agrafes dans le crâne pour raccrocher des plaies ouvertes sans rien dire. Ca n'allait pas commencer aujourd'hui – et encore moins devant Pandora. Lorsqu'elle lui demanda de tenir l'aiguille, il leva le bras en la regardant prendre le coton et le désinfectant, et lorsque la réaction chimique du désinfectant commença à nettoyer la plaie, il fronça légèrement les sourcils – c'était pas que ça piquait, mais si un peu quand même. Le mensonge qu'il avait le plus l'habitude de dire à Eileen : mais non, ça ne pique pas. Et voilà qu'elle était en train de lui crier de passer la plaie sous l'eau pour que ça arrête de piquer. Qu'est-ce que les adultes pouvaient être sadiques avec les petitous... Mais c'était pour leur bien, hein.

Trois quatre points de plus ? Huit au total ? La vache, c'était une plaie un peu plus impressionnante que ce qu'il pensait. Il haussa les épaules lorsqu'elle lui retourna la question. « Écoute, rien d'intéressant. J'ai écrasé des gamins à la salle de gym' parce que je leur ai fait une démonstration de self defence avec un pote à moi, et il m'a foutu à travers une table pour leur montrer aussi. Puis quand je lui ai filé un coup de boule, j'me suis fait ça,  » affirma-t-il en montrant sa plaie du doigt, avant d'adresser un sourire à la doctoresse. Passé à travers une table, ah oui, carrément. Il reprit la parole.

« Et puis j'me suis dit que j'allais venir te sauver de tes mémés et tes gamins pleurnichards, donc je suis venu à l'hôpital.  » Il lui adressa un large sourire qui se transmit jusque dans son unique œil ouvert – bah oui, il gardait l'autre fermé, le temps qu'elle recouse la plaie. Il sentit l'aiguille passer dans sa chair à nouveau, avant de baisser le regard légèrement, pour regarder ailleurs que la jeune femme. Enfin, jeune femme. Elle était un peu plus jeune que lui, probablement, loin des 20 et quelques des minettes qu'il croisait d'habitude.

Et puis, entre nous, c'était pas qu'elle n'était pas moche.. Peut-être qu'il était venu à l'hosto dans l'espoir de la voir ? Parce que bon, la voir dans sa morgue pour identifier des corps, c'était une chose, la voir pour qu'elle s'occupe de lui, c'en était une autre. Et puis, il préférait flirter avec Pandora qu'avec Siobhán, ça le gênait moins, niveau différence d'âge... Hein. Et puis, bon, Pandora était du genre à le faire rire à raconter ses péripéties quotidiennes dans sa morgue.. De toute façon, pour Tyson, Pandora était devenue une amie, une connaissance agréable. Que ça soit elle qui s'occupe de lui, c'était tant mieux pour lui.

Il se recula légèrement pour permettre à la jeune légiste d'être mieux assise, avant de relever le regard vers son visage. Elle était concentrée sur son travail. Ca lui rappelait la tatoueuse, qui s'était occupé de ses bras. Il avait passé 50 heures à la regarder faire – enfin, tant que c'était possible – et il avait fini par connaître son visage par cœur. Ca allait probablement prendre un peu plus de temps pour Pandora, mais bon, tant pis. Il se cognerait la tête contre celle de Jackson une autre fois, de l'autre œil. Comme ça, elle le recoudrait encore une fois, non ?

« Écoute, rien d'intéressant. J'ai écrasé des gamins à la salle de gym' parce que je leur ai fait une démonstration de self defence avec un pote à moi, et il m'a foutu à travers une table pour leur montrer aussi. Puis quand je lui ai filé un coup de boule, j'me suis fait ça. » Un sourire amusé étira les lèvres de Pandora à l'explication de l'homme, pendant qu'elle finissait de désinfecter tout ça. « Bande de machos. Tous les mêmes, toujours à vouloir passer pour le plus fort ! » L'humour était bien audible dans sa voix. A vrai dire, le petit récit de Tyson lui rappelait un peu son frère Declan, qui avait pris l'habitude de se bastonner (amicalement ou non d'ailleurs) dès qu'il en avait l'occasion. Et qui faisait les soins après ? C'était elle ! Enfin, si les hommes n'étaient pas comme ça, on ne les aimerait pas, après tout... « Et puis j'me suis dit que j'allais venir te sauver de tes mémés et tes gamins pleurnichards, donc je suis venu à l'hôpital. » Nouveau sourire. « Trop gentil de ta part ! »

Un silence confortable s'installa entre eux, le genre de silence tellement agréable qu'on n'a pas vraiment envie de le briser. Les sourcils froncés, concentrée sur son travail de couture, Dora parachevait ses soins avec deux derniers points. Elle noua soigneusement le fil, le coupa avec une petite paire de ciseaux et, enfin, passa une bonne couche de bétadine sur la plaie fraîchement refermée, avant d'y poser une petite compresse. « Et voilà ! Il faudra quand même que tu reviennes me voir dans un mois, pour que je t'enlève tes fils. Et n'oublie pas de désinf... » Elle ne put pas finir sa phrase puisque le bodyguard se reculait un peu plus sur ses coudes. La jeune femme perdit donc l'équilibre qu'elle s'était établi, ainsi juchée sur ses cuisses. Elle partit vers l'avant et, en moins de temps qu'il ne le faut pour le dire, elle se retrouva pressée contre son torse, le nez enfoui contre son épaule.

Pandora eut un moment de flottement. Elle resta bêtement dans cette position, les yeux grands ouverts, à simplement respirer l'odeur de son gel douche. Une odeur légèrement épicée, agréable. Toutefois, le rouge lui monta bien vite aux joues et elle se hâta de se redresser, puis de carrément sauter au sol, en finissant ses explications à la vitesse de l'éclair. « Désinfecter tous les soirs et mettre un pansement dessus pendant une semaine ! Hors de question que je te retrouve ici avec l'arcade pleine de pus, c'est compris ? » Elle lui tourna soigneusement le dos pour ranger tout son matériel et balancer la paire de gants et l'aiguille désormais inutilisable dont elle avait usé. Bon sang. Il ne fallait pas qu'il remarque sa gêne. Elle inspira à fond, passa les deux mains sur son visage, puis dans ses cheveux longs qu'elle ramena soigneusement en arrière.

Le silence était revenu, mais cette fois beaucoup plus tendu, notamment à cause de la gêne dont faisait preuve la nécromancienne. Merde ! Les seuls bras masculins qu'elle connaissait étaient ceux de son défunt père, de son frère aîné et du mec qui lui avait pris sa virginité le jour de ses dix-huit ans et dont elle ne se souvenait absolument pas, à cause du taux d'alcool qu'elle avait dans le sang ! Elle frotta de nouveau son visage puis, en plantant ses mains sur ses hanches, elle fit de nouveau face à Tyson, les joues toujours légèrement teintées de rose. « Voilà ! Tu peux y aller, monsieur l'armoire à glace, la torture des points est terminée !

Passer pour le plus fort ? Elle venait de dire 'passer' pour le plus fort ? C'était une belle blague ! Tyson ne put s'empêcher de rire légèrement, sans trop bouger pour ne pas déranger la doctoresse qui avait tout de même une aiguille très près de son œil... Il prit la parole. « Non mais je SUIS le plus fort, nuance. » Il lui tira la langue. Puis, il laissa le silence s'installer doucement, en la laissant faire ce qu'elle faisait actuellement. Ce n'était pas aussi facile que sur un cadavre, il en était certain, parce qu'il bougeait toujours un peu, à droite, à gauche, en haut, en bas, jamais trop, mais jamais parfaitement immobile. Il n'y avait que les vampires qui étaient capables de rester parfaitement immobiles. Ca le faisait légèrement flipper, d'ailleurs.

Lorsqu'elle termina, Tyson en profita pour se redresser et se reculer légèrement, ce qui provoqua la chute en avant de la Pandora. Qui resta quelques secondes contre son torse. Il fronça les sourcils, amusé ? C'était quoi ça ? Lorsqu'elle se redressa et qu'elle termina sa phrase bêtement coupée, il eut un large sourire. Ah, ouais, c'était ça. Tomber contre son torse, ça a forcément des réactions quelque part. On aime s'y blottir, dans les bras d'un mec comme Tyson. Soyez jalouses d'Eileen qui avait droit au petit bisou sur la joue avant de s'endormir, qui avait le droit de rester sur ses genoux devant la télé, qui avait le droit de s'endormir la tête contre son poitrail.. Pandora se redressa brutalement en arrachant les gants et elle commença à ranger le matos, mais Tyson ne broncha pas. Il se passa le pouce sur les points, mais resta assis. Ce ne fut que lorsqu'elle se tourna vers lui, les bras fièrement campés sur ses hanches, qu'il réagit, en éclatant de rire lorsqu'elle le mit littéralement à la porte verbalement.

« Tu vas me foutre à la porte comme ça, sans rien dire de plus ? Attends, me dis pas que t'es gênée parce que tu m'es tombée dessus! » Il eut un petit rire en se rajustant sur la table, refusant de descendre – elle pouvait toujours tenter de le pousser de son perchoir, mais il allait s'entêter. Non, il ne descendrait pas de là, et il ne sortirait pas de la salle, pas tant qu'il ait eu un petit peu de réponses, et tant qu'il n'ait pas rompu la situation maladroite qui venait de s'installer. Il reprit la parole, en lui adressant un joli « Allez, viens là, Pandora. » Il tendit les bras vers l'avant, l'invitant à le rejoindre, l'invitant à lui filer un câlin : il était sûr et certain qu'elle devait pas en avoir souvent. Ca se sentait, ce genre de truc. Surtout depuis qu'il était devenu papa, là, c'était carrément pire, il sentait les gens qui avaient besoin de câlins à dix kilomètres à la ronge.

Et s'il parvenait à la convaincre de revenir dans ses bras, il aurait une raison pour flirter encore un peu. « Pour te féliciter pour tes talents de couturière. » C'était vrai, se faire recoudre par des mains délicates, ça a beaucoup d'influence. Se recoudre soit même avec une bouteille d'alcool pour ne pas aller à l'hosto parce qu'on est en plein deal, ça le fait moins. Tout de suite moins. Alors, Tyson garda les bras tendus vers la Pandora, en espérant qu'elle parvienne à vaincre sa peur des gros bras et qu'elle vienne s'installer contre son torse. Ca faisait longtemps qu'il avait fait un câlin à quelqu'un d'autre qu'Eileen, d'ailleurs. Et pour une fois, ce ne serait pas dans l'espoir de faire une prise ou faire mal. C'était pour faire plaisir. Ca se valait, non ? Il esquissa un sourire, en pliant l'index pour lui dire de venir tout de suite. De toute façon, il n'allait pas bouger tant qu'il n'avait pas eu son câlin – et peu lui importait si quelqu'un entrait dans la salle d'examen et les découvrait en plein câlin. Il n'était pas marié, hein ? Et il avait le droit, non ? Eileen n'avait pas forcément besoin de trouver une nouvelle maman tout de suite, mais ça n'empêchait pas le papa d'aller voir ce qui était potable. Et, à vrai dire, Pandora l'était tout à fait.

« Non mais je SUIS le plus fort, nuance. » Elle s'empêcha de ricaner, moqueuse, et reporta toute son attention sur son travail. Non parce que bon, ce serait dommage qu'elle lui foute son aiguille dans l'œil, non ? Alors autant se concentrer et se taire. En tout cas, le silence qui s'était installé était bien agréable, mais tout à une fin et très vite, la plaie n'eut plus besoin de suture. Ne restait plus qu'à donner les dernières indications, mais évidemment, il fallut que quelque chose la coupe en plein milieu. Ici, le recul de Tyson et sa chute vers l'avant, heureusement arrêtée par le torse large et musclé de monsieur. Qui lui fit piquer un fard et l'obligea presque à s'éloigner de lui tout de suite maintenant sous peine de perdre encore plus ses moyens. Elle aurait bien aimé qu'il parte, mais évidemment... Il se contenta d'éclater de rire. Salopard.

« Tu vas me foutre à la porte comme ça, sans rien dire de plus ? Attends, me dis pas que t'es gênée parce que tu m'es tombée dessus! » Ses joues répondirent pour elle en prenant une magnifique teinte rouge tomate. Pandora croisa les bras sur sa poitrine, parfaite image de la petite fille butée et colérique – parce que oui, elle avait l'impression d'être redevenue une gamine prise en flagrant délit, la main dans le bocal à bonbons. « J'ai le droit d'être gênée si j'en ai envie, non ? » siffla-t-elle entre ses dents. Non, elle n'était pas en colère, juste particulièrement gênée et son flegme si caractéristique semblait s'être envolé, alors qu'elle en aurait eu bien besoin. Fait chier bordel de merde.

« Allez, viens là, Pandora. » Au moins, cette simple phrase eut le mérite de la calmer. Notre sorcière adressa un regard particulièrement intrigué et surpris à Tyson, ses yeux passant successivement de ses bras ouverts à son visage. Aurait-il oublié que les Anglais sont très différents des Américains et que le contact physique, c'est à passer à la trappe ? Elle en avait fait la douloureuse expérience avec son père quand elle était petite, encore traumatisée par les monstres sous son lit. Elle avait voulu réclamer un câlin de réconfort, elle s'était faite soigneusement jeter. Depuis, elle avait mis ses élans de gamine au placard et c'était resté comme ça. « Non. » Sa réponse était presque sèche.

Mais tout ça, c'était sans compter sur l'entêtement du bodyguard, presque aussi furieux que le sien, d'ailleurs. « Pour te féliciter pour tes talents de couturière. » Elle fronça les sourcils. « J'ai dit non. » Mais Dora aussi était têtue, extrêmement têtue, et si elle ne voulait pas de câlin (du moins c'est ce qu'elle tentait de se dire), elle n'aurait pas de câlin. Ouais mais d'un côté... Le dernier câlin qu'elle avait eu remontait au moment où Jeremy s'écartait de sa famille, donc quelques années déjà... Et il fallait dire qu'elle en avait bien envie. Après quelques secondes d'un regard particulièrement noir envers son patient, elle finit par souffler d'agacement (plus feint qu'autre chose) et alla se caler dans les bras de Tyson. Au moins, il serait content.

Oui mais voilà, le problème était que les bras bien musclés qui se refermaient sur elle lui en rappelaient d'autres. Ceux de son père. Pandora n'avait eu droit qu'à quelques rares étreintes de la part de Fred Rosebury. A l'enterrement de sa mère. Pour ses anniversaires quand elle était petite. Quand elle avait été reçue à la fac de son choix. Juste avant qu'il ne meure. Bref, tout ça faisait remonter lentement mais sûrement une boule douloureuse d'émotion dans la gorge de notre petite nécromancienne, et sa voix était tremblante quand elle reprit la parole. « Ca te va, monsieur je-suis-le-plus-fort ? »

Voir la légiste s'obstiner et refuser le câlin que Tyson lui offrait par sa grande générosité de cœur le fit sourire. Il laissa ses lèvres s'étirer, gardant les bras largement ouverts. Et même lors de ses 'non' et ses insistances pour ne pas prendre le câlin, il les garda en l'air. Et, ce fut une petite victoire personnelle lorsqu'elle craqua et vint se caler contre lui. Elle se fit soudainement silencieuse, puis il fronça les sourcils. Il avait fait quelque chose de mal, c'était ça ?

Il l'entendit inspirer, avant de prendre la parole, la voix toute tremblotante. Ah, oui, il avait fait quelque chose de mal : comme quoi, même un câlin d'un mec comme lui ça pouvait provoquer des sensations différentes que celles qu'on pense. « Ca me va même très bien. » Tenter de garder le masque. Il défit légèrement son étreinte, libérant ainsi la doctoresse, avant de se passer le pouce sur les poings – pas de soucis, de ce côté là, il n'y avait pas de soucis, elle avait fait son boulot, et ce de façon parfaite. Il lui adressa un petit sourire, et lui donna un petit coup dans l'épaule une fois qu'il se fut défait d'elle. Pour la remotiver un peu.

« Allez, dis toi que c'est fini dans quelques heures et tu pourras rentrer chez toi! » Il se laissa glisser de la table d'auscultation, reprenant toute sa hauteur et se redresser fièrement, bombant le torse en inspirant et s'étirant – bah, ça faisait quoi, une quinzaine de minutes qu'il était assis ? - puis il lança un coup d'oeil à Pandora. Ouaip', il avait touché quelque chose chez la légiste qu'il ne pensait pas qu'elle possède – aussi travailler comme une légiste, ça demande forcément d'être un peu chtarbé dans la tête, non ? Il s'humidifia les lèvres d'un coup de langue, avant de reprendre la parole.

« Merci pour les points, poulette. Prends soin de toi, d'accord? »

Un Tyson qui passe en mode papa poule, un ! Il lui adressa un regard qui se voulait compréhensif et un peu soucieux, avant de se diriger vers la porte. Ouais non, vu l'heure, il devait aller chercher Eileen à la garderie, rentrer, faire à manger et tout le patatras. C'était ça quand on avait des gosses : faire à manger, le bain, ranger, préparer pour le lendemain, etc. On ne s'en rend pas compte. Les vampires devaient être heureux de pouvoir choisir leurs 'enfants' une fois que ceux ci étaient adultes. Progéniture. Ouais, non. Mais Tyson était fier de sa gamine, sa jolie petite fille de 3 ans. C'était un peu sa bouffée d'oxygène dans un monde de dingue, non ?