Deux jours. Deux putains de jours qu'elle n'avait pas de nouvelles. Pandora stressait au point de s'en ronger tous les ongles, et de penser sérieusement à attaquer la première phalange. Elle n'était même plus capable de se concentrer sur son travail de médecin légiste. Elle avait pourtant expressément dit à Tyson de l'appeler tous les jours, peu importait l'heure. Et ça faisait deux jours que son portable ne sonnait pas. Avec un profond soupir, elle se laissa tomber sur son fauteuil, le regard fixé sur le cadavre qui trônait en bonne place sur la table d'autopsie. La moindre contrariété la mettait dans un état de stress absolument intense. Les hormones, paraît-il. Ouais. Depuis deux mois, elle pétait les plombs pour un rien et son flegme légendaire de bonne British en avait pris un coup à l'hôpital.

La raison ? Elle en était à deux mois de grossesse. Depuis cette nuit absolument incontrôlable qu'elle avait passée dans les bras de Tyson, une petite vie grandissait chaque jour un peu plus au creux de son ventre. C'était Kyle qui lui avait fait découvrir cet état de fait finalement normal. A ceci près qu'elle n'avait pas prévu de tomber enceinte alors que le père était possédé par elle ne savait combien d'esprits à cause d'elle. Et sans qu'il sache les sentiments qu'elle nourrissait à son égard, évidemment. Tout était devenu hors de contrôle. Et ça la frustrait, au point de la laisser en proie à de violentes crises de larmes qui l'abandonnaient souvent épuisée. Heureusement, les nausées avaient disparu – au profit d'une sensation de jambes lourdes absolument horrible et d'une poitrine qui ne cessait d'augmenter de volume et d'être extrêmement sensible, ce qui lui faisait mal, la plupart du temps. Mais Dora ne voulait pas avorter. Elle avait longtemps attendu cette occasion d'avoir un enfant, alors puisqu'elle se présentait...

Bref, sa grossesse toute neuve, l'état de santé d'Eileen – qui, s'il ne se dégradait pas, ne s'améliorait pas non plus – et le silence que gardait l'ancien soldat des Brooks lui foutait les nerfs en pelote. Mauvais.

Aussi prit-elle tout simplement sa journée – ses assistants s'occuperaient des autopsies à sa place. Elle fit un saut rapide par le vestiaire pour retirer sa blouse et récupérer ses affaires avant de se mettre au volant de sa voiture en respirant profondément pour se calmer. Manquerait plus qu'elle ait un accident et qu'elle perde son bébé, tiens. En portant instinctivement une main à son ventre encore plat, elle mit le contact et sortit du parking. Une quinzaine de minutes plus tard, elle se garait devant le domicile Hunter en tirant comme une forcenée sur le frein à main. En plus, elle perdait ses forces, magnifique.

La sorcière brune finit par sortir de sa voiture dont elle claqua la porte violemment pour se diriger à grands pas vers la porte de la maison. Ouverte. Ce simple fait lui mit la puce à l'oreille. Lentement, sans un bruit, elle se faufila à l'intérieur, prête à la moindre éventualité – et à faire usage de ses pouvoirs de nécromancienne s'il le fallait. Mais hormis le mobilier détruit, il n'y avait rien... Absolument rien. Des bris de verre qui crissaient sous ses bottines à talons, des lampes tordues, des coussins éventrés. Rien de plus. « Tyson ? » Pas de réponse. « Tyson, c'est Dora ! T'es où ? Je sais que t'es là, la porte est ouverte ! »

Qu'il ne lui soit rien arrivé, par pitié...

Dieu que la douleur était insupportable. Et le pire ? C'étaient les menaces de Shawn qui ne cessaient de revenir hanter Tyson. En plus des voix. Mais celles ci c'étaient tues, étrangement, comme pour renforcer le sentiment de solitude de Tyson. Il ne savait pas quoi faire.

Il était tombé au bas des escaliers qui menaient jusqu'au sous-sol, après que Shawn l'ait balancé par la fenêtre. Et, dans sa chute sur les marches en béton, il avait dû se briser quelque chose. Des côtes, probablement, mais il sentait aussi une douleur dans le bas de son dos. Qui l'avait empêché de bouger. Depuis deux jours qu'il était là. Il avait vu la nuit passer, puis le jour. Puis la nuit et maintenant c'était à nouveau le jour. Il avait sentit le sang sur sa chemise sécher, et alors qu'il avait tenté de bouger pour retrouver son téléphone, il s'était rendu compte que celui ci était tombé de sa poche et gisait à quelques mètres de lui, batterie éjectée de l'appareil. Donc, impossible de le joindre. Et impossible de bouger. Il n'y avait plus qu'à espérer que Pandora se décide de venir le voir.

Ou pas. Car Dieu sait si Shawn s'était caché quelque part dans la maison. Mais il était sûr et certain que le drug lord n'avait pas fait de chose semblable pour la simple et bonne raison d'autoriser Pandora de voir Tyson, de le soigner, de prendre peur, et une fois seulement, il viendrait s'occuper de Pandora.

Il entendit une voiture. Les yeux mi-clos, cependant, Tyson ne réagit pas. C'étaient probablement les voisins. Il avait mal au dos. Terriblement mal au dos. Et les échardes de verre et de bois qui s'étaient agrippées à sa peau empêchaient les plaies de se refermer. « Tyson ? »

La voix de Pandora. Ouvrant les yeux, mais l'effort demandant trop, il ne réagit pas plus. « Tyson, c'est Dora ! T'es où ? Je sais que t'es là, la porte est ouverte ! »

Oui, ben. Il ne pouvait rien faire ! Il se prit le bras, avant de tourner la tête vers les escaliers, en espérant qu'elle suive les bris de verre. Car ça se suivait tout ça. Les meubles pétés, explosés qui devaient gésir en haut. L'herbe aplatie là où Shawn l'avait fait rouler à coup de pieds dans le ventre et les côtes. Puis finalement, les escaliers en béton qui menaient au sous-sol.

Dieu qu'elle fasse le lien et qu'elle descende. Parce qu'il ne tiendrait pas, sinon. Il sentit ses paupières se refermer doucement. Respirant doucement, il se retint de s'autoriser à partir. Parce que si Pandora était là, il fallait qu'elle le retrouve. Qu'elle fasse quelque chose bordel. Ce qu'elle voulait. Mais n'importe quoi. Qu'elle le retrouve. Il n'avait pas la force de l'appeler. Il n'avait même pas la force de bouger. Ca faisait deux jours qu'il n'avait pas bougé à cause de la douleur. Certes, l'amour donne des ailes, mais bon, quand même... Il ne faut pas exagérer. Il se contenta d'attendre, les yeux mi-clos.

De toute façon, ça pouvait aussi être Shawn qui jouait des tours.. Oh ouais. C'était ça probablement. Pandora était probablement encore à l'hôpital. A s'occuper d'Eileen. Un mince sourire s'étira sur les lèvres de Tyson en songeant à sa fille. Le sourire disparut lorsqu'il déplaça sa jambe. Ca lui faisait mal de partout. Et c'était horrible.

Elle avait la désagréable impression que quelque chose lui échappait. Comme si quelque chose, dans le vaste chaos qu'était désormais la pièce à vivre, était l'indice qui lui manquait pour trouver l'endroit où se planquait Tyson. Ses yeux trop pâles balayèrent un moment la pièce, suivirent le tracé formé par la chute du verre et des meubles. C'était... comme un chemin ! Une véritable piste, à la façon de celle du Petit Poucet. Avec une certaine prudence, elle suivit le chemin indiqué. Mais plus elle avançait dans le désastre, plus elle avait peur de voir ce qu'elle pourrait trouver au bout. On s'était battu, ici. Clairement. Et si jamais... ? Non. Elle ne pouvait pas penser ça. Le visage désormais fermé à toute expression, elle se remit à avancer.

Souplement, elle passa dans un trou aménagé dans la porte fenêtre. Quelqu'un était passé au travers, elle espérait simplement que c'était l'adversaire de Tyson. L'herbe, aplatie sur un large périmètre. Tout autant de minuscules indications qui lui disaient qu'elle arrivait à son but. Encore une large bande d'herbe plate... Et la porte qui donnait au sous-sol. La volée d'escaliers en béton. Durs. Impitoyables pour qui y tombe. Son cœur rata un battement, se serre violemment et elle fut incapable de se retenir. Elle courut presque jusqu'aux escaliers, manquant de se tordre la cheville plus d'une fois dans sa précipitation. « Tyson ? »

Ses yeux s'habituèrent peu à peu à la pénombre. Et elle le discerna, là, au bas des escaliers. Entaillé de partout. Sa jambe formait un angle bizarre avec le reste de son corps, et elle eut un instant peur qu'il ne soit passé de l'autre côté. Lentement, les jambes tremblantes, elle descendit les marches qui menaient jusqu'à lui pour se laisser tomber à ses côtés et vérifier immédiatement son pouls, penchée sur son buste, l'oreille appuyée au niveau du cœur. La pulsation rassurante se fit entendre, certes faible mais toujours là. Une immense vague de soulagement la parcourut et elle ne put s'empêcher d'appuyer son front contre ses pectoraux. « Merci mon Dieu, oh bon sang... »

Il lui fallut quelques minutes pour se calmer. Elle inspira finalement un grand coup avant de se redresser pour s'emparer délicatement du visage de Tyson, posant ses petites mains menues sur ses joues rugueuses de barbe. Son front se colla au sien. Son souffle était encore là, il lui balayait le visage doucement, à la manière d'un petit vent de bord de mer. « Tyson. Ty', s'il te plaît, ouvre les yeux. C'est Dora... Regarde-moi. Ne t'endors pas, reste avec moi, tu veux bien ? » Elle parlait d'une voix douce, légèrement empressée tout de même. « Si tu ne te réveilles pas, tu sais ce que je vais te faire ? Je vais te botter les fesses. Adélaïde aussi. Et mes parents aussi. Surtout Adélaïde, tu sais comment elle est, non ? Allez, réveille-toi, il faut que je sache ce qui s'est passé pour te soigner... »

Mais surtout, elle voulait voir ses yeux bleus. Et entendre sa voix grave, même si ce n'était que quelques secondes. « Et j'ai des choses importantes à te dire. Deux, en fait. Alors debout, allez, on se lève monsieur le fainéant Hunter ! »

La pénombre. Si seulement quelqu'un pouvait allumer la lumière du sous-sol. Ne sachant plus trop comment tenir, Tyson laissa sa respiration ralentir. Ouais, non, c'était peut-être mieux comme ça. Kyle s'occuperait d'Eileen et de Pandora, il en était sûr et certain. Son grand frère était un parfait enculé, mais une fois qu'on lui donnait une responsabilité, il était pratiquement certain qu'il pouvait tenir le choc. Des bruits de pas. « Tyson ? » Ne réagissant plus, Tyson laissa ses pensées voler vers ses frères. Son père, aussi, et sa mère. Puis Eileen, et Pandora. Eric, Saphira. Siobhan aussi...

Puis, des bruits de pas, et une oreille collée contre son torse mis à nu par l'arrachage de sa chemise. Une oreille fraîche. Agréable. Et une main collée à son poignet pour prendre son pouls. « Merci mon Dieu, oh bon sang... » Et une voix. Celle de Pandora. Mais il ne voulait pas ouvrir les yeux. Il ne voulait pas. De peur de trouver un quelconque manège orchestré par Shawn. Il aurait dû savoir quelque chose de mieux que ça bon sang ! Il avait tué pour sa fille et sa femme, à l'époque. Mais. Franchement. Il ne voulait pas continuer.

« Tyson. Ty', s'il te plaît, ouvre les yeux. C'est Dora... Regarde-moi. Ne t'endors pas, reste avec moi, tu veux bien ? » Il sentit le front de la jeune femme contre le sien, mais ne réagit pas plus. C'était peut-être égoïste, mais il avait peur de se retrouver face à une horreur. « Si tu ne te réveilles pas, tu sais ce que je vais te faire ? Je vais te botter les fesses. Adélaïde aussi. Et mes parents aussi. Surtout Adélaïde, tu sais comment elle est, non ? Allez, réveille-toi, il faut que je sache ce qui s'est passé pour te soigner... » la pointe d'humour. C'était bien Dora ça. Mais il ne réagit pas plus. Adélaïde pouvait très bien rester calmement dans l'au delà... Oh. Il la rejoindrait peut-être, non ?

« Et j'ai des choses importantes à te dire. Deux, en fait. Alors debout, allez, on se lève monsieur le fainéant Hunter ! »

Serrant doucement ses doigts contre le poignet de Pandora, Tyson inspira profondément, mais il sentit la douleur le poignarder à l'intérieur de son corps – ouaip', ça devait être les côtes brisées ça, et il manqua de s'étouffer sous une quinte de toux, qu'il retint tant bien que mal. Il entre ouvrit les yeux, doucement, à moitié, pour apercevoir une silhouette floue. Mais c'était bel et bien Pandora.

Il déglutit avec difficulté – Dieu qu'il avait la bouche sèche. Aussi, deux jours sans boire et manger... Vous me direz si vous faîtes aussi bien que lui ! Mais il ne se sentait pas de parler. Il referma les yeux, avant de respirer et serrer encore sur le poignet de Pandora. Pour qu'elle ne parte pas. Mais il ne voyait pas pourquoi il devait répondre.

Il avait mal partout, et il avait probablement des os cassés – ENCORE. Entre les coups de poignard au bar dans une ruelle, du coma à l'hôpital, la possession... Décidément, Tyson était une personne hantée par les malheurs, hein ? Mais il ne voulait plus se lever. Pour affronter Pandora. Pour affronter Shawn.

Mais Shawn avait menacé Eileen. Et Pandora. Et il ne pouvait pas les laisser seules... Si ? Et Kyle alors. Il pouvait lui donner la responsabilité des filles... Oh oui. Bonne idée.

Ses doigts sur son poignet. Rassurants. Elle avait envie de hurler et de pleurer en même temps, de se laisser aller contre son torse, fermer les yeux et voir que ça n'avait été qu'un cauchemar, qu'elle s'était endormie contre lui, comme ça pouvait lui arriver quand elle passait la soirée chez lui. Mais c'était bel et bien la réalité, et elle devait absolument faire quelque chose avant de le perdre totalement. Elle arrivait presque à le sentir sombrer un peu plus profondément dans l'inconscience, mais ses doigts se resserrèrent autour de son poignet fin. « Je suis là, Ty'. Je suis là, t'en fais pas. »

Première chose à faire, l'hydratation. Les lèvres de l'homme étaient sèches et craquelées. Délicatement, elle se déplace pour pouvoir caler sa tête sur ses cuisses et sa main pas très loin, le bougeant toutefois le moins possible pour éviter de faire souffrir sa jambe et ses côtes inutilement. « Je vais m'occuper de toi. Je sais pas qui est l'immonde bâtard fils de pute connard aigri qui t'a fait ça, mais c'est pas joli. » Elle déchira un morceau à peu près propre de la chemise de Tyson, qu'elle avait récupérée avant de prendre son pouls. Ensuite, elle sortit une petite bouteille d'eau de son grand sac à main. Elle en a toujours une sur elle au cas-où, et elle remercie aujourd'hui cet heureux réflexe.

Bref, elle imbiba le tissu d'eau pour le passer doucement sur les lèvres de Tyson. Pour le moment il fallait l'empêcher de boire d'une traite, ça pourrait être néfaste pour son organisme. Alors elle se contentait de le réhydrater à petites touches, sur les lèvres, le front, le haut du torse, dans des gestes doux et tendres. Amoureux. « Là... Ca va mieux ? J'espère... Fais attention, maintenant, et bois très doucement. De toutes petites gorgées, c'est bien compris ? » Ce ne fut que quand il émit un drôle de borborygme qu'elle prit comme de l'acceptation qu'elle releva légèrement la tête du bodyguard de son bras gauche, la maintenant bien calée contre sa poitrine trop ronde maintenant, afin de porter la bouteille à ses lèvres. Et elle ne cessait pas de parler.

« Tu sais tu peux pas nous laisser. T'as pensé à Eileen ? Kyle l'aime beaucoup et réciproquement mais imagine sa tristesse si jamais son papa n'était plus là. Et ton ex pourrait parfaitement venir la récupérer. C'est ce que tu veux ? Non, hein, je parie que non. » Elle éloigne la bouteille et reprend son petit tamponnement avec son linge humide, parcourant cette fois tout son visage en gardant sa tête calée à la naissance de ses seins. Une façon très maternelle de le tenir contre elle. « Et moi... Moi non plus tu peux pas m'abandonner. Tu peux pas, t'as pas le droit parce que je suis complètement folle amoureuse de toi et qu'en plus je suis enceinte, tu te rappelles, c'était il y a deux mois je sais plus chez qui, on a fait l'amour, et je suis enceinte, alors tu peux pas me laisser toute seule avec le bébé c'est pas possible. On serait une famille tous les quatre avec Eileen... » Sa voix se meurt et elle baisse tristement la tête, la gorge serrée. Elle veut qu'il revienne de sa semi-inconscience. Maintenant.

« Je suis là, Ty'. Je suis là, t'en fais pas. » Desserrant légèrement ses doigts du poignet de la jeune femme, Tyson se laissa aller doucement. Elle bougeait, mais il ne savait pas trop pourquoi. « Je vais m'occuper de toi. Je sais pas qui est l'immonde bâtard fils de pute connard aigri qui t'a fait ça, mais c'est pas joli. » Il aurait répondu 'Shawn', mais il avait peur de lui faire peur. Parce que si elle apprenait que Shawn se trouvait à Shreveport... Ca allait être un fichu bordel et même plus que ça. Un joyeux bordel.

Puis il sentit doucement du tissu humide sur ses lèvres. Inspirant petit à petit, il se sentit un peu revigoré. L'humidité le pénétrait par divers endroits, où Pandora passait le tissu humide. « Là... Ca va mieux ? J'espère... Fais attention, maintenant, et bois très doucement. De toutes petites gorgées, c'est bien compris ? » Il sentit sa tête se soulever pendant qu'elle le calait contre ses seins. Il ne réagit pas plus. Pendant qu'elle portait sa bouteille aux lèvres légèrement moins sèches du garde du corps, il parvint à déglutir doucement. Délicatement. Pas trop, car elle maîtrisait le flot d'eau qui s'écoulait du goulot. Si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait tout bu d'une traite, mais elle ne l'autorisait pas à le faire. « Tu sais tu peux pas nous laisser. T'as pensé à Eileen ? Kyle l'aime beaucoup et réciproquement mais imagine sa tristesse si jamais son papa n'était plus là. Et ton ex pourrait parfaitement venir la récupérer. C'est ce que tu veux ? Non, hein, je parie que non. »

Daisy. Rien que mentionner Daisy manqua de l'étouffer alors qu'il recrachait l'eau qu'il avait dans la bouche. Il se concentra pour reprendre sa respiration. Si jamais Daisy s'approchait à moins de deux kilomètres d'Eileen, il la dévorerait vivante. Ou il la choperait et il la donnerait à Eric pour qu'Eric la bouffe aussi sec. Bâtarde. Fille de joie. Pute. Daisy... Et pourtant, c'était Daisy quoi. Il l'avait aimée. Comme il aimait Pandora maintenant. Mais il avait cessé de porter le collier avec la plaquette militaire sur laquelle était gravée leur date de mariage.

« Et moi... Moi non plus tu peux pas m'abandonner. Tu peux pas, t'as pas le droit parce que je suis complètement folle amoureuse de toi et qu'en plus je suis enceinte, tu te rappelles, c'était il y a deux mois je sais plus chez qui, on a fait l'amour, et je suis enceinte, alors tu peux pas me laisser toute seule avec le bébé c'est pas possible. On serait une famille tous les quatre avec Eileen... »

Ce crispant, Tyson se força à ouvrir les yeux pour observer la jeune femme qui le tenait contre lui comme une mère tient son enfant. Enceinte ? De.. lui ? Un petit sourire s'esquissa sur ses lèvres pendant qu'il levait doucement la main pour lui caresser la joue.

« Tous les quatre... » Puis il referma les yeux. Il fit la grimace en descendant sa main jusqu'aux côtes, pour tâter la peau. Au simple contact de ses doigts, il sentit la douleur s'allumer dans ses côtes. Ouaip', cassées. Mais il avait plus peur pour sa jambe, car il la sentait pliée dans une position bizarre. Il ne voulait pas bouger. Il était bien. Contre Pandora.

Il se crispe contre elle et elle ne peut pas s'empêcher de regretter ses paroles. Déjà, son cœur se serre à l'éventualité d'un rejet auquel elle s'était refusé de penser jusque là. Mais non. Tyson lève la main pour caresser sa joue doucement, et Pandora ne peut pas s'empêcher de pencher la tête pour mieux se caler au creux de sa paume. Dieu qu'elle aime ses mains. Ses paupières sont à peine ouvertes mais elle discerne l'éclat bleu de ses iris, et le sourire qu'il a aux lèvres suffit à la réconforter pleinement quant à leur avenir commun. « Tous les quatre... » Elle esquisse un petit sourire un peu piteux mais hoche la tête. Tout se déroule comme dans une sorte de rêve qu'elle n'a pas envie de quitter. Elle est là, assise dans son dos, lui dans une position semi-assise, la tête sur sa poitrine. Elle a l'impression d'être dans un petit cocon. Rien qu'à eux.

Mais la réalité les rattrape bien vite. Tyson grimace en portant une main à ses côtes blessées et la sorcière brune se mordille la lèvre avant de le replacer en position allongée, le plus délicatement possible. « J'ai une mallette médicale dans le coffre. Je reviens tout de suite, promis. Évite de te tripoter, tu as des éclats de verre un peu partout dans la peau et j'ai pas envie que ça soit plus dégueulasse que maintenant, d'accord ? » Deux jours entiers, blessé comme ça... Elle frôle ses lèvres du bout des doigts mais n'ose pas venir l'embrasser. Ses joues sont roses quand elle se relève pour remonter dans le jardin et rejoindre sa voiture. C'est parfois étrange comme les pires situations peuvent amener les meilleures choses.

Une dizaine de minutes plus tard, elle est de retour au côté du bodyguard, les mains gantés et une seringue pleine d'anesthésiant dans les doigts. Elle vérifie le dosage, donne une petite poussée au piston pour dégager l'air de l'aiguille, puis enfonce cette dernière entre les côtes de l'homme, juste au milieu de la large marbrure qui bleuit sa peau. Elle ne prend pas garde au sifflement de douleur qu'elle entend. C'est nécessaire. La deuxième seringue est destinée à sa jambe brisée. « Quand le produit aura fait effet, je vais te mettre une attelle à la jambe. C'est le tibia qui a lâché, il faudra remettre ça en place et je vais en profiter pour voir si la cassure est nette ou s'il te faudra une intervention chirurgicale. Dans tous les cas, il faut qu'on remonte. En attendant que ça agisse... »

Elle tire une pince à épiler, du coton et du désinfectant à quatre-vingt-dix degrés, afin de nettoyer et panser les plaies provoquées par le verre et le bois. « Je te donnerai un antibiotique quand j'aurai tout enlevé, pour éviter une septicémie. On n'est à l'abri de rien. Certaines plaies devront sûrement être recousues, aussi, mais je suppose que tu me fais confiance à ce niveau... » Elle a un léger sourire. Une hésitation et elle se penche pour poser un baiser furtif sur ses lèvres, timide, un peu tremblant aussi.

« J'ai une mallette médicale dans le coffre. Je reviens tout de suite, promis. Évite de te tripoter, tu as des éclats de verre un peu partout dans la peau et j'ai pas envie que ça soit plus dégueulasse que maintenant, d'accord ? »

Eviter de se tripoter. Tyson ne parvint pas à s'empêcher de vouloir ricaner, mais il n'y parvint pas. Cependant, même s'il le voulait il n'y parviendrait pas, ça lui faisait trop mal de partout. Incapable de bouger. Lorsque Pandora s'éclipsa, il referma les yeux. Ca faisait quoi, deux jours qu'il était là ? Il trouvait ça marrant quand même que Shawn n'ait pas appelé l'hôpital pour au moins prévenir qu'ils trouveraient un mec mal en point, pour au moins être certain de pouvoir continuer de jouer avec lui. C'était vrai quoi, il aurait pu mourir, Tyson, comme ça. Mais bon. Il ne compta pas les secondes, écouta simplement les bruits qui venaient du lotissement. Étrange que personne n'ait réagi, de voir la fenêtre brisée... Mais bon, c'était comme ça. Avec les vampires, on pouvait penser que tout était possible. Mais pas qu'il soit encore là, à gésir au sous-sol. Tant pis. Hein ? Tant pis ouais.

Tyson songea à ce qu'avait dit Pandora. Il allait être papa. Encore une fois. Mais il ne savait pas pourquoi, ça le rendait heureux. Il s'imaginait un petit garçon. Un petit garçon pour aller avec Eileen. Un petit frère. Un joli petit.. Et des bruits de pas. Rouvrant les yeux pour s'assurer que c'était Pandora, il les referma une fois certain de l'identité de la jeune femme.

Puis il l'entendit s'accroupir, et, conservant les yeux fermés, il l'entendit faire quelque chose. Il sentit ensuite une piqûre à niveau de ses côtes et il émit un gémissement en ouvrant les yeux pour être certain que ça n'était pas une blague. Puis, il la sentit toucher sa jambe et il gémit un peu plus fort cette fois ci. Et une piqûre encore une fois.

« Quand le produit aura fait effet, je vais te mettre une attelle à la jambe. C'est le tibia qui a lâché, il faudra remettre ça en place et je vais en profiter pour voir si la cassure est nette ou s'il te faudra une intervention chirurgicale. Dans tous les cas, il faut qu'on remonte. En attendant que ça agisse... »

Gardant les yeux ouverts, il regarda la pince à épiler, et l'alcool. Puis il laissa sa tête retomber sur le par terre en béton, en inspirant profondément. « Je te donnerai un antibiotique quand j'aurai tout enlevé, pour éviter une septicémie. On n'est à l'abri de rien. Certaines plaies devront sûrement être recousues, aussi, mais je suppose que tu me fais confiance à ce niveau... »

Ouais, elle l'avait déjà recousu à plusieurs reprises aux urgences. Puis, il l'entendit se rapprocher et il sentit les lèvres de la belle se poser sur les siennes. Puis il ouvrit les yeux, avant d'attendre qu'elle finisse. S'il se connaissait bien, il allait probablement avoir des trucs de brisés là dessous la peau... Probablement un tibia cassé. Ou pas. Peu importe de toute façon. Pandora est là.

Une demi-heure. Le produit prend environ une demi-heure pour agir. Pandora prend le temps de réfléchir un instant. Trente minutes, ça risque de faire court pour parvenir à tout enlever, mieux vaut se concentrer sur les plaies les plus importantes pour le moment. Elle se met rapidement au travail, le plus délicatement possible pour éviter que les blessures soient encore plus moches qu'elles ne le sont déjà. Elle ne sait pas qui a fait ce boulot – pas encore, tout du moins – mais c'est vraiment pas joli à voir. Pourtant, elle en a vu, des sales blessures. Fractures ouvertes, crânes fracassés, plaies béantes généralement salement infectées. C'est le lot quotidien d'un médecin légiste. Mais là, c'est différent – son patient n'est pas n'importe quel patient. C'est Tyson. Merde.

Cinq, peut-être dix minutes passent dans un silence tout relatif, brisé simplement par le bruit du verre ou du bois qui tombe dans une petite coupelle en aluminium et celui de l'alcool qu'on verse régulièrement sur des cotons. « J'ai vu Eileen, ce matin... » Dora considère ce sujet précis de conversation comme nécessaire. Peut-être pour le rassurer un minimum. « Elle est stable. Sa fièvre a fini par tomber mais elle a toujours du mal à respirer... Et personne n'a encore trouvé ce qui l'empoisonne. » Elle aurait aimé pouvoir lui donner de meilleures nouvelles, mais elle n'a pas le choix. Elle déteste donner de faux espoirs aux gens. On la considère parfois trop franche ; elle déteste juste voir la lueur d'espoir s'éteindre dans les yeux des proches. C'est toujours difficile.

La demi-heure est passée, un nombre impressionnant de débris divers a été retiré de la peau de Tyson et déjà, la sorcière s'affaire autour de sa jambe. Elle a tiré une paire de ciseaux de sa mallette et découpe soigneusement le jean de l'homme, jusqu'à la hanche. La peau est d'un violet presque noir, boursouflée, mais la fracture est simple. Pas d'ouverture. Le plus délicatement possible, elle s'empare du mollet de Tyson pour passer ses doigts le long de l'os qu'elle sent nettement sous la chair, remonte jusqu'à l'endroit de la fracture et replace le tout d'un coup sec, en se mordant l'intérieur de la joue. « Voilà... Tu peux me passer l'attelle ? » En deux ou trois gestes précis, elle immobilise entièrement la jambe du bodyguard en serrant les sangles, puis se redresse et caresse tendrement sa joue. « Il va falloir remonter, maintenant, tant que l'anesthésiant fait encore effet. »

Lentement, elle l'aide à se relever puis à grimper les marches qui mènent à la porte. Tranquillement, difficilement aussi puisque Tyson ne peut se servir que d'une seule jambe. Elle l'aide comme elle peut avec son poids plume et sa petite taille, un bras passé autour de son buste. Ils ne tardent pas à atteindre le salon ; la brunette remet les coussins du canapé le plus correctement possible afin qu'il puisse s'y installer et lui tend un verre d'eau bien rempli. « Par contre, si tu veux que je finisse mon boulot... Il va falloir que tu te déshabilles. » Elle n'a pu, pour le moment, dégager les éclats qui étaient logés principalement sur ses bras, ses mains et quelques-uns sur son ventre, assez grands pour dépasser du tissu. Pour le reste, elle n'a aucune idée de l'étendue des dégâts. Pour le moment.