drink your heart out and say a hallelujah

Il fallait absolument rester calme. La journée allait bientôt se terminer, et il pourrait enfin quitter le paysage rouge et noir qu’offrait le bar. Il ne fallait surtout pas s’énerver et amener les ennuis à la maison. Parce que, non seulement il allait falloir prendre la voiture et aller jusqu’à la garderie chercher Eileen, mais il allait aussi falloir passer faire les course avec la petite et ensuite jouer avec elle jusqu’à ce qu’il fasse nuit, puis se coucher. Allez, la journée est presque finie, il ne faut pas s’énerver. Et pourtant, le spectacle qui s’offrait à Tyson avait absolument TOUT pour l’énerver au plus haut point. En règle générale, il n’avait rien contre les personnes complètement beurrées qui se présentaient au bar et qui demandaient encore de quoi s’enfoncer dans l’alcool, mais ce spectacle était juste dégoûtant et, même plus que ça, c’était désolant. C’était vrai, il faisait tout pour essayer de rajuster la jeune fille sur les bons rails, et tout ce qu’elle trouvait à faire, c’était se mettre la pire raclée de la vie et de venir le montrer au Fangtasia. Se passant la main sur le visage, trop sidéré par la scène qui se déroulait devant ses yeux, Tyson passa la porte qui lui offrait l’extérieur du bar et respira un grand coup. Reste calme, Tyson. C’est pas le moment de t’énerver. Peut-être qu’elle a ses raisons, songea-t-il. Mais il ne l’avait jamais réellement vue comme ça, et leur histoire remontait pourtant à très loin. Plus loin que n’importe qui, ici, à Shreveport. Ce n’était plus une question d’amitié ou pas, Tyson considérait Saphira comme une sorte de petite sœur, et la voir dans un pareil état l’envoyait au bord de la crise de nerf.

C’était vrai, la journée n’avait pas été facile : toute la matinée il avait dû renvoyer bouler des idiots qui voulaient entrer dans le bar en plein jour et aller voir des cercueils, il avait dû s’occuper d’une adolescente venue chercher des aventures sensuelles et la renvoyer à la maison – il avait carrément appelé le taxi pour elle, afin qu’il vienne la chercher sur place et la ramène chez elle, et il avait payé le trajet pour s’assurer qu’elle finisse dans de bonnes mains. Et, en plus, même si la journée avait été plus terrible qu’à l’habitude, c’était parce qu’il y avait eu des épisodes dans la rue la nuit précédente, et, du coup, Eileen s’était réveillée en pleurant parce qu’elle avait fait un cauchemar. Ce qui avait coûté la majeure partie de sa nuit à Tyson. Alors, déjà à l’arrivée au boulot au lever du soleil, il était d’un mauvais poil. Maintenant, cette scène grotesque qui s’offrait à lui. Il inspira longuement pour se calmer et s’appuya au mur, en regardant ses pieds. Puis, il finit par tirer son téléphone de la poche et, au lieu d’envoyer un message ou appeler quelqu’un, se suffit de regarder la bouille de sa fillette qui lui servait de fond d’écran. Puis il déglutit, rangea l’appareil dans la poche, rajusta son t-shirt – il avait enlevé la veste, il n’était plus vraiment de service, c’était le crépuscule – il revint à l’intérieur et croisa les bras. Il lança un coup d’œil circulaire à la pièce, ils n’étaient pas seuls. Et pourquoi est-ce que ceci revenait à lui, maintenant là tout de suite ? Il n’était plus de service et il voulait rentrer, retrouver sa gamine et s’assurer qu’elle n’avait pas pensé à son cauchemar plus que ça. Il n’avait pas la patience pour jouer ou pour s’occuper de Saphira maintenant, alors pourquoi est-ce que personne d’autre ne le faisait ?

Il passa à nouveau la main sur le visage, puis dans la nuque, en regardant le sol. Bon, allez, il faut faire quelque chose. Alors, il s’approcha de la jeune fille – à peine majeure et déjà dans un état pareil ! – et lui attrapa le bras, serrant assez pour la pincer, histoire d’avoir toute son attention. C’était vrai quoi, il ne voulait pas qu’elle se défasse de sa poigne. Et il la tira un peu à l’écart, histoire de pouvoir lui parler, mais dans un début de soirée comme ça, les clients ne faisaient que commencer à arriver, et il y avait assez d’yeux et d’oreilles de toute façon. Ca l’exaspérait de voir Saphira comme ça. Alors il fronça les sourcils et ne lâcha son bras qu’une fois qu’il était sûr qu’elle ne retournerait pas en plein milieu du bar en valsant à moitié équilibrée sur ses pieds.

« Qu’est-ce que t’as pris encore, Saphira ? » Pas de ‘est-ce que ça va’ ou de ‘non mais t’as pas honte’. Il n’était pas le père de la gamine. Il était carrément pas de son sang ! Mais c’était elle qui avait été là pour lui quand il était enfermé derrière les barreaux et qu’il était en prison. Alors il se devait bien d’être là pour elle aujourd’hui non ? Même si ça le faisait un peu chier au moment présent, parce que tout ce qu’il voulait c’était rentrer chez lui et tenir sa fille dans ses bras. C’est une chose que les vampires comprenaient pas ou plus, la sensation d’avoir un petit cœur dans les bras, d’être responsable. Ou il n’en savait rien, Tyson. C’était juste qu’il voulait sa fille, et il savait qu’elle devait probablement être en train de demander à la dame à la garderie où il était. Ca ne l’étonnerait pas que son téléphone vibrasse dans les minutes à venir. Il était censé être parti du bar il y avait déjà dix minutes. Mais non, il restait parce que Saphira avait encore fait une bêtise, et il avait bien envie de lui balancer une gifle à travers le visage, mais il ne le ferait pas.

Il était fatigué, il voulait sa fille et voulait simplement rentrer. Mais Saphira était un peu trop précieuse à ses yeux pour qu’il lui ferme la porte au nez – c’était d’ailleurs pour ça qu’il n’était pas parti lorsqu’il était sorti prendre l’air. Il pourrait demander à l’un des autres employés de prendre soin de Saphira, mais il ne le faisait pas. Peut-être qu’après tout, il la considérait vraiment comme une petite sœur. Mais, au moment présent, elle l’avait déçu. Profondément déçu, et ça se lisait clair comme de l’eau de roche dans son regard. C’était pas à une fille comme elle qu’il voulait confier sa fille. Il lui faisait confiance avec la vie de sa gamine, et il la voyait comme ça au bar. C’était quoi cette histoire encore, hein ?

Mais quelle journée de merde! Entre son patron qui avait réclamé des faveurs pour lui avoir fait décrocher une apparition dans une soirée ridiculement minable par le fondateur de Play Boy, le suicide de son voisin du haut et tout l’amalgame d’une existence pathétique comme la sienne, Sugar ne savait plus pour quelle maux se plaindre. Ajoutez à cela qu’elle venait de consommer sa dernière goute de vi la veille et que depuis, son corps tremblait et la torturait de toute part, privé de son addiction, vraiment, rien de plus minable. C’était une partie d’elle qu’elle acceptait et répugnait à la fois, cette dépendance, ce besoin constant de ne pas être totalement lucide pour accepter sa réalité, elle en était venue à se considérer comme une loque accro, rien de plus, et tout espoir de rédemption avait depuis longtemps quitté notre brunette. C’est probablement la raison pour laquelle, ce soir là, au lieu de rester chez elle à se taper la déprime du siècle, tremblante et misérable, elle avait décidé de fouiller dans sa table de chevet à la recherche d’un petit flacon de poudre blanche. Saphira, sur la coke? Oh et puis… rien ne nous surprendrait, de toute façon, elle en était à des drogues beaucoup plus dangereuse que la ligne blanche qu’elle désirait plus que tout…Mais décidément, ce n’était pas sa journée, elle avait beau fouiller, rien, pas une seule trace de drogue quelconque. On l’aurait cru sobre! Impossible. Sur les nerfs, et ressentant tous les effets du manque, elle c’était trainée vers sa salle de bain, en quête de maquillage pour fixer son look, d’une bonne douche et d’une tenue soignée bien que révélatrice. Une heure plus tard, elle attrapait son sac et sortait de chez elle.

Normalement, elle n’aurait eu aucun scrupule à errer dans les rues à la recherche d’un vendeur minable, de payer le paquet et de savourer la première drogue qui lui tomberait sous la main… Mais visiblement, pas ce soir. Elle avait besoin de plus qu’un truc de mauvaise qualité… Et c’est dans cette optique qu’elle décida enfin, d’aller prendre un verre au bar de vampire. Le plan? Elle n’en savait rien, mais son état était tel qu’elle envisageait sérieusement de s’en prendre à un suceur de sang et d’aller chercher le précieux vi à la source… Enfin, elle n’était pas suicidaire non plus. Accrochant son plus beau sourire – avec son décolleté plongeant, elle n’eut aucun mal à franchir la porte, de toute façon il était encore tôt et outre quelques alcooliques habitués, elle aurait la paix. Bien déterminée à se changer les idées et à lutter contre ces horribles tremblement qui la reprenaient si elle ne se concentrait pas assez pour les arrêter, elle faillit ne pas remarquer le blondinet, assis au bar, bien occupé à se tracer une ligne de poudre blanche sur le comptoir. *0* Bah la voilà sa chance… Bon ça ne serait probablement pas aussi libérateur que le vi mais… en cas de panique et de manque, tout ferait l’affaire. Tirant son air le plus charmeur, elle contourna le junky, laissant une main glisser sur son épaule et, des plus aguicheuses, extirpa un billet de sa poche qu’elle roula en lui tendant. Amitié entre deux addict? On y croit!

▬ Hey… c’est ça que tu cherches?

Tendant le billet roulé au blondinet qui avait relevé un regard de défoncé vers celui de notre brunette, tout aussi dépendante, elle lui avait tiré son plus beau sourire, prenant place juste à côté de lui, histoire qu’il ait une vue intéressant dans son décolleté. Vue dont il profita d’ailleurs, au plus grand dégout de notre demoiselle. Les hommes, tous pareils, tous des chiens, vous pourriez leur faire faire n’importe quoi avec un peu de motivation… D’ailleurs, il lui avait fallu quelques secondes mais lorsque finalement, il sembla remarquer à qui il avait l’occasion de parler, un sourire apparu sur ses traits et il hocha la tête, traçant sans qu’elle ait à le demander une seconde ligne. Comme quoi son statut de star du porno avait ses avantages…

▬ Les femmes d’abord.
▬ Hmmm, c’est trop gallant.

Son ton avait été faussement doux et elle avait incline la tête vers le comptoir, s’offrant cette ligne de poudre avec plaisir en une respiration… C’était une vraie libération de ne plus sentir tous ses muscles, de sentir la substance envahir son corps. Il y a des faux, ceux qui tentent pour le plaisir… et ceux comme notre brunette qui ne peuvent pas s’en passer… Et en ce moment, dans ce bar remplis de suceurs de sang et de loser, elle ne c’était jamais senti aussi bien. Le dégoût qu’elle pouvait avoir pour son fournisseur du moment c’était évaporé, la douleur dans ses muscles, tout… Rien d’autre que l’euphorie causée par la drogue. Laissant le blondinet emprunter son billet et faire de même, elle c’était tourné vers le barman qui n’avait même pas sourcillé – il avait l’habitude, et commanda quelques shooters. Elle n’avait pas particulièrement l’intention de boire à la base… mais maintenant, c’était différent, tout pour continuer son « trip ». Elle en était à saisir le second shooter lorsqu’une voix masculine s’éleva et la fit se retourner. Génial : Tyson.

▬ Ce que j’ai pris? J’en sais rien… pourquoi, tu voudrais que je partages peut-être…. Hmmm… j’veux bien, t’as toujours été mon genre!

Elle, en mode flirt pour cause d’être défoncée et potentiellement bourrée? Exactement. Elle s’était levée du tabouret, passant une main sur l’épaule du blond qui de toute façon ne lui accordait plus grande importance, en solitaire avec sa propre boisson, et avant marché maladroitement vers le dorrman. Avec des talons pareils et l’esprit embrouillé, c’était un exploit juste de tenir debout de toute façon. Et poser une main sur le torse du géant avec un sourire de prédatrice? Probablement pas une bonne idée quand on surveille sa gamine à l’occasion et qu’il est un peu le père qu’on a jamais eu… Mais en ce moment, ça n’avait pas d’importance, pour la simple et bonne raison que malgré toute la quantité de substance dans ses veines, ce sentiment de honte, de méprisable dégoût qu’elle pouvait avoir envers elle-même était bien trop présent. Tyson… probablement la seule personne qu’elle espérait ne jamais décevoir, ne jamais être elle-même, aussi lamentable et pathétique devant lui… Et sur le coup, se sentant pathétique, elle se drapa dans sa fierté, lui tirant son plus beau sourire avant d’aller tirer le blond par le bras.

▬ On partait justement. J’sais pas… j’ai pas spécialement envie de m’envoyer en l’air ici. Alors bonne soirée Hunter.

… Et trainer un crétin dont tu ignores le nom vers la sortie? Un moindre mal pour ne pas avoir à subir le regard accusateur du géant.

Ce qu’elle avait l’air pathétique. On aurait dit qu’elle avait ramassé son estime de soi à la louche par terre en se réveillant il y avait quelques heures et qu’elle avait tenté de cacher son désarroi par des couches de maquillage successives. Elle ressemblait à une pute – et il n’y avait pas d’autre mot. Tyson en avait fréquenté, de ces putes, et voir la petite Saphira dans un attirail pareil, ça le mettait un peu hors de lui. Mais il fallait se conserver et rester calme. Sachant qu’il avait de gros problèmes de maîtrise de sa colère – il prenait des anger management class dès qu’il en avait le temps, il valait mieux souffler un bon coup là maintenant tout de suite. Alors, quand la jeune fille se tira du bar pour venir coller sa main sur le torse de notre bonhomme, ce dernier fronça les sourcils et secoua la tête, déçu de l’attitude de la petite. Elle puait l’alcool, probablement à cause des shooters qu’elle venait de se taper. Il n’entendit qu’à moitié ce qu’elle lui affirma, avant qu’elle ne se retire et aille prendre le bras du blond pour l’attirer avec elle vers la sortie. C’était vraiment un spectacle… pathétique. Certain du fait que, si il n’avait pas été un proche de la jeune fille, elle n’aurait pas réagi comme ça, Tyson laissa ses bras tomber le long de son corps et balança un coup d’œil au barman, comme pour trouver du support moral, mais ledit barman resta de marbre. Ouais, donc en gros il était dans sa merde tout seul. Alors, du coup, il envoya sa veste par-dessus son épaule et suivit Saphira vers l’extérieur, avant de choper le blondinet par le col de la veste et le tirer vers lui. Il voulait causer à Saphira en seul à seul, et le blond pouvait retourner à l’intérieur se noyer dans l’alcool, il en avait rien à foutre. « Dégage. » Un mot prononcé d’une voix caverneuse, ce fut suffisant pour envoyer le petit crétin à l’intérieur, vite, courir dans les jupons de son alcool adoré. En plus, les yeux du gamin étaient complètement pétés – ouais, il avait dû prendre un truc pas clair. En espérant qu’il ait pas proposé ce même truc à Saphira. Parce que si jamais elle avait consommé un truc idiot ou dangereux, Tyson ne la laisserait plus jamais approcher d’Eileen.

« J’ai pas fini avec toi, Saphira. » fit-il, en revenant vers Saphira et la toisant de toute sa hauteur. Elle était minable, et lui, il voulait simplement lui donner sa veste pour la recouvrir un minimum, la forcer à aller dans la voiture, la ramener chez lui et lui filer une douche ou un bain, puis hop, au lit. Parce que vu l’état dans lequel elle était, il n’y avait pas vraiment de dialogue : il s’adresserait à un mur s’il tentait sa chance. Il montra cependant la porte du doigt comme pour désigner le blond qu’il venait de renvoyer à l’intérieur. « Tu m’expliques ce que tu FOUS avec un mec comme lui ? Et même, ce que tu FOUS ici, au Fangtasia ? » C’était même pas une question posée avec calme, grâce et candeur. Il l’avait pratiquement rugi et il était franchement énervé. Fatigué, ouais, mais là, ça dépassait la fatigue en fait. Puis même. Elle avait quoi, dix huit piges ? Et elle était dans un bar pour les vampires ? ‘fin, il savait pas trop Tyson, mais c’était pas le genre de trucs qu’il imaginait qu’elle faisait – et encore, il savait à peine le nom de la fillette, sans même savoir qu’elle faisait d’autres trucs honteux. Alors, le fait qu’il la prenne sur le fait, étant bourrée et complètement high sur quelque chose d’inconnu, ça le faisait démarrer. S’il apprenait qu’elle donnait son corps au 7e art au gré de gémissements et d’orgasmes, il y aurait intérêt à l’enfermer dans une cage. Sinon il lui arracherait les yeux. Ou pas. Il la renierait probablement simplement, en refusant de lui ouvrir la porte de la maison et refusant de la reconnaître. Ouais. C’est ça. Il reprit néanmoins la parole.

« Tu te rends compte de ce que t’es en train de TE faire ? » demanda-t-il, accusateur en la montrant du doigt, elle, toute dépravée et toute shootée. Puis il jugea bon d’ajouter encore une accusation : « Ce que t’es en train de ME faire ? » Il fronça les sourcils. Quitte à la prendre par les sentiments. « Quand je pense que j’laisse un truc comme toi garder ma fille ! » Il fit un quart de tour sur lui-même en se massant l’espace entre les sourcils de l’index et du pouce, tout en fermant les yeux. Puis il lui tourna le dos en secouant la tête, avant de se retourner à nouveau pour faire face à la jeune fille. « Allez, viens, j’te ramène chez moi. Je te laisse pas ici une seconde de plus. » Il avait dit ça d’une voix autoritaire, mais bon, vu l’état de la jeune fille, ça l’étonnerait qu’elle accepte. Une chose qu’il ne voulait surtout pas, c’était une course poursuite sur le parking qui durerait probablement deux minutes, le temps que Saphira se casse la gueule. Et, Dieu sait qu’il faisait des efforts pour pas exploser.

Celui qui avait souligné que la vie était fait de haut et de bas n’avait certainement jamais rencontré Saphira, parce qu’à sa connaissance, sa vie n’avait été qu’une lamentable et pénible chute vers les enfers. À croire que chaque jour qui passait ne serait qu’à lui prouver que sombrer sans arrêt était une possibilité tout à faire crédible comme mode de vie. C’est d’ailleurs au plus bas qu’elle c’était retrouvée au Fangtasia, complètement shooté, volontaire à offrir son corps au plus offrant – lire ici un immonde blondinet qui avait eu la gentillesse de lui filer une ligne de coke. Misérable? Certes. Mais elle n’en était plus à une addiction près, bien loin des minables consommateurs de drogue qui tentent encore les trucs doux, elle était tellement shootée de façon permanente qu’elle ne pouvait tout simplement pas fonctionner sans une dose massive de substances douteuses dans son organisme… Sinon c’était les tremblements, la réalité, et plus que tout, plus que la douleur vive du manque, venait cette tragique réalisation que son univers était minable. Et ça, elle ne pouvait s’y résigner. Ce n’est donc une surprise pour personne que, complètement défoncée et en prime, sur l’alcool ce soir là, elle ait eu l’air d’une loque humaine. Le truc surprenant, c’est le fait qu’un homme ait cru bon de la suivre vers l’extérieur, d’arrêter sa connerie… de la prendre sous son aile. Elle aurait du être reconnaissante que Tyson ait un intérêt assez poussé pour elle au point de la sortir de ses propres conneries…seulement, sur le moment, il l’énervait. Comme toute personne tentant de l’aider.

Elle ne voulait pas de sa morale, de sa protection quasi-paternelle… elle ne voulait pas qu’il prenne soin d’elle. Un père, elle n’en avait jamais eu, quelqu’un pour la rattraper quand elle sombrait non plus, alors pas question qu’il joue se rôle. Il avait une importance tellement élevée dans son monde, que le simple fait de voir la déception, le dégoût dans son regard la blessait. Elle n’avait pas l’habitude de s’attacher, de se soucier de l’opinion des autres… mais être aussi misérable face à quelqu’un que vous souhaitez impressionner, c’est chiant. Alors qu’elle allait prendre la fuite, il l’avait retenue par le bras « J’ai pas fini avec toi, Saphira. » Roulant les yeux comme une adolescente en pleine crise existentielle, elle avait tout bonnement haussé les épaules dans l’indifférence la plus totale. Elle n’allait quand même pas lui dire merci de la priver d’une soirée merdique et en plus, d’attendre à ce qu’elle réalise sa chance! Oh que non. Une Sugar blessée est une Sugar agressive, une vraie tigresse. Finalement, outre la transformation, elle devait avoir reçu les caractéristiques de son clan.

▬ Malheureusement. T’as vraiment rien à faire!

Elle avait dégagé son bras, la mine défiante. Ok elle aurait pu être une fille modèle et le suivre sans protester…mais ça n’avait jamais été une de ses capacités, la fermer et obéir. Pour la peine, elle laissa le géant de muscle piquer sa crise comme un bon père de famille. « Tu m’expliques ce que tu FOUS avec un mec comme lui ? Et même, ce que tu FOUS ici, au Fangtasia ? » … Sur le coup, les substances dans son corps la poussèrent à se marrer toute seule de sa mise en garde. Elle s’imaginait la réaction qu’il aurait quand sa gamine aurait un petit ami la première fois, un vrai dément! Et après c’était elle qui n’avait pas toute sa tête. Le petit rire étouffé plus tard, elle relevait un regard brillant de défi et de moquerie vers lui. S’il y avait une chose dont elle avait horreur, notre brunette, c’était bien de se faire dire quoi faire! Ça n’était pas arrivé de toute son enfance, elle avait prit un boulot où elle avait bien peut d’ordre outre écartes les cuisses et gémit, et elle comptait rester maître du peu de vie qu’elle contrôlait encore. Une main sur la hanche, le ton tout aussi défiant, elle lui balança un :

▬ J’étais pas au courant que j’te devais des explications sur ma vie, et encore moins que t’avais un droit de véto sur les types pour lesquels j’écartes les cuisses…

T’es obligée d’être vulgaire? Oui, totalement, parce qu’elle n’avait jamais appris à mâcher ses mots non plus. Saphira et diplômatie, ça fait pas deux, ça fait même dix! Elle en était en pleine confrontation quand le géant de muscle osa ouvrir la bouche pour la poignarder comme personne ne l’avait jamais fait. « Tu te rends compte de ce que t’es en train de TE faire ?! Ce que t’es en train de ME faire ? Quand je pense que j’laisse un truc comme toi garder ma fille ! » …Chaque mots s’enfonçait en elle pire qu’une lame, elle avait même écarquillé les yeux, incrédule qu’il OSE lui balancer un truc pareil au visage. Un truc comme elle? Aux dernières nouvelles, elle avait toujours pris soin de la gamine, elle l’avait surveillé de façon super responsable, la petite n’avait jamais eu la moindre blessure et elle l’adorait comme une grande sœur… Et il se permettait de la dénigrer sur la seule chose au monde qu’elle faisait comme il faut?! Elle aurait eu envie de pleurer, de prendre la fuite… mais voilà, sa main était partie avant qu’elle ne le réalise et elle lui avait mit la claque du siècle, le fixait de ce regard furieux, brisé, cet air qui signifiait clairement qu’il venait de bousiller un truc en elle, de démolir le dernier brin d’espoir qu’elle avait pu avoir d’être importante, de ne pas décevoir quelqu’un… Préférait l’agression aux larmes, elle lui avait lancé au visage :

▬ Non mais tu vas la fermer la gueule?! Ta fille a l’habitude des « trucs comme moi » j’te signale, elle a quand même bien enduré une mère défoncée au vi pendant des mois parce que son père ô combien exemplaire croupissait en taule! Alors ta morale à la con, tu peux te la mettre bien profondément dans le c*l !!

Elle c’était dégagée quand il avait tenté de l’attirer vers la bagnole. « Allez, viens, j’te ramène chez moi. Je te laisse pas ici une seconde de plus. » Son regard noisette était brutal, furieux, et brillant de larmes retenues. La dernière place où elle voulait aller, c’était avec lui, chez lui. Pas après ce qu’il venait de lui dire. Pas après ce qu’il avait insinué…

▬ J’tai pas demandé de me sortir de là okay?! J’ai pas besoin de toi! Et encore mois si t’es juste là pour me dire que j’suis une moins que rien. J’te hais!

Et partir à courir malgré ses faculté affaiblies? Du vrai Saphira ça!

Il y avait des limites aux choses que l'on pouvait envoyer à la tête des autres. Il y avait des limites aux choses qu'on pouvait dire, qu'on pouvait survivre. Peut-être que Tyson y était allé un peu fort, car lorsqu'il sentit la main de la jeune fille s'abattre sur sa joue, ce ne fut pas la douleur digne d'un fouet qui le frappa réellement, c'était plutôt le fait que Saphira ait osé elle même lever la main sur lui. Il porta sa main libre à la joue et se massa l'endroit où la main avait claqué, et il fixa Saphira qui lui renvoyait sa propre dose de poison. Elle venait de lui recracher exactement la même chose que lui venait de faire : elle venait de lui rappeler son passé et ses origines de taulard et d'ancien dealer de drogue, et, ce faisant, il avait réussi à le faire culpabiliser sur ce qu'il venait de lui dire en la traitant de « truc comme elle ». Il laissa sa main retomber, et se triturer une main dans l'autre. Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire ? Hein ? Il la regarda. Elle était cassée en mille morceaux, lui était crevé, et il n'avait pas envie de se battre avec elle. Sauf, qu'elle ne lui laissa pas le choix lorsqu'elle prit la fuite sur ses escarpins de plusieurs centimètres de haut. Il ne pouvait pas la laisser partir comme ça, si ?!

Alors il la suivit, s'élançant de lui-même, mais, à vrai dire, la course poursuite ne dura pas si longtemps que ça, puisqu'il la rattrapa au bout de quelques centaines de mètres. Une fois qu'il lui avait attrapé le bras et arrêtée, il la força contre son torse, l'enfermant de ses bras d'ours, ne lui laissant pas le choix. S'il y avait bien une personne à Shreveport que Tyson ne voulait pas perdre, c'était bien Saphira, car la petite Saphira avait été celle à réussir à briser le mariage de Tyson et lui donner la garde d'Eileen, c'était la petite Saphira qui avait un peu l'élément déclencheur de son bonheur. Alors, il l'enferma, dans un câlin qu'elle ne voulait probablement pas, il ne lui laissa pas le choix. Puis, une fois qu'elle se devait d'avoir le visage enfoncé contre son torse chaud après la course, il se permit de prendre la parole. « T'as besoin de moi autant que j'ai besoin de toi, Saphira. » Il releva le visage et défit légèrement sa poigne de fer, et posa son pouce sous le menton de la demoiselle. Il la força à relever le regard. Il ne voulait pas savoir ce qu'elle avait dans l'organisme, il se doutait que ce n'était pas que de l'alcool. Puis il soupira et défit entièrement sa poigne, laissant enfin la liberté de mouvement à la jeune adolescente. Il reprit la parole.

« Tu te crois assez forte pour t'en sortir, mais une fois que ce que tu as dans le sang sera dissipé, tu iras où demander l'asile ? J't'en prie, Saphira, écoute moi et laisse-moi au moins m'occuper de toi ce soir. Je veux pas te laisser quand t'es comme ça. » Il était réellement désolé de ce qu'il avait dit, et il savait qu'il avait autant raison qu'elle, à propos de leurs états respectifs. Peut-être qu'il voulait simplement faire la paix avec elle, là, maintenant tout de suite. Il ne laissa pas vraiment de toute lorsqu'il rajouta ceci : « S'il te plaît. Je suis désolé pour tout à l'heure. » Voilà, l'excuse était sortie d'elle même, sans qu'elle ne soit prévue, ce qui signifiait qu'elle devait obligatoirement venir du fond du cœur, non ? Il étendit les bras comme pour montrer que ce qu'il disait était bien véritable et avéré. Il était réellement désolé de l'avoir traitée comme ça. Et lui de même, se trouvait désolé envers sa fille. Oui, il avait fait de la prison, oui, il n'était peut-être pas le papa parfait, mais au moins, il essayait de faire du mieux qu'il le pouvait pour permettre à la petite de grandir hors des catacombes ou de la misère, en prenant un métier dangereux – garder des vampires n'était jamais facile – et en acceptant tout ce qui venait avec. Si lui avait tiré un trait sur le passé qui l'avait hanté jusqu'à récemment, Saphira ne pouvait-elle pas le faire à son tour ? Il voulait bien lui servir de guide, le temps qu'elle trouve son propre chemin. Mais, dans l'immédiat, tout ce qu'il voulait, c'était la ramener chez lui pour lui faire un thé ou un chocolat, lui filer une serviette pour qu'elle prenne une douche, lui prêter quelques un de ses vêtements et lui prêter une chambre dans la maison qu'il louait.

De toute façon, dans son esprit, c'était clair et net : à moins d'une intervention extérieure, il ne la laisserait pas partir seule ce soir. Peut-être qu'elle s'en sortirait sans problèmes, peut-être qu'elle passerait la nuit jusqu'à l'aube, peut-être même qu'elle aurait une illumination, mais là, franchement, il ne voulait pas prendre ce risque. Elle était bien trop importante à ses yeux. Et, comme elle l'avait dit, Eileen la préférait à bien d'autres filles que Tyson employait comme babysitters, alors, il lui devait au moins de lui offrir une demeure, le temps qu'elle se remette de ses émotions. Il était persuadé que c'était la substance qui la maîtrisait qui avait parlé, et non pas la vraie Saphira.

« J't'en supplie, Saphira. Viens avec moi. » Cette fois, il insista du fond du cœur. Et, d'une façon, il montra également qu'il n'était pas prêt à la laisser partir, donc elle pouvait aussi bien s'habituer à l'idée qu'elle allait passer la soirée chez lui. Il la porterait en sac à patate sur les épaules s'il le fallait.

Il y a des gens qui encaissent mieux que d’autres certaines choses, certaines vérités… certaines insultes, et bien Saphira ne faisait pas partie de cette catégorie. Elle avait si longtemps bâti une armure de force, d’indépendance et de solitude autour d’elle qu’elle préférait prendre les nerfs, montrer les crocs et oublier avoir une seule seconde était attaché à quelqu’un qui pouvait lui faire un reproche. Elle n’était pas non plus de la catégorie qui pardonne… et surtout pas à quelqu’un qu’elle tenait en respect. Tyson avait toujours eu cette image paternelle pour elle, c’était le mec qui aurait pu faire ce qu’il voulait d’elle, parce qu’elle avait été assez stupide pour lui tourner autour… et pourtant, il avait accessoirement été ce type qui lui avait fait remarqué combien elle était jeune et naïve, la première personne à ne pas profiter d’elle… alors qu’il lui démontre aussi ouvertement la honte qu’elle lui inspirait, ça faisait mal. Pas une douleur genre un inconnu qui vous insulte non… c’était la gêne de lui déplaire, le dégoût qu’elle s’inspirait de ne pas être assez bien pour remplir ses espoirs pour elle… Et ça, c’était pire que tout, la dernière chose qu’elle voulait endurer à vrai dire. C’est pour cette raison qu’elle avait pris la fuite, souhaitant qu’il abdique son monologue sur la minable existence qu’elle menait, qu’il la laisserait tout bonnement livrée à elle-même…Mais ça, c’était sans compter sa tête de mule au moins aussi pire que notre brunette. Avant qu’elle n’ait eu le temps d’aller bien loin, il l’avait rattrapé, l’avait attiré contre son torse…

Nous ne mentirons pas, elle avait quelque part eut besoin de se contact et c’est probablement pourquoi elle ne s’était pas tout de suite débattu. Peut-être qu’elle était inconsciemment venue là ce soir précisément pour qu’il la secoue, pour qu’il lui remontre le bon chemin… pour qu’il l’aide, comme une gamine qui voulait un peu d’attention… C’était ridicule, elle n’avait jamais eu de père ou de famille avant, alors pourquoi espérer que cette armoire à glace puisse la guider? Il était loin d’être le type le plus brillant de pureté… sans parler qu’elle lui avait aussi lancé au visage des mots qu’elle regrettait. Elle avait dégluti péniblement alors qu’il la lâchait un peu, relevant son minois à elle, vers le sien, ce visage tellement grave qu’elle avait appris à apprécier…Et pour lui dire quoi? Qu’il avait besoin d’elle… et qu’elle avait besoin de lui. Il n’avait pas tord, non… seulement, elle était tellement fière qu’elle ne l’avouerait pour rien au monde. Plutôt mourir seule que de lui dire que oui, elle avait besoin de lui!

▬ T’as raison sur un point, un seul, parce que moi, j’ai pas du tout besoin de toi! J’me débrouille très bien toute seule, très très bien! Et tu veux savoir comment hein? Non parce que t’as quand même marié une danseuse…

… Tu veux creuser ta tombe Saphira? Qui sait…Elle c’était hissé sur la pointe des pieds, un sourire aux coins des lèvres alors qu’elle lui chuchotait la terrible vérité. Un test? Oui probablement, comme si elle voulait savoir à quel point elle pouvait lui faire honte sans qu’il l’abandonne :

▬ J’écartes les cuisses et j’laisse des tarés filmer…

Et comme si c’était totalement normal d’admettre qu’elle était actrice dans des films pour adultes, elle avait chassé des mèches brunes derrière son oreille, c’était reculé de lui et l’avait observé encaisser le coup… Le truc, avec les gens trop bons, c’est qu’ils s’imaginaient toujours qu’elle était capable de s’en sortir, que ce n’était que temporaire, qu’elle jouait avec les drogues… mais non, en réalité, elle était défoncée chaque seconde de sa vie, une vraie junky, elle était normale AVEC des substances dans les veines et malgré toute la volonté qu’elle aurait pu avoir un jour, elle ne s’en sortirait pas sans une bonne désintox. Et ça encore… il faudrait qu’elle le veuille. Hors de question. Elle pris une moue moqueuse quand le géant lui dit qu’elle n’avait nulle part où aller, que ça irait mieux quand elle aurait décuvé..

Décuver… la dernière chose qu’elle voulait, c’était reprendre contact avec la réalité merdique, c’était de se retrouver face à ce qui se passait, comprendre cette vie qu’elle avait, elle préférait encore être shootée, totalement inconsciente des conneries qu’elle faisait et un brin heureuse. Parce que sans drogue, elle ne pourrait pas sourire, elle ne serait même pas fonctionnelle… Et puis, elle venait probablement de piétiner le moindre morceau d’affection que cet homme avait pu avoir pour elle…À sa place, elle aussi, elle ne la laisserait pas approcher sa gamine. Au fond, ils étaient tous tellement mieux sans elle… Toujours sur le défensive, elle s’était exclamé :

▬ Quand j’suis comment Ty’? Défoncée, seule? Non parce que, j’suis comme ça tous les jours de l’année depuis des années!.

Elle soupira alors qu’il lui demandait encore de le suivre…Chez lui, sa maison parfaite, sa gamine… non, ça c’était trop pour elle. Ce soir, elle voulait son lit, son chez elle, et juste dormir sans s’éveiller…

▬ J’men fiche… je… j’veux juste rentrer chez moi ok?

Elle avait relevé son minois vers lui, comme pour le supplier de la laisser partir par elle-même… et puis, de toute façon, elle allait protester, mordre, se débattre s’il la forçait à le suivre…non?

Peut-être, qu'au plus profond de lui, Tyson n'avait pas voulu de dispute avec Saphira de peur qu'elle lui avoue un secret terrible, ou même qu'elle lui dise trop de méchancetés. Quand elle ouvrit la bouche pour lui répondre. Quand elle se rapprocha de lui en se mettant sur la pointe des pieds. Quand elle chuchota...

Ca fit l'effet d'une bombe. Il lâcha tout quand il entendit la phrase de Saphira. Ca dépassait toutes ses pires craintes. Qu'elle soit une junky – d'accord, il n'y avait qu'elle pour s'en rendre compte et qu'elle pour s'aider à en sortir. Mais ce qu'elle venait de lui dire, avec un regard aussi certain qu'une femme mûre et adulte. Elle venait de lui dire, droit dans les yeux, une chose qu'elle lui avait caché depuis le début. Une chose. Elle vendait son corps, mais pas dans le genre prostituée. Elle vendait son corps pour les yeux des autres. Tyson se recula légèrement, incrédule. C'était une blague, c'est ça ? Elle avait dit ça juste pour le provoquer. Il ne prononça pas un seul mot. Il porta la main à la bouche, comme si ça allait l'aider à accepter le fait que Saphira, la gentille petite Saphira perdue qu'il aimait tant, la Saphira qui l'avait aidé dans son divorce et qui s'occupait d'Eileen, qu'Eileen adorait... Que Saphira avait laissé des pervers la filmer pendant qu'elle … Ce fut trop pour Tyson. Il se retourna. Au moment même où elle lui avoua être shootée depuis plusieurs années. C'était peut-être trop en une fois : c'était irresponsable de la part de la petite, et tout en lui criait de lui foutre une gifle monumentale. Elle l'avait giflé. Physiquement. Mais là, c'était pire. C'était une gifle, une désillusion. Il se recula d'un pas, puis se tourna vers elle. Puis, elle lui demanda de la laisser rentrer chez elle. Tyson ne savait pas quoi dire, pas quoi faire. Il fallait qu'il dise quoi ? Elle venait de le poignarder, pratiquement. Il lui avait fait confiance. Il lui avait donné un toit, parfois, l'avait même payée des fois où elle gardait Eileen. Lui avait fait à manger ou avait été la chercher des soirs où elle se trouvait à un endroit trop loin de chez elle pour rentrer à pied. Il avait le numéro de Saphira dans son téléphone, au cas où elle disparaisse trop longtemps. Et, pendant tout ce temps... Elle avait fait des films pornographiques ? Dans son dos. Il baissa le regard, blessé par l'aveu de la jeune fille. C'était trop. Il était fatigué aussi, il ne voulait qu'une chose, rentrer chez lui. Il soupira. Puis il prit enfin la parole.

« Je... D'accord. » Il une pause, en regardant le vide devant lui, réfléchissant. Il était perdu. Complètement perdu. Qu'est ce qu'il allait faire ? Soudain, il n'eut plus envie de s'occuper d'elle. Elle avait l'air de s'en sortir très bien sans lui. Elle était si forte, si grande, si mature, qu'elle avait trouvé un boulot suffisamment honnête pour se payer les fins de mois. Il revint sur terre et posant sur elle son regard. Mais un regard encore distant. Tout dans sa tête tournait, de toute façon. Tous les souvenirs : cette fois là, quand elle est rentrée dans cet état là, est-ce que... ? Et l'autre fois, quand elle n'a pas répondu sur le téléphone, c'était aussi pour... ? Il ne voulait même plus essayer. Il reprit la parole, les yeux dirigés vers Saphira, sans réellement la voir. « Je m'en fiche. »

Puis, une pause encore, et, se reculant, il se retourna, lui tourna le dos et baissa le visage, en commençant à marcher vers le parking du Fangtasia, pour récupérer sa voiture. « Fais comme tu veux, Saphira. » Il suivit les pavés, donna un léger coup dans un caillou, avant de reprendre la parole. « Tu es assez grande pour t'en sortir toute seule. »

Il rajusta le col de sa veste. Fourrant les mains dans les poches. Il trifouilla les clés, vérifia qu'il avait son téléphone sur lui. Le regard baissé, le regard vide. Qu'est ce qu'il voulait faire, qu'est-ce qu'il devait faire ? Est-ce qu'il devait dire à Eileen que Saphira ne viendrait plus à la maison la garder ? Qu'ils ne regarderaient plus la télévision en mangeant une pizza, tous les trois, ensemble ? Que ça ne serait plus le moment d'aller se coucher quand c'était Saphira qui le disait ? Bordel, il devait faire quoi ? Une chose est sûre, il ne se retourna même pas pour lancer un regard à Saphira. Ce qu'elle lui avait dit, en ne clignant même pas des yeux, avait fait aussi mal que n'importe quelle blessure par arme ou par le poing que Tyson n'avait jamais reçu. Ça lui faisait presque aussi mal que la déchirure amoureuse avec son ex-femme avait provoquée en son sein. Presque. Il se sentait bête, de n'avoir jamais remarqué. Il y avait dû y avoir des signes, bon sang ! Il se sentait stupide, bête. Trompé. Peut-être que c'était le moment de se séparer. Peut-être que c'était le moment de la laisser voler de ses propres ailes. Mais quelles ailes ? Elle était shootée, il était une heure du matin, elle venait de lui dire que son seul salaire c'était celui qu'elle obtenait en écartant les cuisses pour des tarés, elle l'avait dit elle même de cette façon... C'était dur. Très dur. Trop dur, peut-être. Tyson songea à ce qu'il allait faire en rentrant. Il irait dans la chambre d'Eileen, la prendrait de son lit comme une princesse, et l'amènerait dans sa chambre. Il dormirait avec elle, la regarderait dormir jusqu'à ce que la fatigue ne gagne. Et sinon, il ferait nuit blanche. Tant pis. Sur le moment, la sûreté et la stabilité de voir sa fillette dormir semblaient les seules choses capables de le calmer.

Cependant, lorsqu'il passa l'arrière du Fangtasia, il ne put s'empêcher de renverser les poubelles dans un geste de frustration rageuse. Le bruit résonna le long du bâtiment. Qu'est-ce qu'il se sentait con, franchement.

TOPIC TERMINÉ

Terminons là mon cher, avec Halloween on va être débordé à remettre l'ambiance et ça nous fera un beau topic de réconcilliation plus tard, on pourrait tourner un truc autour de ta fille. =.= sinon je vais pas gérer tous mes topics <3 Te quiero!